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Tellement de choses s’étaient passées ces derniers temps que le jeune maître n’avait tout simplement pas eu le temps de souffler et, à peine commençait-il à replonger dans sa routine martiale, qu’on le mobilisait une fois encore pour prendre part à une autre bataille qui devrait le couvrir de gloire et de renommée. Le colosse pouvait aisément comprendre l’attrait des jeunes éléments de l’Ordre à participer à chacun de ces conflits, c’était l’occasion pour eux de se forger un nom et de prouver à leurs maîtres qu’ils valaient bien plus qu’il n’y paraissait. Qui ne voulait pas qu’on se souvienne de lui ? Qui n’appréciait pas que les gens s’arrêtent et se retourne en le voyant dans la rue ? Qui ne voulait pas que son nom traverse les siècles avec une ferveur que le temps ne saurait altérer ? Pour avoir été jeune lui-même il n’y avait pas si longtemps que cela, le maître d’armes comprenait que ses jeunes élèves soient si pressés de participer à des opérations de grande envergure autant pour se faire un nom que pour faire ce qui était juste…et parfois l’un prenait le pas sur l’autre.

Mais avec le temps le colosse avait eu plus que son compte de conflit, de mort et d’impuissance, il avait été contraint plus d’une fois d’agir en opposition au code jedi, il avait fait violence quand ce n’était pas toujours nécessaire et avait ressenti la frustration et la culpabilité qui s’en suivaient. Oh bien sûr le temps n’avait en rien altéré son esprit inébranlable, il se battait toujours avec la même détermination que celle qui animait son corps dans sa prime jeunesse. Peut-être était-il devenu un peu plus cynique pour chaque blessure supplémentaire venant enlaidir son corps déjà suffisamment marqué, ou peut-être avait-il simplement réussi à voir le monde sous son vrai visage et que cette vision avait sapé tous ses désirs de grandeur et de reconnaissance.
Bien entendu le fait d’être reconnu par certains soldats était toujours plaisant, surtout quand il s’agissait de ceux qui avaient risqué leurs vies avec lui sur Aargau, ceux-là avaient une place spéciale dans son cœur, mais ce n’était plus quelque chose qu’il cherchait désespérément. Certains comparaient cela à la recherche amoureuse : elle arrivait quand on la cherchait le moins. Peut-être était-ce vrai ou, plus simplement, peut-être avait-il enfin compris que la voie d’un jedi ne consistait pas en une constante recherche de l’approbation d’autrui. Il faisait ce qui était juste parce que c’était ce qui était attendu des gens de son Ordre, il n’était pas un soldat en quête d’une brillante carrière et encore moins un politicien cherchant à plaire au plus grand nombre.

Mais récemment, avec tout ce qu’il s’était passé, le jeune maître avait vu les épreuves et sa routine martiale s’écraser sur ses épaules et les faire s’affaisser avec une violence non dissimulée. Était-il arrivé à son point de non-retour ? Son corps lui disait-il enfin de lever sèchement le pied au risque de ne plus jamais pouvoir aligner un pied devant l’autre ? Au début c’était bien ce qu’il crut, il crut être trop fatigué et devoir se plonger dans des méditations régulières pour retrouver un semblant de forme, mais à son retour de sa dernière bataille spatiale il lui fallut quelque jours pour se rendre compte qu’il était dans l’erreur.
Son corps et son esprit n’étaient pas à bout de souffle, non, ils étaient simplement ennuyés et à la recherche d’autres aventures qui sauraient les stimuler et faire en sorte que Lorn se sente vivant de nouveau. Depuis combien de temps ne s’était-il pas senti pleinement vivant, autrement qu’en partageant une nuit d’amour torride avec sa nymphe à la crinière de feu ? Trop longtemps pour qu’il s’en souvienne, pour faire simple même les combats répétés ne parvenaient plus à le stimuler autant qu’avant…comme s’il était lassé et n’avait plus gout à grand-chose.

Il savait que c’était là les premiers signes de quelqu’un en train de se laisser dépérir, il savait qu’il devait faire quelque chose avant de ne plus pouvoir sortir la tête hors de l’eau : il devait agir avant que la lassitude ne l’écrase à même le sol ! Fort heureusement la Force sembla entendre son appel à l’aide car, quelques jours plus tard, il fut assigné à une mission bien particulière et ne tarda pas à proposer à sa compagne de toujours de se joindre à lui.
Sur une planète lointaine, une planète guerrière, bon nombre de disparitions avaient été notées et les autorités craignaient que ces disparus n’aient été enrôlés pour servir d’hommes de mains pour quelques illustres crapules de cette galaxie, certaines de ces immondes limaces qui donnaient des nausées au maître d’armes. Il s’agissait avant tout d’une enquête qui nécessiterait un poil de diplomatie ce qui justifiait la présence de cette belle demoiselle, mais quid de Lorn ? Ce fut vers lui qu’on se tourna en premier pour cette mission car la planète concernée n’était que Panatha, la planète de son peuple sur laquelle il n’avait jamais mis les pieds.

A planète épicanthix, jedi épicanthix. C’était ça l’idée, sans doute. En vérité le jeune maître ne comprit pas vraiment l’intérêt de sa nomination à cette mission car cette planète n’avait jamais été son foyer et n’avait donc aucune planète particulière dans son cœur, ce n’était qu’une mission comme une autre au final.
Vêtu de sa bure jedi grisâtre et de son manteau dans les tons sombres, comme d’habitude, un petit sac avec quelques affaires négligemment porté sur son épaule droite, le jeune maître se dirigea vers le petit vaisseau qui était censé mener le dup jusqu’à ladite planète. Ce fut le pilote qui accueillit le colosse et, à son approche, se tendit raide comme un bâton avant de déclarer :


« Nous arriverons sur Panatha dans quelques jours, maître Vocklan. Nous vous avertirons quand nous serons en vue de la planète. »

Acquiesçant d’un discret hochement de tête tout en pénétrant dans le vaisseau, Lorn se contenta d’un simple :


« Merci. J’aimerais que personne ne me dérange pendant la durée du trajet. »

À quand remontait la dernière fois où il avait remercié un pilote, ou qui que ce soit ? Pas la peine de se le demander, il ne trouverait nulle réponse. Pivotant à droite pour ouvrir la porte des quartiers qui étaient assignées au duo, une chambre de taille raisonnable, le jeune maître laissa tomber négligemment son sac par terre et s’affala sur le lit, sur le dos. Croisant les deux mains derrière sa tête pour créer un oreiller de substitution, il ne lui fallut que quelques instants pour sentir le vaisseau gagner en puissant pour finalement décoller en direction de la planète cible.

La tête relevée, ses prunelles azur braquées sur le froid plafond de cette pièce, un seul mot sortit de la bouche du maître sans que celui-ci n’en prenne conscience :
« Panatha... »

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Les honneurs avaient été rendus. Il était temps à présent pour les jedis de retourner à leurs tâches habituelles, loin des caméras et des ors de la République. Pour certains, cela revenait à reprendre leur place au sein du Temple en enseignant aux nouvelles générations de padawans leur savoir. Pour d’autres, à accepter des missions qui les mèneraient encore aux confins de la galaxie. Entre les sédentaires affirmés qui ne quittaient que très rarement Ondéron, et maintenant Coruscant, puis les voyageurs infatigables qui avaient passé la moitié de leur existence dans des vaisseaux, qu’y avait-il de commun ? A première vue, la réponse était évidente : pas grand-chose. Pourtant, en creusant, la convergence venait aisément : tous se battaient avec leurs armes pour l’Ordre jedi et la lumière qu’il prodiguait. Et il n’y avait pas de médailles pour ceux qui vouaient leur vie à la formation d’autrui ou se débattaient pour extirper de la fange putride des innocents.

Alyria n’avait jamais eu tellement de préférence entre l’un et l’autre. Comme un certain nombre de ses pairs, elle était un juste milieu au milieu de deux visions de ce que devait être le devoir d’un jedi. Il était amusant de constater à quel point un Ordre réputé si fermé était capable de produire des divergences sur à peu près tous les sujets possibles et imaginables, quoique souvent plutôt binaires. Entre les partisans de ci, de ça… Il y aurait eu de quoi remplir un compendium entier sur les diverses opinions pouvant être représentées chez les jedis, finalement. Entre ceux qui refusaient absolument la guerre, ceux qui l’envisageaient avec le concours de la République, ceux qui la voulaient même sans cette dernière… Oh, et ceux qui se considéraient comme en dehors de cette dernière, ceux qui voulaient la servir sans s’en mêler, ceux qui voulaient fortifier les liens.. Sans compter bien sûr, les débats entre partisans d’un assouplissement total sur certaines règles dont le célibat, ceux préférant ouvrir prudemment la porte à quelques couples considérés comme sûrs et ceux s’y refusant… Vraiment, on trouvait tout et rien, et les uns pouvaient dire blanc sur un sujet et noir sur un autre. Certes, cette profusion faisait toute la richesse de la confrérie… Et aussi sa plus grande faiblesse, car comment accorder des points de vue tellement opposés ? Alors, souvent, les plus conservateurs restaient dans les Temples, les aventuriers partaient au loin, dans la Bordure, et les amateurs de politiques restaient près du Noyau. Elle-même avait vécu les trois configurations, peut-être trop.

Déjà, juste à son retour, elle avait senti que la réadaptation serait difficile. Après Makem Te, la gardienne avait imaginé en reprenant contact avec les padawans qu’avec le temps, peut-être que le souvenir de son expérience de Chancelière s’affadirait. Mais nul doute que cette cérémonie par celle qui lui avait succédé ne ferait que raviver pour un temps les tensions et les non-dits. Alors, comme beaucoup avant elle, la trentenaire avait fait savoir qu’elle était disponible pour être envoyée au loin, dans la Bordure. Et Maître Vandreen, ce vieux mentor et ami, comprenant ses raisons sans qu’elle n’ait besoin de les lui expliquer, avait simplement acquiescé, disant qu’il ne quitterait pas Ondéron de toute manière et qu’elle était libre de proposer son sabre à l’Ordre. Et il lui avait parlé de ce que certains de ses contacts dans l’armée républicaine : que Borenga ne cherche déjà à se reconstituer une armée après sa défaite sur la Perlemienne. Aussi, quand des infos étaient arrivées pour demander de l’aide à propos de disparitions sur Panatha, cette planète connue comme le foyer des guerriers épicanthix, l’alien n’avait pas hésité à faire le lien et à recommander Alyria pour une place au sein de la mission jedi envoyée sur place. Avec un sourire étrange, il avait aussi ajouté que son partenaire serait Lorn, et un bref instant, la maîtresse d’armes se demanda s’il n’avait pas deviné, si elle ne devait pas lui dire. Puis le maître du Conseil avait ajouté qu’il comptait sur elle pour veiller sur son compagnon, exprimant une certaine inquiétude à son égard. D’après lui, le colosse semblait… ailleurs. Il n’arrivait pas à mettre le doigt dessus, mais leurs échanges de routine en tant que coordinateur des maîtres d’armes semblaient lui avoir mis la puce à l’oreille.

C’eut été mentir de prétendre qu’elle-même n’avait pas ressenti une gêne similaire. Non pas que Lorn ait réellement changé en sa présence, mais depuis leur duel sur le croiseur contre la Main de l’Impératrice et son apprenti, elle avait l’impression de pouvoir deviner ses moindres penses, comme si la connexion que la nature leur refusait se faisait désormais à travers la Force, à un niveau métaphysique qu’elle parvenait difficilement à comprendre. Pourtant, elle l’avait senti clairement, ce lien indestructible. Certes, en raison de leur amitié ancienne, profonde, il y avait toujours eu une sorte de communion entre eux grâce à l’entité mystique, aisément perceptible par leur entourage, qui n’avait fait que se renforcer avec le temps, puis la transformation de leur affection en sentiments romantiques. Mais là, c’était à un autre niveau, avec la même intensité qu’un lien entre un padawan et son maître dans les cas où certains duos atteignaient une réelle osmose. Et c’était autant vertigineux qu’étrange… voir un peu inquiétant quand elle sentait qu’il semblait manquer cette flamme habituelle dans les yeux de son amant.

Alors, oui, il était toujours aussi attentif à elle quand ils se retrouvaient seuls tous deux, témoignant alors de cette passion charnelle qui pouvait les animer dans l’intimité de l’alcôve. Sauf qu’Alyria ne voulait pas être la seule raison de cette envie de vivre, parce que cela ne ferait que l’entraîner sur la pente que tous deux avaient refusé depuis longtemps. Néanmoins, elle comprenait qu’après avoir touché les sommets, ou tout simplement exploré à fond un élément, la lassitude vienne. Elle-même n’avait plus le même goût pour les débats théoriques qu’auparavant, estimant avoir largement eu sa part au Sénat. Parfois, il fallait savoir accepter de vouloir trouver d’autres centres d’intérêt, ou bien savoir ranimer la flamme de ses vieilles passions.

Par conséquent, la demi-echanie avait acquiescé aux paroles de Maître Vandreen avant de lui promettre qu’elle veillerait sur Lorn, puis avait simplement attendu qu’il ne l’appelle, sur les conseils de son mentor. Ce qu’il avait fait, et voilà pourquoi elle se retrouvait à finir de rassembler quelques affaires dans une besace qu’elle finit par glisser sur son épaule. Elle était fin prête. Sortant du Temple de Coruscant, elle se dirigea vers le point de rendez-vous au spatioport, préférant la marche dans les rues bondées de la planétopole à un trajet en speeder. Au fond, ce moment de solitude lui faisait du bien, avant de s’enfermer pendant plusieurs jours dans une navette. Surtout qu’elle appréciait ces brefs instants où elle se retrouvait seule avec ses pensées, libre de prendre son temps, de débattre avec elle-même des questionnements la taraudant, voir tout simplement d’en profiter pour observer la masse qui se pressait partout sur Coruscant, pour ne pas oublier que c’était pour ces gens qu’elle se battait, et que ces derniers n’en avaient finalement aucune connaissance. Savaient-ils, tous ces braves citoyens pressés, que des gamins risquaient leur vie dès l’adolescence pour leur permettre de mener la leur sans crainte ? Non. Ou alors, si peu, et avec tellement d’arrières-pensées négatives à leur encontre. Etait-ce décourageant ? Oui, surtout pour les plus jeunes. Puis en vieillissant, les jedis apprenaient à prendre ce désintérêt avec philosophie, certains prônant l’immuabilité des choses, d’autres expliquant qu’il fallait aider les gens et montrer l’exemple pour améliorer leur image. Les deux avis se valaient. Encore une fois, il n’y avait pas de bonne ou de mauvaise idée, simplement des courants de pensée s’affrontant. On en revenait toujours à cela, finalement non ?

Une fois dans le spatioport, elle se dirigea vers l’aire où l’attendait leur transport et s’y engouffra avant de demander :

« Maître Vocklan est-il déjà arrivé ? »

« Oui, il est dans votre cabine. Il a demandé à ne pas être dérangé. »

« Bien… Attendez… Notre cabine ? Vous n’avez pas réservé des quartiers séparés ? »

Non parce qu’elle doutait fortement que le bureau administratif de l’Ordre n’y ait pas pensé quand même ! Enfin, ou alors, il y avait vraiment un léger problème. Cependant, le fard que piqua le pilote lui appris qu’apparemment, le pauvre homme venait de se rendre compte du léger malaise …

« Euh… Je crois qu’au moment de faire la réservation, le bureau républicain a compris que deux maîtres… hum, vous voyez… il n’a pas fait attention aux noms et s’est dit que ce serait… deux hommes, je pense…

Mais si vous voulez, on peut s’arranger ! J’occupe l’autre cabine avec ma femme, c’est la mécanicienne. Du coup, euh… si ça vous gêne… Je peux lui demander de partager avec vous et euh… »


« Non, ça ira. Ne vous dérangez pas, nous allons nous arranger. Je ne voudrais pas que votre femme me déteste pour lui enlever son mari. »

« Bien, comme vous voudrez… Mais merci. J’admets que je préfère… »

Alyria retint le « moi aussi » qui se formait sur ses lèvres et aquiesça finalement, avant de se diriger vers un des sièges et de sortir son datapad, sous l’œil curieux du pilote qui finit cependant par hausser les épaules et s’installer aux commandes pour faire décoller leur engin. Bientôt, la capitale de la République devint minuscule… Et au moment opportun, ils basculèrent en hyperespace. Tout en lisant les données qui lui arrivaient, la gardienne questionna :

« Nous serons à destination dans combien de temps ? »

« Entre trois et cinq jours, je dirais. Ca va dépendre du traffic sur la voie marchande corellienne… Et une fois qu’on l’aura quitté, des voies praticables vers Panatha je pense… »

« Je vois. »

Et tous deux repartirent dans leurs occupations respectives, lui les yeux rivés sur son écran de contrôle, elle sur son datapad. Quelques heures s’écoulèrent ainsi, dans un silence relativement confortable, avant qu’une twi’lek à la peau bleue n’émerge des entrailles de leur vaisseau pour embrasser furtivement leur pilote. Consciente qu’elle était de trop, Alyria glissa son bloc de données dans son sac et se leva avant de dire :

« Je vais vous laisser. »


Le couple la salua rapidement puis commencèrent à parler à voix basse, la main de l’alien caressant nonchalamment les cheveux de l’humain, et à cette vue, l’espace d’un bref instant, la trentenaire éprouva un désagréable pincement au cœur, avant de secouer sa tête et d’emprunter la petite coursive menant à leur cabine. Toquant prudemment à la porte, elle attendit quelques instants que cette dernière ne coulisse et entra enfin dans l’espace confiné, regardant son amant étendu sur la couchette, avant de dire finalement :

« Bonsoir. »

Elle s’assit comme elle le pouvait sur un bord, et déclara :

« Comme tu avais dit ne pas vouloir être dérangé, j’ai préféré te laisser un peu de temps pour te reposer… Réfléchir à la mission.

Mais là, je n’ai pas eu le cœur à rester avec notre pilote et sa femme… C’est la mécano. Bon, ils m’ont proposé de changer de cabine quand ils ont vu que nous étions de sexe différent, mais je n’ai pas eu le courage de les séparer, malgré le respect des conventions…

Et puis… Même s’ils ne le savent pas, ce n’est pas vraiment un problème pour nous… »


Ses lèvres touchèrent celle de l’épicanthix alors que ses mots venaient s’éteindre au creux de leur souffle désormais mêlé. Non décidément, ce n’était vraiment pas un problème.
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Quelques jours plus tôt le jeune homme s’était tenu là dans cette immense salle du sénat suintant la richesse et l’opulence d’un monde qui n’était pas le sien, il avait reniflé des senteurs bien trop raffinées à son goût, goûté des mets bien trop délicieux pour son rugueux palais et goûté à des breuvages bien trop délicats pour un palais habitué à des liquides aux goûts plus forts que ceux-ci. Une poignée de jour plus tôt il s’était trouvé là, avec d’autres comme lui, au centre de l’attention d’un par terre d’inconnus venus célébrer les héros des récents et tragiques évènements. D’autres éléments plus jeunes que lui auraient rêvé être à sa place pour recevoir les honneurs après avoir sué sang et eau pendant des heures, d’autres auraient tué pour recevoir un quart de l’attention que tous ces gens lui portaient à ce moment-là. Mais il n’en avait cure, la vie était injuste et on obtenait rarement ce que l’on désirait profondément, certains finiraient par voir leurs efforts récompensés et d’autres non : ainsi allait le cruel jeu de la vie.
Mais ce n’était pas ça qui le dérangeait, il avait regardé bien trop souvent la vie en face dans son aspect le plus cruel et le plus laid pour pouvoir être encore ému par son inégalité, ce n’était pas cet aspect-là qui lui laissait un goût amer au fond de la bouche comme des relents d’un repas avarié. Quelques années plus tôt il serait entré dans cette pièce avec des étoiles dans les yeux, le torse bombé face à la fierté d’être au centre de l’attention mais aujourd’hui il n’y fit une apparition que par principe et non par envie. Il abaissa son regard vers ce bijou étincelant épinglé à sa poitrine et ne ressentit que de la nausée et du dégoût, non pas pour le bijou en lui-même mais pour ce qu’il représentait.

Durant ces dernières années le colosse avait été de toutes les batailles, il avait été sur tous les fronts et avait vu plus de sang couler qu’il ne voudrait bien l’avouer, il avait accompagné bon nombre de soldats et de civils lors de leurs derniers moments, serrant leurs mains jusqu’à ce que leur corps mou et sans vie ne s’effondre par terre. Il en avait vu des vies quitter leurs corps pour rejoindre la Force et ces souvenirs ne faisaient qu’alimenter le dégoût qui s’emparait de lui. Les héros étaient ceux qui avaient donné leurs corps et leurs vies pour une cause, les héros étaient ceux qui ne reviendraient jamais, les héros étaient ceux qui avaient perdu une partie de leurs corps – bras ou jambe – et ne seraient jamais plus les mêmes. Pourquoi lui était-il décoré alors qu’il connaissait des poignées de soldats bien plus méritants que lui ? Était-ce parce que son nom était connu qu’il était susceptible de sortir plus facilement de la foule ? Il n’avait jamais embrassé la voie du jedi par désir de reconnaissance, cela allait presque à l’encontre du code et aujourd’hui on le récompensait pour ça.

Décidément la galaxie était un endroit bien compliqué et, par moments, le jeune maître ne savait plus s’il devait défendre l’Ordre ou la République, les deux semblaient parfois s’opposer dans les messages diffusés. Une fois de retour dans ses quartiers le guerrier arracha donc sans précaution ce symbole dont il ne le voulait pas et l’enferma dans le tiroir de sa table de nuit pour ne plus jamais l’en sortir, avant de fourrer dans sa poche un objet de forme ronde qui pouvait s’apparenter à un collier. Bientôt il en aurait besoin, il le savait, il le sentait.

Quand l’annonce de la mission lui fut transmise par l’un de ses confrères, le maître d’armes ne sut vraiment comment réagir. Devait-il être tourmenté de visiter pour la première fois le foyer de son peuple ou bien soulagé de quitter Coruscant pour un temps ? En effet depuis son retour de Makem Te même ses cours et ses séances d’entraînements réguliers ne purent sortir son esprit de sa torpeur, il ne semblait plus avoir goût à grand-chose et peut-être espérait-il que revenir sur la terre de ses ancêtres parviendrait à le réveiller d’une certaine façon.
Non, en vérité il aurait aimé avoir de telles espérances, il aurait aimé regarder l’avenir avec un regard confiant mêlé d’une pointe d’appréhension mais au final il était juste un guerrier fatigué qui semblait avoir vieilli trop vite au cours des deux ou trois dernières années. Et pourtant il en avait accompli des choses, seul ou avec sa partenaire. Il en avait défait des siths, il en avait sauvé des gens mais malgré tous ces souvenirs qui l’emplissaient de fierté il restait désespérément las. Las d’être tombé dans une routine qui n’avait plus rien de stimulante, las d’être devenu le baby-sitter des padawans de Coruscant alors qu’il était un guerrier dont la place était sur le front, las de ne plus avoir l’impression de progresser, las d’avoir l’horrible impression d’avoir atteint ses limites.

Était-ce tout ce dont il était finalement capable ? Pas de place au Conseil, pas de vie trépidante, juste un baby-sitter de luxe pour enfants spéciaux. Autant dire que ce n’était pas la joie dans la tête du jeune maître, surtout depuis que son amante était retourné parmi les siens et qu’il était de nouveau seul sur Coruscant. Pourquoi avait-il accepté de venir, déjà ? Ah oui, pour aider à reconstruire le Temple et lui redonner sa gloire d’antan.

Peut-être que cette mission était ce dont Lorn avait besoin, peut-être devrait-il enchainer les missions pour retrouver un début de motivation, peut-être que sa place était sur la bordure extérieur plutôt que dans les couloirs calmes et lumineux d’un Temple jedi. Ce n’était qu’une idée parmi tant d’autres mais il fallait bien qu’il fasse quelques tests pour voir ce qui parvenait, ou non, à le stimuler de nouveau.

Même s’il était conscient de son état le jeune maître était surpris qu’aucun de ses mentors ou pairs au sein de l’Ordre ne soit venu lui parler de cette lassitude qui s’emparait de lui, il était évident que son état était clairement perceptible à travers la Force pour quiconque était un tant soit peu attentif. Alors pourquoi ? Peut-être n’était-il pas le seul à être dans cet état là ou, hypothèse plus probables, peut-être que ses pairs savaient par quoi il passait et savaient qu’il allait devoir y faire face seul. Certes l’Ordre jedi était une grande famille mais certaines difficultés ne pouvaient pas être surmontées collectivement, certaines nécessitaient du temps et d’autres de l’entraînement mais au final il arrivait un moment dans la vie d’un jedi où ce dernier ne pouvait pas compter sur les autres pour continuer d’avancer. Il devait se sortir les doigts des fondements et mettre un pied devant l’autre, tout seul.

Peut-être était-ce ce moment-là que le maître d’armes était en train de vivre.

C’est donc d’une démarche discrète – étrangement discrète compte tenu de son imposante carrure – que le jeune maître se glissa à l’intérieur du vaisseau tout en remerciant le pilote de ne pas le déranger durant toute la durée du trajet, il ne se rendit même pas compte de la précaution qu’il prenait en s’adressant si diligemment à cet inconnu. À quand remontait la dernière fois qu’il avait remercié quelqu’un, en dehors d’un autre membre de l’Ordre ? Là tout de suite il ne s’en rappelait pas, cela devait remonter à bien longtemps.
Puis il s’affala dans ce modeste lit qui avait des allures de paradis en comparaison de celui de sa chambre spartiate, les mains croisées derrière la tête il laissa son esprit vaquer à ses occupations, dans le flou, sans vraiment savoir ce à quoi il devait bien penser. Fermant les yeux l’espace d’un instant pour échapper au regard hypnotisant des puissantes lumières de cette pièce, pestant de ne pouvoir régler leur intensité, il se redressa doucement et se mit à fouiller dans son sac pour en sortir une petite tablette de données.

Calant un pied contre l’autre pour se sortir de levier, Lorn retira ses chaussures avant de reculer et de s’assoir sur ce lit, la tablette posée sur ses jambes croisées. Que contenait-elle ? Simplement des informations sur la mission en cours, le nom de certaines personnes disparues mais également des fiches informatives sur les chefs de clans et autres importantes personnalités ayant signalé auprès des autorités républicaines ces fameuses disparitions. C’était par là qu’il allait devoir commencer, il allait devoir les rencontrer un par un et tirer ce qu’il pourrait des informations que ces épicanthix voudraient bien lui fournir.

L’espace d’un instant il se surprit à froncer les sourcils, il n’avait croisé qu’assez peu d’épicanthix dans sa vie, aussi était-il toujours surpris de voir à quel point ces chefs de clans ne lui ressemblaient pas de près ou de loin. Ils avaient-tous un visage assez rude, triste reflet d’une existence passée à se battre, mais en dehors de ça ils n’avaient pas grand-chose en commun avec ce colosse.
Il connaissait ces informations par cœur, aussi bien les pavés de textes que les photos gravées dans son esprit, mais après tout ce n’était que la neuvième ou dixième fois qu’il y jetait un coup d’œil : quel mal y avait-il à ça ? D’ordinaire il se préparait toujours pour une mission, bien entendu, mais ici ce n’était plus de la simple préparation, peut-être relisait-il ces fiches encore et encore pour se rassurer quant à ce qu’il pourrait trouver une fois qu’il mettrait les pieds sur Panatha.

S’allongea une fois encore sur le lit, les bras croisés derrière la tête, le jedi puisa dans la Force pour faire léviter la tablette au-dessus de son visage autant pour pouvoir poursuivre sa lecture que pour s’exercer un peu comme un athlète échauffant son corps avant la course fatidique. Bientôt la concentration du jeune homme fut accaparée par l’arrivée de sa partenaire à la crinière de feu. La sentant arrivée il attrapa la tablette de sa main droite et posa ses prunelles azurs sur la demoiselle se glissant près de lui.
Malgré son état de fatigue le jeune homme s’autorisa à afficher un sourire sans joie en apprenant que sa moitié voulait le laisser se reposer et réfléchir, ne l’avait-il pas suffisamment fait ? Depuis son retour sur Coruscant il tournait comme un lion en cage. Se reposer ? Il n’avait fait que ça. Réfléchir à la mission ? C’était sans doute la dixième fois qu’il se remémorait les informations importantes, il pouvait difficilement être plus préparé que cela.

« Je crois que j’y ai suffisamment réfléchi, ça suffit pour aujourd’hui. »

Pivotant sur la droite tout en se redressant, le jeune maître étendit son bras et posa la tablette sur le petit meuble qui devait servir de table de nuit, avant de reporter son attention sur celle qui faisait battre son cœur. Celle-ci s’approcha de lui et repoussa tous ses doutes et ses incertitudes en un seul baiser qui fut suivi de beaucoup d’autres. Ce soir il n’y aurait aucun ébat torride susceptible d’attirer l’attention du pilote et de sa compagne, cette soirée serait placée sous le signe de la douceur partagée, de savants baisers et de subtiles caresses. Oui, Lorn aussi pouvait être doux quand il le voulait bien.
Quelques heures s’étaient à peine écoulées et le duo avait trouvé refuge sous les draps de ce lit. Le pilote était occupé, la porte était verrouillée, ce soir au moins ils ne seraient pas dérangés. Le colosse était allongé aux côtés de son aimée, l’un de ses bras enroulé autour d’elle comme s’il craignait qu’elle s’en aille à tout jamais. Déposant un énième baisée sur l’épaule dénudée ou très peu vêtue de la demoiselle, il brisa enfin le silence qui s’était installé par un :

« J’espère que cette enquête se terminera mieux que celle sur Umbara, rien que d’y repenser j’ai la tête qui bourdonne. »

Était-il sincère ou cherchait-il à meubler ce silence ? Aucune idée, il ne pouvait bien sûr pas ignorer ce qu’il avait vécu lors de leur dernière mission d’enquête mais il savait au fond de lui qu’aujourd’hui les choses seraient différentes. Embrassant une nouvelle fois l’épaule de la demoiselle, il avoua finalement :

« Je t’ai vraiment inquiétée, hein ? »

Cela ne servait à rien de faire semblant de ne rien voir ou ressentir, il savait très bien que la demoiselle avait ressenti son malaise depuis un petit moment déjà mais n’en disait rien pour autant. Peut-être était-ce le moment de crever l’abcès…peut-être l’était-ce, en effet.
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Etre séparée de Lorn n’avait jamais dérangé Alyria. C’était la réalité de leur existence, de leurs devoirs respectifs, ce qui rendait finalement leur relation si stable et conforme à ce qu’elle pensait être l’exigence nécessaire pour concilier vie privée et Ordre jedi. Non pas qu’elle apprécie cet état de fait, mais elle savait s’y conformer sans que le manque n’empiète aucunement sur les tâches qu’elle avait à mener. Etait-ce un manque d’amour de sa part ? Pas vraiment. Du moins, elle ne l’envisageait pas ainsi. Pour la trentenaire, c’était simplement cela, le détachement : savoir quand profiter des belles choses et quand se plier aux volontés supérieures, quelles qu’elles soient, sans en éprouver ni rancœur ni colère.

Ainsi, elle était capable d’apprécier à leur juste valeur tous les moments qu’ils passaient ensembles, des plus insignifiants aux plus intimes, des simples conversations ne sortant pas de l’ordinaire aux embrassades enflammées. Et gardait leur souvenir dans un coin de sa tête le reste du temps, tandis qu’elle vaquait à ses occupations. De fait, l’habitude avait cimenté cette manière de faire et de penser : en deux ans, combien de jours avaient-ils réellement passé ensemble ? Peu. Outre qu’ils dépendaient désormais de deux installations distinctes, Ondéron et Coruscant, elle-même avait dû parcourir la République en tant que Ministre de la Défense, avant d’être complètement submergée par la Chancellerie pour pouvoir avoir un seul instant de libre. Et même après, elle était retournée sur Coruscant. Puis il y avait eu Makem Te… Et ainsi de suite. L’absence définissait infiniment mieux ce qu’ils étaient que la présence, sans doute parce que du coup, par extension, ils étaient l’un pour l’autre avant tout un lien qui ne se rompait jamais, même sans une parole échangée, même après des semaines passées sans se voir. Ils étaient là, immanents, comme s’ils ne pouvaient être dissociés tout en restant invisibles à l’autre. Là était leur force.

Bien entendu, le commun des habitants de la galaxie aurait jugé une telle vie de couple infiniment triste, une fois passée l’excitation du secret et des premiers mois. Leurs sentiments étaient forgés par la distance, le manque, et la tradition. Il y avait plus engageant. Quand ils se voyaient, parfois, ils ne faisaient que se saluer, échanger quelques mots, avant de courir à leur prochain rendez-vous ou mission pour le Temple. C’était précisément cela qu’avait tenté d’expliquer Alyria à Joclad sur Sy Mirth : aimer un jedi, c’était prendre part à une entreprise qui dépassait l’être simple, se subordonner à des considérations parfois absconses, être presque constamment séparé de son compagnon ou de sa compagne de vie, et l’accepter avec la sérénité nécessaire, ne jamais se laisser déborder par son envie d’être ensemble. Peu de personnes pouvaient accepter cela. A vrai dire, la demi-echanie considérait cela comme parfaitement normal : il fallait être prêt à accepter la souffrance avec un détachement si contraire à l’idée communément admise de passion amoureuse qu’il était évident de voir des êtres ordinaires refuser cette possibilité. C’était même sain, en quelque sorte. Il fallait l’admettre : beaucoup méritaient des amants prêts à leur décrocher la lune, à s’investir à leurs côtés et à ne pas les quitter, à partager leur existence, fonder une famille… Tout ce qui était impossible aux jedis.

Lorn et elle n’avaient rien d’un couple ordinaire. Et c’était précisément pour cela qu’ils fonctionnaient si bien tous les deux : ils comprenaient les exigences des devoirs de chacun, n’avaient pas besoin de s’inquiéter pour le bien-être de l’autre… Du moins, jusqu’à récemment. En effet, Alyria trouvait le mutisme de son partenaire de plus en plus étrange, un peu inquiétant, et s’en voulait d’être incapable de mettre le sujet sur la table. Ce n’était pas de la lâcheté ou de la timidité, simplement les vestiges d’une éducation qui préférait laisser le domaine de l’intime de côté. Certes, la maîtresse d’armes avait été une jeune fille joyeuse et bouillonnante de vie dans sa jeunesse, mais même à cette époque, quand elle sentait un malaise chez l’un de ses amis, elle avait toujours préféré emprunter des chemins détournés pour faire comprendre à la personne qu’elle pouvait s’ouvrir à elle, en proposant un entraînement ou quelque chose comme cela, en étant bêtement proche de celui ou celle qui souffrait, montrant ainsi qu’elle lui offrait une oreille attentive et un soutien si c’était nécessaire. Adulte, il n’y avait pas eu tellement de changements : généralement, les langues se déliaient pendant une conversation anodine, par le fait de se retrouver entre amis. Ça avait été le cas avec Gabriel lors de leur duel amical, avec Atalan à travers leurs pensées respectives sur l’enseignement au Temple… Alors, peut-être qu’il fallait attendre le bon moment pour que Lorn parle, comme lors de cette fameuse journée où leur nouvelle vie avait commencé, où il avait décidé de briser les faux-semblants de leur amitié pour lui faire comprendre qu’ils étaient bien davantage que ce qu’elle avait toujours cru ? Elle ne savait pas exactement quand le déclic s’était fait, si évoquer le fait qu’elle avait connu une expérience amoureuse lui avait provoqué comme un électrochoc… Mais il avait parlé à l’issue de cette conversation, après elle ne savait combien d’années de silence. Elle croyait donc fermement au fait de le laisser aborder ce qui le tracassait, en se montrant simplement présente pour le temps à venir. Elle ne l’était pas constamment physiquement, mais c’était le cas à présent.

Sa démonstration se prolongea, sans qu’elle y portât une attention particulière. Il y avait une sérénité délicieuse à échanger des caresses sans prétentions, sans même forcément de sous-entendu érotique autre que l’envie de découvrir un corps maintes fois parcouru sous un jour nouveau. Malgré la vraisemblable insonorisation, Alyria ne désirait pas vraiment alerter le pilote et sa compagne sur la nature de la relation de leurs passagers, quand bien même elle était certaine qu’ils étaient en ce moment occupés également dans leurs quartiers et que leur navette se mouvait langoureusement dans l’espace en pilotage automatique, comme si elle était à l’unisson de son équipage.

Reposant dans leurs sous-vêtements respectifs sous le drap après quelques étreintes tendres, les deux amants restèrent un moment en silence, se contentant de savourer les secondes qui s’écoulaient tranquillement. La sang-mêlée sentait le bras de Lorn autour de sa taille et sa tête se trouvait presque naturellement lovée contre le torse de l’épicanthix qui se soulevait mécaniquement au rythme de sa respiration, la berçant doucement. Et après une ultime attaque sur son épaule qui lui arracha un léger frisson fort plaisant, enfin, le colosse prit la parole, évoquant leur précédente mission. Tout en se mordillant légèrement les lèvres pour ne pas exhaler le contentement que provoquait en elle les attentions de son amant, Alyria prit une profonde inspiration avant de souffler après une ou deux minutes de réflexion :

« Le pire… C’est qu’au vu des enjeux et de la situation… Elle ne s’est pas si mal terminée. Au vu des pertes minimes de notre côté, ce fut plutôt un succès. Même si j’espère que le quota d’explosions et de complots en tout genre que nous aurons à subir sur Panatha ne sera pas aussi élevé… »

Et enfin, alors qu’il se faisait à nouveau prévenant, Lorn finit par évoquer le problème qui flottait dans l’air depuis le début. Hésitant sur ce qu’elle devait répondre, Alyria se dégagea légèrement de son étreinte pour se mettre face à son compagnon, la tête soutenue par son bras d’une façon un peu pensive. Elle ne pouvait le nier, tout en se refusant à lui faire des reproches qui n’étaient pas les bienvenus. Oui, elle cherchait la formulation adéquate, celle qui ferait comprendre au maître d’armes qu’il pouvait partager ses doutes avec sa consœur. Réprimant un soupir, elle finit par admettre d’un ton délibérément neutre de tout jugement :

« Je n’aime pas quand je sens la Force vibrer de façon si… désordonnée autour de toi. Je me demande ce qu’il se passe oui. Il faudrait être aveugle pour ne pas détecter un changement, déjà à bord de ce croiseur au-dessus de Makem Te… Même si ton esprit demeure impénétrable, nous sommes suffisamment liés pour que je puisse percevoir certaines inflexions… Contrairement aux autres membres de l’Ordre. »

Cette imperméabilité des épicanthix avait toujours été à la fois un don et une malédiction. Sur Byss, elle avait permis de prendre de cours le sith qui avait tenté de les soumettre à son insidieux contrôle. Mais dans la vie courante, c’était aussi un mur entre les membres de cette race et leurs camarades jedis, qui avaient l’habitude de percevoir les changements chez les autres en lisant dans la Force. Alyria avait appris à le contourner dans une certaine limite… mais l’incertitude demeurait, évidemment. Cédant finalement à sa curiosité, elle se risqua :

« Tu veux en parler ? »
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La vie de ce jeune maître était le triste reflet de l’existence d’un jedi, elle était pleine de contradictions. D’un côté une partie de son cœur était attaché à celui de sa partenaire à la longue crinière de feu mais de l’autre côté sa rigueur martiale le forçait à un certain détachement émotionnel pour éviter que le côté obscur ne puisse tendre ses longues doigts squelettiques tout autour de son âme. Il me serait sans doute inutile de détailler une fois encore le parcours de ce jeune maître et à quel point il connaissait bien la façon sournoise qu’avait le côté obscur de s’insinuer dans un individu, cela commençait comme un simple murmure évoquant très légèrement la promesse d’un avenir plus radieux et d’une puissance au-delà de tout soupçon, puis au fil du temps cette idée prenait forme et le murmure devenait une parole à voix haute qui résonnait dans la crâne de la victime, jusqu’à ce que cette idée finisse par occupée en permanence les pensées de ce malheureux individu qui finirait tôt ou tard par y succomber sans aide extérieur.
Dans sa prime jeunesse Lorn avait goûté à ce fruit défendu, il ne tirait aucune fierté de cet acte mais il se rappelait avoir mis les pieds dans les ténèbres et, étrangement, malgré le fait qu’il y faisait extrêmement froid, une partie de lui avait adoré ce contact et en aurait sans doute redemandé si son éducation n’avait pas été prise en main par l’Ordre jedi. Ce n’était pas une fierté, voilà pourquoi personne n’était au courant mis à part les membres du Conseil de l’époque, son propre maître et celle qui avait laissé une marque indélébile dans son cœur. En définitivement, en prenant un peu de recul, le jeune maître trouvait que cela ne pouvait qu’être un plus car désormais il était à même d’expliquer concrètement aux jeunes padawans les dangers du côté obscur et de la tentation qui allait avec, concrètement à certains maîtres qui enchaînaient les sermons sans avoir été tentés au moins une fois dans leur vie, au moins il savait de quoi il parlait.

Et au cœur de ces contradictions qui caractérisaient la vie de ce jeune guerrier se trouvait la demoiselle à ses côtés et la relation qu’il partageait avec elle, un individu extérieur à la situation aurait véritablement peiné à deviner qu’ils formaient un couple tant leur posture publique ne le reflétait pas du tout. En vérité leur devoir avait toujours primé sur tout le reste, que ce fut leurs propres considérations personnels ou bien leurs sentiments envers l’autre – qui étaient et restaient très forts – aussi était-il normal que leur relation passe au second plan par rapport à leurs rôles de maîtres qui accaparait une gigantesque partie de leur temps. Depuis quelques temps déjà ils étaient situés sur deux planètes différentes ce qui ne faisait qu’augmenter leur éloignement et diminuer la fréquence à laquelle ils pouvaient passer des moments privilégiés en tête à tête.
Certains ignorants auraient sans doute argumenté que c’était cet éloignement qui avait préservé leur affection mutuelle et leur amour intact, gageant qu’une telle union n’aurait pas duré aussi longtemps s’ils s’étaient trouvé sur la même planète et avaient pu partager beaucoup plus de temps ensemble. Ils n’auraient sans doute pas eu tort s’il s’était agi d’une union ordinaire, l’éloignement pour un couple était comme une épée à double tranchant, mais ces deux individus étaient loin d’être ordinaires, ils avaient vécu la majeure partie de leur vie avec une absence de passion ou d’attachement de quelque sorte que ce soit. Pourquoi devraient-ils laisser cette passion guider leurs actes désormais ? Ils pouvaient s’y abandonner lors d’ébats sensuels au cœur de la nuit, pour simplement y croquer sans pour autant y succomber, ils étaient maîtres de leurs émotions et non l’inverse.

Alors oui ils se voyaient peu mais profitaient pleinement de ces moments intenses en émotion, il serait inutile de le nier car ils étaient des êtres humains avant d’être des jedis, mais cela ne voulait pas dire pour autant qu’ils abandonneraient leurs responsabilités pour être avec l’être aimé un peu plus longtemps. Lorn avait-il abandonné ses hommes sur Aargau pour rejoindre Alyria ? Délaissait-il ses leçons quotidiennes pour prendre cette nymphe dans ses bras ? Bien sûr que non, ce n’était pas son éducation et cela ne le serait jamais.

Le devoir avant tout, y compris sa propre vie.

Est-ce que cela lui manquait de ne pas pouvoir prendre plus souvent son aimée dans ses bras, de sentir son parfum ou passer sa main dans sa crinière de feu comme le feraient les couples plus traditionnels ? Sans doute que si mais il n’y réfléchissait pas assez pour en être certain, ces derniers temps son esprit avait été accaparé par toutes sortes d’autres soucis si bien que tout ce pan de sa personne avait été mis de côté. Mais aujourd’hui il pouvait rattraper le temps perdu et la simple présence de la demoiselle tout contre lui suffisait à l’apaiser et à tenir éloignées ces vilaines pensées qui parasitaient son esprit depuis quelques semaines voire quelques mois. Un moment de calme avec celle qui tenait son cœur entre ses mains, c’était tout ce qu’il demandait et ce fut ce qu’il obtint : que demande le peuple ?

La demoiselle évoqua leur mission sous un angle un peu plus pragmatique que celui de son compagnon, comme à son habitude, ce qui poussa le concerné à réagir sans attendre.

« Ça m’étonnerait que ce soit similaire. Les épicanthix sont un peuple guerrier, plus brutal et direct. Les complots et sournoiseries ne sont pas vraiment le genre de la maison…enfin je crois. »

Pouvait-il vraiment assurer le comportement d’un peuple dont il ne connaissait les us et coutumes que grâce à ce qu’il en avait lu ? Peut-être que ses congénères seraient bien différents de lui, peut-être serait-il une anomalie au milieu de ce troupeau, voilà pourquoi il hésita à la fin de sa phrase. Puis vint enfin le passage le concernant directement, après avoir lui-même lancé le sujet il ne pouvait désormais plus fuir et devait fournir un élément de réponse à sa compagne qui s’inquiétait légitimement de son état. Pendant une bonne minute il fronça les sourcils en regardant le plafond, perdu dans ses pensées, cherchant à rassembler ses mots pour former une réponse cohérente, puis il recracha la réponse telle qu’il l’avait imaginée.

« Il n’y a pas grand-chose à dire en fait. Depuis peu je me sens…vide, mince, comme du beurre étalé sur une trop grande tartine. On pourrait croire que c’est la fatigue d’un vieux guerrier mais je n’en crois rien, peut-être que j’avais juste besoin de sortir de mon baby-sitting et de retourner sur le terrain, va savoir. »

Le jeune homme ne se sentait jamais aussi vivant que sur le front, il l’avait suffisamment montré sur Aargau pour que ses pairs le savent, néanmoins il était bien vite retourné à sa vie de baby-sitter de luxe sur Coruscant ce qui ne manqua pas de le frustrer un peu.

« J’ai l’impression d’avoir atteint mes limites, comme homme et comme jedi, mais je refuse simplement d’y croire. C’est sans doute égoïste et arrogant de ma part, je ne saurais même pas t’expliquer pourquoi et comment je ressens ça…mais je le ressens. Peut-être est-ce mon côté épicanthix qui parle, mon sang de guerrier et de conquérant, ou peut-être est-ce un passage obligatoire pour que je puisse continuer à avancer. Je n’en ai aucune idée, mais j’espère trouver sur Panatha un élément de réponse. »

Lui-même ne savait pas comment il se sentait alors comment voulez-vous qu’il soit clair dans ses explications ? Il l’était autant que possible mais ce n’était pas toujours compréhensible pour quiconque ne le connaissait pas…ce qui n’était – heureusement – pas le cas de la demoiselle peu vêtue à ses côtés. Abaissant finalement sa tête, il posa ses yeux prunelles sur le doux et fin visage de sa camarade avant de conclure d’un :

« Tu vois ? Rien de bien inquiétant, rien de plus que les pensées égarées d’un jedi grognon. »

Une fois encore il tournait cela à l’humour – conscient de sa réputation de grognon taciturne – pour éviter de s’appesantir davantage sur ce qu’il ressentait car il n’était pas le plus à l’aise du monde dans cette discipline et il estimait avoir suffisamment fait le tour. Après, bien sûr, si son aimée voulait approfondir le sujet alors il poursuivrait…après tout c’était lui qui avait lancé le sujet en premier.
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« Il paraît, oui. Je doute que ce soit à une échelle similaire à ce que nous avons vu sur Umbara… Cela dit, dans toute société, même les plus… honorables, il y a toujours des individus prêts à employer des moyens moins… disons plus détournés pour parvenir à leur fin. »

De ce qu’Alyria en avait lu, les clans épicanthix ressemblaient dans leur code de valeurs aux clans echanis, même s’ils adoptaient une structure patriarcale et non matriarcale comme il était de coutume chez le peuple aux cheveux blancs. Cependant, s’il y avait bien une chose que la jedi avait retenu de son passage à la Chancellerie, c’était que tout le monde, même issu d’une organisation dévouée à faire le bien, pouvait tenter des approches plus pragmatiques quand il s’agissait de parvenir à son but. Le pouvoir, l’envie, la jalousie et la haine faisaient adopter les pires méthodes au cœur en apparence noble. Ce n’était pas du pessimisme que de s’en souvenir et de conserver une logique de prudence rationnelle, mais du simple bon sens. Certes, elle abordait évidemment cette mission sous un angle différent de celui de Lorn, qui devait avoir à cœur de découvrir les terres de ses ancêtres, de vérifier discrètement si l’image qu’il s’en faisait était la bonne, et il lui paraissait évident que s’ils avaient dû partir pour Echan, elle aurait agi de même. Alors, il convenait qu’elle prenne la distance qui s’imposait, complétant leur duo comme toujours.

Mais ces considérations culturelles devaient laisser la place à des explications porteuses d’une autre inquiétude, plus personnelle celle-ci. Silencieusement, la maîtresse d’armes attendit que son amant trouve le moyen d’exprimer ce qu’il avait sur le cœur, dessinant distraitement des arabesques caressantes sur son torse dénudé, faisant traîner sa main valide sur ce poitrail qu’elle connaissait presque par cœur désormais, de ses moindres grains de beauté cachés aux cicatrices que le temps avait plus ou moins effacées. Il y avait une beauté réelle dans les aspérités qui prenaient corps sous ses doigts, car elles racontaient les épreuves qu’avaient traversées l’épicanthix, comme ses propres balafres et sa prothèse donnaient aussi à lire une histoire à celui qui aimait les tracer de ses mains, les embrasser avec ardeur. Lors de leur première nuit ensemble, Alyria n’avait pas forcément compris cet engouement que son compagnon pouvait avoir pour cette main métallique. A présent, alors qu’elle contemplait les traces laissées par une vie de combat, elle comprenait : ils aimaient leurs imperfections, parce qu’elles leur rappelaient ce qu’ils avaient traversé, et ce qu’il leur faudrait à nouveau affronter dans les années à venir. Ces marques étaient le témoignage de leur existence, le rappel de ce qu’ils étaient, de ce qu’ils avaient été, de leurs échecs et du prix à payer pour revenir l’un vers l’autre. Elles étaient le souvenir immuable, gravé dans leurs chairs du devoir qui les étreignait.

La trentenaire écouta donc sans mot dire Lorn quand ce dernier se décida enfin à lui confier ce qui le tracassait, et à mesure que ce dernier parlait, elle avait l’impression de retrouver quelques-uns de leurs échanges précédents, notamment celui qui les avaient farouchement opposés le soir où elle était devenue Chancelière. Leur échange particulièrement douloureux restait encore dans sa mémoire, et elle avait l’impression d’entendre la même lassitude chez Lorn, la même envie de ne pas remplir ses fonctions au sein du Temple de Coruscant, le même ennui. Alyria n’avait pas compris, mais maintenant qu’elle-même avait pu fuir ses responsabilités un temps lors de son retour sur Ondéron, après sa démission de la Chancellerie, elle devait admettre qu’une part d’elle n’était plus étrangère à ce sentiment d’être arrivé au bout de ses possibilités. En tout cas, elle était contente que son partenaire se soit confié à elle, quand bien même il essayait de minimiser le mal-être qui semblait l’habiter. Inutile de préciser que son interlocutrice ne fut pas dupe une seule seconde. Elle le connaissait trop bien pour ça.

Sa main arrêta finalement ses caresses et se posa enfin sur la peau de son amant, signe que la jedi était en pleine réflexion, et enfin, elle souffla doucement, pesant chacun de ses propos comme si elle craignait de froisser le guerrier :

« Je crois au contraire que ce n’est pas… si anodin. Et tu le sais aussi bien que moi. »

Plongeant ses yeux émeraudes dans les billes cyan de Lorn, Alyria voulut lui communiquer à travers ce simple échange sa sollicitude sincère, elle ramena sa main contre celle du colosse, l’enveloppant avant de la serrer brièvement, et de continuer :

« Parfois… Quand on a changé d’environnement, accompli certains actes… On se dit que le reste n’est pas important, que notre routine est… inutile. »

C’était très clairement ce qu’elle avait parfois ressenti lors de son retour sur Ondéron.

« Après la Chancellerie… J’ai eu une période comme toi. »

Il devait s’en douter. Mais autant le dire directement.

« Néanmoins… Cette impression… De ne servir que de… Garde-chiourme en quelque sorte. Ce n’est pas la première fois que je te l’entends dire. En fait, c’est ce que tu répètes depuis que tu es sur Coruscant.

Pourtant, j’ai le souvenir d’une époque pas si lointaine où, sur Ondéron, tu adorais t’occuper des padawans, leur enseigner ce que tu savais… Pas parce que tu étais maître et que c’était ton devoir, mais parce que tu appréciais cela, que tu le faisais comme si c’était normal.
Peut-être… Que c’est ce plaisir d’enseigner que tu dois retrouver. Peut-être… Que devoir t’éloigner parfois de ton domaine de prédilection et veiller aux aspects administratifs de notre enclave n’est pas réellement à ton goût.

Demande à ce qu’un autre maître d’armes vienne t’épauler. Un autre maître qui sera là pour aider Maître Berryl dans la gestion, et te laissera plus de liberté pour aller à ta guise, partir en mission quand tu le désires, et enseigner à ton retour de façon plus facile, simplement, sans pression.

Tu es devenu maître parce que tu savais transmettre ta passion à nos plus jeunes, qu’il te regardait comme un modèle d’enseignant. C’est pour cela que tu n’as pas eu à former un padawan personnellement.

Il faut… parvenir à retrouver cela. Peut-être. Ce simple plaisir d’être auprès d’eux, de les guider, tout en trouvant des moyens d’assouvir tes besoins d’être au cœur de l’action, d’aider directement. Tu peux alterner les deux. »


Se penchant vers lui, leurs lèvres à quelques centimètres l’une de l’autre, elle souffla :

« En tout cas… C’est le conseil que je peux te donner. »

Et Alyria entreprit de reprendre possession de cette bouche tant aimée pour y apposer un baiser tendre, bien loin de certains élans passionnés. Elle cherchait simplement à lui montrer son soutien, à être présente pour lui. A être une amante et une amie, une épaule sur laquelle s’appuyer et une femme à désirer. Les deux étaient parfois difficiles à concilier. Mais parfois, parfois, elle avait l’impression d’y arriver. Et c’était ce qui comptait, non ?
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Pour ceux qui étaient issus d’un peuple ou d’une communauté aux valeurs fortes et aux caractéristiques bien particulière, la fierté d’appartenir à ce groupe et d’en embrasser les coutumes et la vision était une chose importante voire essentielle, elle représentait la base sur laquelle allait se créer la personnalité d’un individu. Certains choisissaient de l’embrasser pleinement, d’autres choisissaient de tourner le dos à leurs origines et enfin certains ne se voyaient jamais offrir ce choix. Les épicanthix faisaient partie de ces nombreux peuples connus pour leurs prouesses martiales mais, à l’inverse des échanis, ils ne possédaient pas tous la rigueur militaire nécessaire pour parfaire leur entraînement et faire d’eux de froides machines de guerre. Ils étaient des guerriers et non des soldats, des conquérants et non des gardes, la nuance était mince mais elle faisait toute la différence.
Tous ses congénères n’étaient-ils que de brutaux individus sans une once de subtilité ? Non, au cours de ses années à parcourir la galaxie il en avait rencontré une poignée qui défiaient cette règle et contredisaient toutes les rumeurs et histoires sur ce peuple guerrier, mais malheureusement pour chaque homme qui défiait cette règle le maître savait qu’il y avait une poignée d’histoires de conquêtes menées par des clans outrageusement agressifs de ces mêmes guerriers. Était-ce triste ? Pas le moins du monde, le maître avait accepté depuis longtemps que le mal grouillait dans ce monde qui n’était rien d’autre qu’une nuance de gris, il savait que les hommes n’étaient pas tous fondamentalement bons mais qu’il ne suffisait que d’une main tendue pour leur rappeler à quel point il était facile de l’être ou le redevenir.
Croire que l’Homme était naturellement bon n’était rien de plus qu’un conte de fée qu’on racontait aux plus jeunes apprentis pour les rassurer durant les premières années du Temple, mais une fois confrontés à la réalité ils finissaient par se faire leur propre avis sur la question et, concernant cet ancien apprenti qu’était Lorn, ce dernier avait vu la galaxie sous les plus horribles dans ses aspects mais également sous certains de ses plus radieux jours.

Le monde n’était pas beau ni laid, il devenait ce que l’on en faisait par nos actes et nos pensées. Ni plus, ni moins.

« Peut-être, je n’ai pas assez vécu parmi eux pour pouvoir te répondre. J’imagine que nous le découvrirons bien assez tôt. »

Allongé, sa poitrine se gonflant et s’affaissant au rythme de sa respiration lente et régulière, le jeune maître écouta le point de vue de sa camarade qui évoquait la possibilité d’être victimes d’attaques fourbes comme ils l’avaient été sur Umbara, et cela même au sein d’un peuple qui privilégiait l’affrontement directement à la ruse. Était-elle dans le vrai ? Probablement, il y avait toujours des brebis galeuses dans une communauté, des individus qui sortaient du lot parce qu’ils ne pensaient pas comme les autres. En vérité le jeune colosse ne savait pas lui-même ce qu’il attendait de cette visite sur la terre d’un peuple dont il ne se sentait pas proche, peut-être qu'une part de lui espérait des réponses mais l’autre partie ne se faisait guère d’illusions à ce sujet-là. Qu’est-ce que ces hommes et ces femmes, ces inconnus, pourraient-bien lui apprendre de la vie qu’il ne savait déjà ?
Peut-être que cette terre serait pleine de surprise et ferait naître en lui des réactions imprévues, il était toujours bon de se préparer à l’inattendu, ou peut-être ne se passerait il rien de particulier car il faisait tout un flan de pas grand-chose. Il n’était pas voyant et en avait assez de supposer dans le vent, il était sans doute préférable d’attendre et de laisser venir les choses plutôt que de se triturer la tête pendant des jours entiers.


Prenant son courage à deux mains, le regard braqué sur le plafond de la chambre, ce jeune colosse se mit donc à déballer ce qui semblait le gêner et le clouer au sol depuis plusieurs semaines voire plus longtemps, après avoir été de toutes les batailles il revenait à une vie beaucoup plus routinière et calme qui lui laissait un arrière-goût d’insatisfaction et de frustration au fond de la bouche. Il savait qu’il avait tort de penser ainsi et que les jedis ne devaient pas chercher les conflits et l’action pour se stimuler et se sentir vivant et utile tout comme il le faisait depuis quelques temps, il savait que cela allait à l’encontre de la vision de son ordre, mais pouvait-il vraiment fermer les yeux sur ce que lui disaient son cœur et son corps ? Pas vraiment, pas entièrement tout du moins.
Si c’était encore nécessaire de le préciser ce maître d’armes ‘était pas de ceux qui s’ouvraient aisément aux autres, sa carapace lui avait permis de se défendre pendant tout ce temps si bien que c’était devenue une seconde pont dont il peinait à se défaire. Mais avec elle c’était différent, elle savait que les rares pointes d’humour qu’il se permettait n’étaient qu’une façade pour masquer son inconfort et elle le lui fit remarquer dès le début. Pouvait-il encore lui cacher des choses, à elle qui l’avait côtoyé depuis si longtemps ? Oui, bien sûr que oui, mais entre leur expérience et leur lien dans la Force, cela devenait de plus en plus complexe de le faire.

Puis ce fut à son tour d’écouter sa camarade qui le fixait désormais, elle était passée par ce que Lorn vivait en ce moment et pouvait aisément le comprendre, mais elle savait aussi que ce sentiment n’était pas nouveau chez son compagnon. Que lui conseilla t-elle ? De se rappeler de l’époque où il était loin du front et où il appréciait encore de passer ses journées à diffuser son savoir pour faire honneur aux enseignements de son maître. Revenir aux fondamentaux, se souvenir qu’il était un jedi et un maître d’armes avait d’être un homme d’action ou un meneur d’hommes ? Fronçant les sourcils tout en laissant cette idée pénétrer son esprit, il se mit à réfléchir : qu’est-ce qui avait bien pu passer pour qu’il se lasse de ça ? Ce ne pouvait pas être seulement les récents combats, il avait eu son lot de missions périlleuses depuis qu’il était jedi et jamais encore la lassitude n’avait eu d’emprise sur lui.

Peut-être il avait-il trop goûté en de trop récentes occasions pour pouvoir s’en passer, comme un junkie, quoiqu’il en fut il tenta tout de même un début de réponse :

« Sur Aargau je me suis senti…vivant, mais pas pour les bonnes raisons. Pas parce que je prenais part à une opération de grande envergure mais parce que tous ces hommes me faisaient confiance et mettaient leurs vies et leurs espoirs entre mes mains. Sur Byss et dans ce vaisseau je me suis senti vivant parce que je combattais cette vermine pervertie par le côté obscur, pour faire bouger les choses. Je n’ai pas toujours combattu pour les bonnes raisons mais je l’ai fait malgré tout. »
Prenait une petite pause dans son speech, il poursuivit ensuite :


« Je ne peux plus être un enseignant à temps plein, mais je ne peux plus non plus passer ma vie sur le front. La première option ne ferait qu’accroître cette lassitude et la seconde finirait par me tuer, littéralement. Mais je n’ai pas vraiment considéré la possibilité de concilier les deux, sans doute parce que j’étais trop préoccupé par ça pour le voir. Il faut croire que je me suis mis tout seul des œillères. »

Pourquoi était-ce si compliqué d’être satisfait de sa vie ? C’était quelque chose sur lequel il devait encore travailler pour obtenir une réponse mais il espérait bien l’avoir tôt ou tard. Il allait devoir se forcer à enseigner dans les premiers moments jusqu’à ce que le goût revienne et, à ce moment-là, il pourrait commencer à remonter la pente.
Les jours s’écoulèrent donc à un rythme effréné et, finalement, un beau jour, le pilote vint toquer à la porte pour avertir Lorn que :

« Maître Vocklan, Panatha est en vue. »

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Souvent, Alyria était amusée de voir à quel point Lorn et elle pouvaient être à la fois tellement identiques et pourtant si dissemblables. Régulièrement leurs impressions, positives ou négatives, se trouvaient être les mêmes, à peu près, et pourtant, ils avaient toujours tendance à réagir de façon différente, à avoir des conclusions divergentes sur la manière dont ils devaient faire face à ce qu’ils ressentaient. Sans doute qu’il fallait miser sur leurs caractères a priori opposés pour comprendre comment un tel fait était possible.

Ainsi, depuis son retour au Temple, la maîtresse d’armes ne se demandait pas comment résoudre ses questionnements intimes… Mais bel et bien d’où ils venaient. Pour l’épicanthix, c’était strictement l’inverse : il savait d’où venait son problème, et restait aveugle à une résolution simple. Pour une fois, alors que l’une se fixait un cap, quitte à ne pas savoir exactement dans quel sens soufflait la houle qui la portait, l’autre se perdait en interrogations sur la manière de se reprendre en main. On eut dit une sorte de miroirs de leurs rôles habituels, comme si, décidément, ces derniers mois avaient chamboulé jusqu’à leur dynamique personnelle. Au moins, ils demeuraient tout de même des confidents prêts à écouter l’autre et lui donner des conseils : voilà qui ne changeait pas, et comme pour Atalan quelques semaines plus tôt, la trentenaire se sentait heureuse de pouvoir être une oreille attentive et apaiser les craintes de ses amis et pairs. Avant d’être son compagnon, Lorn restait son meilleur ami, et un confrère jedi. L’aider, c’était faire son devoir et se rendre utile, ce qu’elle désespérait de parvenir à réussir depuis quelques temps : il était agréable de savoir que certains continuaient à lui faire confiance, à aborder des sujets délicats avec elle… Bien sûr, en ce qui concernait son amant, elle n’en avait jamais douté. Pour autant, en avoir la preuve tangible était une satisfaction discrète. Encore plus de l’entendre acquiescer à ses remarques et promettre à demi-mots d’étudier ce qu’elle proposait.

Lorn un peu apaisé, la soirée se déroula tranquillement, les deux partenaires alternant moments de détente et discussions annexes sur un nombre de sujets divers, souvent futiles. Enfin, cela faisait du bien de rire un peu et de ne pas parler forcément de dissensions, de guerres et autres joyeusetés actuelles. A force de contenir pendant tous ces mois à la Chancellerie et depuis son retour, Alyria avait parfois l’impression d’avoir perdu sa capacité à la spontanéité en privé, et heureusement, cette dernière revenait furtivement dans cette petite cabine, entre deux chamailleries qui n’avaient vraiment rien de dignes pour deux maîtres jedis qui allaient lentement mais sûrement vers leurs quarante ans. Mais ils avaient gagné le droit à un semblant de légèreté.

Rassurée sur l’état du colosse, et bien décidée tout de même à tenir compagnie à leurs deux autres comparses de navette, plus pour apprendre à les connaître que par soucis de maintenir les apparences d’ailleurs, la gardienne se fit un devoir de passer du temps avec eux, les questionnant sur leurs vies. Elle apprit donc que tous deux s’étaient rencontrés dans l’armée alors que monsieur effectuait une permission sur Ryloth, que madame avait décidé de le suivre et s’était engagée comme auxiliaire à l’intendance militaire, et qu’ils se débrouillaient en graissant la patte d’un administrateur pour qu’elle soit affectée aux mêmes missions que son amant. Bon, d’un point de vue de l’efficacité martiale, c’était douteux, mais elle n’était pas là pour faire un cours de morale, aussi elle s’abstint de tout commentaire, ce dont ils lui furent visiblement gré. Et puis, après Aargau, ils avaient raccroché, demandant leur mutation au service des transports républicains en charge des liaisons avec les organismes alliés, terme barbare à l’acronyme encore plus terrifiant qui désignait en réalité le service en charge du convoyage des jedis et diplomates étrangers.

En retour, Alyria avait consenti à expliquer qu’elle-même connaissait Lorn depuis l’enfance, que c’était un très vieil ami, et… c’était tout. Il convenait de rester discret, et en plus, elle ne mentait pas en disant cela. C’était simplement une portion de la vérité, mais la vérité tout de même. Par la suite, elle les régala de quelques anecdotes insignifiantes sur certaines de ses missions au sein de l’Ordre, et confirma que le sénateur de Datar avait bien une affection pour les tenues rose bonbon.

Le pilote lui proposa même à un moment de prendre les commandes, perspective que la trentenaire repoussa avec un air horrifié, connaissant ses dons pour le pilotage. A voir le sourire entendu des deux complices, nul doute qu’ils trouvaient amusants de constater, qu’après tout, tout le monde avait ses petites phobies. Mais à force d’insistance, elle finit par céder, et dut admettre que décidément, tous ces machins clignotants, ce n’était vraiment pas son truc. Même si elle écouta avec diligence les explications fournies, se disant que cela ne pouvait pas réellement faire de mal…

Finalement, après quatre jour de ce régime et un arrêt sur Bomis Koori pour récupérer des pièces voulues par la mécano et surtout s’enquérir du trafic au moment de quitter la Voie marchande Corellienne, ils arrivèrent en vue de Panatha. Enfin. Et encore, apparemment, ils étaient allés particulièrement vite pour accomplir ce trajet. A croire que peu de monde voulait se perdre dans les confins de la Bordure sud, surtout depuis que Bakura était devenu un monde pestiféré. Pauvres bakuriens, les voilà voués aux gémonies pour des actes dont ils n’étaient en rien responsables, mais par le seul fait d’avoir été représentés par un traître… La politique gardait décidément toute son injustice. Nul doute qu’en raison de sa proximité géographique, la lune des épicanthix devait souffrir de ce manque de ressources brutal… Un élément à prendre en compte pour leur enquête.

Bientôt leur navette amorça sa descente après avoir obtenu l’autorisation de se poser sur le petit spatioport de Tree City, la principale ville de la planète qui faisait office, d’après ce qu’Alyria avait lu, de zone neutre pour les clans où siégeait un conseil des anciens de chaque clan pour tenter de résoudre les conflits. C’était également ce dernier qui se réunissait pour élire celui qui représenterait leur peuple au Sénat galactique. Une fois l’atterrissage effectué, la trentenaire remercia chaleureusement leur duo de conducteurs et sortit de la navette, appréciant de pouvoir se mouvoir dans un espace non-confiné après tout ce temps passé dans l’espace.

Se tournant vers Lorn, elle souffla :

« On devrait aller s’annoncer au Conseil des anciens et demander une audience, avant d’aller faire un tour en ville.

Il est tard, et avec un peu de chances, on pourra se trouver une cantina avec cuisine locale. Qu’en dis-tu ? »


De toute manière, tant qu’ils n’auraient pas le soutien des anciens pour procéder à leur tournée des clans, laissez-passer obligatoire pour ne pas se faire hacher menu leur avait-on bien faire comprendre, ils ne pourraient commencer leur travail, et Alyria doutait fortement que tous ces vieux et dignes épicanthix les reçoivent d’ici plusieurs heures… Voir jours. Faire mariner des émissaires, c’était toujours un plaisir rarement dédaigné …
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Était-ce du fait de leurs caractère ou simplement grâce au temps passé ensemble que les deux maîtres arrivaient à s’entendre et se comprendre avec une telle facilité ? Le jeune colosse avait connu d’autres maîtres depuis au moins aussi longtemps que sa camarade et il ne partageait pas du tout le même type de relation qu’avec elle. Le temps était-il donc l’élément déclencheur ? Non, pas vraiment, ils s’entendaient bien parce qu’ils étaient complémentaires mais en aucun cas identiques. De prime abord on pourrait croire que ces deux maîtres d’armes se ressemblaient mais cette supposition ne pourrait être plus éloignée de la vérité. La demoiselle avait été éduqué dans un milieu assez strict où les émotions n’avaient que peu de place, elle était froide et ses mouvements étaient tout aussi calculés car cela faisait partie de son éducation et jamais rien ne saurait changer cela. Lorn, pour sa part, pouvait sembler sec et froid mais ce n’était rien de plus qu’une carapace construire au fil du temps pour contenir en lui le trop-plein d’énergie qui grondait en lui.
La plupart de ses congénères étaient de puissants guerriers qui n’étaient pas réagis par le même code de conduite et de maîtrise de soi que le colosse, ils laissaient leur rage et leur courroux vengeur se déverser à travers eux et les nourrir comme une drogue coulant dans leur veine, jusqu’à ce que le combat prenne fin d’une façon ou d’une autre. Possédait-il lui aussi ces mêmes prédispositions, même sans avoir grandi au milieu de ses congénères ? Beaucoup diraient que non et ils auraient probablement raison. Il possédait cette énergie guerrière tout au fond de lui mais n’avait pas appris à y céder comme les autres guerriers de son peuple, ses maîtres lui avaient appris à la faire taire et l’enfermer au fond de lui, sans grand succès, jusqu’à ce que son mentor lui montrer comment la canaliser pour faire de lui un élément précieux de l’Ordre.
Malheureusement l’énergie qui logeait au fond de son corps était si gigantesque que même tout une vie de rigueur martiale n’avait pas suffi à la tarir et, de temps à autres, celle-ci refaisait surface dans les combats les plus désespérés ou les batailles les plus acharnées. C’était comme essayer de vider un océan sans fond ni limite.
D’ordinaire cette énergie était aussi calme qu’une mer en l’absence de la moindre petite brise mais les évènements récents finirent par agir cette mer au point de devenir difficilement contrôlable par le colosse. Bien entendu ce dernier parvint à rester maître à bord grâce à du temps et de l’acharnement mais ce ne fut pas une promenade de santé. Cependant, bien malgré lui, il prit goût à ces combats récents et surtout à la montée d’adrénaline qui allait avec, il ne pouvait pas l’avouer publiquement mais il ne s’était jamais senti aussi important, aussi puissant et aussi utile que sur Aargau. Il ne pouvait pas l’avouer car ça allait à l’encontre de tous les codes de l’Ordre Jedi mais surtout parce que cela ne le rendrait pas si différent des siths qui s’étaient totalement abandonnés à ce poison.

Il devait donc résister mais ne cessait de se demander pourquoi il était le seul que ce goût du combat affectait autant. Pourquoi n’avait-il jamais vu aucun de ses pairs ou de ses élèves rencontrer les mêmes problèmes que lui ? Étaient-ils plus doués que lui pour cacher leurs soucis ou n’était-il qu’une anomalie ? C’était une réponse bien trop difficile à trouver en si peu de temps, mais il espérait que là, quelque part sur cette planète qui apparaissait devant lui, il puisse trouver un élément de réponse. N’importe quoi serait toujours mieux que ce qu’il avait déjà : rien !

Saluant ses deux compagnons de voyage, il descendit de l’appareil et écouta d’une oreille la proposition faite par sa compagne. Les jedis étaient ici en mission officielle et ne pouvait commencer à interroger les chefs de clans quant aux disparitions sans l’accord de l’autorité locale, enfin ils auraient pu passer outre mais ils étaient censés être les garants de la paix et un peu de diplomatie aidait toujours en ce sens.
D’ordinaire Lorn était le premier à préférer la franche et brutale honnêteté mais, étant donnée la réputation de son peuple d’origine, il doutait que ce soit la meilleure idée qu’il ait jamais eu. Tentant vainement de masquer la tension qui commençait petit à petit à croître en lui, il se contenta de répondre le plus simplement du monde :

« Allons les saluer. »

Il était un très mauvais acteur et savait que sa partenaire ne mettrait pas longtemps à sentir sa tension, mais ce qu’il ressentait n’était pas important et ce fut avec cette pensée en tête qu’il se dirigea vers la station de taxi la plus proche pour se diriger vers le lieu où se réunissait le conseil.
Après quelques minutes d’un court voyage jusqu’au centre de cette ville, le duo fut arrêté devant une bâtisse qui reflétait l’importance des personnes qui résidaient à l’intérieur, elle n’était pas immense comme les immeubles de Coruscant mais elle sortait clairement du lot. Aux portes de ce large bâtiment se trouvaient deux gardes en faction qui, bien qu’assez grands et carrés, faisaient assez pâle figure face au colosse qui restait grand même selon les critères de son peuple. Les deux maîtres avancèrent face aux portes et, une fois à portée de voix, le maître d’armes se tourna vers celui des deux qui semblait le plus jeune ou tout du moins le plus avenant.

«Maître Vocklan et maître Von, nous venons demander audience au conseil. »


«Quel est l’objet de cette audience, maîtres ? »


«Nous avons une enquête à mener et aimerions nous entretenir avec les chefs de clans pour avoir leur aval. Quand pensez-vous pouvoir nous donner une réponse ? »


«Le conseil ne reçoit plus d’audiences aujourd’hui, vous aurez votre réponse demain. »


« Bien. À demain dans ce cas. »

Si le jeune homme fut assez surpris que les gardes ne demandent pas plus que cela en quoi consistait cette enquête, comme s’ils étaient certains que les anciens pourraient donner une juste réponse même sans cette information manquante, il n’insista pas plus que cela et fut amusé que son goût pour les discussions claires et courtes fassent écho chez quelqu’un d’autre. Tournant les talons pour partir à la recherche d’une auberge et d’une cantina où passer la fin de la journée et la soirée, le colosse s’immobilisa sur place lorsque les dernières paroles du gardes atteignirent ses oreilles.

« À demain, maîtres. Bienvenue chez vous, maître Vocklan. »

À ces mots il sentit un doute s’insinuer en lui et, s’immobilisant, il pivota lentement pour poser son regard clair et pur sur le garde comme s’il espérait y trouver une réponse. Était-ce son nom, sa réputation ou simplement sa carrure qui lui avait mis la puce à l’oreille ? Etait-ce son statut de jedi qui lui donnait droite à une telle sollicitude ou tous les épicanthix partageaient-ils ce même patriotisme ? Tant de questions se bousculèrent dans la tête du jeune maître sans y trouver un seul élément de réponse, même les yeux du garde ne purent lui donner le début d’un indice.
Tentant de faire taire ses doutes comme on baisserait le volume d’une musique trop forte, il se contenta de pencher la tête en avant en un salut aussi respectueux que discret avant de tourner les talons et de repartir. Il n’aimait pas ça, une question de plus venait s’ajouter à la liste déjà longue de problèmes à résoudre et il venait seulement de poser les pieds sur cette fichue planète.
Alors qu’il reprit sa marche, l’ancienne d’une auberge apparut dans son champ de vision et, fronçant les sourcils, il lâcha à voix haute ce qu’il ne cessait de penser depuis la fin de cette courte entrevue.

« Je n’aime pas ça. »

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En voyant la rapidité de la conversation se déroulant devant elle et la promptitude de la réponse apportée, même si cette dernière était négative, Alyria ne put s’empêcher de penser que si la République était peuplée d’épicanthix, les affaires de la Chancellerie et du Sénat irait nettement plus vite. Certes, elle ne s’attendait pas à ce que deux gardes se mettent à trousser des discours pour dire si oui ou non ils avaient une possibilité d’être reçus immédiatement, néanmoins, avoir pour une fois un échange clair, net et précis avait de quoi la satisfaire. Elle n’avait que trop rarement eu l’occasion de ne pas devoir parlementer pendant des heures avec d’odieux verbeux ces derniers temps. Certes, elle aurait pu s’immiscer dans la discussion et tenter de le faire, mais n’y avait rien à gagner. En effet, elle s’était attendue peu ou prou à un refus, aussi elle préféra ne pas se perdre en sollicitations qui resteraient de toute manière lettre morte. Ces deux-là ne broncheraient pas davantage, alors autant ne pas se les mettre à dos dès le début de leur visite sur Panatha. Un écart pouvait propager des rumeurs nocives à leur bon travail sur place.

Néanmoins, la jedi tiqua légèrement quand, tournant les talons après avoir salué les deux cerbères, elle entendit le message de bienvenue adressé à son camarade. Manifestement, comme les echanis, les epicanthix, tout à leurs traditions claniques, accordaient une importance particulière à l’appartenance raciale. Alyria avait pu observer ce genre de comportement chez plusieurs espèces, qui partaient du principe qu’un de leurs membres ne pouvait complètement se détacher de ce qu’il était sur le plan génétique, et que les moutons noirs perdus n’étaient que des égarés qu’il convenait d’accueillir comme des enfants prodigues quand ils revenaient sur les terres de leur enfance… Voir de leurs très lointains ancêtres.

Inutile de préciser qu’elle n’avait pas exactement la même vision. D’abord parce que, si c’était le cas, cela signifierait une sorte de prégnance des habitudes hapiennes sur sa personne, et en l’occurrence, elle n’avait pas particulièrement envie de révérer comme une imbécile une reine en méprisant tout individu de sexe masculin. Ensuite parce qu’elle n’appartenait en tant que telle à aucune race, ce que la plupart des gens ne savaient pas, la prenant pour une humaine ou une hapienne de souche. Mais elle était une sang-mêlée, une métisse, un cas particulier ne pouvant se rapporter complètement à aucune culture, à aucune habitude prétendument ancrée dans une génétique pure. Ce détachement qu’elle éprouvait vis-à-vis de ses origines, familiales ou raciales n’était pas sans fondement. En cela, elle n’avait jamais eu aucun mal à se conformer à l’idéal de lâcher-prise jedi sur son passé. Si elle avait une curiosité naturelle pour les traditions echanies et avait appris à pratiquer leur art martial si particulier, c’était dans un premier temps parce qu’elle en avait la possibilité, parce que l’idée l’avait séduite, tout simplement. Ce n’était que des années plus tard qu’elle avait enquêté sur la signification profonde de ce rite, et en avait compris les implications. Elle avait du respect pour cela… mais ne se voyait pas être définie par la race de son père davantage que par celle de sa mère. Là était sans doute sa différence avec l’épicanthix, qui réfléchissait souvent à ce qu’impliquait le sang qui coulait dans ses veines, les coutumes guerrières de ses pairs et leur influence sur ce qu’il était, sur ce qu’il faisait. Et malgré toute sa volonté, c’était sans doute quelque chose qu’Alyria aurait toujours du mal à comprendre, tant ce mode de pensée lui était fondamentalement étranger.

Posant sa main sur son épaule, n’ayant pas besoin de lire dans son esprit pour comprendre que cette petite phrase l’avait interpelé, elle souffla :

« Au moins, ils sont plus aimables que sur Hapès, ici. Je doute d’être accueillie de la même façon si d’aventure j’y retournais un jour.

Viens. »


Encore que… Peut-être qu’en raison de ses anciennes fonctions, la reine-mère enverrait quelques laquais lui lécher dûment les bottes. C’était bien la méthode hapienne, ça, quand bien même elle représentait au fond tout ce que le Consortium détestait : jedi, de sang impur… Tout pour elle, pas de doute là-dessus.

Manifestement, la chose continuait de trotter dans la tête de son compagnon, qui finit par lâcher en une phrase lapidaire et alors qu’ils arrivaient devant une cantina son malaise. Ne voulant pas s’ajouter une inquiétude et une paranoïa supplémentaire, Alyria préféra temporiser, se faisant l’élément optimiste du duo, et espérant l’apaiser un tantinet, aussi elle soupira :

« De toute manière, j’étais persuadée que ce serait la réponse que nous allions obtenir. Ils savent pourquoi nous sommes là, il est probable que nos deux nouveaux amis avaient ordre de nous faire attendre puis de transmettre notre arrivée, pour qu’ils aient le temps de décider ce qu’ils vont nous dire, et surtout ce qu’ils peuvent nous révéler sans froisser tel ou tel clan.

Bon, cela dit, s’ils ont autorisé notre venue de base, nul doute que la réponse en elle-même sera positive. Je présume seulement qu’ils vont essayer de se mouiller le moins possible.

Enfin, rien de surprenant. »


Son regard se tourna vers l’entrée de la cantina et son vieux néon usé, et un sourire amusé passa sur ses lèvres alors qu’elle déclarait, une note clairement joyeuse dans la voix :

« Je n’ai pas dû entrer dans une vraie cantina depuis… Deux ans ? Trois ? C’est fou comme l’odeur de crasse de contrebande et d’alcool à demi-frelaté m’avait manqué. »

Et le pire, c’est qu’elle était sincère ! A force de ne pouvoir fréquenter que les beaux quartiers de Coruscant, Alyria avait eu l’impression de se retrouver dans une prison dorée, presque semblable à celle de son enfance. Alors si elle n’avait pas un amour immodéré pour la puanteur des bas-fonds, elle devait avouer qu’être dans un environnement aussi faussement aseptisé lui avait presque fait regretter le temps où elle parcourait la galaxie comme chevalier ou avec son maître, à écumer les cantinas des petites colonies de l’espace hutt ou d’ailleurs.

Pénétrer à l’intérieur du bâtiment lui fit l’impression de débarquer telle une naine au pays des géants. Dotée d’une stature tout de même plus qu’honorable de façon générale, y compris pour une echanie ou une hapienne avec son mètre quatre-vingt, la maîtresse devait pourtant se rendre à l’évidence : ici, seuls les plus petits épicanthix étaient à sa taille… Le reste la dépassant allègrement d’une ou deux têtes. Heureusement qu’elle avait l’habitude avec Lorn !

Se dirigeant vers le bar tout en essayant de faire abstraction des regards qui s’étaient naturellement posés sur eux et les observaient, curieux, la trentenaire avisa celui qui paraissait être le patron et demanda donc s’il avait encore des chambres de libres. Ce dernier la jaugea un instant du regard, avant de souffler :

« C’est pas la place touristique la plus courue de la galaxie, ici, hein, bien sûr que j’ai de quoi loger du monde. Et à prix cassés, repas du soir compris ! Formule de la maison. »

Hochant la tête, Alyria coula un regard vers Lorn, avant de souffler :

« Ça fera l’affaire. »

Et c’est ainsi que, sa poche allégée de quelques crédits plus tard, la transaction fut réglée rapidement. Une fois son argent empoché, le colossal barman les lorgna, avant de grommeler :

« J’vous sers un verre ? »

« Pourquoi pas, oui. Vous avez du Snig ? »

Boisson non-alcoolisé typique des cantinas des quartiers pauvres, elle avait l’avantage d’être très nourrissante ou fortement aromatisé suivant si on la préférait chaude ou froide, et Alyria y avait pris goût quand elle avait commencé à arpenter l’espace hutt avec son maître, trop jeune pour boire de l’alcool. Depuis, quand il fallait donner le change de cantina, elle prenait presque toujours un verre de cette substance bleuâtre qui avait l’avantage de ne pas trop attirer l’attention tout en restant dénué de tout produit susceptible de lui embrumer l’esprit.

« Chaud ou froid ? »

« Chaud. »

La jedi attendit que Lorn passe commande à son tour puis saisit sa boisson et entreprit de se poser dans un coin tranquille, dos au mur et la piste en vue, afin de parcourir leur nouveau terrain de jeu du regard. L’endroit lui rappelait un peu les cantinas sur Tatooine, dans les colonies proches des astroports. La faune y était encore relativement peu bigarrée, se concentrant sur les habitants du coin qui vivaient de l’entretien de ce dernier, et accueillait quelques visiteurs à peu près recommandables comme eux. Au bar, un imposant Nickto, sans doute un chef mercenaire venu recruter enchaînait verre sur verre et Alyria se demanda bientôt comment il faisait pour ne pas être fin saoul, surtout vu la descente de son partenaire de beuverie. Néanmoins, son questionnement tomba à l’eau quand il commença à beugler une sorte de chanson paillarde en un mélange de huttese et de twi’lek auquel elle comprenait un mot sur deux, mais dont le contenu était suffisamment explicite pour se passer réellement de l’ensemble d’un tel texte … Levant son verre, il se mit à brailler :

« Allez, tournée générale ! Ca va chauffer chez les limaces, faut que je m’en mette plein la gueule avant d’y retourner ! »


Et… Comme d’habitude, la Force arrivait encore à la surprendre. A croire qu’elle avait une manie de mettre ses serviteurs au milieu d’un chaos potentiel. Se penchant vers Lorn, elle murmura :

« Nul doute qu’avec Borenga, ça doit en effet être un sacré bazar dans l’espace hutt. Je sais que les tiens forment des contingents de mercenaires depuis longtemps, et que c’est sans doute habituel… Mais je dois admettre que ce recruteur ici n’est peut-être pas franchement à mon goût.

Enfin, tant qu’il ne déclenche pas une bagarre générale… »

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Cela ne reviendrait pas à tirer sur l’ambulance si je vous disait que le jeune maître d’armes n’aimait pas les longs débats complexes et les discussions qui tournaient en rond, il était de notoriété publique que ce maître était un individu simple qui aimait quand les discussions allaient droit au but et que ses interlocuteurs n’essayaient pas de l’endormir à coups de langue de bois. Était-ce lié à son éducation ou à ses origines ? Certains argumenteraient que c’était sans doute un savant mélange des deux mais au final même le jeune homme ne possédait pas la réponse. Il était simplement un homme d’action n’appréciant guère de perdre son temps en palabres inutiles et, à son grand contentement, le garde qui lui fit face sembla partager la même vision des choses si on s’en référait à ses phrases courtes et directes.
Peut-être avait-il des idées préconçues sur ce peuple mais il n’aurait jamais cru ses congénères capables d’un quelconque patriotisme, raison pour laquelle il fut surpris en entendant le garde lui souhaiter un bon retour sur la planète qui aurait toujours dû être son foyer. Oui, la question n’était pas de savoir comment ce garde avait su voir en ce jedi l’un de ces congénères mais pourquoi il se sentait le besoin de lui souhaiter la bienvenue. La réputation du maître le précédait et tous ceux ayant entendu parler de ses actions sur Byss et Aargau savaient que c’était un fier représentant de ce peuple guerrier, mais très rares étaient ceux – même au sein de l’ordre – à connaître son passé et à savoir qu’il n’avait été que brièvement exposé à cette culture martiale et guerrière.

Le jeune homme savait que les différentes familles se regroupaient pour former des clans sous l’autorité d’un chef de clan et, ainsi, formaient des petite communautés qui ne se mêlaient qu’assez rarement aux autres, il savait cette société fragmentée mais ne s’attendait pour autant pas à ce qu’on lui souhaite la bienvenue, lui qui n’appartenait à aucun clan. Aucun clan ? Si, à bien y réfléchir, officiellement il appartenait toujours au clan Vocklan mais depuis le temps la soif de pouvoir et de conquête de son père l’avait sans doute mené au trépas. S’il existait toujours un clan Vocklan, il ne devait être l’ombre que ce qu’il avait été autrefois, constitué de membres affaiblis et isolés. Mais au fait, pourquoi repensait-il à cela, subitement ? Ce n’était ni le lieu ni le moment de ressasser le passé et d’enchaîner les suppositions, il avait une mission à accomplir et allait devoir attendre le lendemain pour la mener à bien.

Écoutant d’une oreille sa camarade alors que le duo s’éloigne du bâtiment pour se diriger vers le centre-ville, à la recherche d’un lieu où passer la nuit, ce furent les paroles suivantes de la demoiselle qui attirèrent son attention. Elle s’attendait donc à un refus de la part des membres du conseil depuis le début ? Prévoir le pire assurait au moins de ne jamais être déçu, mais le jeune maître s’était également attendu à une réaction de ce genre. Bah qu’importe, ils verraient bien de quoi il retournerait le lendemain et, avec cette idée en tête, Lorn se contenta de répondre :

« Ils ne veulent pas se montrer trop avenants non plus. Ils ont une réputation à maintenir. »

Ces hommes n’étaient pas connu pour être de fins diplomates et encore moins d’agréables hôtes, ils étaient bourrus et sans doute trop honnêtes aux yeux de beaucoup de gens extérieurs à cette culture, aussi se devaient-ils de ne pas se montrer trop accueillants envers les premiers venus. Certes il s’agissait de l’ancienne chancelière de la république et d’un maître jedi réputé mais tout de même, se montrer trop ouvert ne jouerait pas forcément en leur faveur.
Tranquillement, les deux jedis pénétrèrent dans la cantina la plus proche et, si la demoiselle était heureuse de retrouver la puanteur et l’odeur de transpiration qui embaumait l’air, son compagnon ne montra clairement pas un tel entrain. Toutes les cantinas se ressemblaient au final, il n’avait pas vraiment de quoi s’extasier mais au moins il avait un toit sous lequel dormir ce soir.
S’asseyant à une table après avoir commandé une simple bière, petite boisson alcoolisée qui ne lui ferait que peu d’effet en raison de sa solide constitution, le jeune homme se mit à siroter son breuvage tout en écoutant sa camarade donner son avis sur le recruteur présent dans ce bar.
Levant le regard cyan vers l’individu concerné, Lorn ne le regarda qu’un court instant avant de répondre :

« Il a la gueule de l’emploi. Beaucoup de jeunes, stupides et en mal d’aventure s’engagent auprès de types comme lui et meurent sans avoir accompli quoi que ce soit. Aussi longtemps qu’il y aura un peuple comme le mien, il y aura des types comme lui. »

Était-ce triste de voir de si jeunes vies gâchées parce que ses congénères ne savaient se contenter de ce qu’ils avaient ? Bien sûr, mais Lorn n’était pas ici pour changer son peuple et n’avait pas la prétention de penser y arriver. Certains mourraient stupidement du fait de leur propre avidité, ainsi allait le monde, ainsi irait toujours le monde.
L’espace d’un instant le jeune homme se surprit à évoquer le peuple épicanthix comme le sien, sachant qu’il s’était toujours senti apatride, mais ce n’était qu’un simple mot échappé de sa bouche et en aucun cas une vérité acceptée. Il était épicanthix de naissance mais jedi de formation.
La soirée suivit son cours et, alors que le duo apprécié un repas chaud bien mérité, l’activité de la cantina ne fit que croître sans que le duo ne soit importuné pour autant. Était-ce le fait qu’ils étaient étrangers qui leur valait cette prudence ? Sans doute, la carrure de Lorn ne jouait pas vraiment au milieu de tous ces géants.

Les heures s’écoulèrent et finalement le sommeil rattrapa le jedi qui s’allongea dans ce modeste lit en essayant de trouver un sommeil mérité et nécessaire, il ne pouvait espérer affronter ses congénères avec l’esprit troublé et le corps engourdi. La nuit fut courte et toujours alimentées des mêmes visions mais, à son réveil, le jeune homme était fin prêt à affronter ceux qui devaient être ses pairs dans une autre vie. Soupirant une toute dernière fois à l’approche du bâtiment, les gardes s’écartant pour laisser passer le duo, le jeune homme se tourna vers sa camarade pour leur demander :

« Tu veux que je me charge du bla bla ? Peut-être est-ce qu’ils réagiront mieux à quelqu’un rivalisant avec leur franchise brute. »

Le jeune homme savait que sa camarade maîtrisait les mots avec une certaine aisance mais il n’était pas certain que ces vénérables guerriers soient plus à l’aise avec une diplomate qu’avec quelqu’un à peu près comme eux. Supposait-il que son amante n’était pas capable de converser avec des guerriers ? Non, évidemment que non mais peut-être préférerait-elle voir ce dont Lorn était capable lorsqu’il s’agissait de parler et non de frapper. Il savait – lui aussi – être diplomate, il n’aimait juste pas ça.
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Certains partaient du principe que les caractéristiques les plus répandues d’une espèce étaient inscrites dans les gènes, que ce qui avait été érigé en culture par des millénaires de traditions, parfois basées sur des facilités octroyées par la nature. Alyria n’était pas de ceux-là. Elle considérait au contraire que chacun avait la possibilité de s’extraire de sa condition première pour se diriger vers d’autres destinées, d’autres rêves, et ce même si on aurait pu penser que telle ou telle prédisposition pouvait le ou la mener dans une direction précise. C’était la liberté de chaque individu que d’embrasser une condition imposée, ou de s’en extirper. Certes, il y avait une foultitude de contraintes à dépasser, qui façonnaient les uns et orientaient les autres. Mais en définitive, tous faisaient leur choix, à un moment donné.

Les zeltrons étaient hédonistes, les épicanthix guerriers, les hapiens orgueilleux … Oui. Souvent. Beaucoup correspondaient à ces visions qui oscillaient entre le stéréotype et la réalité observée. Sauf qu’au milieu, il y avait des zeltrons doux et fidèles, comme son amie Luuna, des épicanthix artistes qui s’étaient souvent exilés loin de leur environnement premier, des hapiens avenants et refusant les clichés ordinairement serinés aux jeunes gens du Consortium … Qui étaient-ils, ces individus ? Des exceptions ? Des anomalies ? Des êtres nés avec le mauvais ADN ? Ou simplement des personnes qui avaient choisi, en leur âme et conscience, aidés par un environnement différent, un caractère particulier, des envies diverses, de changer le cours de leur vie et d’embrasser des existences aux antipodes de ce que l’on attendait d’eux ?

Peut-être que la maîtresse d’armes avait cette vision parce qu’elle pouvait appartenir tour à tour aux deux modèles. Elle n’avait objectivement pas gardé grand-chose de la mentalité de son peuple maternel, et embrassé un certain nombre de traditions dévolues à son héritage paternel. Souvent, elle s’était fait la réflexion qu’elle était beaucoup plus echanie qu’hapienne dans son cœur … Et ce, malgré son physique dominé par la génétique d’Hapès. Mais cela, elle l’avait choisie. Elle n’avait pas ressenti un élan irrépressible la poussant vers quelque chose. Elle avait décidé d’étudier l’art martial echani en premier lieu parce qu’elle y avait tout bêtement accès au Temple, en second parce qu’elle pensait que cela l’aiderait à compléter sa panoplie de duelliste. Et en troisième lieu, par curiosité en effet pour ce peuple dont elle possédait quelques traits. Elle avait fait usage de sa liberté, usé de ses goûts. Il y avait des influences, évidemment. Pourtant, en définitive, elle croyait à la possibilité pour chacun de poser ses choix. Et ce, en toute chose. On choisissait d’agir de telle ou telle manière. On pouvait être contraint par les événements, mais on choisissait en son cœur de s’y plier.

Ainsi, en entendant le constat de Lorn sur son espèce, sans relever le fait qu’il avait usé du possessif pour désigner le peuple épicanthix, jugeant qu’on pouvait objectivement revendiquer son appartenance à une espèce sans forcément que ce soit contraire au code jedi, puisque c’était tout de même quelque chose de difficilement niable rien que physiquement, elle étira ses lèvres en un sourire douloureux. Le problème lui paraissait être pris à l’envers. Mais ce n’était que son ressenti extérieur. Néanmoins, d’une voix douce, tout en posant furtivement ses mains sur celles de son amant avant de les presser doucement, elle chuchota :

« Tu ne crois que c’est aussi parce qu’il y a des êtres de cet acabit, prêt à offrir une solution de facilité, à faire miroiter un avenir apparemment aisé où il suffit de se baisser pour ramasser les crédits, que des peuples comme le tien continueront à être exploités pour leurs capacités physiques ?

Certains pourraient faire autre chose, avec l’éducation adéquat. Mais au milieu de ces traditions, et quand on leur donne une voie qui semble plus facile, plus rapide …

C’est trop tentant. »


Soudain, l’analogie avec le côté obscur la frappa avec violence. Au départ, elle n’y avait pas pensé… Mais en réalité, c’était exactement le même principe. Clair, obscur, mal, bien … Il y avait toujours cette pente glissante, cette aspiration à ne pas se contraindre, à laisser libre court à ses penchants, à exploiter sans vergogne certains dons sans se fatiguer à chercher des solutions… A se laisser vivre sur ses acquis finalement. A vouloir aussi plus qu’une vie sur une petite planète perdue à chercher querelle au voisin. C’était exactement le même phénomène qui faisait sombrer ces jeunes gens. Pas besoin d’être sensible à la Force pour faire face à des choix avec cette épée de Damoclès de la morale au-dessus de sa tête. Ce n’était pas que des lubies de jedis ou de siths. C’était l’histoire de chacun, le récit de toute existence : celle d’une voie peuplée de choix, assumés ou non, et de cette question lancinante : que vais-je faire ? Que vais-je privilégier ? Les autres ou moi-même ? La vertu ou mes vices ? Mon orgueil… Ou mon pragmatisme ? Tout n’était pas blanc ou noir. Mais dans ce gris, il y avait des teintes plus claires que d’autres.

A croire que les cantinas développaient brutalement ces envies de philosopher. Chassant ces pensées, elle se contenta de siroter sa boisson, tout en continuant d’observer les alentours aussi nonchalamment que possible pour ne pas attirer l’attention. Bientôt ils commandèrent à manger et purent se nourrir tranquillement sans être importunés par autre chose que la programmation de la musique, assez mauvaise, il fallait l’avouer. Au moins, les piaillements de la chanteuse twi’lek couvraient avantageusement le bruit de leur conversation, leur permettant de parler sans se soucier d’être écoutés, même s’ils se contentèrent d’échanger sur des sujets guère sensibles, comme les padawans du Temple, leurs cours … Bref, la routine pour deux maîtres jedis en vadrouille dans la galaxie.

Minuit étant passés, tous deux se retirèrent dans leur chambre respective, Alyria ayant préféré ne pas attirer l’attention en prenant une réservation commune. Comme elle s’y attendait, la pièce était petite et meublée fort chichement, mais elle n’en avait cure, s’effondrant sur le lit pour s’endormir presque immédiatement comme une souche. Au moins, son sommeil eut le mérite d’être réparateur, puisqu’elle se réveilla en parfaite condition le lendemain, fraîche et dispose. Un brin de toilette et un petit-déjeuner plus tard, le duo quittait les lieux pour se présenter à nouveau devant le bâtiment des représentants des clans. Retour à la case départ, en somme.

En règle générale, dans ces cas de figure, c’était toujours elle qui s’occupait de faire le lien avec les officiels, Lorn lui laissant souvent cette partie qui ne l’enthousiasmait que fort peu. Pour autant, il la surprit complètement en changeant leurs habitudes en suggérant de s’occuper de les représenter face aux clans. Diantre, voilà qui était pour le moins étonnant … Et la maîtresse d’armes n’allait clairement pas se mettre en travers de cette volonté subite. A vrai dire, voir un tel duel au sommet de la franchise l’amusait d’avance, même si elle supputait que les vieux grigous assemblés là avaient sans doute une once de diplomatie tout de même.

« Tu me crois incapable de râler plus fort que mon voisin ? Je suis vexée ! »

Evidemment, la moue faussement boudeuse qu’elle affichait et son regard pétillant disait tout le contraire. Après tout, elle n’avait pas survécu un an à la Chancellerie sans envoyer balader certains politiques un peu tâtillons. C’était ce qui la différenciait de la plupart des consulaires : arrivait un moment où elle finissait très nettement par mettre les poings sur les i, comme elle l’avait fait d’ailleurs lors de la première réunion des maîtres à laquelle elle avait assisté, quand l’Empire sith venait à peine de ressurgir, que la République était encore aux mains d’Halussius … Et dire que cela ne faisait pas si longtemps, alors qu’elle avait l’impression qu’une réelle décennie s’était écoulée depuis ce temps-là …

« Mais je t’en prie. Ce n’est pas si souvent que je te vois si prompt à être notre négociateur, alors je ne vais pas te couper dans ton élan. »

Et cette fois, son visage s’illumina d’un sourire qui contenait difficilement un rire solaire, tandis que ses yeux verts reflétaient ce qui n’était qu’une taquinerie aimante d’une amie et d’une amante amusée de voir son compagnon prendre les devants dans un domaine qu’il préférait souvent éviter, tout en étant assez fière de le voir aussi se détacher de certaines de ses appréhensions et se risquer à des tentatives qui n’étaient pas dans son champ de compétences ordinaires. Cela prouvait que ce voyage avait déjà eu des vertus positives, sans même avoir réellement commencé.
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Dire que tous les épicanthix étaient des brutes sans cervelle aurait été un bien grossier raccourci que tout homme bien éduqué devrait se refuser d’emprunter car au fond chaque personne était différente et pouvait, avec un peu de bonne volonté et un environnement qui lui était propice, apporter le changement qu’elle désirait pour faire fi de ces caractéristiques ethniques millénaires et se forger sa propre personne, afin de sortir du moule. Était-ce chose aisée ? Pas le moins du monde car l’esprit d’un individu tendait à suivre aveuglément le chemin que ses mentors et parents tendaient à lui tracer, pour qu’un fils suive les traces de son père et fasse honneur à son nom et sa famille.
Si le jeune homme ici présent aurait très largement suivi les traces de son père si un évènement extérieur n’était pas venu perturber ce schéma familial, avec du recul le colosse était persuadé que son cadet aurait été un individu bien différent. S’il paraissait plus chétif et fin que les autres enfants de son âge, sa différence se ressentait surtout dans son caractère plus effacé et gentil que celui de son ainé. Ce dernier, avec beaucoup de recul, avait fini par en conclure que son frère avait toujours été trop gentil pour cette vie et qu’il n’aurait pas pu devenir ce que son géniteur attendait de lui. Aurait-il pu changer son destin et devenir un homme tout autre ? Lorn n’en était pas sûr car sa gentillesse faisait également écho à son caractère effacé qui traduisait un manque de volonté et un caractère un peu plus soumis que ses congénères.

Ce n’était là qu’une vague supposition d’un esprit ne pouvant se détacher complètement du passé, mais son jeune frère aurait pu être l’exemple vivant qu’un individu pouvait être totalement différent de ses congénères, et cela sans aucune intervention extérieure. Y en avait-il d’autres, des exemples comme le sien ? Lorn n’était pas assez arrogant pour croire que sa famille seule comptait un exemple aussi unique, d’autres devaient exister mais ils ne lui étaient pas parvenus…non pas qu’il les cherchait de toute façon.
Le colosse avait toujours été une exception car il avait eu la chance d’être mêlé assez peu à cette culture et de recevoir une éducation suffisamment stricte pour oublier quasiment tout de sa vie d’avant et de ces coutumes barbares. Mais aujourd’hui, alors que le devoir le forçait à replonger dans un univers qui n’avait plus été le sien depuis une éternité, ce débat était relancé au milieu de cette taverne.

Cet homme-là acculé au bar était ici pour nouer des relations avec les différents clans et repérer ceux qui, peut-être, seraient intéressés par ce qu’il avait à leur offrir. Il était là en reconnaissant et scrutait de son œil expert chaque nouvelle personne rentrant dans cette pièce, il était aussi suffisamment malin pour reconnaître à qui il avait à faire, sans quoi il se serait sans doute approché du colosse pour lui faire la même proposition qu’aux autres.

La demoiselle aux cheveux de feu pensait que ce recruteur était, lui parmi tant d’autres, la raison pour laquelle les deux jedis était ici ainsi que la raison pour laquelle ce peuple poursuivait son aisément la voie du mercenariat. Lorn ? Si au départ il pensait l’inverse, sa réponse fut plus nuancée.


« C’est là l’éternelle question qui ne trouvera pas de réponse. Qui est arrivé en premier ? La violence dans le cœur des hommes ou la fourberie créant des hommes comme lui, capables de tirer profit de la violence faisant battre cœur de leurs congénères ? Je pense que c’est un mélange des deux.»

Tout n’était pas tout blanc ou tout noir et, malheureusement, la faute était partagée.


« Les hommes usent de violence parce que c’est facile, plus facile que de parler. Alors quand ils apprennent qu’ils peuvent gagner richesses et gloire en usant de violence, les jeunes empruntent cette voie les yeux fermés sans se demander si c’est la bonne. Mais, même si ça me coûte de le dire, ce n’est pas la pire voie qui pourrait s’offrir à eux. Leur brutalité naturelle, si elle n’est pas canalisée ou dirigée vers un objectif précis, peut finir par les détruire. Ils gâchent leurs vies, c’est certain, mais un peuple guerrier ne s’épanouit malheureusement qu’au milieu des conflits, ils ne savent pas vivre autrement. »

Ses paroles sortirent douloureusement de sa bouche mais il ne put se résigner à les ravaler pour autant. Une bête guidée par ses instincts basiques était un danger pour la société mais un soldat, éduqué et entrainé, était une arme utilisée dans le but de vaincre un ennemi. C’était une puissance qui pouvait être plus facilement contrôlée et, de ce fait, qui était moins un danger public que son sauvage cousin. Tournant la tête vers un groupe de jeunes, à quelque mètres de là, buvant et riant grassement, il étouffa un soupir tout en concluant par :


« Et en toute honnêteté, je ne suis pas assez confiant pour penser pouvoir leur montrer une voie différente. Il semble difficile, voire presque impossible de changer un mode de vie plusieurs fois millénaire. »

Du défaitisme ? Non, du réalisme. Tout comme il serait illusoire d’espérer guider les hutts loin de leur attrait pour l’argent et le pouvoir, guider des peuples guerriers loin de la violence semblait être une tâche qui devrait s’effectuer sur des dizaines et des dizaines de générations avant d’enfin porter ses fruits.
Le débat prit fin en même temps que la venue de la nuit et, le lendemain matin, les deux tourtereaux se retrouvèrent devant le bâtiment où se situaient les anciens de cette planète. Si la demoiselle fut amusée de voir son camarade plonger volontairement dans le domaine de la négociation, celui-ci tempéra bien vite son amusement par un :


« Négociateur est un bien grand mot, mais tu me sais assez têtu pour ne pas repartir avec une réponse négative, dussé-je y passer la nuit. »

Prenant une courte inspiration, le jeune homme fit un signe de tête aux deux gardes devant qui, comme un seul homme, pivotèrent pour leurs ouvrirent les portes qui s’écartèrent dans un grondement sourd. Un à un ses pas résonnèrent sur le sol dallé avec une lourdeur accrue jusqu’à ce que, enfin, le duo pénètre au cœur de la salle du conseil. Si la salle était vaste et décorée avec aussi peu de subtilité qu’on attendrait d’un peuple guerrier, l’attention de Lorn fut attirée par la poignée d’hommes se trouvant au fond de la pièce, sur ce qui semblait faire office d’estrade.
Certains portaient sur leurs visages les marques d’une vie passée à se battre, d’autres furent plus chanceux mais, au final, tous avaient été marqués par le passage du temps sans pour autant avoir perdu de leur stature. S’ils scrutèrent tous silencieusement le duo sans dire un seul mot, fidèles à leur réputation taciturne, ce fut Lorn qui se força à faire le premier pas.
S’avança d’un pas puis encore d’un autre, leva ses yeux azurs vers la mêlée, il se contenta de débuter par un simple :


« Bonjour. Voici maître Von et je suis maître Vocklan. Nous sommes ici pour une enquête dont vous connaissez déjà la nature, j’aimerai que vous nous donniez votre accord avant que nous ne commencions. »

Pourquoi faire compliqué ? Les anciens avaient été avertis de la présence du conseil et de la raison de leur venue ici et, malgré tout, ils avaient accepté leur requête. Cela devait compter pour quelque chose, non ? Une fois que les deux maîtres furent présentés, certains anciens se tournèrent les uns vers les autres pour murmurer des paroles que Lorn ne pouvait pas entendre de là où se trouvait. Faisait fi de ces bavardages, un ancien s’extirpa de la mêlée et, se plaçant devant ses compères s’enquit de la première question lui venant en tête :


« Il est vrai que nous ne pouvons refuser votre aide, en revanche j’avoue être curieux. Pourquoi vous intéresser à cette affaire dans des temps si troublés ? Notre planète ne doit pas être la seule à souffrir des récents évènements.»

Arquant un sourcil de surprise à peine dissimulé, Lorn répondit sans attendre :


« Parce que si j’avais des trouble-fêtes dans mon jardin, j’aimerai qu’on m’en débarrasse ou, du moins, qu’on me disent d’où ils viennent pour éviter que ça ne se reproduise. »

C’était une façon assez simple de résumer les choses mais cela eut au moins le mérite de décontenancer un ou deux anciens qui ne s’attendaient sans doute pas à une approche si simple de la question. Se tournant vers ses collègues, le vénérable et ancien guerrier se tourna de nouveau et continua de prendre la parole au nom de tous :


« Et que ferez-vous si vous faites chou blanc ? »

C’était tout à fait normal de remettre en question l’efficacité d’une personne annonçant pouvoir régler leurs problèmes mais, d’un autre côté, c’était aussi le rôle de Lorn que de leur prouver que leur manque de confiance était déplacé.


« Franchement, vous pensez qu’on serait là si nous n’étions pas certains de pouvoir régler ça ? Je ne vais pas vous présenter nos états de service, vous les connaissez déjà, mais je peux vous assurer que nous prendrons le temps qu’il faut mais nous ne repartiront pas d’ici sans avoir obtenir des réponses. Ce n’est pas négociable.»

Si les anciens furent choqués par le manque de tact de leur interlocuteur ils ne le montrèrent pas le moins du monde et, sur ces belles paroles, le supposé ancien en chef se tourna vers ses collègues qui se concertèrent pendant quelques minutes. Lorn, discrètement, se tourna vers sa camarade en sachant très bien qu’elle désapprouverait probablement son manque de délicatesse dans son approche. Les anciens hésitaient ce qui était compréhensible, ils avaient besoin de garantie et Lorn ne leur avait donné que le CV de ce duo pour seule réponse, cela pouvait être suffisant pour certains mais pas nécessairement pour la majorité d’entre eux.
Au bout de quelques minutes l’ancien en chef s’avança sur l’estrade et, le plus simplement du monde, conclut par un :


« Puisque vous semblez sûrs de vous, peut-être devrais-je vous suggérer de commencer par interroger le clan situé à cinq kilomètre de la sortie sud de la capitale. C’est un clan modeste, mais peut-être que son chef saura vous mettre sur la piste. »

Il fallait bien commencer par quelque part, non ? Abaissant la tête pour former la façon la plus sommaire de remercier quelqu’un, Lorn tourna les talons et se dirigea vers la sortie sans plus attendre. Ces hommes ne l’aideraient pas davantage, son interlocuteur venait de lui donner la première piste de réflexion et il n’y en aurait probablement pas d’autre. Une fois sorti de la bâtisse, il se tourna vers la demoiselle et lui demanda :


« En route ?»



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« En avant oui. Tu veux que je conduise le speeder ? Tu pourras me guider en regardant la holo-carte. »

Guider un speeder, encore Alyria savait faire. Ce n’était pas sa plus grande spécialité, mais c’était dans ses cordes. Cependant, comme cette mission semblait être l’occasion d’échanger les rôles, autant le faire jusqu’au bout, non ? Et à vrai dire, après des jours coincés dans un vaisseau, la trentenaire avait hâte de bouger, de sentir le vent dans ses cheveux … D’avoir l’odeur de l’action flottant sur sa peau en vérité. A croire que Panatha inversait leurs comportements habituels : à Lorn les discours et interrogations, à elle l’envie de foncer. Peut-être qu’effectivement, tout ceci allait les emmener loin de leur zone de confort, chacun à leur manière.

Enfourchant le véhicule mis à leur disposition par le conseil des clans, la maîtresse d’armes s’assit en avant et embraya, laissant le colosse se glisser à l’arrière. L’engin n’était pas de première jeunesse, mais robuste, puisque construit pour supporter le poids de deux locaux en temps normal. Autant dire qu’il ne grinça pas à l’arrivée des nouveaux arrivants, ronronnant gentiment comme sa conductrice le poussait rapidement pour décoller au plus vite. Rabattant ses jambes, elle se cala, et s’élança.

Quitter Tree City fut particulièrement rapide. La ville n’était de toute manière pas très grande, même si elle avait un charme certain, notamment en raison de ces imposants conifères qui donnaient leur nom à la cité principale de Panatha, la plupart des bâtiments étant construits autour de ces derniers, un peu comme sur Kashyyk, quoiqu’en moins harmonieux. On sentait la volonté de soumettre la nature, et non de vivre à ses côtés contrairement aux wookies, même s’il y avait la même sensation de praticité tribale, guerrière, derrière tout cela. L’ensemble avait pourtant une réelle magnificence, brutale, simpliste … Mais réelle, vivante. Le cœur de la société épicanthix respirait, brûlant, au rythme de ses habitants aux épaules larges et aux langues agiles, qui s’invectivaient parfois en épicanth, la jedi ne pouvant alors qu’écouter sans comprendre et deviner par des gestes ce dont il retournait.

Bientôt, ils débouchèrent sur un océan de plaines et, inconsciemment, la demi-echanie ralentit son allure pour profiter de cette vue agréable. Cependant, la verdure céda peu à peu la place à de la steppe, et à un climat plus froid. C’était là la réalité de Panatha, celle qu’elle avait étudié au Temple avant de venir. Les holos conservés disaient vrais : sur ce sol pauvre, hormis l’élevage, il était difficile de tirer une subsistance quelconque, d’où les querelles entre clans, les raids sur les voisins. Bien sûr, avec les investissements adéquats en technologies agricoles, en développant les bonnes plantations, nul doute que tout aurait été différent. Sauf que hormis éventuellement l’Agricorps et ses dévoués serviteurs de la nature, aucun industriel agroalimentaire républicain ne s’intéresserait à cette planète du bout de la Bordure. C’était la vérité, aussi triste que cruelle, et qu’elle déplorait profondément. Cependant, il ne fallait pas se leurrer : avec la trahison du sénateur de Bakura et le recul de la Ligue qui s’ensuivait, les astres lointains retourneraient à l’anonymat et à la débrouillardise, accumulant leur rancœur délétère contre une République incapable de parvenir à se comporter comme un vrai objet de progrès et donc de leur venir en aide. Elle pouvait comprendre ces sénateurs qui hurlaient à l’abandon, maudissant aussi bien les républicains que les jedis, qu’ils considéraient assis au fond de leurs Temples et insensibles à leur sort. Ils se trompaient. Mais ils ne pouvaient le savoir. Que représentaient des centaines de jedis, pour des milliers de planètes, des milliards d’individus ? Les efforts de leurs sentinelles étaient des gouttes d’eau dans un océan de solitude.

« On est sur la bonne voie ?»

Ainsi, ils progressèrent, guidés par les indications de Lorn, le monotone paysage révélant ses beautés en dénivelés rapides et couleurs diverses. Indubitablement, les grands espaces avaient manqué à Alyria depuis son année sur Coruscant. Entre les égouts de Sy Mirth, les palais d’Aargau, les vaisseaux siths en orbite de Makem Te et le temple de la capitale républicaine, elle n’avait pas franchement eu la chance de profiter d’un air pur, non filtré par des hordes de capteurs en tout genre ou empuanti par la pollution ou les déchets … Ni de la sensation de filer ainsi, collée à son compagnon. Pour un peu, elle se sentait vraiment libre, éloignée des contingences de l’Ordre, de la politique … C’était agréable, d’être l’espace d’un instant comme un couple en vadrouille. Sans même s’en apercevoir, elle laissa échapper un soupir d’aise.

« On est … bien, en fait ? Comme ça ? »

Libres, oui. Elle n’avait pas osé vocaliser son sentiment… Mais il était vivace, lui enserrant le cœur avec une douloureuse acuité. Elle se souvenait de leurs discussions précédentes, du désir de l’épicanthix de ne pas rester à simplement enseigner aux padawans. A présent, difficile pour elle de ne pas comprendre. Clairement, certains jedis étaient plus faits pour parcourir la galaxie, seuls ou en duo, et si Alyria aimait enseigner … Elle appréciait profondément ce retour aux fondamentaux de son parcours de jedi, quand elle accompagnait son maître dans de folles échappées aux quatre coins de l’espace hutt.

Evidemment, une telle plénitude ne pouvait pas durer. En même temps, avec Alyria et Lorn, rien ne restait jamais calme et serein. A croire qu’ils attiraient les ennuis plus sûrement que des mouches le miel. Soudain, un vrombissement lointain surgit aux oreilles de la trentenaire, qui vit dans le lointain deux autres speeders surgir dans son champ de vision. Au départ, elle ne se méfia pas, les surveillant tout de même du coin de l’œil. Mais leurs conducteurs ne manifestaient aucun désir de ralentir, et ses yeux perçurent leurs têtes masquées avant de voir le premier tenter une embardée dans leur direction.

« Rectification. On était bien … »

Se plaquant contre leur engin, la sang-mêlée poussa la bête à fond, prenant de la distance, avant que leurs poursuivants ne fassent de même et que le répit obtenu ne fonde comme neige au soleil. Saletés. D’un mouvement, elle parvint à éviter le second qui tentait de les prendre en tenaille, partant dans une progression en zigzag guère académique, mais relativement efficace. Et dire que la conduite n’était pas son fort… Par la Force, il allait bien falloir qu’elle s’en sorte pourtant ! Quand le premier tir de blaster retentit, qu’elle évita en se jetant sur le côté, les mains dérapant légèrement sur les commandes sans pour autant qu’elle en perde le contrôle, même s’il s’en était fallu de peu, la maîtresse d’armes comprit que se surpasser constituerait la clé.

« Essaye de nous protéger, je vais essayer de les semer … »

Hors de question de s’en tenir à ses talents de pilote simple. Non, il fallait plus. Et ce plus, seul un maître jedi pouvait le trouver. S’immergeant dans l’entité mystique si familière, Alyria s’ouvrit pleinement à son flux, son esprit entrant en communion avec ce dernier. Et elle ferma les yeux. Elle n’en avait plus besoin. Elle voyait autrement désormais, dans un état de transe bien connue des jedis qui se fiaient souvent plus à la Force qu’à leurs sens pour améliorer drastiquement leurs compétences en la matière.

Sourde et aveugle, la trentenaire n’avait jamais été aussi alerte. Elle avait une mer de possibilité, tout s’ouvrait à elle. Il suffisait de se laisser porter par son instinct. Par la Force. Et comme animé de sa propre volonté, le speeder commença à emprunter des figures compliquées, louvoyant entre les deux poursuivants dans une volonté manifeste de se jouer d’eux, de les prendre à leur propre jeu. A Lorn d’en profiter pour porter le coup fatal, dans ce jeu dangereux de rapprochement mécanique.
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En vérité le jeune homme avait une telle aversion pour la politique et les discussions interminables que, en arrivant sur cette planète, même si sa présence avait été demandée par les anciens, il s’attendait à participer à une discussion houleuse où ses hôtes tenteraient de limiter ses mouvements afin qu’il ne fasse pas comme s’il était chez lui. N’était-ce pas normal de garder un œil sur un invité afin qu’il ne saccage pas sa maison ? De la part d’individus si teigneux il s’était clairement attendu à plus de combativité de leur part, peut-être était-ce aussi de vivre depuis si longtemps sur Coruscant qui l’avait rendu cynique à ce sujet, mais au final il fut soulagé de s’être trompé et de trouver une solution rapide et directe.
Ces hommes mettaient en doute la capacité du duo à remédier au souci qui justifiait leur présence ? Heureusement qu’ils le faisaient car il n’y avait rien de pire en ce monde que la foi aveugle, rien de pire qu’un individu buvant vos paroles sans l’ombre d’un doute, sans envisager de remettre ces mots en question. Non, en vérité c’était quand on cessait de douter – de soi ou des autres – que l’on cessait d’avancer. C’était valable pour le jedi, c’était aussi valable pour les anciens qui se tenaient devant le duo de jedis quelques secondes plus tôt.

Mais finalement le cynisme du maître d’armes n’eut pas raison de lui et, après un très court entretien, le duo ressortit de la bâtisse en ayant l’accord du conseil ainsi qu’une destination vers laquelle se diriger pour débuter l’enquête. Laissant sa camarade conduire bien volontiers alors qu’il sortait sa tablette pour localiser l’endroit vers lequel ils allaient devoir se diriger, le jeune homme se surprit à fermer les yeux l’espace d’un instant et, sans vraiment le réalisé, à s’enfoncer complètement dans son siège tout en laissant le vent caresser son visage. Depuis quand n’avait-il pas pris le temps de faire ça, au final ? À quand remontait la dernière fois où il avait pris le temps de…eh bien…prendre le temps ? Plusieurs années aux bas mots.

Alors que d’immenses plaines s’étendaient à perte de vue, le jeune homme fut extirpé de son état léthargique et contemplatif par sa camarade qui, bien qu’assez maladroitement, tenta de faire comprendre à son camarade que ce genre de petite balade n’était pas si désagréable que cela. Cela pourrait vous paraître pathétique, ce genre de discours, mais les jedis n’étaient pas habitués à ce genre de relation et se découvraient petit à petit comme deux amoureux se découvrant l’un l’autre. Rouvrant les yeux, posant ses prunelles azurs sur le décor qui défilait sous le speeder, Lorn prit le temps de profiter du vent autant que de la vue tout en cherchant ses mots.

Que répondre à ça ? Il était aussi maladroit que sa camarade à ce niveau-là et, au prix d’une intense réflexion, il parvint à formuler une réponse à peu près acceptable.

« C’est…reposant. On devrait faire ça plus souvent. »

La vie d’un jedi était rythmée par les théatres d’opération sur lesquelles sa présence était attendue, certes, mais il y avait aussi un temps pour lequel il devait se reposer et Lorn n’avait pas pris ce temps-là depuis des lustres. Ce temps était-il venu ? Difficile à dire mais, malheureusement, il n’eut pas le temps de trouver une réponse à cette question.
En effet, comme si c’était trop beau pour être vrai, le duo ne ptu profiter bien longtemps de cette balade en amoureux qui, de toute évidence, fut gâchée par quelques trouble-fêtes qui n’étaient ni annoncés ni désirés. Décrochant sa ceinture dés qu’il entendit le premier coup de feu tiré, arrachant son sabre laser de sa ceinture et l’activant en un vrombissement familier, Lorn se redressa sur son siège et, puisant dans la Force pour maintenir son équilibré, il tenta de garder bien en vue ces deux véhicules.

Il était inutile d’essayer de les raisonner ou de se demander ce qu’ils pouvaient bien faire ici, le premier coup de feu tiré quelques secondes plus tôt donna à Lorn toutes les réponses dont il avait besoin. Sentant sa camarade puiser dans la Force et faire prendre au véhicule des postures qui ne l’aidèrent pas à garder son équilibre.

Maintenant lui aussi sa connexion avec la Force, il tendit subitement la main et balança son sabre qui vint éventrer l’avant du premier véhicule qui chuta brusquement vers le sol. S’en sortiraient-ils ? Si le pilote était débrouillard, oui, peut-être.
Tournant la tête vers sa camarade, Lorn lui lâcha :

« Un de moins. Dans 10 secondes, stabilise-toi et freine brusquement.»

Se cramponnant sur ses appuis tout en gardant bien en vue le véhicule restant qui faisait son possible pour rattraper sa proie, le jedi sera les dents en sentant la brutale décélération avant, sans crier gare, de bondit hors du véhicule pour atteindre celui de ses poursuivants. Était-ce la Force ou le hasard qui firent en sorte qu’il ne rate pas sa cible ? Un peu des deux, sans doute, mais sur le coup il ne se posa pas la question.
En plus du chauffeur ils étaient deux individus casqués dans ce speeder et, en guise de cadeau de bienvenue, l’homme sur le siège passager eut le droit à une rencontre privilégiée et express avec la botte du jedi qui lui fracassa le casque et très certainement le nez. Le chauffeur tenta vainement de sortir un blaster de sa poche mais le pied droit du jeune homme plaqua sa tête vers la paroi gauche du véhicule, le forçant à puiser dans toutes ses ressources pour maintenir sa route et ne pas dériver vers la gauche.
Et le troisième ? Au moment où il leva une paire de blasters vers le jedis il sentit son corps être projeté sur la gauche par une force qu’il ne pouvait expliquer. Une fois, deux fois, trois fois, Lorn utiliser la Force pour fracasser trois fois la tête du passager arrière contre la paroi du véhicule jusqu’à ce qu’un craquement et une absence de résistance lui fasse comprendre que ce passager n’était plus une menace.

Jetant un coup d’œil sur la situation, Lorn s’installa à la place libre à l’arrière du véhicule tout en expliquant clairement au chauffeur :

« Suis le véhicule devant toi et arrête-toi près de lui. Je ne pense pas avoir besoin de te menacer pour que tu obéisses, sauf si tu veux manger à la paille pour le restant de tes jours. »

Étaient-ils des brigands à la petite semaine ou des crapules engagées pour éliminer les gêneurs venus enquêter sur du business douteux ? Le duo parviendrait à leur faire cracher la vérité.
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Continuant sa course folle, le speeder du duo était semblable à un cheval enragé parti au galop, à la différence que sa cavalière maîtrisait parfaitement les rênes de sa monture, même si les embardées savamment calculées pouvaient laisser penser le contraire. Mais il n’était pas question de faire dans la finesse à ce moment précis. Tout était une question d’efficacité, et à ce petit jeu, Alyria savait se dépêtrer d’une situation pourtant mal engagée. Certes, elle était une pilote correcte, sans plus, et détestait plus que tout la conduite de vaisseaux. Cependant, un speeder, ça restait dans ses capacités, surtout avec la Force à ses côtés, et un copilote de la trempe de Lorn. Elle n’avait pas à se concentrer sur la manière de se débarrasser de leurs poursuivants par la force, puisqu’elle avait toute confiance en son amant pour s’en occuper, simplement à zigzaguer au mieux dans les steppes désertiques de Panatha pour lui faciliter la tâcher et compliquer celles des autres chauffeurs qui les collaient de près.

Tandis que son compagnon écartait le premier véhicule, Alyria vira sur sa gauche pour s’assurer de ne pas entrer en collision avec le speeder enfoncé et éviter aussi, si ce dernier explosait, de recevoir des débris. Alors qu’elle se rapprochait du suivant, Lorn lui intima de freiner, et elle n’eut guère de mal à comprendre pourquoi : vu la configuration de l’engin, avec conducteur et passagers, mieux valait qu’il saute carrément, ce qui supposait deux choses. La première était qu’elle débraye pour reculer et virer de bord afin d’alpaguer leur cible. La seconde, qu’elle freine brusquement une fois à hauteur pour envoyer sa carlingue valdinguer contre celle de leur speeder et permettre de créer une sorte de pont métallique sans mouvement pendant quelques brefs instants pour offrir à l’épicanthix la possibilité d’enjamber leur véhicule et de grimper dans celui qu’il visait. Autant dire qu’il allait falloir qu’elle soit minutieuse. A la moindre erreur, elle risquait de se rompre le cou et de perdre le contrôle de leur speeder. Rehaussant d’un cran encore sa concentration, la jedi se porta aux limites extrêmes de sa conscience, s’infusant littéralement de la Force pour ne plus voir que des inflexions et pulsations autour d’elle, comme si le monde évoluait désormais dans une toute autre dimension, aussi prévisible que fluctuante.

Bientôt, les deux jedis se rapprochèrent dangereusement du véhicule visé, Alyria accélérant légèrement pour se porter au contact, avant de calquer sa vitesse sur celle de son vis-à-vis, tout en le collant pour l’empêcher de lui fausser compagnie à son tour, des étincelles fusant des côtés des engins engagés dans un corps à corps métallique. Stabilisée, elle attendit le bon moment, et sans même avoir besoin de projeter sa conscience vers Lorn, de parler, elle sut quand il voudrait passer à l’action mue par leur lien dans la Force qui se matérialisait devant elle, vivace et brillant, encore plus électrique que par le passé, presque animé par une puissance propre qui n’était plus de leur fait, comme si l’entité mystique elle-même reconnaissait ce qui les unissait et avait décidé de s’en nourrir. Elle freina, et le choc manqua la soulever de son siège, seuls ses bras fermement arc-boutés aux commandes ainsi que ses jambes agrippées à la machine lui permettant de rester en place, au prix d’une sacré décharge dans les membres dues à la poussée et qui se répercuta dans son dos, lui arrachant une légère grimace.

Lorn avait sauté et s’occupait promptement des occupants, aussi, voyant qu’il n’y aurait plus rien à faire dans quelques minutes, la maîtresse d’armes s’éloigna, rejoignant l’autre véhicule qui flambait un peu plus loin. Cherchant un signe de vie, elle trouva rapidement, guidée par la Force, le corps du pilote qui avait sauté et s’était assommé en chutant. La jedi descendit de son speeder et chargea à l’arrière le blessé après lui avoir lié les mains derrière le dos, effectua quelques soins rapides, puis repartit, laissant la carcasse se faire dévorer par les flammes. Elle continua un peu sa course après avoir vu leur autre poursuivant se calquer sur sa trajectoire sous la surveillance d’une silhouette massive qu’elle ne connaissait que trop bien. Finalement, elle s’arrêta et sauta à terre, avant de vérifier l’état de son passager menotté.

Regardant le seul du lot encore en état de parler, enfin à peu près, Alyria lui fit :

« Ton comparse est encore vivant. »

Selon son diagnostic, il en serait quitte pour un solide traumatisme crânien dû à la juste, mais elle avait réduit la chose suffisamment pour que les séquelles soient légères. Pour le reste, dès qu’ils arriveraient à leur destination, elle les remettrait aux autorités locales, et charge à eux de les remettre sur pied. Elle avait fait l’essentiel.

« Bon, je doute que tout ceci soit une rancune personnelle, donc à moins que ce soit le cas, je propose que nous gagnions du temps et que tu nous dises de suite qui t’as engagé pour ce petit travail. »

Devant les lèvres hermétiquement closes qui refusèrent de lui répondre, Alyria soupira, sentant pourtant la tempête à l’intérieur du crâne du mastodonte. Quand elle vit les petits coups d’œil qu’il jetait fréquemment à son compagnon, la trentenaire sentit un léger sourire se peindre sur son visage. Bon, elle allait peut-être pouvoir résoudre ça facilement, en fait.

« Cela dit, je peux aussi laisser mon ami t’interroger. Tout seul. Ici… »

L’air horrifié que leur prisonnier lui lança aurait pu être hilarant, en d’autres circonstances. Et avec une autre personne qu’elle-même, aussi. A vrai dire, recourir à l’intimidation, même légère, n’était pas nécessairement une méthode très agréable, cependant, force était de constater qu’elle était très pratique quand la situation exigeait un dénouement rapide. Et la jedi préférait encore cela à devoir fouiller dans la tête du malheureux, bien qu’elle en ait techniquement le pouvoir. Ce dernier était réservé aux cas désespérés, aux négociations qui allaient dans le mur … Ce genre de choses.

« Donc… ? De toute façon, vous avez échoué, alors peu importe que tu parles ou pas. Pour ton employeur, vous devez déjà être passés pour pertes et profits. »

Ça, c’était la pure vérité. Et il dut le sentit aussi, car l’interrogé finit par crachoter :

« Je sais pas qui c’est. On a juste reçu un message comme quoi quelqu’un cherchait des gars pour un petit boulot ici. On a reçu vos descriptions physiques, où vous étiez au départ, et après, il a suffi de vous suivre à distance. »

« Où est ton datapad ? »

L’épicanthix fit un signe de tête vers sa ceinture, et Alyria prit l’objet ; avant de souffler à Lorn :

« Il dit la vérité. Il n’en sait pas plus. »

Il fallut donc repartir, chacun au volant d’un speeder avec leur nouvelle cargaison, et après une heure de trajet, ils arrivèrent en vue de leur destination. Après s’être annoncé à un des gardes de ce qui ressemblait à un petit village constitué de yourtes, ou assimilés, ils purent pénétrer dans l’enceinte non sans avoir déchargé les mercenaires et les avoir remis aux locaux en expliquant que ces derniers les avaient attaqués.

« Bien, manifestement, nous gênons. Et il va sans doute falloir avertir la personne qui est en charge ici que les envoyés de son conseil des clans ont été pris pour cible. Entre autres choses. »

La discussion s’annonçait joyeuse …
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De par leur affinité avec la Force il était de notoriété commune que les jedis étaient de très bon conducteurs et d’excellents pilotes pour peu qu’ils soient assez ouverts à la Force pour écouter ce qu’elle avait à leur dire et réagir aux avertissements qu’elles leur donnait, il en allait dponc de même pour les deux maîtres ici présent qui étaient tout à fait capables de se débrouiller dans une course poursuite. Lorn appréciait-il cette situation ? L’adrénaline qui pompait à travers ses vaines diffusait en lui un faux sentiment de puissance qu’il tentait de combattre par la tempérance et l’expérience car il savait que cette sensation pourrait le mener à surestimer ses capacités.
Alors oui il avait l’habitude des conduites à vitesse élevée mais il ne serait jamais vraiment habitué au fait de combattre, debout sur le véhicule, tandis que quelqu’un d’autre possédait la pleine maîtrise du véhicule. Comment le pourrait-il ? Un trop brusque coup de volant à gauche ou à droite et il en était fini de lui, autant dire qu’il appréciait de se trouver dans cette situation avec quelqu’un habitué à sa façon d’agir et de se battre. Aurait-il été aussi confiant avec un autre jedi ? Non, il aurait demandé l’immobilisation totale du véhicule avant d’envisager tout autre mouvement pour atteindre sa cible, mais ici il sut immédiatement que tout doute n’avait pas sa place ici. Ce genre de relation ne se forgeait qu’avec du temps, une relation telle qu’un individu pouvait sauter du véhicule les yeux fermés en étant assuré d’atteindre sa cible. Et pourtant ce n’était guère chose aisée car si le véhicule était un poil trop rapide ou trop lent alors le jedi passerait à côté de sa cible et viendrait s’écraser comme une crêpe en contrebas.

Fort heureusement ce scénario n’eut jamais lieu et Lorn atterrit lourdement sur l’autre véhicule avant de distribuer des mandales à tour de bras si bien que, quelques minutes plus tard, le véhicule atterrit paisiblement. Regardant d’un coin du regard la proie capturée par sa camarade, le maître d’armes réalisa soudain que dans son empressement il aurait pu causer la mort du pilote du second véhicule sans s’en rendre compte. Était-ce l’adrénaline et la soif d’action qui l’avaient rendu si peu prudent ? Pour les jedis toute vie était précieuse, même celle de la crapule dont il avait brisé le crâne ou le nez à coup de pied, même ces pourritures avaient le droit à la vie et sur ce point le colosse allait devoir se montrer plus tempéré. La nécessité d’agir était une chose mais elle ne devait se faire au détriment de la vie d’autrui. Voilà ce qu’on lui répétait et ce qu’il avait du mal à appliquer.

Laissant ensuite à sa camarade le bon soin de délier la langue de sa prise, le jeune intervint lorsque vint la menace de le laisser se charger de l’interrogatoire. Feignant un sourire carnassier sur les lèvres, en bien piètre acteur qu’il était.


« J’en serais ravi, vraiment. »

Laissant sa camarade faire ce qu’elle savait faire de mieux, il tendit l’oreille en la voyant s’adresser à lui au sujet de l’ignorance de sa proie. Regardant le misérable du coin de l’œil, il se contenta de dire :


« Je m’en doutais, s’il savait qui nous étions il aurait ramené plus d’hommes. »

Ce n’était pas de l’arrogance que de dire que deux jedis ne pouvaient pas être neutralisés par 4 individus piètrement entraînés, il fallait engager des professionnels sans pitié pour ce genre de boulot et ces boulets ne rentraient pas dans cette catégorie. Bien vite le duo se retrouva au sein d’une petite communauté et un garde leur pointa du doigt le modeste bâtiment qui se trouvait au centre de la place du village. Écoutant sa camarade lui parler de la nécessité d’évoquer l’attaque qu’ils venaient de subir, il crut bon d’ajouter :


« Une bonne façon de briser la glace, ils vont adorer. »

S’annonça au garde qui – cette fois-ci – les laissa passer, le duo pénétra dans une modeste bâtisse visiblement peu aérée aux vues de la chaleur qui y régnait. Essayant de faire fit de cette sensation d’être dans un four, Lorn fit surtout attention au petit homme de modeste stature qui se présenta à eux et qui se révéla être le chef de la maisonnée. Surtout de ne pas avoir à faire à un colosse tout de muscles vêtu, Lorn fit les présentations :


« Maître Von et maître Vocklan, j’imagine que vous savez pourquoi nous sommes ici. Oh, et avant que j’oublie, pourriez-vous nous débarrasser des gêneurs ligotés dans notre speeder ? Il semblerait que quelqu’un n’aime pas vraiment que nous venions fouiner ici, vous devriez peut-être faire passer le mot. »

Surpris d’apprendre cette attaque, le petit chef fit signe à deux de ses gardes qui s’éclipsèrent aussitôt pour aller s’occuper des crapules, reportant ensuite son attention sur le duo en leur confirmant qu’il connaissait la raison de leur venue.


« Vous et vos collègues nous ont fait part de disparitions. Je sais que les départs sont courants pour une population nomade comme celle-ci, aussi nous aimerions accéder aux informations concernés les gens ayant disparu de votre communauté durant les dernières semaines. »

Apparemment ce petit chef était plus malin qu’il n’en laissa paraître car il avoua avoir déjà préparé ces informations. Joignant le geste à la parole il tendit un datapad au duo avec les dossiers des personnes qui manquaient à l’appel sans avoir annoncé leur départ. Faisant défiler les informations devant ses yeux azurs, il finit par lâcher à voix haute :


« Quelques familles, rien d’anormal jusque-là, mais c’est le nombre de disparus chez les jeunes entre 20 et 25 ans qui m’intrigue. D’ordinaire quand des jeunes partent à l’aventure ils ne le cachent pas, ça fait partie de cette culture, et le nombre de disparus dans cette tranche d’âge semble avoir augmenté par rapport aux mois précédents. Une raison à cela, selon vous ? »

L’épicanthix confirma à son homologue jedi que l’éclatement de conflits récents dans la galaxie n’avait eu que l’effet d’un chant des sirènes pour les plus jeunes et stupides de sa communauté. Là où il y avait malheur, eux y voyaient une opportunité. Là où il y avait la mort, ils y voyaient la richesse, pas difficile de comprendre que l’accroissement des guerre ne faisait que stimuler les peuples guerriers comme celui-ci.
Observant une dernière fois le datapad avant de le redonner à sa camarade, le jeune homme salua de la tête le leader et se dirigea vers la sortie en concluant d’un :


« Merci pour les infos. Si nous avons besoin de renseignements complémentaires nous reviendront vers vous. »

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« Ah, un dernier détail, Vénérable, plus … Pratique. Nous risquons de rester ici cette nuit, avez-vous un endroit où nous pourrions loger ? »

Après tout, autant dans une ville, il y avait toujours une cantina, autant dans un campement tribal, c’était nettement moins crédible. L’épicanthix la regarda un long moment, semblant soupeser ses options, avant de déclarer qu’ils pouvaient dormir dans sa propre tente, dans la partie réservée aux invités du clan. Voilà qui était réglé, et Alyria le remercia chaleureusement, inclinant légèrement sa tête en guise de respect. Puis ils sortirent, laissant le chef à ses occupations, à savoir se tailler une nouvelle pipe en bois, apparemment.

D’emblée, la maîtresse d’armes avait été assez étonnée de voir un vieillard voûté par les années se présenter comme le dirigeant du clan, même si ce dernier semblait assez petit, elle aurait juré qu’une culture présentée comme aussi guerrière privilégiait les chefs en pleine santé, ou disons plus imposant, puisque même en invoquant le motif des années, il était aisé de comprendre qu’il n’avait jamais été un colosse dans les standards de sa race, mais plutôt un modèle de taille réduite … Soit sans doute grand pour le commun des mortels galactiques, évidemment. Néanmoins, elle se disait qu’il avait sans doute suffisamment de tours dans son sac. A moins que la place ne soit héréditaire. Bonne question tiens, qu’elle s’empressa de poser :

« Excuse-moi, mais je me demandais, vu notre hôte … La fonction de chef de clan est-elle héréditaire, ou bien obéit-elle à des rites d’élections particuliers ? A moins que chaque clan ait sa propre définition, évidemment.

Je suis assez … curieuse, à vrai dire. Et plus j’en saurais, outre les trivialités lues avant notre départ, mieux je serais à même de t’aider efficacement dans cette enquête. »


En fait, depuis le début, Alyria avait tendance à se référer davantage à ce qu’elle savait des coutumes echanies pour tenter d’appréhender au mieux son nouvel environnement, tout en sachant pertinemment qu’il y avait forcément des différences fondamentales, aussi elle partait du principe qu’engranger des connaissances, outre l’aspect toujours intéressant d’augmenter son savoir propre, serait capital pour remplir à bien cette mission aux confins de la Bordure extérieure. Après tout, s’adapter était un pas essentiel pour tout jedi en extérieur, et elle entendait rappeler qu’elle n’était pas qu’une créature vouée au salon, mais de prime abord une gardienne accomplie n’ayant aucun problème à se fondre dans un système aussi éloigné de ses standards habituels. En attendant, il convenait de commencer les interrogatoires. Avisant un gamin déjà bien bâti, elle lui demanda où trouver la famille du premier nom sur la liste, et ce dernier, après l’avoir dévisagée un bon moment, pointa dans une direction puis repartit jouer avec ses camarades.

Ils arrivèrent bientôt dans une cour où paissaient quelques animaux, sans doute la principale fourniture de viandes et de cuir de la tribu en cas de longs moments passés dans la steppe, et Alyria avisa une femme solidement charpentée, aux cheveux d’un noir d’encre coupés court et à l’air farouche. Poliment, elle s’avança et la héla :

« Madame, excusez-moi… »

L’intéressée la dévisagea un instant, mâchonnant nerveusement un brin d’herbe au coin de ses lèvres, avant de grommeler :

« Z’êtes pas d’ici. »

On avait fait plus chaleureux, mais la trentenaire s’était attendue à ce genre de choses, aussi elle continua sans se formaliser :

« En effet. Je suis l’une des deux jedis envoyées par le Temple d’Ondéron et mandatés par la République pour enquêter sur une affaire d’importance à la demande du Conseil des clans de Panatha. Voici le maître Vocklan, et je suis Maître Von. »

Si elle semblait avoir tiqué à l’entente de son nom, la femme ne parut pas s’en formaliser, au grand soulagement de son interlocutrice, et préféra lancer à la place un rogue :

« C’pour quoi, exactement ? »

« Des disparitions en nombre très important ont été signalées, au point d’inquiéter vos chefs de clans. Et apparemment, vos deux fils font partie des profils qui nous ont été signalés …

Si vous le permettez, nous aimerions vous poser quelques questions … »


Machoîre contractée, la mère donnait l’impression d’hésiter entre lui balancer son poing à la figure ou fondre en larmes. Finalement, elle opta, pour une troisième option et marmonna sans les regarder :

« Si je dis non ? »

« Nous irons demander à d’autres personnes. »

Cela parut un peu la rassurer, étrangement. Aussi respectueusement que possible, la demi-echanie tenta tout de même d’insister, choisissant avec soin ses mots :

« Néanmoins, si cela nous a été signalé … C’est que vous devez être inquiète, n’est-ce pas ? Si vos fils sont en danger, nous pourrions être à même de vous aider … »

Un silence suivit, uniquement interrompu par les cris des enfants aux alentours, la brise légère soufflant sur le campement, et les bruits de conversation normales entre les nomades. Les jedis attendirent, et finalement, la délivrance vint :

« Allez-y. »

« Merci. Donc, pour que nous ne nous trompions, vous me confirmez que vous êtes bien Yaza Kravar, mère de Shanto et Yankar Kravar, âgés de dix-huit tous deux ? »

« Oui… Ce sont des jumeaux. »

« Bien … Avez-vous remarqué un comportement étrange, ou alors annonçant un possible départ ? »

« Non … C’est assez commun que les gosses partent à cet âge. J’aurais pas dit non. Mais ils m’ont dit qu’ils allaient à la ville pour faire des courses, et ils sont pas revenus depuis. Comme ceux qui les avaient accompagnés. »

Elle serra convulsivement les poings.

« C’est pas normal. Mes gamins m’auraient parlé. Faire des choses comme ça … Pas leur genre. »

« Ils ont disparu depuis … ? »

« Trois mois. »

Alyria ouvrit des yeux ronds à entendre cela … Le temps était précieux dans les histoires de disparitions suspectes, et avec une telle amplitude … Voyant manifestement la surprise se peindre sur ses traits, Yaza Kravar expliqua :

« On s’est pas inquiété au départ … Et le temps de faire remonter au Conseil, puis chez les officiels, là-bas, sur Coruscant …

Pas comme quelqu’un s’intéressait à nous dans le Noyau. ‘fin jusqu’à maintenant, en tout cas. »


La jedi hocha la tête, ne pouvant guère la contredire là-dessus. Sentant qu’il était temps de mettre un terme à leur entretien, elle s’inclina également légèrement avant de déclarer :

« Merci beaucoup, vos renseignements sont très précieux. »

Ils prirent congé, et une fois à distance, la maîtresse d’armes soupira :

« De suite, je comprends mieux d’où vient le problème … Et pourquoi c’est autant sujet à inquiétude. Même si on ne peut pas prévoir les décisions irréfléchies de jeunes gens de cet âge, si plusieurs parents ont ce sentiment, ils ne peuvent peut-être pas tous être dans le faux. »

Globalement, les interrogatoires suivants furent du même acabit. Certains mettaient le départ sur un coup de folie adolescent, d’autres partageaient l’avis de Yaza. Tous accusaient le coup, dans tous les cas, et paraissaient sincèrement peinés, ce qui était compréhensible. C’était une chose de voir partir un enfant pour un voyage initiatique presque rituel, c’en était une autre que de le voir s’évaporer du jour au lendemain. Et sans qu’ils ne s’en rendent compte, les heures s’écoulèrent jusqu’à la tombée de la nuit …

« Je crois qu’il est temps de se rendre dans les pénates de notre hôte … »

Sauf que tous semblaient se rendre au centre du village, et Alyria finit par comprendre pourquoi : une sorte de banquet dînatoire était organisé, et tous s’égaillaient autour de plusieurs feux géants, hommes, femmes et enfants. Le chef, justement, passa à ce moment devant eux, et les enjoignit d’un geste à les rejoindre.

Que le dîner à la mode épicanthix et son lot de surprises commence !
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C’était assez amusant de voir un homme aussi carré et méticuleux que ce colosse en arriver à oublier des choses essentielles comme le lieu où il allait dormir ainsi que l’importance d’épargner les vies des criminels qui lui faisaient face, même s’ils méritaient cent fois de souffrir pour leur impudence. Était-ce le retourner sur la terre de ses ancêtres qui le déconcentrait de la sorte ou bien la frustration accumulée par son inaction récente et son besoin de retourner au front ? Il n’aurait su le dire mais, en entendant sa camarade demander s’il y avait un endroit où ils pourraient passer la nuit, le jeune maître sut que quelque chose clochait chez lui. Depuis quand était-il aussi tête en l’air ? il allait devoir se reprendre, et vite !
Fronçant les sourcils en émettant ce constat, écoutant d’une oreille la proposition de rester dormir dans la tente du maître des lieux, Lorn chassa ces sombres pensées d’un simple clignement de paupières pour se reconcentrer sur la question que lui posa sa camarade. Elle s’interrogeait sur la façon dont un individu arrivait à la tête d’une communauté et c’était bien normal, elle s’était attendue à ce que tous les chefs soient des masses de muscle et elle venait d’avoir le plus parfait des contre-exemples.
Levant légèrement les yeux au ciel comme s’il espérait y trouvait la réponse, le colosse fouilla dans sa mémoire pour y trouvait la réponse que désirait sa camarade. De mémoire d’enfant il n’avait jamais vu personne oser contester l’autorité de son père aussi supposait-il que, si cette période de sa vie lui avait été plus favorable, il aurait été formé et entraîné pour succéder à son géniteur. Mais, ne se basant pas sur ses souvenirs d’enfance assez flous, le jedi avait complété ses connaissances avec une bonne dose de lecture et était désormais capable de répondre à son amante :

« Comme toute les sociétés guerrières, la force prime. Bien sûr un chef de clan forme ses enfants pour qu’ils lui succèdent à sa mort, mais n’importe quel individu peut contester l’autorité du patron. Le charisme et l’autorité rentrent autant en compte que la force martiale en elle-même, mais en général le gros du groupe suit aveuglément le plus fort de la meute. »

Y avait-il eu des précédents de communautés ne souhaitant pas suivre celui qui se proclamait comme leur nouveau chef, après avoir battu le précédent leader en duel ? Très certainement même si les rapports n’étaient pas très détaillés à ce sujet, car la force brutale sans respect de la part de ses citoyens ne serait que pure tyrannie. Oh oui, certaines communautés étaient sans doute trop effrayées pour oser se soulever contre leur représentant mais, en définitive, chaque clan était unique car il était le reflet de l’ensemble de ses individus. Certaines communautés étaient très soudées et d’autres…beaucoup moins.

En y réfléchissant bien la simplicité de ce type de culture était la raison pour laquelle les individus extérieurs et ignorants de ces pratiques considéraient ces cultures comme primitives, car dans les sociétés civilisées la force brutale était laissée de côté au profit de la raison et de la diplomatie. Avaient-ils raisons ? Les plus modérés diraient que oui mais au moins la force avait le mérite de régler définitivement les conflits en tuant dans l’œuf toute tentative de fourberie prochaine, mais à contrario elle faisait naître un désir de vengeance tout aussi destructeur.

Chassant une fois encore ces pensées futiles qui venaient polluer son esprit comme preuve irréfutable qu’il n’était pas pleinement concentré sur ce qu’il faisait, le jeune colosse suivit sa camarade qui prit l’initiative de commencer à questionner les gens au sujet des disparitions. Si son interlocutrice ne l’accueillit pas vraiment les bras ouverts comme on pourrait s’y attendre, une discussion s’entama entre les deux femmes et le colosse décida de rester à l’écart pour laisser sa moitié user de ses talents de diplomate. Après tout, planète épicanthix ou non, cette mission se ferait à deux et Lorn ne pouvait décemment pas monopoliser toute l’attention.

Si cette femme ne semblait pas très motivée à l’idée de déballer sa vie à des étrangers, finalement elle accepta d’expliquer son histoire et celle de ses jumeaux, subitement disparus alors qu’ils étaient certainement partis faire des courses. En entendant que cette disparition datait de plusieurs mois, les espoirs de retrouver ces deux jeunes hommes s’envolèrent en un clin d’œil. Statistiquement, une fois les premières 24 heures dépassées, les chances de retrouver vivante une personne disparue ou enlevée fricotaient dangereusement avec le chiffre zéro. Alors trois mois ? Si ce constat était peu réjouissant, le jeune colosse décida de garder cette conclusion amère pour lui-même.

S’éloignant de cette femme une fois les informations récoltées, Lorn tendit l’oreille pour écouter sa moitié qui lui expliquait qu’elle comprenait enfin l’aspect délicat et suspicieux de ces fameuses disparitions. Regardant une dernière fois leur interlocutrice, il répondit alors :

« Les jeunes d’ici ne sont pas du genre à avoir honte de vendre leur service au plus offrant. Effectivement, partir sans prévenir personne n’est pas habituel. Pour quelques cas isolés, d’accord, mais pas à l’échelle d’une planète.»

Une fois ces paroles sorties de sa bouche, le colosse finit par faire la liste des scénarios possibles qui pouvaient justifier pareilles disparitions, à commencer par un enlèvement pur et simple sous la menace d’une arme. Mais quel intérêt ? Si la servitude était le but principal de cette démarche alors les kidnappeurs étaient très mauvais pour choisir leurs cibles, les épicanthix étant bien trop têtus pour se laisser faire sans faire parler leurs poings. Mais bientôt le maître d’armes fut forcé de laisser cette liste de scénarios dans un coin de sa tête lorsque le duo arriva sur la place du village éclairée de trois grands feux, les trois brasiers étant entourés de nombreuses tables jointes en un cercle approximatif.

Masquant la surprise et l’inconfort qui grandissaient en lui, le jeune homme balaya la scène de ses yeux azurs, observant les gens arriver par très petits groupes et se positionner timidement sur les chaises vides. Étaient-ils vraiment timides ? Non, mais l’arrivée des jedis avait sans doute fait ressortir en eux de mauvais souvenirs car tous connaissaient la raison de leur venue. Rien d’étonnant à ce que Lorn ressente des regards braqués vers lui, certains traduisant un inconfort pur et simple et d’autres plus teintés d’un soupçon de curiosité.

Faisant légèrement rouler ses épaules pour se donner l’impulsion nécessaire, le jeune homme invita sa camarade à le suivre vers l’une des tables encore vide mais qui, d’ici peu, finirait par se remplir très aisément. Même si les récoltes n’étaient pas impressionnantes, le colosse devait avouer que les tables ne manquaient pas de boissons et de mets qui, de toute évidence, étaient essentiellement constitués de viandes comme on pourrait s’y attendre de chasseurs et guerriers.

Si les premières poignées de minutes furent calmes, bien vite le chef tendit aux deux jedis ce qui devait ressembler le plus à des bières par ici. Ni une ni deux, sentant les regards posés sur lui comme si on le défiait de boire ce breuvage comme preuve de sa bonne foi, Lorn prit une inspiration et avala la moitié du verre d’une traite avant de le reposer sèchement sur la table, une expression de doute et d’inconfort sur son visage.il en avait goûté des alcools à force de parcourir les planètes, certains tous simplement imbuvables et d’autres breuvage qui n’avaient d’alcoolisés que le nom, mais ici il ne put réprimer une remarque qui traduisait son inconfort :

« Vous trempez vos pieds dans la bière avant de la servir, c’est ça ? »

Certains se seraient offusqués qu’un étranger insulte ainsi la bière locale, d’autres auraient garanti que ce n’était pas la façon la plus sage de se faire apprécier de la population locale mais, à la grande surprise du maître d’armes qui ne réalisait que trop tard la trop grande franchise de ses paroles, ses mots firent écho aux rires qui naquirent dans les bouches de ses voisins. Ce fut le signal, le signal qu’il fallait à ces hommes et femmes pour montrer que ces deux jedis n’étaient pas juste là pour fouiller dans les affaires et retourner la merde, ils étaient aussi humains que les personnes qu’ils questionnaient.
Dans les minutes qui suivirent l’alcool continua de couler à flots et ces hommes et femmes se décoincèrent, remplissant leurs estomac avec autant de viande que possible et, sous peu, les plus curieux vinrent se rapprocher des jedis pour apprendre à les connaître. Était-ce la personne qui attirait la curiosité ou le mystère entourant leur fonction, leur rôle ? Un peu des deux, très certainement.

Les premiers jeunes individus s’approchèrent du duo et Lorn eut le droit aux questions incessantes de deux d’entre eux sur ce qu’était la vie des jedis et sur les planètes qu’il avait pu visiter, ces deux-là n’étaient – de toute évidence – jamais sortis de cette planète. Que pouvait-il bien répondre ? Il evoqua quelques planètes visitées et quelques aventures vécues, pas forcément les plus terribles ou trépidantes mais suffisamment pour attirer l’attention d’autres curieux qui vinrent s’agglutiner autour de la table, offrant des verres à Lorn comme si ce breuvage allait alimenter ses récits futurs.

Allait-il continuer ? Bien sûr. Des histoires il y aurait, des concours de descente de boisson il y aurait et, au plus fort de la soirée, des concours de bras de fer seraient aussi de la partie. Cela ne faisait que débuter !
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Il fallait l’admettre : avec son air racé, aristocratique, dont elle n’avait jamais su se départir et ses manières parfaites, Alyria paraissait singulièrement déplacée dans cette assemblée tribale. Certes, elle savait donner le change, en raison de ces années passées aux côtés de son fantasque maître qui, en bonne sentinelle, l’avait trimballée dans les pires endroits de la galaxie. Adolescente, sans les marques sur son visage et sa main en moins, elle ne manquait pas d’attirer les regards concupiscents, et plus d’une fois, Ranek Lond s’en était servi pour distraire la masse d’une cantina pendant qu’il enquêtait, jouant à merveille des rouages peu glorieux des bas-fonds. Cependant, il n’était pas question d’un tel environnement, mais plus d’une culture qui pouvait accueillir un étranger appartenant à son peuple sans trop barguigner, mais contemplait forcément avec une certaine méfiance la femme longiligne qui l’accompagnait dont la balafre faciale témoignait d’une vie passée ailleurs qu’au sein des palais qui lui avaient été promis à la naissance.

S’asseyant en tailleur, dans une position semblable à celle utilisée par le commun des jedis pour la méditation, aux côtés de Lorn, la trentenaire observa l’assistance, notant les regards curieux des plus jeunes et des femmes, qui n’avaient guère de mal à détecter en elle une guerrière, une semblable finalement, et ceux plus mesurés des hommes, voire légèrement dubitatifs. Il est vrai que la plupart de ces derniers devaient la prendre pour une humaine, et se demander avec un brin d’amusement mal placé si elle tiendrait la distance et se plierait à leurs coutumes, ou bien adopterait un comportement plus distant. Objectivement, ils n’avaient pas tort de se poser cette question, même s’ils ne pouvaient pas savoir exactement pourquoi.

C’était un fait : la maîtresse d’armes ne buvait pas et mangeait peu. Il n’y avait là aucun choix en matière de goût, ou de dégoût d’ailleurs, mais un régime adopté dès son plus jeune âge au Temple pour s’adapter à son entraînement physique drastique. En résumé, Alyria avait l’hygiène de vie d’une sportive de haut niveau, ce qui lui avait toujours permis de porter ses performances naturelles à un niveau élevé. Avec le temps, et l’habitude, elle s’était faite à ce mode de vie contraignant, pour ne plus souhaiter s’en départir : en un sens, il faisait partie de son credo en tant que jedi, en tant que gardienne, et correspondait à merveille à l’idéal de parcimonie véhiculé au sein de l’Ordre. Par conséquent, au milieu de cette chair carnée trop abondante et de la boisson alcoolisée, l’ancienne Chancelière hésita. Vu la flagrance qui s’échappait des verres près d’elle, une seule goutte de ce breuvage et elle allait finir fin saoule, ce qui n’était vraiment pas une bonne idée. D’un autre côté, il n’y avait pas besoin d’avoir un doctorat en sociologie clanique de l’université d’Aldérande pour comprendre aux regards intéressés posés sur eux qu’il y avait à une sorte de rite de passage à franchir, rite que Lorn s’empressa d’embrasser, la jedi sentant l’inconfort passager le saisissant à mesure que le liquide âcre descendait dans son organisme, ce qui acheva de la faire douter. Elle pouvait refuser, tous mettraient cela sur le compte de son éthique jedi, et compter sur son compagnon pour faire le travail relationnel. C’était une solution facile, et un peu lâche. Ou alors, elle pouvait ruser, et prier pour que les leçons prodiguées par son ancien maître ne se soient pas évanouies avec les années dans les limbes de son cerveau.

Se fondre dans un environnement forcément très différents du Temple requérait une capacité d’adaptation importante aux jedis. Et si une partie s’apprenait sur le terrain, au contact des locaux, une autre correspondait souvent à un détournement de techniques initialement mises au point pour de tout autre but que celui qu’elle avait présentement en tête. Longtemps, adolescente, Alyria s’était demandée comme le mince Ranek Lond pouvait ingurgiter de telles quantités d’alcool sans en être incommodé. Au bout d’un moment, il avait fini par lui révéler son secret : son détournement de la guérison jedi à des fins nettement plus récréatives. Le concept était simple : utiliser de son contrôle au niveau moléculaire pour d’une part, retarder l’absorption de l’éthanol par l’estomac, tout en augmentant les capacités filtrantes du foie pour éliminer ce qui avait passé son filtrage préliminaire. Evidemment, certains jedis préféraient recourir plus simplement à une amélioration de leurs capacités développant temporairement leur robustesse, mais le twi’lek avait coutume de dire que ce n’était qu’un pis-aller, car une fois l’effet dissipé, alors la gueule de bois arriverait avec toute la splendeur de son mal de tête et de sa nausée. Bien sûr, sa propre méthode demandait une concentration en continue et une formation curative de pointe. Heureusement, son ancienne élève bénéficiait des deux.

Silencieusement, la gardienne étendit son bras vers le brouet devant elle et porta le récipient à ses lèvres, avalant le plus vite possible le breuvage pour éviter de trop sentir son goût désagréable. La brûlure d’œsophage que lui occasionna l’ingestion provoqua un léger spasme, qu’elle tenta de camoufler tant bien que mal, s’ouvrant immédiatement à la Force pour commencer son travail. Et une minute plus tard, qui lui parut une éternité, son organisme était en ordre de bataille. Avisant le chef, elle lui demanda avec son sourire le plus aimable :

« Vous mettez quoi dedans, pour produire ce petit goût acidulé ? »

Ce dernier partit dans un grand éclat de rire, avant de lui répondre :

« Un peu de baie hsu. »

« Y a pas que de la baie, là-dedans … »


« C’est une boisson d’épicanthix. »

L’homme d’âge mûr se contenta de lui faire un clin d’œil et se tourna vers un de ses voisins, ce qui permit à Alyria d’en conclure qu’elle n’en saurait pas plus. Voyant sa voisine avec une boisson bleutée dans son propre verre, elle reconnut du lait bleu et soupira de soulagement en comprenant qu’elle pourrait toujours se rabattre sur cette boisson riche en nutriment et typique de ce genre de monde pauvre en ressources. Après avoir discuté avec cette dernière des mérites nutritifs de la chose, elle parvint à s’en faire servir, et manqua soupirer de soulagement dans son verre. Certes, elle ne risquait pas de gagner le concourir au titre de la meilleure buveuse, mais au moins, elle ne finirait pas le repas exsangue pour avoir trop utilisé la Force. Ce souci en moins, elle pouvait enfin se concentrer sur autre chose et se coupa donc une généreuse portion de viande nappée d’elle ne savait trop quelle sauce. Le rendu était sucré, assez agréable au palais, aussi elle l’attaqua avec appétit, son estomac heureux de recevoir enfin une nourriture consistante, surtout après les efforts consentis au cours de leur petite course poursuite en speeder plus tôt dans la journée.

Au bout d’un moment, quelques adolescents s’agglutinèrent autour de Lorn qui les régalaient de quelques récits, et la trentenaire l’écouta, s’amusant du fait que malgré ses dénégations sur son caractère peu attiré par la négociation, son amant était plutôt doué pour se faire adopter par une assemblée. A la fin de son histoire, un des jeunes mâles se tourna vers elle et demanda à son tour :

« Et vous ? Vous avez une histoire à nous raconter ? »

« Maître Vocklan est plus doué que moi pour cela. »

Lui n’insista pas, mais son voisin, le crâneur de la bande, à voir son petit sourire en coin, siffla :

« Si ça se trouve, elle s’est coupée la main avec son propre sabre. C’est ça les femmes ! »

Des murmures indignés vinrent des rangs féminins proches de lui, et une de ses compagnes du même âge tenta de lui coller une taloche bien sentie, qu’il évita de justesse, avec un sourire narquois. Les adultes ayant entendus lancèrent pour la plupart un regard de réprobation affectueuse au trouble-fête, qui semblait connu pour ce genre de petites déclarations, au vu des réactions mi amusées, mi exaspérées. L’ancien se pencha d’ailleurs vers Alyria pour lui dire :

« Excusez-le, vous savez comment sont les jeunes. Parfois, ils ont du mal à savoir ce que signifie le respect des aînés ou des hôtes. »

Haussant les épaules, elle lui répondit :

« Ce n’est pas grave. »

A vrai dire, il y avait quelque chose de rafraîchissant à voir quelqu’un lui parler si franchement, sans le respect emprunté qu’elle avait subi lors de ses mois à la Chancellerie. Certes, elle n’approuvait guère ce genre de comportement à titre personnel, néanmoins, elle appréciait d’enfin être considérée comme une personne normale … Avec les inconvénients qui allaient de pair avec ce statut.

« Non, je ne me suis pas coupée la main avec mon propre sabre, et heureusement… Quel est ton nom ? »

« Xen. »

« Xen, donc, je peux même te raconter comment, exactement. Même si ce n’est pas franchement le genre de récit que j’aurais choisi pour honorer une ambiance aussi festive. »

Etrangement, Alyria avait l’impression d’avoir capté l’attention de toute l’assemblée. Sans doute qu’ils devaient être assez curieux, finalement. Même le gamin la dévisagea, quoiqu’avec la même morgue, avant de dire :

« Pas grave, on est pas des faibles ici. »

Et elle leur conta donc sa découverte de celui qui, des années plus tard, reviendrait la hanter sur Sy Mirth, même si, à l’époque, elle ignorait tout du but de ses morbides recherches. Elle leur décrivit brièvement ses semaines à parcourir l’espace hutt à la recherche d’indices sur les esclaves achetés en masse par cet homme, avant de se borner à expliquer ce qu’elle avait trouvé dans son vaisseau, occasionnant quelques mines graves et poings serrés. Sa voix se fit plus douce, par contraste avec la suite de ce récit qui s’engageait à présent dans sa partie la plus délicate : retranscrire son combat titanesque contre le sith. Elle y mit tout son cœur, ses souvenirs, avant d’en venir à la fin : Armod inconscient, sa dernière attaque si risquée, sa main tranchée en même temps que la tête décapitée du sadique.

« Je suis désolé. »

La voix de Xen avait fendu le silence s’étant instaurée à la fin de son monologue, et Alyria se contenta de lui répondre gentiment :

« J’avais prévenu que ce n’était pas une histoire très joyeuse »

Peu à peu, les conversations reprirent, la maîtresse d’armes s’insérant un peu plus facilement au sein de ces dernières. Cependant, une part d’elle-même restait ancrée sur Roon, sur les images qu’avaient fait renaître son récit, aussi elle finit par se lever en prétextant une envie de se soulager, puis, une fois seule sous le manteau nocturne, elle leva la tête et contempla les étoiles au-dessus d’elle, avant que son regard ne dévie mécaniquement sur l’ombre gantée de sa main. Un soupir lui échappa, très léger, tandis que les bruits du banquet lui parvenaient, à la fois si proches et pourtant si loins.
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Durant toute leur formation les jeunes padawans qui arpentaient les couloirs du Temple recevaient un certain nombre de leçons afin de pouvoir appréhender le mode de pensée des jedis qu’ils étaient amenés à devenir. Certaines leçons devaient les aider à accepter le fait de ne pas craindre la mort car une telle chose n’existait pas grâce à l’existence de la Force, d’autres leçons devaient les aider à ouvrir leur esprit à la Force pour ensuite comprendre la façon de penser de leurs pairs et leur permettre de pouvoir, un jour, faire preuve des mêmes prouesses au combat. Toutes ces leçons, aussi ennuyeuses pouvaient-elles sembler pour bon nombre de jeunes étudiants, étaient primordiales pour installer les bases de la formation qui possédaient tous les jedis vivant et ayant rejoint la Force. Tous étaient passés par et tous les jedis à venir passeraient par là aussi longtemps qu’il existerait une chose telle que le Code Jedi.
Parmi cet amas de leçons sans fin existait une règle ou plutôt une demande, celle de laisse son passé derrière soi au moment de passer les portes du Temple pour la toute première fois, celle de dire adieu à son ancienne famille pour s’en créer une nouvelle. Beaucoup de jeunes éléments n’avaient pas à faire ce choix car ils étaient amenés trop jeunes à l’Ordre pour se souvenir de leur vie d’avant, eux étaient les plus bénis d’entre tous pour ignorer ce qu’ils perdaient, mais beaucoup n’avaient pas ce luxe et pour eux l’épreuve de l’oubli était beaucoup plus ardue.

La grande majorité d’entre eux arrivait à totalement oublier leur vie en dehors du Temple pour embrasser leur voie et devenir des jedis à part entière, pourvus du même contrôle et de la même expression neutre que tous leurs petits camarade, mais certains restaient beaucoup trop accrochés pour que cette phase se passe en douceur. Comment leur en vouloir ? On leur répétait que l’attachement qu’ils avaient à leur famille serait leur aller-simple pour le côté obscur mais comment pouvaient-ils y croire ? La famille était à la base de leur personnalité et on leur demander de faire table rase de tout ça pour devenir une toute nouvelle personne, avec la promesse que ce changement serait pour le mieux. N’était-ce pas une forme particulièrement tordue de lavage de cerveau ? Ce n’était guère étonnant que beaucoup d’élèves aient toutes les difficultés du monde à passer ce cap, certains gardaient même ces souvenirs au fond d’eux comme un trésor secret.

Comme vous le savez le jeune maître d’armes faisait partie de ceux ayant bataillé durement pour passer ce cap sans pour autant oublier tout autant son passé, dans un coin de sa tête il gardait ces fameux souvenirs mais ne les chérissait pas pour autant car ils n’amenaient que douleur et culpabilité. Il gardait une telle douleur en la reconnaissant pour ce qu’elle était : un élément l’ayant mené à l’homme qu’il était aujourd’hui, ni plus ni moins. Une ancre à laquelle il était attaché ? Pas vraiment, si son esprit avait été constamment occupé par ces souvenirs il n’aurait pu atteindre le niveau de self-control et de calme nécessaire pour devenir un jedi, et encore moins obtenir la discipline nécessaire pour devenir un maître jedi et maître d’armes reconnu.

Il était la preuve vivante qu’un jedi pouvait réussir sans faire fi de son passé, sans faire fi de la douleur et de la mort.

Mais alors qu’il pensait avoir tourné la page voilà qu’il était catapulté vers la terre de ses ancêtres à qui il avait du mal à s’identifier temps la culture épicanthix lui était étrangère. Avoir quelques vagues souvenirs et lire à propos d’une culture ne signifiait pas la comprendre et encore moins y appartenir, Lorn le faisait bien, il ne savait même pas s’il devait se réjouir ou se méfier d’être forcé de s’imprégner de cette culture pour les besoins de sa mission, mais cette fois-ci personne ne viendrait lui déposer la réponse toute cuite dans le bec : il allait devoir improviser au fur et à mesure.

Était-il un homme avait d’être un jedi ? Un maître avant d’être un jedi ? Un maître d’armes avant d’être un maître ? Un épicanthix avant d’être un maître d’armes ? Ou tout à la fois peut-être ? Oui, tout à la fois ne semblait pas trop mal comme réponse, elle lui suffirait pour le moment.


Aujourd’hui il était donc entouré de ces hommes et ces femmes qui riaient autour de ce modeste mais copieux repas, aujourd’hui il était entouré de ceux qui devrait normalement appeler ses frères et sœurs mais un étrange sentiment d’inconfort émanait de lui à travers la Force. Ils étaient de son peuple, c’était un fait, alors pourquoi ne les voyait-il que comme des étrangers ? Devrait-il se forcer et simuler une entente et un rapprochement qui n’avaient rien de réel ? Certes ils semblaient amusants mais il n’arrivait tout simplement pas à se considérer comme faisant partie de leur communauté, de leur monde.

Bien sûr en se rendait compte de cet inconfort il tenta de diminuer sa présence dans la Force pour ne pas que sa camarade de toujours ne s’en rende compte mais c’était peine perdue, leur lien à travers la Force était si puissant qu’elle pouvait littéralement lire en lui comme dans un live ouvert. Il allait devoir faire profil bas pour éviter que le sujet ne vienne sur la table, il ne voyait pas d’autre solution, il ne se sentait pas vraiment prêt à discuter de ça au risque de ne faire rien d’autre que plomber l’ambiance.


Il reporta donc son attention sur les mets et les boissons alcoolisées qui lui étaient proposés, il aurait pu jouer la carte de la modération sur ce coup-là mais était-ce la meilleure chose à faire ? Tout sportif qu’il était le colosse avait un physique tel qu’il pouvait sans peine manger copieusement sans que cela n’influe sur sa musculature, et le fait de refuser cette proposition ne l’aiderait pas vraiment à se faire bien voir de tous ces gens. Non pas qu’il s’en soucie d’habitude, bien au contraire, mais ce n’était jamais mauvais d’avoir le soutien de la population lors d’une enquête qui le mènerait à interroger ladite population.
Aussi fit-il l’effort d’avaler un peu de cette boisson assez corsée et, avant même de s’en rendre compte, bien des jeunes vinrent le bombarder de questions. Aussi réticent qu’il fut d’être au centre de l’attention, Lorn fit l’effort de répondre aux questions et, avant même de s’en rendre compte, le voilà en train de conter ses récits de guerre avec une assemblée d’inconnus.

Alors qu’il fit une pause entre deux récits, Lorn –ou plutôt son attention – fut attiré par la remarque d’un jeune sur la façon dont sa compagne avait perdu sa main. D’autres amants plus passionnés lui auraient sans doute fait manger ses dents une à une pour cette remarque mais e gardien était suffisamment contrôlé pour aça et savait son amante capable de supporter la critique. Le colosse était tellement habitué à la retenue typique de ses camarades jedis qu’il en avait oublié le franc-parler du reste du monde. Décidemment il était plus que temps qu’il sorte de sa tour d’ivoire.

L’assemblée dériva donc vers la demoiselle qui ne pouvait masque son inconfort à travers la Force à mesure que les souvenirs de cette sombre journée jaillissaient dans sa tête, Lorn aussi se rappelait de l’état dans lequel il l’avait retrouvée en arrivant trop tard sur cette planète, pour le reste il avait une suffisamment bonne mémoire pour se rappeler des détails de cette histoire. Non, sa compagne ne lui avait raconté ça qu’une fois ou deux tout au plus, le colosse n’ayant nullement envie de lui rappeler cette douloureuse affaire plus de fois que nécessaire, mais elle était suffisamment marquante pour rester à tout jamais gravée dans la tête de l’épicanthix.

L’histoire était terminée et les plus jeunes, choqués par cette histoire, restèrent silencieux ce qui installa un calme assez relatif ici-bas. Lorn en profiter pour se lever et de prendre un peu de recul par rapport à la situation, il observa l’isolement volontaire de sa camarade et la laissa seule quelques instants avant de se décider à la rejoindre.

Doucement, plus doucement que ne lui aurait permis sa carrure massive en d’autres circonstances, il se glissa dans sa tête et posa une simple main sur son épaule, non pas qu’elle ait besoin d’avertissement de a présence de l’épicanthix mais plutôt un soutien face à cette épreuve.

« Je vais aller me couche, tu viens ?»

Il aurait très bien pu faire la fête toute la nuit et être frais comme un gardon le lendemain matin, veiller tard n’était pas un soucis pour lui mais il sentait que sa camarade avait besoin de s’éloigner, aussi se força-t-il à écouter sa participation à cette soirée pour le bien de la demoiselle.
Le colosse se dirigea donc vers la couche qui lui avait été prêtée pour l’occasion et…dormit. Vous vous attendiez à autre chose peut-être ? La nuit suivit son cours et au petit matin le duo fut enfin prêt à partir, non sans se diriger vers le chef pour le remercier par un :

« Merci pour votre hospitalité en tout cas, peut-être nous reverrons-nous. »

Ponctuant sa phrase d’un discret signe de la main, conscient qu’il était inhabituel de sa part qu’il remercie qui que ce soit pour quoi que ce soit, le colosse se dirigea vers la navette qu’il emprunterait pour rejoindre le clan le plus proche que lui avait indiqué que chef, à quelques centaines de kilomètres à l’ouest de celui-ci. Ils y seraient dans quelques heures pour poursuivre leur enquête, très certainement.

Mais pourquoi Lorn sentait-il un mauvais pressentiment s’emparer de lui ?
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Avoir perdu sa main demeurait une blessure profonde, qui si elle n’était plus à vif comme quelques années auparavant, restait à même de se rouvrir de temps en temps, sous l’effet d’un choc ou d’une réflexion douloureuse. Alyria l’avait toujours su, au plus profond d’elle-même : sa vie telle qu’elle l’avait rêvée s’était arrêtée à ses vingt-sept ans. Depuis, certes, elle avait accompli des choses dont elle pouvait légitimement être fière, dont n’importe qui à sa place, en vérité pourrait être fier. Cependant, la jedi avait dû abandonner ses espoirs d’être reconnue seulement comme la plus grande bretteuse de l’Ordre jedi … Et de tous les temps. D’aucuns auraient trouvé cette aspiration puérile. D’autres auraient considéré que justement, ce coup d’arrêt dans son domaine de prédilection lui avait permis de se diversifier, de laisser croître ses autres talents restés en jachère depuis son adolescence. Peut-être que dans une perspective plus importance que celle de sa modeste personne, son amputation avait finalement eu des conséquences positives. Elle-même ne le niait pas. Et pourtant, malgré ces assurances, malgré cette propre prise de conscience, il demeurait une part de son être qui regrettait son existence d’avant, quand son unique but se bornait à cultiver son corps et son esprit pour atteindre rien de moins que la pure perfection martiale.

Bien sûr, les années avaient atténué son malaise à ce sujet. Il lui arrivait de plaisanter sur sa main en moins. Elle avait accepté cette perte. Mais l’acceptation, hélas n’empêchait pas les regrets, qui ressurgissaient parfois au gré de ses humeurs. S’entendre traiter de gouvernement d’invalides par certains médias, du temps où elle était Chancelière et officiait aux côtés d’Alan Bresancion n’avait jamais manqué de l’amuser. Elle-même avait noté l’ironie de voir accéder aux plus hautes fonctions de l’Etat républicain un cul-de-jatte et une manchot. Ce genre de commentaires n’avait de réellement blessant, car elle n’accordait pas d’intérêt à ces derniers, tout simplement. Alors pourquoi la moquerie adolescente d’un étranger à peine pubère l’avait-elle remuée à ce point ? Peut-être tout simplement parce qu’elle avait contribué à souligner sa singularité dans cette assemblée, à l’exclure davantage, à la ramener à un stade de sa vie où c’était elle qui, volontairement, s’était coupée de sa communauté de vie. Surtout, au-delà de cette impression désagréable avait surgi l’impression dérangeante de ne jamais pouvoir être à sa place.

A moitié hapienne, son statut de jedi l’excluait d’office des terres de sa famille maternelle, non qu’elle en soit particulièrement peinée, cela dit. Elle n’avait jamais réellement apprécié le Consortium. A moitié echanie, sa filiation paternelle à ce peuple ne l’y rattachait que peu, en raison de la structure matriarcale de cette société, sans compter son apparence physique éloignée des standards de cette race à laquelle elle devait la moitié de son patrimoine génétique. Jedi, elle devait faire face à la sourde hostilité soudaine de certains de ses pairs contre son passé de Chancelière, se trouvant malgré elle heurtée par cette impression d’être rejetée par ceux qui auraient dû au contraire la comprendre, l’accepter. Et enfin, en dépit de son temps passé auprès d’eux, Alyria savait pertinemment qu’elle ne serait jamais considérée par les sphères dirigeantes de la République autrement que comme une intruse, le symbole d’un mal nécessaire qui avait été dûment interrompu le moment venu. Elle se sentait étrangère à tous, finalement. Le retour à sa vie d’antan s’avérait plus complexe que prévu, tout simplement, et il lui était difficile de l’accepter. S’en rendre compte était peut-être le premier pas vers la guérison. Trouverait-elle sur cette planète qui lui demeurait hermétiquement close et inconnue les réponses à ces questions qui la taraudaient ? Ou bien s’évanouiraient-elles, apaisées par le temps ?

Toute entière focalisée sur ses pensées vagabondes, la maîtresse d’arme ne sentit que distraitement l’approche de Lorn, et n’en prit réellement conscience qu’au moment où une présence se fit sentir au creux de ses pensées et qu’une main se posait doucement sur son épaule. Lier son esprit à celui de l’épicanthix était toujours une expérience spéciale, essentiellement parce qu’il pouvait lire ses pensées, et que la réciproque n’était pas vraie. Du moins, pas réellement. Avec le temps, elle savait déchiffrer les inflexions de la Force l’entourant, mais l’accès à son esprit lui demeurait interdit. Et ce n’était qu’au prix d’un lien unique et patiemment tissé qu’elle parvenait à appréhender ses émotions fugaces.

Il ne parla pas, se contentant d’être là, ce dont elle lui fut gré. Pour une fois, se lancer dans une de ces longues introspections dont elle avait le secret lui aurait été singulièrement pénible. Elle voulait simplement rester là, sous le couvert des étoiles, à penser dans l’étreinte volontairement lointaine mais tout de même présente de son amant et meilleur ami. Finalement, la voix grave de son compagnon perça le silence, et elle lui répondit au bout d’un petit moment :

« J’arrive. »

En vérité, elle ne le suivit pas immédiatement, attendant qu’il ait pris un peu d’avance pour le rejoindre à grandes enjambées, en ayant profité pour aspirer quelques dernières goulées d’air frais et espérer présenter une figure correcte à leur hôte s’ils le croisaient. Ce ne fut pas le cas, et Alyria remercia la Force pour lui avoir épargné cette épreuve de sociabilité forcée. Sans mot dire, elle s’écroula sur la couche qui lui était réservée et fixa le plafond, incapable de s’endormir, bercée par la respiration de son partenaire qui s’assoupissait.

Le réveil fut quelque peu difficile, et la gardienne ne fut parfaitement dispose qu’au prix d’une méditation assez longue mais régénérative qui lui laissa l’esprit en paix. Elle laissa Lorn prendre congé pour eux et ils purent repartir pour leur prochaine destination, juchés sur leur speeder. Le prochain clan n’était, si elle en croyait les indications des anciens, qu’à quelques heures de route. Autant dire que leur enquête pourrait reprendre rapidement …
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Lorn était tout à fait conscient que son affiliation au peuple épicanthix dont il visitait la  planète lui accordait certains avantages, à commencer par une forme physique épatante et une longévité impressionnante pour une race proche des humains, mais en parallèle il savait que son imperméabilité à toute technique de manipulation mentale n’était pas toujours bien perçue, comme s’il savait des secrets à cacher. Mais en avait-il seulement ? Bien sûr que oui car même au sein d’une relation complice et fusionnelle comme cela pouvait être le cas avec la déesse qui partageait sa vie, le jeune homme estimait qu’il avait besoin d’un petit jardin secret où certaines de ses pensées – notamment celles trop sombres pour être partagées avec qui que ce soit – pourraient rester cachées sans peur d’être découvertes. Il n’était pas fier de tout ce qu’il avait fait ou pensé, que ce soit dans son lointain passé ou bien plus récemment, c’était la raison pour laquelle il était content d’être né épicanthix et de ne pouvoir craindre que quiconque s’infiltre dans sa tête.
Oh bien sûr dans certains moments sombres ou particulièrement intimes il savait que sa camarade n’appréciait rien autant que de pouvoir lire en lui comme dans un livre ouvert mais cela lui était impossible, qu’il le veuille ou non il ne pouvait que rester imperméable à ces tentatives d’intrusion même si elles étaient basées sur les meilleures volontés du monde. Était-ce pour le meilleur ou pour le pire ? Pour le meilleur selon lui mais pour le pire dans le cadre d’une relation amoureuse – qui généralement devait se baser sur le partage – cependant que pouvait-il y faire ? Il savait bien qu’il devait apprendre à s’ouvrir plus à sa belle pour la laisser entrer en lui pour ainsi dire, mais on ne l’appelait pas un roc pour rien. 
Il avait du mal, du mal avec le concept de partager la moindre de ses inquiétudes ou la moindre part de ténèbres en lui avec qui que ce soit car les jedis n’étaient pas censés en avoir. Il était le plus atypique des jedis ou du moins l’un de ceux qui se montraient les plus libres vis-à-vis de l’interprétation du code jedi : il avait laissé l’observation et la contemplation au profit d’un rôle bien plus actif que passif.

Alors oui il savait que sa camarade n’avait besoin que de leur lien dans la Force pour sentir son inquiétude et son doute quant à sa nomination au sein du conseil, elle le connaissait depuis bien trop longtemps pour nier qu’il avait toujours minimisé ses exploits et ses capacités comme une excuse pour continuer de ne se donner à rien de moins que 110% de ses capacités. Doutait-il vraiment ou était-ce juste quelque chose dont il essayait de se convaincre, par peur qu’en admettant sa propre puissance il ne finisse par reposer sur ses lauriers ? C’était sans doute un savant mélange des deux car à son niveau il commençait à sentir ses limites devenir de plus en plus proches et il n’y avait rien de pire pour un guerrier que de savoir qu’il ne pourrait jamais devenir plus fort qu’il ne l’était à présent.

Alors oui il comptait repousser ce compte à rebours fatidique en s’entraînant d’arrache-pied pour faire jaillir des tréfonds de son âme les dernières petites bribes de potentiel inexploité qui subsistaient en lui. Elles étaient difficiles à trouver, preuve qu’il avait bien travaillé jusqu’à présent, mais il se connaissait mieux que personne et savait qu’elle étaient cachés quelque part. Il allait devoir continuer à fouiller encore et encore, pendant plusieurs décennies s’il le fallait, mais il n’était absolument pas prêt à accepter l’arrêt complet de son évolution martiale. 

Mais aujourd’hui même s’il avait quitté le confort du Temple pour une mission loin de son  foyer, il savait que ce ne  seraient pas ses compétences martiales qui allaient être mises à l’épreuve mais plutôt sa résistance psychologique et son ouverture d’esprit. Il remettait les pieds au sein d’une culture qui lui était presque étrangère et qui ne lui avait apporté que de la souffrance, un peu comme si on lui demandait d’aller rencontrer un gentil hutt, autant dire qu’il n’était pas particulière à l’aise ici.
La nuit se passa sans incident et lke lendemain matin le petit duo de jedis se dirigea vers l’ouest en direction du prochain clan dont il ne savait rien excepté que la férocité de ses combattants était connue et presque crainte du reste de tous les autres clans qui peuplaient cette planète, ce qui n’était pas peu dire quand on évoquait une culture aussi guerrière que celle-ci.

Ce clan avait établi ses fondations à flanc de montagne et sa communauté s’était élargi à une vitesse impressionnante durant les deux dernières décennies, depuis que leur actuel leader était revenu pour prendre les rênes du pouvoir, mais c’était à peu près tout ce que Lorn savait de ce clan. Il posa donc le speeder non-loin de l’entrée la plus proche et s’annonça aux deux gardes qu’il rencontra :

« Maître Von et moi-même sommes envoyés pour enquêter sur les récentes disparitions à travers tout Panatha. Nous aimerions nous entretenir avec votre chef s’il est présent. »

Les deux gardes échangèrent un regard de suspicion mêlée de surprise et l’un d’eux, hochant la tête, leur fit signe de les suivre à travers ce qui fut autrefois une simple petite bourgade mais qui avait grandi pour devenir une ville de taille modeste. Bien sûr les constructions pouvaient semblaient rudes et simplistes mais ce peuple n’était pas connu pour ses talents d’architecte.
Le garde expliqua au duo que le chef était en train d’entraîner certains jeunes éléments et que c’était la raison pour laquelle il n’allait pas les mener au bâtiment qui s’apparentait le plus à un hôtel de ville. Le duo arriva donc face à un large bâtiment aux dimensions impressionnantes et qui faisait office de lieu d’entraînement, triste reflet de la nature guerrière des épicanthix. Les portes déjà grandes ouvertes, la bâtisse accueillit froidement le trio et, après quelques secondes de marches dans de larges couloirs, le garde arrêta le duo face une pièce de laquelle provenaient des bruits caractéristiques de deux armes se fracassant l’une contre l’autre.
Le garda pénétra dans la salle pour aller prévenir le chef et, à son retour, annonça simplement :


« Vous pouvez entrer. Cette session prendra fin d’ici quelques minutes. Le chef Vocklan s'entretiendra avec vous après ça.. »

Il fallut quelques secondes au jeune homme pour réaliser qu’il n’avait pas de problèmes d’audition et que le nom qu’il avait entendu n’était pas une invention de son esprit. Sans même s’en rendre compte il vint se prendre la claque du millénaire dans la figure et il dût rassembler toutes ses forces pour ne pas perdre son équilibre. La Force tourbillonnait autour de lui et même son immunité aux contrôles mentaux ne pouvait masquer le trouble qui s’emparait de lui et enserrait son corps  à une vitesse des plus troublantes.
Le chef Vocklan ? Était-ce une simple coïncidence ou la Force était-elle en train de lui jouer le pire des tours possibles ? Fronçant les sourcils, le colosse dépassa nonchalamment le garde et pénétra dans la pièce sans attendre. Ils étaient tous là, assis autour de la pièce à observer leur professeur en train d’échanger des coups avec un élève comme la plus simple des leçons.

Ils le regardaient tous avec une concentration mêlée d’admiration et, alors que les yeux azurés du colosse se reportaient sur ledit professeur, il sut immédiatement que la Force était vraiment en train de lui jouer le pire des tours possibles. Il était là, son arme en bois à la main. Il possédait une carrure impressionnante même pour un épicanthix, sa longue chevelure n’était tenue que par une mince queue de cheval qui l’empêchait d’être aveuglé par ses cheveux alors qu’il virevoltait à travers la pièce. 
La demoiselle à la crinière de feu n’aurait peut-être pas pu voir la ressemblance car cet homme-là possédait des yeux marron à la place de l’azur de Lorn, mais la forme du visage ne pouvait pas mentir. Ce visage-là portait les marques du temps et ses traits étaient entourés d’une légère barbe qui lui donnait un très léger air négligé : il ressemblait à ce qu’aurait pu être Lorn s’il n’était pas rentré dans l’Ordre, plus sauvage et moins discipliné. 

Combien de temps Lorn resta-t-il ici à dévisager cet homme-là en espérant qu’il ne s’agissait que d’un mauvais rêve de plus ? Plusieurs minutes apparemment car avant même qu’il ne puisse s’en rendre compte la petite session était terminée et ledit professeur se tourna vers le duo des jedis comme pour les inviter à avancer.

Il allait devoir avancer et la seule chose qui prenait place dans l’esprit du colosse était la question suivante : allait-il le reconnaître ?
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En se levant le matin, Alyria était bien incapable de dire si elle avait réussi à fermer l’œil ou si le sommeil n’avait pas voulu étendre son absolution sur son esprit tourmenté. Certaines nuits étaient plus désagréables que d’autres, surtout celles où le corps appelait son repos qui semblait ne pas vouloir venir, ou bien passait sans parvenir à éteindre les questionnements et interrogations au point de laisser plus de fatigue encore qu’au coucher. Néanmoins, il faudrait faire avec, aussi elle profita d’être debout aux aurores pour s’accorder une longue méditation qui accomplit son ouvrage et la laissa fraîche et dispose, en paix, comme si elle avait réellement dormi tout le temps nécessaire à son organisme pour récupérer.

Certains jeunes se demandaient les raisons qui poussaient leurs maîtres à louer les vertus d’une occupation guère passionnante au premier abord. Pourtant, ce n’était par sadisme générationnel que les vieux briscards du Temple conseillaient cela à leurs recrues, mais bien par expérience de ses bienfaits. Une méditation parfaitement réussie permettait à un esprit de chasser les ombres qui pouvaient surgir en son sein même parmi les plus rigoureux, les plus vertueux, car le doute est l’apanage de ceux qui ne se contentent pas de suivre aveuglément, mais observent le monde et ses errements en tentant d’y dégager un chemin praticable, tout en régénérant le corps pour les plus aguerris aux moyens de méthodes curatives douces que les guérisseurs pratiquaient dans leur cercle. Voilà pourquoi la jedi avait toujours accordé une attention particulière aux séances méditatives une fois qu’elle en avait découvert, encore adolescente, les vertus insoupçonnées des padawans les plus bouillants.

Sortie de sa transe, elle s’accorda un temps pour sa routine matinale de gymnaste, trouvant là encore un réconfort certain dans le travail des muscles, dans la fixation de l’esprit sur sa respiration régulière alors que ses bras enchaînaient les tractions à même le sol. En sueur, et pourtant tellement plus en forme, la maîtresse d’armes entreprit de se débarbouiller suite à ce petit entraînement réparateur, et fut enfin parée au départ, attendant simplement que Lorn lui fasse signe après avoir calé son estomac avec une sorte de gruau dont elle se garda bien de demander les ingrédients. Cette fois, l’épicanthix prit les commandes de leur véhicule, ce qui ne manqua pas de la faire soupirer discrètement de soulagement : Alyria avait beau s’être améliorée depuis des années, elle détestait toujours autant tout ce qui avait trait de près ou de loin à la conduite de quoi que ce soit. Les machines, elle les cassait, elle ne les utilisait pas !
Leur voyage se passa cette fois sans incident, et ils arrivèrent finalement devant ce qui devait être le début d’une chaîne de montagnes, à en juger l’imposant à-pic rocheux les surplombant. De petites cahutes se trouvaient à son flanc, semblables à la description que leur en avait fait l’ancien du village précédent ainsi que celle contenue dans les informations données par le Conseil des anciens. Pas de doute, ils étaient arrivés à bon port. Lorn ayant arrêté leur véhicule, la demi-echanie en sauta souplement avant de s’étirer, contente de pouvoir enfin délier ses muscles après plusieurs heures assises. Non pas que ce soit foncièrement inconfortable, certes … Mais engourdissant, ça, très certainement. Or, mieux valait être alerte pour ce qui allait suivre.

Déjà, son compagnon les annonçait, et bientôt, ils pénétrèrent dans l’enceinte sous les regards suspicieux des habitants qui les voyaient passer avec leur escorte, que ce soit en raison de leur accoutrement ou de sa propre présence, puisqu’il n’était guère difficile de deviner qu’elle n’appartenait pas au peuple natif de Panatha. Ils étaient des étrangers … Et cette fois, Alyria le ressentit clairement, la méfiance planant dans les airs de façon autrement plus insistante que lors de leur visite du village précédent. L’atmosphère lui paraissait lourde, désagréable, pesante, et elle avait l’impression que ce n’était qu’un début.

Autant dire que son pressentiment fut amplement confirmé par le nom qui s’échappa des lèvres du garde qui leur expliqua la situation. Son ouïe n’avait jamais eu de problème, et à cette distance, elle n’avait clairement pas confondu une syllabe avec une autre. Et ce physique … Même pas besoin de douter quand son regard se posa sur le visage aux traits plus durs que ceux qu’elle connaissait par cœur, mais à la forme si reconnaissable. La silhouette était la même, seule l’expression changeait. Il y avait plus qu’un air de famille. C’était Lorn, tel qu’il serait sans doute dans quelques années. D’un point de vue frivole, la perspective était attrayante. D’un point de vue présent … Difficile de savoir ce que cette apparition soudaine signifiait, mais elle sentait le malaise de son partenaire, et ce dernier ne lui disait rien qui vaille. Il y avait donc bel et bien de quoi se questionner. S’inquiéter ? Pas encore. Du moins, pour le moment. Le silence s’éternisant, Alyria prit sur elle de lever la voix, se râclant discrètement la gorge à l’issue de l’ultime démonstration pour montrer sa présence, sentant immédiatement tous les regards converger vers elles.

« Que les ancêtres vous bénissent. »

Ces quelques mots prononcés dans la langue épicanthix étaient quasiment les seules qu’elle connaissait. Elle les avait appris la veille, dans le village précédent. Rien ne filtra sur le visage des présents, mais la trentenaire avait l’intime conviction que l’emploi d’une salutation rituelle ne pouvait être que favorable à leur ambassade.

« Je suis le maître Von, et voici … »

Elle hésita un instant, puis finit par lâcher :

« Le maître Vocklan. Nous sommes envoyés par l’Ordre jedi et la République, à la demande du Conseil des anciens de Panatha, pour enquêter sur plusieurs disparitions suspectes ayant eu lieu dans les environs.

Nous aimerions que vous nous accordiez l’hospitalité pour ce jour et la nuit qui suivra afin de mener à bien notre enquête. »


Alyria ajouta rapidement :

« Si pour une raison quelconque, ce n’était pas possible … Permettez-nous de rester au moins quelques heures discuter avec la population, et nous repartirons avant le coucher du soleil. »
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De par sa carrure, ses origines mais également de par la voie qu’il suivait depuis de nombreuses années, le jeune homme avait fini par être habitué à être au centre de l’attention bien malgré lui, pour le meilleur comme pour le pire. La plupart des citoyens ne comprenaient pas vraiment le rôle des jedis et ne pouvaient guère comprendre l’étendue de leurs capacités conférées par leur union avec la Force, mais c’était justement ce mystère qui jetait un voile de suspicion et de curiosité sur tout jedi faisant une apparition publique. Pour certains ces êtres encapuchonnés n’étaient rien de plus que des guerriers armées de lames brillantes, pour d’autres ils étaient des mystiques aux étranges pouvoirs et pour les populations les plus éloignées ces être sensibles à la Force n’étaient rien de plus que d’obscures mythes.

Pouvait-on vraiment les blâmer, ces ignorants ? Pas vraiment et, au fil des années, Lorn avait fini par se faire une raison en acceptant que l’essence même de la Force était littéralement incompréhensible pour quiconque n’y étant pas sensible. Alors comment ces hommes et femmes pourraient-ils comprendre l’essence-même des serviteurs d’une force qu’ils ne comprenaient pas ? Ils ne le pourraient pas et cela importait peu aux yeux de Lorn, sa mission était de protéger l’existence de ces ignorants et non pas leur expliquer pourquoi et comment il le faisait.

Aussi en arrivant sur cette planète Lorn sut qu’il recevrait le même genre de regard auquel il avait le droit habituellement, il posait les pieds sur une planète qui était censée être son foyer et pourtant il ne pouvait pas se sentir davantage un étranger qu’ici. Étranger à sa propre patrie, n’était-ce pas coquasse ? Jusqu’à maintenant il avait eu la chance de tomber sur des hôtes à peu près convenables, ou tout du moins ce qui passait pour convenable au sein d’une société aussi guerrière que celle-ci, mais lorsqu’il pénétra dans une énième bâtisse il fut envahi d’un étrange sentiment d’inconfort.
Il ne savait pas qui était l’hôte qu’il allait rencontrer, le garde ne lui avait pas encore dévoilé son nom, et pourtant l’inconfort du colosse n’eut de cesse de grandir au fil des secondes sans qu’il n’en connaisse la cause. Que la Force l’avertisse d’un danger était chose courante mais ici cela était bien différent, il s’agissait de ses tripes qui lui envoyaient un signal qu’il n’arrivait pas à ignorer.

Puis vint finalement la claque qui manqua de lui faire perdre l’équivalent. Lui le colosse, lui le maître d’armes, lui le roc d’Aargau venait d’être terrassé par un simple petit nom qu’il pensait disparu depuis longtemps. Avait-il des cousins ou de la famille très éloignée revenue ici ? Il n’avait jamais essayé de faire son arbre généalogique aussi ne pouvait-il pas répondre à cette question, mais ce fut en rentrant dans la pièce centrale qu’il comprit la raison de son mauvais pressentiment.
Il ne s’agissait pas simplement d’une coïncidence ou d’une famille éloignée, peut-être ne s’agissait-il même pas d’une mauvaise farce que lui faisait la Force. Mais enfin il était là, face à un père qu’il n’avait pas vu depuis plus de deux décennies, face à un père qui semblait ne pas avoir perdu sa rage guerrière malgré la défaite cuisante reçue de nombreuses années plus tôt.

Alors que Alyria prenait l’initiative de se présenter, subtilisant à Lorn le plaisir de dévoiler son identité au moment opportun, l’esprit du colosse se fit étonnement vide pour laisser place au brasier qui grandissait en lui. Cet homme-là, face à lui, fut la raison de toutes ses souffrances et après toutes ces années il semblait ne pas avoir perdu de son mordant. Lorn s’attendait-il à trouver un homme brisé ? Pas forcément brisé mais au moins assagi, plus tempéré, pourtant la perte de deux fils ne semblait pas avoir calmé son tempérament d’un chouia et ce fut cette certitude qui fit croître le mécontentement dans le cœur du jeune homme.

Alors que le vieux guerrier posait ses yeux marron sur la demoiselle à la crinière de feu, Lorn resta silencieux à se demander ce qu’il pourrait bien dire. L’avait-il seulement reconnu ? Y accordait-il de l’importance ? Allait-il le faire savoir ? Le colosse aux yeux azurés n’eut pas le plaisir d’en connaître la réponse car le maître des lieux reporta son entière attention sur la demoiselle à la crinière de feu.
S’écartant de ses élèves qui commençaient déjà à ranger la salle, le vieux colosse se tourna vers la demoiselle pour finalement lui répondre :

« Si les autres chefs de clan n’ont pas refusé votre proposition je ne vois pas de raison de le faire. »

Alors comme cela les nouvelles allaient vites et les chefs de clans discutaient entre eux ? Cela faciliterait sans doute les choses pour l’illustre duo qui n’aurait pas forcément à s’étendre en explications interminables, mais pour l’heure ce chef de clan-là était la seule personne qui importait dans l’esprit du colosse aux yeux bleus. Sa voix était restée inchangée, il était toujours aussi grand que dans les souvenirs de Lorn, seules sa barbe et les rides sur son front pouvaient attester du passage du temps sur son corps.

Mais bientôt, alors que la conversation suivait son cours, le vieux colosse se tourna vers ses élèves qui murmuraient entre eux des propos presque inaudibles tout en jetant des regards furtifs vers le duo nouvellement arrivé. Foudroyant ses élèves du regard pour leur instiller un peu de discipline, le chef se retourna ensuite vers ses interlocuteur pour leur lâcher :

« Mes élèves sont curieux et je ne peux pas les en blâmer. Ils n’ont jamais vu de jedi en action, l’un de vous deux voudrait-il m’accompagner pour satisfaire leur curiosité ? Vous aurez vos réponses ensuite. »

Lorn ne pouvait pas s’empêcher de se dire que la proposition du chef n’était faite que pour satisfaire son propre égo et en aucun cas pour contenter ses élèves, il voulait certainement avoir le plaisir de se mesurer à un jedi et de lui mettre une raclée le cas échéant. Comment Lorn le savait-il ? Parce que son père ne semblait pas avoir changé et déjà à l’époque il était bien trop belliqueux et arrogant pour son propre bien. Il avait juste appris à masquer le tout sous une très fine couche de diplomatie mais il ne trompait personne, et certainement pas son fils.

Sans prendre la peine de répondre à haute voix à son interlocuteur, Lorn fit un pas en avant et suivi son hôte jusqu’au centre de la pièce. Laissant tomber sa veste sur le sol pour libérer un peu ses mouvements, le colosse attrapa l’arme en bois qui lui fut lancée. Une arme en bois ? Son hôte ne voulait peut-être pas prendre le risque de blesser des représentants de l’Ordre, mais cela importait peu au maître d’armes qui resserra sa poigne autour du manche dans sa main droite.
Si le jeune épicanthix tint son arme comme il le faisait d’habitude avec son sabre, parallèlement à son corps et au niveau de sa tête, son partenaire du jour tint une position beaucoup plus relâchée et négligée qui traduisait une confiance évidente en ses capacités. Lorn devrait-il s’en offusquer ? Pas du tout car il savait que ce papy ne faisait cela que pour impressionner davantage ses élèves, rien de plus.

Un silence presque religieux s’installa dans la pièce et, finalement, celui-ci fut brisé lorsque l’hôte fit le premier pas en se ruant sur le jedi, une fureur guerrière brillant dans son regard. Le premier choc fut aussi violent que bruyant et, alors que le vieillard s’attendit sans doute à briser la garde de son adversaire d’entrée de jeu, le jedi tint bon face à ce premier assaut et repoussa son adversaire.
Puis la machine se mit en marche. Lentement mais sûrement la danse guerrière s’enclencha et une succession d’attaques et de parades s’enchaînèrent à un rythme raisonnable. Lorn jetait dans la bataille plusieurs décennies d’entraînement et de maîtrise d’armes semblables à celle-ci tandis que son opposant l’affrontait avec une plus grande expérience menant à une évidente arrogance.

Mais alors que le jeune maître d’armes pensait commencer à avoir le dessus, il fit un pas de trop en avant et se fit avoir comme un débutant par une feinte de son opposant. Depuis quand faisait-il des feintes ? Non, en vérité c’était l’état d’esprit troublé du jeune homme qui avait ouvert une brèche dans sa garde et invité le vieillard à s’y engouffrer. Le goût amer de sa propre bêtise fit écho au sang dans sa bouche lorsque la lame de son adversaire s’abattit sur sa mâchoire et le propulsa en arrière.
Abasourdi par ce qu’il venait de se passer, les fesses par terre, Lorn cracha un mince filet de sang sur le sol tout en entendant les paroles de son hôte atteindre de ses oreilles très distinctement.

« J’attendais mieux de toi. »

Était-il surpris d’avoir été reconnu ? Pas vraiment car l’évocation de son nom par sa compagne était un indice suffisant. Surpris par le ton arrogant et moralisateur ? Pas vraiment, son géniteur s’était toujours trouvé plus malin que tout le monde. Non, ce qui surprenait davantage le colosse était sa propre stupidité l’ayant mené à rentrer dans le jeu de son hôte en laissant tomber la défense au profit d’une attaque à outrance. Cela ne lui ressemblait pas, tellement pas, autant dire qu’il était furieux contre lui-même.

En silence, pour ne pas donner le plaisir à ce vieillard de répondre à sa provocation puérile, Lorn décolla ses fesses du sol et se redressa brusquement, une lueur guerrière dans son regard faisant écho à celle qu’il avait vu naître dans le regard de son géniteur. Sa mâchoire lui faisait encore mal et le goût métallique du sang dans sa bouche était toujours bien présent mais cela importait peu, il allait remettre les pendules à l’heure en rappelant à son hôte que ce n’était pas son fils disparu mais bien un jedi qu’il était en train d’affronter.

The show must go on.
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