Ragda Rejliidic
Ragda Rejliidic
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Trois semaines avant le début de l'opération soumission, frontière entre les territoires de Borenga et de Barjak, à cinquante parsecs de Junkfort,

La voix cybernétique résonna dans tous les haut-parleurs de la barge de combat :

// Sortie d'Hyperespace dans deux minutes... //

Ragda, juché sur son chariot répulseur, observait le panorama surréaliste qu'offrait le couloir hyperspacial, depuis la baie d'observation à l'avant de la passerelle de commandement. Perdu dans ses pensées, il n'entendit pas l'officier approcher. Aussi, il tressaillit lorsque celui-ci lui demanda, avec un volume sonore proportionnel à son niveau de stress: c'est à dire élevé :

« Seigneur Rejliidic, nous arrivons à destination... Quelles sont vos ordres. Les homme se posent des questi... »

« Qu'ils se les posent, je n'ai que faire de leurs état d'âme » le coupa le Hutt, contrarié de s'être faire surprendre. Il fit faire un demi-tour à son chariot afin de faire face à au petit humain moustachu. « Que chacun gagne son poste. Faites chauffer les batteries turbo laser. Silence radio. Je veux une signature minimaliste. Junkfort ne doit pas nous détecter. »

De simples précautions. Tout devait théoriquement se passer sans le moindre échange de tirs. De plus, à environ cinquante parsec de Junkfort, il était peu probable que les systèmes d'espionnage et de surveillance de la frontière puisse les détecter dans le vide spatial, au milieu de rien. Car effectivement, là où ils se dirigeaient ne se trouvait absolument rien... Le néant entre les étoiles. D'une noirceur aussi profonde que les humeurs du Hutt. A coté de lui, silencieux, se tenait le bras droit de Borenga... Rien que ça. Un bien énigmatique personnage. Ragda tourna la tête pour le contempler encore et encore. Un Jedi gris entièrement masqué. Déjà qu'il n'éprouvait qu'une confiance des plus relatives aux utilisateurs de la Force... Alors un Jedi masqué, le visage dissimulé... Que craignait-il au juste ? Que quelqu'un puisse le reconnaître ? Pour Ragda, il fallait être un lâche pour ainsi dérober ses traits au reste de la galaxie.

« Et vous, que pensez-vous de toute cette mission ? Une proposition sur la marche à suivre ? » demanda-t-il à celui, de but en blanc. Derrière le masque impossible de dire s'il le regardait, si son visage arborait un quelconque rictus. Peut-être même qu'il dormait debout... Allez savoir...

****

Deux jours plus tôt, Dennogra, salle du trône de Borenga.

Voûté, en signe de soumission, Ragda écoutait attentivement le briefing de son seigneur et maître. Son impassibilité, visage de marbre figé en une expression naturellement disgracieuse, cachait une véritable tempête, interne, qui manquait d'emporter le cours de ses pensées. Opération soumission... Rien que ça... Lorsque le gros Hutt eut fini son discours, il lui répondit :

« Il en sera fait selon vos désirs. Nous prendrons contact avec cet Ajuntis... Nous lui apporterons vos conditions, et ferons le nécessaire pour qu'il les exécute. »

****

Ajuntis Falks, numéro deux dans la hiérarchie nébuleuse des Veilleurs de Junkfort, un puissant clan de mercenaires Nikto occupant depuis des décennies le rôle de... gardes frontières, pour Barjak le Ventripotent. D'après ce qu'on pouvait glaner à leur sujet, les Veilleurs jouissaient d'un statu de privilégiés, disposant de droits et libertés exceptionnels le long de la maigre bordure séparant les territoires de leur employeur de celui de Borenga. Privilèges, mais aussi rétributions, puisqu'ils imposaient une taxe à tous les navires pratiquant l'autoroute Hutt, excepté ceux affiliés à l'Empire, leur partenaire commercial.

Mais il semblait y avoir de l'eau dans le gaz. Un leader vieillissant, une fratrie un peu trop ambitieuse pour accepter que seul l’aîné, Ajuntis, jouisse bientôt de l'intégralité des ressources du clan. En résumé : le plus ancien des frères redoutait de se faire égorger dans son sommeil, ou bien pire. Ainsi, pour d'obscures raisons, il avait accepté de passer une sorte de marché avec Borenga : un échange de bon procédés pourraient-on dire. Restait à chacun de formuler et d'accepter les conditions de l'autre. Peut-être qu'Ajuntis sentait le vent tourner ? Qu'il ne faisait pas confiance à Barjak et préférait donc se tourner vers un maître plus... entreprenant ? Possible. Après le coup d'éclat de Makem Te, pourtant échec cuisant, le mot « Borenga » se retrouvait sur toutes les bouches de l'espace Hutt. Le gastéropode qui avait osé, seul, tenir tête à la fois à l'Empire et la République... Et s'en était sorti en un seul morceau. Du moins c'était comme ça que la rumeur véhiculait la chose...

Enfin, au prix de quelques vibrations désagréables pour l'estomac de Ragda, le barge de combat sorti de l'hyperespace. Bien que lourdement armée, elle ne portait aucun blason susceptible de la rattacher aux armées mercenaires de son véritable propriétaire. Devant eux, dans la noirceur totale de l'espace profond, flottait une petite corvette, invisible à l’œil nu. Seuls les capteurs de la proue détectaient sa signature thermique et magnétique. Au moins, pensait Ragda, ce Nikto était l'heure.

« Aucun autre signal ? » demanda-t-il, ensuite, à un opérateur proche de lui. Il redoutait un piège.

« Négatif Seigneur. » lui répondit-il, sans prendre le temps de respirer. « Un seul navire, dont les signatures correspondent à nos données. C'est bien le Ravageur de l'Ombre. »

Un nom pompeux pour une petite corvette bientôt centenaire. Mais elle n'en restait pas moins un navire de guerre d'une taille éloquente pour un groupe de mercenaire bien loin des standards républicains ou impériaux en matière de matériel militaire de pointe. De source sûre, Ragda avait appris que les Nikto, de manière générale, se vexait très vite. Alors autant ne pas faire de commentaires déplacés : de son Ravageur de l'Ombre, Ajuntis devait en être très fier.

« Bon... Il ne nous reste plus qu'à converger aux coordonnées des négociations. » fit-il, se tournant une nouvelle fois vers El Masaari. Drôle de prénom. Un diminutif peut-être ? « Les conditions sont claires : seulement nous deux... Mais comme notre interlocuteur ignore l'étendu de vos... talents, je doute qu'il tente quoi que ce soit lorsqu'il vous aura en face. Venez, ne le faisons pas attendre... J'ai comme la sensation que la patience ne fait pas partie des qualités de notre nouvel ami. »

Dix minutes plus tard, El Masaari et Ragda flottaient à bord d'une navette, à égale distance entre le Ravageur de l'Ombre et la barge de combat anonyme. Une capsule d'abordage s'arrima rapidement à eux. Lorsque la pressurisation fut assurée, l'écoutille s'ouvrit, révélant trois Nikto à la carrure impressionnante, les visage et le crâne bardés d'autant de cicatrices que de cornes. Ajuntis ainsi que deux de ses fidèles lieutenant. Déjà disgracieux de nature, ceux là ne semblaient pas être d'humeur amicale, bien au contraire... Les échanges promettaient d'être houleux.

Ragda, lui, n'éprouvait aucune peur. Un sentiment qui lui était inconnu depuis son opération du cerveau, deux années plus tôt. Un effet secondaire étonnant, pratique, mais ô combien dangereux. La perte de ce sentiment intimement lié à l’instinct de survie l'avait poussé à prendre des risques de plus en plus démesurés... Et voyez le résultat aujourd'hui... Toutefois, même s'il avait pu la ressentir, il y eu fort peu de chance qu'elle ne l'étreigne en cet instant. Peu de personnes sensées osaient s'attaquer directement aux Hutt dans l'espace éponyme. Les « Tueurs de Hutt », comme on les nommait. Quelque soit la raison, le motif, ces crapules coupables du plus odieux des crimes étaient pourchassées, tués, ou pire. Même si les gastéropodes s'entre-massacraient avec une ferveur quasi-religieuse, nul n'acceptait qu'une sous-race se mêle de leurs affaires. Ajuntis n'échappait pas à la règle. S'en prendre physiquement à Ragda signerait son arrêt de mort, ainsi que le déshonneur de tout son clan.

« Je n'ai pas toute la journée. Mon absence risque d'être remarquée à tout instant... Alors ? Quelles sont les conditions de Borenga ? Quelle dette lui devrais-je en échange de son... aide. »

Un mot qui, visiblement, prenait des notes amers dans la gueule pleines de dents du Kajain'sa'Nikto au teint jaune-orangé. Ragda, silencieux, se tourna vers El Masaari, lui laissant le privilège de l'introduction directe et brutale.
Invité
Anonymous
Deux jours plus tôt, Dennogra, salle du trône de Borenga.

Le Seigneur de guerre hutt déblatérait depuis un moment déjà sur sa volonté de réduire à néant ses ennemis de l’Espace Hutt, sur ses efforts pour se hisser à la hauteur des superpuissances qu’étaient la République et l’Empire Sith. Juché sur une sorte de trône surélevé vis-à-vis de son assistance, Borenga dominait ses interlocuteurs et leur imposait par là-même sa présence, déjà imposante par nature. El se tenait face à lui, droit comme un piquet. Si le gros Hutt était son maitre et chef, il ne courbait cependant pas l’échine si facilement. A ses côtés prenait place un certain Ragda Rejliidic, un autre Hutt. Tous deux écoutaient Borenga leur exposer son « Opération Soumission ». Pourtant, El n’avait pas l’esprit totalement tourné vers les paroles de son maitre, tant l’idée d’être associé à ce Ragda lui déplaisait. Contenant sa rage, son masque le rendait cependant impassible, et c’était une bonne chose.

« … Allez. Et faites ma volonté. »

« Il en sera fait selon vos désirs. Nous prendrons contact avec cet Ajuntis… Nous lui apporterons vos conditions, et ferons le nécessaire pour qu’il les exécute. »

Ainsi Borenga avait parlé. El et Ragda prendraient la direction de Junkfort.

****


Trois semaines avant le début de l’Opération Soumission, frontière entre les territoires de Boranga et de Barjak, à cinquante parsecs de Junkfort.

El se tenait sur la passerelle de commandement face à la baie d’observation, aux côtés de Ragda Rejliidic. Silencieux, il écoutait d’une oreille distraite les informations et éclats de voix que tour à tour lâchaient les haut-parleurs, son compagnon Hutt ou les hommes du vaisseau. A vrai dire, tout ceci lui importait peu, il n’était pas là pour jouer les capitaines de navire et encore moins pour guider l’équipage. El goûtait toujours aussi peu à cette idée d’être associé à un Hutt et se tenait donc en retrait des décisions à prendre, pour le moment du moins. Et il ne doutait pas que son compère éprouvait une confiance toute relative en lui. Pourtant, l’un comme l’autre devraient passer outre leurs réticences pour œuvrer selon la volonté de Borenga. El s’en savait capable, il n’en avait juste pas l’envie pour l’instant…

« Et vous, que pensez-vous de toute cette mission ? Une proposition sur la marche à suivre ? »

El tourna son regard masqué vers son gros interlocuteur. Il ne lui avait pas échappé que ce dernier l’observait avec insistance de temps à autre depuis leur départ de Dennogra.

« Nous montons à leur bord et faisons en sorte que cet Ajuntis suive nos instructions à la lettre. » répondit-il de sa voix étouffée, détournant son regard et prenant le chemin d’un siège non loin. « Tenez-vous bien, ça va secouer un peu. » lança-t-il en joignant le geste à la parole juste avant la sortie d’hyperespace de leur barge de combat. El n’avait pas été sans remarquer que Ragda n’était pas au mieux de sa forme, alors autant s’en moquer un peu.

Une fois le vaisseau stabilisé, il se releva pour se porter de nouveau aux côtés du Hutt face à la baie d’observation. Là, dans le vide intersidéral, se tenait un unique vaisseau. Une petite corvette de guerre répondant au nom de Ravageur de l’Ombre. Le vaisseau amiral d’Ajuntis. L’opérateur de passerelle annonça sa seule présence et leur confirma l’identité de leur vis-à-vis. Comme le fit si bien remarquer Ragda, il ne leur restait plus qu’à « converger aux coordonnées des négociations ». Ajuntis ayant expressément imposé que seuls Rejliidic et Masaari seraient autorisés à négocier avec lui, seuls eux deux prirent place dans la navette qui les conduisit à bord du Ravageur.

Il ne leur fallut qu’une petite dizaine de minutes pour se mettre en position à égale distance des deux vaisseaux, au beau milieu de la noirceur de l’espace infini. Ajuntis et deux de ses lieutenants les rejoignirent grâce à une capsule d’abordage qui s’arrima pour les laisser pénétrer dans la navette. Les trois Niktos ne semblaient pas de très bonne humeur et usaient de leur apparence guerrière pour impressionner et probablement intimider les deux agents de Borenga. Sous son masque, El affichait un sourire narquois. Il fallait beaucoup plus que trois Niktos pour lui faire peur… Mais pour l’heure, il convenait de les convertir à leur cause.

« Je n’ai pas toute la journée. Mon absence risque d’être remarquée à tout instant… Alors ? Quelles sont les conditions de Borenga ? Quelle dette lui devrais-je en échange de son… aide ? »

El n’appréciait pas du tout le ton qu’employait Ajuntis. Que croyait ce Nikto orangé ? Qu’il allait s’écraser devant une si minable puissance ? El sentait son sabre le démanger le long de son flanc. Mais ils ne pouvaient se passer de l’appui d’Ajuntis Falks pour mener à bien leur Opération Soumission. Numéro deux des Veilleurs de Junkfort, une alliance avec lui serait un soutien non négligeable pour la suite des évènements. Pour autant, il était hors de question de se laisser marcher sur les pieds par ce parvenu de Nikto. Ragda et El se jetèrent le même regard, et l’homme masqué fut cette fois reconnaissant envers son associé qui lui laissait le soin de répondre.

« Vous aurez le temps que nous estimerons être le bon, Ajuntis. Votre absence ne regarde que vous, et si en tant que second des Veilleurs vous ne savez répondre d’un tel acte, vous ne méritez certainement pas l’attention de Borenga. »

Peut-être était-ce seulement une réponse chargée d’orgueil, mais d’un autre côté, El ne pouvait permettre à un simple sous-fifre d’imposer sa volonté à des personnes autrement plus importantes que lui. Ajuntis avait plus besoin de leur aide qu’eux n’avaient besoin de la sienne. Trouver un autre candidat pour prendre la tête des Veilleurs était un jeu d’enfants pour Borenga et sa fortune, autant tenter de le lui faire comprendre rapidement. El ne se présentait pas face à lui en terrain hostile.

« Maintenant, si vous en avez terminé avec vos menaces ridicules, peut-être pouvons-nous prendre place » fit-il en désignant d’un geste une table de taille moyenne dotée de deux chaises à chaque bout. Les gardes du corps d’Ajuntis n’avaient nullement besoin de s’asseoir, et Ragda avait lui son chariot répulseur. El prit place en premier. « Nous n’avons pas toute la journée… »

El n’était pas un négociateur, il le prouvait une fois de plus. Mais il aimait jouer avec le tempérament de ses vis-à-vis, d’autant plus lorsque ceux-ci voulaient jouer les gros bras pour impressionner l’assistance. Perdu. Il prendrait cependant soin de laisser Ragda mener les négociations, cela valait peut-être mieux pour leur entreprise. El gardait cependant un œil sur les trois Niktos et n’hésiterait pas à user d’une démonstration de force si c’était nécessaire.

****

Deux jours plus tôt, Dennogra, salle du trône de Borenga.

« … et ferons le nécessaire pour qu’il les exécute. »

Borenga avait ensuite fait un petit geste de sa main boudinée vers El, lui intimant de se rapprocher. Le Masque s’avança alors d’un pas lent vers le gros Hutt sur son trône, s’arrêtant à quelques dizaines de centimètres de lui.

« Je ne me suis presque jamais séparé de toi, Masaari. Mais aujourd’hui, j’ai besoin que tu ailles avec ce misérable de Ragda pour les négociations près de Junkfort. D’ailleurs, tu l’accompagneras pour l’ensemble des préparatifs. Je veux que tu aies un œil sur lui, mais laisses-le agir pendant les pourparlers. Ta simple présence devrait suffire à insuffler la peur chez mes ennemis, Ragda n’aura qu’à se charger du reste. Vas ! »

D’un autre petit geste de la main, Borenga renvoya El, qui s’inclina avant de quitter le Seigneur de Dennogra.
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Les Niktos se crispèrent. L’un d’eux, le plus téméraire – ou le plus stupide, selon le point de vue – porta même la main à son arme, sagement rangée dans son holster. Clair que l’introduction franche et directe de El ne laissait pas indifférent ses interlocuteurs. Ragda esquissa un sourire. Un sourire amusé, qui déforma ses traits naturellement hideux et boursouflés. Mais aussitôt, il leva ouvrit sa large gueule. Sa voix tonna, onde sonore démultipliée par l’exiguïté des lieux : 
 
« Il suffit ! » dit-il simplement, sèchement, ne s’adressant à personne de particulier, si bien que El pouvait tout aussi bien se sentir visé par la remontrance. Cette courte tirade laissa place à un silence lourd, épais, plein de tensions refoulées. Les Niktos se figèrent, particulièrement celui qui avait parlé la main à son arme. Lentement, mais sûrement, celle-ci glissa sur le côté, s’éloignant de la crosse. Ajuntis, les traits tirés, creusés, marqués par la colère, porta rapidement le regard du Hutt au Jedi, le laissant traîner quelques instants sur la poignée du sabre laser pendu à la ceinture de ce dernier. Malgré la supériorité numérique, ainsi que les conditions de la rencontre, dans le vide spatial, le numéro deux des veilleur compris immédiatement qu’il n’était pas en position de force, ni sur le plan martial, si sur celui des mots. Un seul geste de sa part et il serait découpé en morceaux, avant d’avoir pu lancer le moindre message d'alerte au reste de ses hommes, restés sur la corvette. 
 
Ragda, ses petits bras croisés sur sa démesurée poitrine aux bourrelets luisants de sueur et de mucus, observait la scène de haut, jugé sur son chariot répulseur. Malgré le peu d’espace disponible à l’intérieur de la navette, prévue pour le transport de troupes, il avait fait le choix de ne pas s’en séparer, comptant sur ce dernier pour lui servir d’estrade, et ainsi dominer de sa masse informe ses interlocuteurs naturellement placés en position d’infériorité. De part et d’autre, à moins d’un mètre des bords de son chariot, s’alignaient des rangées de sièges vides, solidement fixés contre les cloisons d’un gris uniforme. Cette configuration empêchait donc au Hutt de se mouvoir librement, limité à une translation en avant ou en arrière, incapable de faire demi-tour. Mais pour autant, il ne se sentait pas en danger. Les Niktos ne lèveraient pas le petit doigt, du moins tant que leur vie ne serait pas ouvertement menacée, ce qui n’était pas prévu au programme… Ragda ignorait les raisons exactes des choix de Borenga : pourquoi lui et El ? Peut-être comptait-il sur son « forceux » de garde du corps pour intimider l’auditoire, tandis que lui, représentant de la race Hutt, porterait les volontés de son Seigneur sans que quiconque ne puisse les remettre en cause ? 
 
Bien qu’il n’accordait aucune confiance au Sith devenu Jedi gris, si l’on en croyait les on-dit circulant dans le palais, Ragda ne redoutait aucun coup bas. Si Borenga avait voulu se servir de son nouveau jouet pour se débarrasser de lui, il l’aurait fait bien plus simplement et efficacement… Aussi, il estima pouvoir un peu chahuter son partenaire du moment, sans risquer ouvertement son courroux. D’où ce « Il suffit » autoritaire visant toutes les personnes présentes. Il aimait tester ses interlocuteurs, pour mieux comprendre leur manière de penser, d’agir, d’être. Évidemment, le masque de El l’empêcha de distinguer la moindre modification de son expression faciale. Difficile de juger de son était d'esprit sans cet élément fondamental du langage corporel. 
 
« Notre Maître, l’illustre Seigneur de Guerre Borenga, a attendu votre message. » reprit-il, solennel, parlant lentement afin d’articuler chaque mot avec précision. Dans l’exercice du lèche-cul, il était passé grand-maitre. Même s’il le répugnait de désigner l’énorme Hutt par tous ses qualificatifs enjôleurs, il s’était résigné à jouer le jeu. De cela dépendait son avenir proche. Au moindre doute quant à ses intentions, Borenga le ferait éliminer. Alors autant ne rien laisser transpirer du fond de ses pensées. « Vous n’êtes cependant pas sans savoir que votre actuel employeur est un féroce adversaire de notre Seigneur… Aider les Veilleurs de Junkfort ne fera que renforcer le pouvoir d’un ennemi déjà dangereux… Ce qui est, techniquement, totalement contre-productif… La logique voudrait que l'on vous laisse sombrer dans une querelle fratricide, sans lever le petit doigt... » 
 
Sa voix caverneuse mourut sur ses paroles qui, malgré l’absence de question, appelaient à une réponse. Encore une fois, les trois Niktos s’agitèrent, agacés, énervés, vexé peut-être ? Ajuntis leva une main, intimant l’ordre à ses hommes de se taire. Un geste qui voulait aussi dire de n’intervenir sous aucun prétexte, quelque soient la teneur des prochains mots. 
 
« Arrêtez de jouer à ça ! » répondit le numéro deux des veilleurs. Ragda analysa rapidement un manque d’assurance chez son interlocuteur. Ses paroles avaient-elles éveillé le doute en lui, ou bien craignait autre chose ? De petits gestes parasites, grattage de bras intempestifs, mouvements oculaires rapides… Ces signes ne trompaient pas : le Niktos paraissait plus mal à l’aise qu’à son arrivée. Pourtant, dans sa voix, rien ne détonait un tel état d’esprit. Il répondait avec conviction, le timbre limpide et sec. « Si votre… Maître… Vous a envoyé, c’est qu’il pense pouvoir en tirer quelque chose… Sinon vous ne seriez même pas là ! Ma position chez les Veilleurs est menacée ! Je n’ai pas honte de l’affirmer haut et fort ! Mes... frères… Ne respectent rien ! Mais si j’ouvre ouvertement les hostilités, le clan sombrera, et tout ce que mes ancêtres ont construit sera réduit en cendres… Comprenez bien  : Barjak paye bien… Mais je doute qu’il prenne au sérieux ma requête… Au contraire même, il pourrait vouloir chercher à profiter de la situation... Diviser pour mieux régner, vous connaissez n’est-ce pas ? » 
 
Cette dernière phrase fit jaillir un souvenir de la mémoire de Ragda. Un souvenir récent, vieux de quelques heures seulement. Des images, sensations. Alors qu’il s’apprêtait à embarquer, Borenga l’avait convoqué dans ses appartements privés, loin de la salle du trône où trop d’oreilles indiscrètes traînaient. 
 
 
***** 
 
Quartiers privés de Borenga, sur Dennogra, 
 
L’air surchauffé, saturé de vapeur nauséabonde, s’engouffra dans les poumons de Ragda alors qu’il s’abreuvait d’une profonde inspiration. Le sol, les murs, luisaient, recouverts de cette humidité malsaine. Des gouttes formées par la condensation dégringolaient du plafond, à un rythme soutenu mais imprévisible. Ragda avançait, lentement, glissant sur le sol lisse. Il y avait des relents d’excréments, de moisissure, de décomposition organique. Un cocktail odorant qui aurait soulevé le cœur de la plupart des espèces intelligentes de cette galaxie. Mais pas celui des Hutts. Les énormes gastéropodes, à la peau  épaisse, boursouflées, parsemées de furoncles et de bourrelets sans fonds, affectionnaient particulièrement les bains de composition des plus que douteuse. Si, Ragda, lui, préférait plutôt s'immerger dans de l'acide, la plupart de ses congénères privilégiaient les eaux usées chargées excréments et de déjections diverses et variées. Répugnant ? Possible. Mais tout aussi indispensable à l’hygiène intime des Hutt. Seuls de tels traitement étaient capables de tuer les parasites, et de dissoudre le mucus accumulés entre les pans de peaux huileuses ne voyant jamais la lumière du jour, cachés presque hermétiquement entre les bourrelets graisseux.  
 
Mais cette atmosphère étouffante, écœurante, offrait un autre avantage : celle de la tranquillité. Aucun serviteur n’osait s’aventurer dans les quartiers de Borenga alors qu’il se prélassait dans son bain. 
 
Lentement, pénétrant les volutes de vapeur épaisse, Ragda progressa vers le centre de la pièce. Là se trouvait un bassin circulaire, conique même, permettant au seigneur des lieux de glisser jusqu’au fond afin de s’immerger entièrement. Borenga s'y prélassait, les bourrelets lui servant d'épaules posés sur le rebord, le reste du corps immergé. A chacun de ses mouvements, mêmes les plus infimes, des vaguelettes se formaient à la surface de l'eau trouble, l'expulsant du bassin où elle disparaissait derrière des grilles d'évacuation.

« Te voici donc, petite larve » fit le Seigneur de Guerre, sans même ouvrir les yeux. Entre ses petits mains, il tenait l'extrémité du tuyau d'un narguilé ouvragé, posé juste à coté de lui. « Approche ! Je ne vais pas te manger, pas encore ! » Il gloussa, visiblement euphorique, tandis qu'il recrachait par les narines les vapeurs de tabacs. A l'odeur, Ragda identifia plusieurs composés douteux, ce qui expliquait certainement l'humeur du maître des lieux.« Allez viens ! Rejoint moi ! Nous avons à parler... Et je n'ai pas envie de hurler pour me faire entendre... » Il reprit une bouffée. Ragda, lui, s'arrêta juste à coté du bassin, baissa les yeux sur celui-ci. Intérieurement il haussa les épaules. Il n'avait de toute manière pas vraiment le choix. Aussi, sans un mot, il se laissa glisser dans les eaux répugnantes, chaudes. Il frissonna, avant de sentir tous les muscles de son corps ce détendre... Mollement, il se laissa retomber dos contre le bord, à l’exact opposé de Borenga, tel le reflets déformé de celui-ci.

« L'avenir est trouble, certainement bien plus que cette eau » fit-il, énigmatique. Ragda fronça les bourrelets lui servant de sourcils, sans pour autant formuler de questions indiscrètes. Mieux valait le laisser parler. Mais Borenga se tut. Il recracha la fumée, par la bouche cette fois, avant d'ouvrir des yeux aussi ronds que des billes, et de les braquer sur son interlocuteur. Les pupilles, dilatées, avaient dévorées les iris jaunes, donnant à son regard un aspect terrifiant.« Que penses-tu de mon nouveau garde du corps, petite larve ? Réponds franchement où je te fais trancher le flan qui te sert de tête... »

Ragda grimaça, mais répondis rapidement :

« Franchement ? Je trouve que c'est prendre des risques inutiles que de s'entourer de pareils serviteurs. Ces... utilisateurs de la Force sont bien trop dangereux, imprévisibles, et... » Mais il fut coupée dans sa tirade, par le rire tonitruant du Hutt.

« Direct, hein ? Tu as vraiment passé trop de temps avec toutes ces races inférieures... Tu te comportes comme elles... » Ces derniers mots étaient emprunts d'un dégoût non dissimulé. « Je vais te dire ce qui est dangereux et imprévisible, bien plus qu'un ex-Sith : Moi ! Ce Masaari est sous mon contrôle ! Et tant qu'il que je l'occuperai, que je lui laisserai le loisir de se défouler, il le restera... Il est un bras droit rêvé... Obéissant, discipliné, habile, ne reculant devant aucun massacre pour parvenir à ses fins. Et tu ferais mieux de le comprendre, petite larve : car lorsque j'en aurais marre de toi, c'est lui qui t'achèvera... » Il explosa de rire.

*****

Diviser pour mieux régner... Oui, il s'agissait bien là d'une méthode typiquement Hutt. Faire germer doutes et tensions pour mieux contrôler... Décidément, Borenga le sous-estimait. Tant mieux. Ragda voyait clair dans le jeu de son Seigneur et Maître : ce dernier redoutait un rapprochement, une entente qui pourrait se retourner, un jour, contre lui. Diviser pour mieux régner... Ragda soupira. Qu'avait-il bien pu tenir comme propos à El, à son encontre ?

« Oui oui... Nous connaissons... » lâcha-t-il, sur un ton las, ne laissant le temps à El de reprendre la parole. Ajuntis reprit :

« Donc vous comprenez ma position... Je ne peux compter sur le soutient ouvert de Barjak... Je ne peux agir directement au sein de mon clan... Alors j'ai besoin d'une aide extérieure. »

« Mais concrètement, vous voulez quoi ?! » le coupa Ragda, désireux d'entrer dans le vif du sujet. Sa patience n'avait rien de légendaire.

« Que le Seigneur Borenga... Use de ses... ressources... Pour faire... disparaître mes deux frères... »

Ragda secoua la tête, jouant le jeu qu'on lui avait demandé de jouer :

« Deux assassinats ? J'imagine que de surcroît, il faudrait faire passer ça pour des... accidents hein ? Histoire de ne pas éveiller trop de soupçons à votre encontre... » L'autre hocha imperceptiblement la tête. « Et à la moindre fuite, Barjak aura un prétexte pour déclarer ouvertement la guerre à Borenga ?! C'est ça que vous cherchez hein ? N'est-ce pas plutôt vous qui cherchez à diviser pour mieux tirer votre épingle du jeu ? Prenez-vous le Seigneur Borenga pour un imbécile ?! »

Ragda avait hurlé ces derniers mots. Ses cris résonnaient sur les parois sans vie de la navette, se répercutant en échos multiples. Ajuntis, bien campé sur ses jambes, n'eut aucun mouvement de recul, parfaitement maitre de son corps... Mais il était possible de lire dans ses yeux la confusion.

« Non, pas du tout ! » s'empressa-t-il de répondre. « Ce n'est pas du tout ça ! »

« Et alors ? Qu'avons nous a gagner dans cette affaire ?! Parlez ! »

« Je... » Il hésita, comme un joueur de Sabbaac contraint de faire « tapis », faute d'autres solutions. « Je suis prêt à prêter allégeance au Seigneur de Guerre Borenga ! Tout ce qui compte c'est la survie de mon clan... » Et l'assurance de rester en vie, à sa tête, pensa Ragda, luttant pour ne pas pouffer. Le silence retomba alors, tout aussi lourdement que précédemment. Cette fois Ajuntis ne quittait Ragda des yeux. Mais au lieu de lui répondre, le gastéropode tourna son énorme tête vers El.

« Masaari » fit-il, sur un ton neutre, monocorde. « Si je résume ce que notre ami nous raconte... Il est en fâcheuse posture, requiert l'aide de notre Maître... En échange, il propose une allégeance... L'allégeance d'un clan affaibli dont nous aurons décapité nous-même deux têtes. Sans compter que Junkfort appartient à Barjak... Et je vois mal les Veilleurs de Junkfort déménager aussi facilement... Et puis nous ferions quoi d'eux ?! Je ne parle même pas des retombées politiques ! Barjak va nous faire un scandale... Qu'en penses-tu ? Cette rencontre n'est qu'une vaste farce... Nous ferions mieux de faire demi-tour... »

Un bluff parfait, digne d'un joueur de Sabbaac de son envergure. N'avait-il pas tenu un casino pendant deux décennies, joué face aux adversaires les plus prestigieux ? Face à lui, les trois Niktos se figèrent, décontenancés. Et au même instant, un message provenant de la barge de combat s'échappa des appareils de communications :

// Seigneur Rejliidic ! Nos senseurs courte-portée captent un vaisseau en approche hyperspatiale ! Ce n'est peut-être qu'une coïncidence... Leur trajectoire pourrait simplement passer à proximité de notre position... Mais si ce n'est pas le cas, ils seront sur nous dans douze minutes. //
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Conformément aux ordres de Borenga, El laissait son compère Hutt se charger des « négociations » avec Ajuntis. En vérité, il n’y avait que peu de diplomatie à mettre sur la table, du moins de leur côté. Le Seigneur de guerre de Dennogra avait été suffisamment clair pour que ses émissaires ne cèdent sur aucun point, ne serait-ce que le plus infime. Les Veilleurs de Junkfort se soumettraient à son pouvoir, ou Ajuntis ne serait plus là pour connaitre la suite de leur histoire. Pourtant le Nikto semblait estimer qu’il avait ses chances pour négocier et faire céder du terrain à ses interlocuteurs. C’était bien mal les connaitre, comme Ragda ne s’était pas gêné de le lui rappeler.

Borenga lui avait intimé de laisser le Hutt se charger des négociations. Bien lui en avait pris. Car El n’aurait pas été aussi patient que lui. Devant tant d’audace et de peur combinées, il aurait coupé court la tête du Nikto et de ses gardes. Des êtres aussi faibles ne méritaient pas qu’on s’intéresse à eux. Pourtant, ce lâche d’Ajuntis représentait leur meilleure chance de prendre le contrôle des Veilleurs… La situation était cocasse. Car ses deux frères valaient certainement beaucoup mieux que lui, mais la loyauté avait un prix. Et Borenga avait décidé qu’un tel investissement ne serait pas rentable, à l’inverse d’une bonne dose de pression sur Ajuntis.

Ce dernier transpirait la confusion et le stress. Si sa posture et son ton n’y laissait rien transparaitre, El le ressentait dans la Force. S’il le désirait vraiment, il n’aurait même pas à user de son pouvoir de manière appuyée tant le Nikto leur rendait la tâche facile. Pour autant, il préférait ce méfier de cette assurance de façade, on n’était jamais à l’abri d’un coup en traitre dans l’Espace Hutt, mieux valait rester sur ses gardes. Laissant la parole à Ragda, El ne quittait pas des yeux les trois Niktos, guettant un signe pour pourrait les trahir.

Il fut cependant tiré de son immobilité et de son mutisme – forcé par Ragda, ce qui l’avait plus que contrarié – par le Hutt, qui le fixait. El n’avait rien perdu de l’échange entre les deux parties, et lui aussi trouvait bien osée la proposition d’Ajuntis. Tuer ses deux frères n’était en aucun cas un problème, le mettre au pouvoir non plus, il suffisait d’y mettre le prix. Mais le clan serait bel et bien déchiré, très probablement en proie à une guerre interne, et donc faible. Et cette faiblesse ferait les affaires de Barjak qui n’aurait plus qu’à tendre la main pour resserrer un peu plus son emprise sur les Veilleurs… Soit Ajuntis avait un sacré culot pour oser faire une demande pareille, soit il ne se rendait pas compte de la situation. El préférait miser sur son intelligence limitée et opta pour la seconde option, ce qui ne fit qu’accroitre son désir meurtrier. Par ailleurs, Borenga ne s’intéressait en rien aux Veilleurs. Ils n’étaient tout au plus qu’un moyen dans son entreprise de faire tomber Barjak et de s’emparer de ses possessions. Apparemment, l’esprit d’Ajuntis n’avait même pas effleuré cette possibilité, comme s’il pensait avoir de réelles revendications à apporter face aux conditions du Seigneur de Dennogra. Quel misérable…

****


Deux jours plus tôt, Dennogra, salle du trône de Borenga.

Réunis auprès de leur Seigneur, El et Ragda écoutaient le Hutt leur exposer sa stratégie pour ce qu’il avait choisi de nommer l’ « Opération Soumission », visant à éliminer son voisin Barjak le Ventripotent et ainsi s’emparer de son Kajiidic.

« … différentes étapes. La première d’entre elle concernera les Veilleurs de Junkfort. Ce gros imbécile de Barjak confie sa sécurité extérieure à un groupe dirigé par le vieux Pawtis Falks. Ses fils sont nombreux et vont se déchirer à sa mort… », cette idée poussa le Hutt à un petit rire aigu, apparemment trop heureux de cette fin.« C’est son ainé, Ajuntis, qui occupe actuellement le rôle du Second. Je suis déjà parvenu à prendre contact avec ce misérable parvenu pour… discuter d’un accord. Je veux que vous le rencontriez. Même si les Veilleurs ne sont que des sangsues du pouvoir, ils peuvent se révéler très utiles pour couvrir notre approche. Ajuntis n’est qu’un imbécile qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez, vous n’aurez donc pas de mal à obtenir ce que vous voulez de lui. Vous ne devrez rien céder, pas même la moindre petite concession… JE VOUS L’INTERDIT ! », se mit-il à hurler de colère. Borenga gardait jalousement son pouvoir et ne comptait pas se séparer d’une once de celui-ci auprès d’un type comme Ajuntis.« Vous lui offrirez le poste de son père et l’assurance de la mort de ses frères. En retour, je veux sa soumission et sa loyauté la plus totale, ainsi que celle de ses hommes, pour l’opération à venir… »

****


« Une vaste farce, oui… » fit-il sans détourner son regard des trois Niktos. « Mais contrairement à Rejliidic, je suis prêt à vous accorder une seconde chance… » En vérité, El détestait ça. La faiblesse se payait au prix fort et rien ne lui ferait plus plaisir en ce moment précis. « Aussi je vous conseille d’augmenter votre offre, messieurs. Car vous savez aussi bien que moi que nous ne pouvons laisser le risque d’être compromis. »

La parole s’accompagna du geste puisque El rapprocha sa main du sabre qui pendait à sa ceinture. Il doutait qu’Ajuntis ait pu comprendre tout ceci plus tôt, mais il était vrai que ni El ni Ragda ne pouvaient laisser derrière eux des témoins comme ceux-ci. Borenga ne l’aurait pas permis non plus, et ce n’était pas une perte si énorme pour les Veilleurs non plus. D’autant plus qu’une disparition arrangerait certainement les deux frères du Nikto, au même point qu’elle desservirait les intentions de Borenga. Ragda avait voulu jouer la carte du bluff et les pousser à la faute, El ne faisait que les titiller pour les mettre à tapis.

Figés et décontenancés, leurs trois interlocuteurs n’eurent cependant pas le temps de répondre.

// Seigneur Rejliidic ! Nos senseurs courte-portée captent un vaisseau en approche hyperspatiale ! Ce n'est peut-être qu'une coïncidence... Leur trajectoire pourrait simplement passer à proximité de notre position... Mais si ce n'est pas le cas, ils seront sur nous dans douze minutes. //

Cela eut le don de mettre El hors de lui. D’une part parce que le message ne s’adressait qu’à Ragda, comme si lui-même n’existait pas ou n’était qu’un simple sous-fifre du gros Hutt. Ensuite parce qu’une rencontre fortuite avec un vaisseau extérieur ne pouvait que compliquer leurs affaires. Et El aimait quand tout était vite fait et bien fait. Furieux derrière son masque, il détourna rapidement son regard d’Ajuntis pour se tourner vers Ragda, avant de reprendre sa position initiale vers le Nikto. Si son masque n’avait pas été là, ce dernier aurait croisé un regard empli de colère à faire froid dans le dos. El s’était amusé avec Ajuntis, à le mettre dans une situation inconfortable et à le menacer à demi-mots, mais il ne plaisantait plus désormais. Au moins, il n’aurait pas à user de l’art des mots pour mettre un peu plus de pression sur son vis-à-vis.

« Ajuntis ! Qu’est-ce que c’est que ce vaisseau qui approche de notre position ?! » lui cria-t-il dessus en marchant vers lui. « Si cette idée est la vôtre, je ne donne pas cher de votre sale petite tête ! »

En s’avançant vers lui, El empoigna son sabre d’une main et tendit l’autre vers le Nikto. Ajuntis décolla d’une dizaine de centimètres du sol, soulevé par la Force. De part et d’autre du Veilleur, ses gardes du corps ne savaient pas comment réagir. La main posée sur leurs armes, aucun des deux n’avait cependant osé faire quelque chose. Quant à Ajuntis, il flottait dans les airs, les yeux écarquillés de stupeur et de crainte, sans savoir quoi dire et perdant ses mots quand il tentait de sortir une phrase.

Plus que dix minutes.
Ragda Rejliidic
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« Voilà qui change la donne… » Cracha le Hutt, oubliant toute forme de politesse inhérente aux négociations diplomatiques, habituellement. « Ce ne serait donc qu'une malencontreuse coïncidence, selon vous ?! » Question rhétorique, aboyée au visage des Niktos. « Vous avez été suivis  ! Imbéciles ! Comment peut-on seulement faire confiance à des individus aussi négligents  ?! Leur accorder une seconde chance ?! Même pas en rêve. C’est fini, El, nous quittons les lieux ! » 
 
Ces derniers mots tonnèrent avec autorité, se réverbérant sur les murs lisses en échos effrayants. Les trois Niktos tressaillirent, les deux gardes du corps posant immédiatement la main sur leurs armes, sans pour autant les dégainer. Peut-être redoutaient-ils de bien sombres conséquences, après ce laïus inquisiteur. Ajuntis, lui, clairement désespéré, ne jouant même plus la comédie, fit un pas en avant : 
 
« Attendez ! Je vous jure… Nous avons pris toutes les précautions ! Personne n'a pu nous suivre ! » Ragda  lui lança une regard noir. Incroyable comme son attitude venait de changer du tout au tout, à l'opposée à la défiance dont il avait fait preuve lors de son arrivée, quelques minute plus tôt. L'armure était-elle percée, révélant la lâcheté du Niktos ? A vrai dire, Ragda ne s'en étonna guère : que ses propres frères osent fomenter des plans dans son dos démontrait qu'Ajuntis n'avait rien d'un chef de clan charismatique derrière lequel tous les hommes marchaient au pas, sans broncher. Enfin celui-ci se montrait tel qu'il était vraiment : un piètre meneur d'homme, craintif, prêt à se vendre au plus offrant pour sauver sa peau, et ses intérêts. Ragda soupira. Adoptant la moue agacée d'un être ayant déjà assez perdu de temps avec des broutilles inutiles. Il tourna son énorme tête vers El, comme pour demander son avis. Mais, bien évidemment, derrière son casque opaque, celui-ci semblait toujours aussi impassible, tel un roc insensible à ce qui l’entourait. Intérieurement il esquissa un sourire. Quel duo de choc pensa-t-il, voilà qu’en quelques minutes ils venaient de réinventer l’une des techniques les plus anciennes de la négociation : mauvais flic, gentil flic… Sauf que cette fois, ils jouaient plutôt à mauvais flic, mauvais flic. Amusant. Restant silencieux, Ragda  ne laissa d'autres choix à Ajuntis  que de s'enfoncer un peu plus :
 
« Je… Vous... Nous ne pouvons pas en restez là ! Je... Je suis prêt à accepter toutes les conditions de Borenga ! » 
 
« Absolument toutes ?! » répondit Ragda, lentement, prononçant chaque mot avec une élocution parfaite. A côté du numéro deux des Veilleurs, les gardes s’agitèrent, flairant très certainement le piège. Ajuntis acculé, fut incapable de répondre autre chose que : 
 
« Toutes… » 
 
Se rendait-il compte, à présent, à quel point les filets de Borenga s’étaient refermés sur lui ? En cherchant à le contacter, en lui révélant les problèmes internes à son clan, il avait posé les deux pieds dans une piège mortel. S’il cherchait à discuter ne serait-ce que la moindre condition, le Seigneur de Guerre n’hésiterait pas à prendre contact avec un autre de ses frères, pour obtenir ce que le précédent lui refusait… Ainsi soit il acceptait et assumait tant bien que mal les conséquences, soit il signait sa propre perte. 
 
« Alors, soumet-toi, misérable créature. » beugla Ragda, condescendant, autoritaire, insultant même, comme s’il parlait à un être d’une infinie infériorité. Les deux gardes grognèrent, se crispèrent. Mais Ajuntis, lui, n’hésita qu’une poignée de secondes. Il posa le genou droit à terre, courba l’échine et fit, voix mourante entre ses lèvres serrées : 
 
« Je me soumets à la volonté de mon nouveau Maître, le Seigneur de Guerre Borenga, ainsi que tous ceux qui le représentent. » 
 
« Relève-toi. » fit alors Ragda, prenant de court son interlocuteur qui s’attendait à subir une humiliation bien plus longue. « Je sais être magnanime lorsque la situation l’exige… Je suis de l'avis de mon camarade. Parfois, il faut savoir accorder une seconde chance. Parfois. » Il croisa ses petits bras sur les bourrelets de son torse. « Je suis prêt à croire ta version de faits, Ajuntis. Comme quoi tu n’es pas responsable de cette… coïncidence… La soumission dont tu fais preuve pour sauver ton clan est tout à ton honneur. Et mon Maître apprécie particulièrement ceux qui savent faire fi de leur amour-propre pour servir une cause plus grande.

Tes frères seront exécutés. Tu as ma parole. Mais sache que cela prendra du temps. Le temps qui sera nécessaire pour prouver à ton nouveau Maître que tu es un allié utile, qui mérite qu'on lui accorde ce... cadeau. »
Ragda esquissa un sourire avant de pouffer. « Car il en est ainsi, à compter de maintenant : ton corps, ton esprit, et même ton âme appartiennent au Seigneur de Guerre Borenga. Il en usera comme bon lui semblera. Si tu obéis aux ordres, que tu ne poses aucune question, et que tu fais montre d'un minimum d'efficacité, alors tu en tireras bien plus de bénéfices que tu peux l'imaginer... Mais attention : un seul faux pas, et Barjak aura vent de ta... traîtrise. Sommes-nous clair ?! »

Ajuntis hocha de la tête, lentement, les mâchoires crispées. Peut-être s'était-il bercé d'illusions en posant le pied dans cette navette... Mais qu'avait-il cru ? Que l'on pouvait parler d'égal à égal avec les sbires de l'un des trois plus puissants Hutt de cette région de l'espace ?! Stupide créature.

« Bien. Retourne parmi les tiens. Ton Maitre te donnera très bientôt des directives... »

Sur ces paroles, les trois Niktos quittèrent les lieux. Une fois congédiés, il ne perdirent pas la moindre seconde en tergiversations, ou autres formes de politesses. Un volte-face et il disparaissaient dans les entrailles de leur module d'abordage. Lorsque celui-ci se désolidarisa de la coque, Ragda explosa de rire, se tournant vers son acolyte du moment :

« J'avais senti dès le début que son attitude cachait une énorme faille. Tu sais... J'ai été propriétaire d'un casino, sur Bakura, pendant bien des années. J'ai vu défilé les meilleurs joueurs de Sabbacc de la galaxie, et même joué avec la majorité d'entre eux. Le bluff... Tout un art. Ce n'est pas seulement réussir à dissimuler ou travestir ses émotions... C'est aussi réussir à faire naître le doute chez l'autre, à lui faire croire aux fables que l'on désire pour mieux le manipuler... Et pour cela, rien que mieux que de... piper légèrement le jeu... » dit-il en pressant l'un des boutons du tableau de bord de son chariot répulseur. Une voix résonna aussitôt, strictement identique à celle de toute à l'heure :

// Seigneur Rejliidic ! Nos senseurs courte-portée captent un vaisseau en approche hyperspatiale ! Ce n'est peut-être qu'une coïncidence... Leur trajectoire pourrait simplement passer à proximité de notre position... Mais si ce n'est pas le cas, ils seront sur nous dans douze minutes. //

Il s'agissait donc seulement d'un... Enregistrement. L'ex-Sénateur pouffa de plus belle, visiblement fier de son subterfuge.

« J'ai tout de suite senti qu'il se cachait derrière ce trop plein d'assurance... Il a seulement suffit d'un grain de sable dans les rouages de sa détermination pour faire voler en éclat son masque. Ces mercenaires sont des amateurs. Mais ils auront bientôt leur utilité. » Il baissa les yeux sur l'écran de son datapad. « Passons à la suite... »

****


Quartiers privés de Borenga, sur Dennogra,

La dernière remarque du Seigneur de Guerre avait laissé Ragda sans voix, plongé dans un mutisme prudent. Mieux valait ne pas jouer au malin. L'énorme Hutt disposait d'absolument toute les cartes d'un jeu dont il éditait et modifiait les règles à sa convenance.

« Quelle mauvaise fois ! Me faire des recommandations sur les utilisateurs de la Force... Alors que tu as passé des dernières années en compagnie d'une ex-Sith déguisée en potiche. Je me suis d'ailleurs toujours demandé comme celle-ci s'est retrouvée à ton service, petite larve. » Une question douteuse à laquelle Ragda ne désirait réponde. Il ne pipa mot. Borenga secoua la tête en grogant. « Bien. Garde tes secrets. De toute façon ils ne m'intéressent pas... » Le silence retomba plusieurs minutes.

Soudain l'énorme Hutt se propulsa d'un puissant coup de queue, pour ressortir du bassin nauséabond. « J'ai une bonne nouvelle pour toi » laissa-t-il échappé, alors que des droïdes frottaient ses plis de peau avec des serviettes destinées à l'incinérateur après un tel traitement. « Tu as su te montrer... Utile. Et je récompense toujours mes meilleurs éléments à l'aune de leur utilité. Cette mission que je t'ai confié, à toi et à El, est capitale. Si tu échoues, ne cherche même pas à revenir... Mais si tu réussis, alors je te ferai don de l'une de mes résidences secondaires sur Dennogra. » Un cadeau empoisonné pensa le Hutt. Il serait entouré d'espions et de serviteurs indiscrets. Ragda eut un instant de doute : l'éloignait-il parce qu'il commençait à avoir des doutes sur sa loyauté ? L'éloigner pour mieux le contrôler, l'isoler, le circonscrire : tel était son véritable but en lui offrant une demeure. Mais il garda bien pour lui cette réflexion.

« Je vous remercie Seigneur Borenga » dit-il simplement jouant la carte de la soumission aveugle.

« Bien bien... Garde un œil sur El pendant la seconde phase du plan. Tu comprendras pourquoi il m'est si précieux... »

****

A bord de la barge de combat anonyme, deux heures après la rencontre avec Ajuntis,

Ragda se tenait face à El, dans une vaste salle rectangulaire transformée en salle de briefing pour l'occasion. Borenga avait été très satisfait de la tournure prise par la première phase de leur plan. Mais la seconde risquait d'être bien plus... complexe. Ragda reprit, les yeux rivés sur le flot de données :

« Nous arriverons en périphérie de Boonta dans trois heures. Notre cible se trouvera très probablement dans l'écurie de Barjak » Tout en récitant les informations transmises par le Seigneur de Guerre, Ragda manipulait l'holoprojecteur. Après une boule sensée représenter leur destination, celui-ci affichait l’étendard de Barjak le ventripotent. Boonta, monde neutre officiellement hors de l'espace Hutt, était réputée pour ses courses de fonceurs d'une violence extrême. Tous les Hutts influent disposaient d'une équipe et se disputaient les pilotes les plus sanguinaires. Une photographie s'afficha. Une Klantoonienne à l'air tout sauf amical. « C'est elle. Ingénieure en chef. Avant d'être affectée à l'équipe, elle a conçu la majorité des systèmes de sécurité du palais de Barjak. Elle est spécialiste en explosifs, armement, robotique de guerre... Il ne faut visiblement pas la prendre à la légère. Depuis qu'elle occupe ses nouvelles fonctions, c'est l'écurie de Barjak qui enregistre le plus de tueries sur le circuit. Une vraie boucherie. » La mission était, pourtant, sur le papier, relativement simple : la capturer... Et ne laisser aucun témoin, que personne ne puisse remonter jusqu'à Borenga... Autant dire qu'une multitude de paramètres imprévisibles entraient en jeu cette fois-ci. Les talents de El allaient être indispensables.
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El avait relâché sa pression sur Ajuntis pendant que son compagnon Hutt se chargeait de mettre le Nikto au pas. Poussé dans ses retranchements, le Veilleur n’eut pas d’autres choix que de se plier à leur volonté, et à celle de Borenga. Derrière son assurance et son courage de façade, Ajuntis s’était finalement révélé tel qu’il était réellement : faible.

El l’écouta prononcer son serment d’allégeance d’une oreille discrète, son esprit déjà tourné vers l’avenir. Il n’était pas le type d’homme qui discutait ou écoutait les discours longs et ennuyeux de ses condisciples. Ragda avait ce don, et El en était bien heureux. Il n’était pas certain de pouvoir conserver son calme face à un personnage comme Ajuntis, et pour le bien de l’opération, il valait mieux que le Nikto reste en vie. Du moins suffisamment longtemps pour se montrer un minimum utile. Pour que cela puisse être le cas dans un avenir proche, El préférait alors laissait le Hutt terminer l’entrevue… et lui révéler tous les dessous de l’affaire une fois les trois Niktos partis. Un stratagème qui aurait pu être mis à mal si Ajuntis avait bel et bien été l’homme qu’il prétendait être. Sa lâcheté l’avait néanmoins poussé à l’erreur, au bénéfice de la cause du Seigneur Borenga. El n’ajouta pas un mot, ne souhaitant pas couronner son partenaire d’un quelconque triomphe. Il fut d’ailleurs le premier à poser le pied sur leur barge de combat. La première étape était terminée, place à la seconde.

****


Deux heures après la rencontre de Junkfort, à bord de la barge de combat.

Après un peu de repos, El avait rejoint Ragda dans ce qu’ils avaient improvisé comme salle de briefing. En vérité, il ne s’agissait que d’une grande table sur laquelle étaient disposés des blocs de données concernant les différents aspects de la préparation de l’Opération Soumission, et un holoprojecteur qui permettait d’afficher les lieux et personnes concernés par leur mission.

La prochaine cible était une Klantoonienne officiant pour Barjak dans le cadre des courses de fonceurs de Boonta. Outre ses talents spécifiques qui intéressaient tout particulièrement El, Elis Shab était responsable de la mise en place de la plus grande partie du système de sécurité du palais de Barjak. Autant dire qu’elle était d’une importance capitale pour Borenga et ses projets s’il ne voulait rien laisser au hasard, comme c’était le cas. La technique d’El, foncer dans le tas, n’était pas toujours la plus productive. L’homme au masque reconnaissait le mérite de cette stratégie. Il était têtu, mais apprenait quand même, parfois.

Il devait donc parvenir à s’infiltrer dans le garage qui servait de QG à l’écurie de Barjak, capturer – vivante – l’ingénieure en chef et la ramener à Borenga. Un plan d’une simplicité extrême pile dans les cordes d’El. A ceci près qu’il ne fallait pas laisser de traces pouvant mener au Seigneur de Dennogra, donc potentiellement ne pas couvrir le sol poussiéreux de la planète de morts. Et puisqu’il était hors de question d’y envoyer Ragda, trop repérable, c’était à El de mener à bien cette étape de l’opération, qui n’était pas la plus aisée. Mais il avait la Force de son côté ainsi que sa volonté.

« Ca ne va pas être une partie de plaisir… » dit-il en repassant l’image des écuries de Boonta. Puis joignant le geste à la parole, il exposa son plan. « Pourtant, il y a une possibilité de passer par les toits des garages en étant suffisamment agile et silencieux. Une fois parvenu au-dessus des barjakiens, je n’aurais plus qu’à repérer la cible, l’isoler et l’extraire. Plus facile à dire qu’à faire, je sais. » fit-il en levant son regard vers Ragda. « Mais c’est jouable si vous tenez votre rôle. J’imagine que le Seigneur Borenga possède lui-aussi ses propres fonceurs. Allez-y, montrez-vous et captez l’attention, surtout celle des barjakiens. Si leurs yeux sont tournés vers vous, ça me facilitera la tâche. »

Son plan nécessiterait une maitrise parfaite de ses capacités, El en était conscient. Tout comme il était conscient que ce contrôle lui échappait parfois. Pourtant, il ne s’inquiétait pas trop sur la tournure des évènements à venir. Si le travail était fait rapidement et efficacement, il n’avait pas à craindre une quelconque sortie de route imprévue. Il lui faudrait simplement agir de manière silencieuse et raisonnée. Tuer était un moyen qu’il devait écarter pour cette partie de la mission, du moins tant qu’il le pouvait. Son sabre laser était aussi une chose qu’il devait mettre de côté. Trop repérable et identifiable de part son originalité, El courait le risque d’associer Borenga si quelqu’un voyait la lame et s’en réchappait. Il devrait se contenter d’une lame plus banale mais plus adaptée aux circonstances. Mais son sabre n’était pas la seule chose qu’il devrait laisser au placard…

« Oh, petit détail d’importance. Je crois que CECI serait un peu trop voyant, si vous voyez ce que je veux dire. » dit El en retirant lentement son masque.

Il n’avait plus l’habitude d’opérer le visage à découvert, mais El n’avait clairement pas le choix. Son sabre était une marque, son masque en était une autre. Et s’il savait se rendre discret et silencieux dans les ombres, la moindre petite erreur pouvait se payer cher et impliquer directement Borenga, et ainsi ruiner les espoirs de soumettre Barjak. Cela lui coutait, mais il faisait ce qui était nécessaire pour la réussite de l’opération, quel qu’en soit le prix.

« Qu’en dites-vous, Ragda ? »
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« Oui vous avez raison Masaari. » répondit le Hutt, observant de ses deux énormes yeux globuleux les traits du mystérieux bras armé de Borenga. « L'écurie est bien gardée. Notre seule chance de réussir, c'est de profiter de l'euphorie de la prochaine course de fonceurs. » Ragda plissa des yeux, l'air méditatif : sous son crâne glabre, les détails d'un plan prometteur voyaient le jour. « Je pourrais lancer un pari à Barjak. Un défi. Hmmm, oui ça pourrait marcher. Son pilote est invaincu depuis des mois. Il ne pourra refuser. » Le silence revient, fugitif, puisque rapidement, le petit poing du Hutt frappa les commandes de son chariot répulseur :

« Je viens d'avoir une idée ! Une idée de génie ! Laissez moi vous expliquer ça... »

****

Six heures plus tard, terrasse d'observation au sommet des gradins de la ligne de départ,

Ragda suait. Il suait comme rarement il avait sué. Sur Boonta, le fond de l'air, à mesure que le soleil montait dans le ciel verdâtre, devenait suffoquant, étouffant. Et les courants d'air surchauffés qui frappaient de temps en temps les tribunes n'aidaient en rien à se libérer de cette oppressante sensation.

Un monde désertique, qui, sans ses célèbres courses de fonceurs, aurait été abandonné et oublié depuis des lustres. Ragda soupira, perdu dans ses pensées... Jusqu'à ce qu'une voix tonitruante le fasse sursauter :

« Borenga a complètement perdu la tête ! »

Ragda se retourna, pour découvrir un Hutt incroyablement énorme. Si large, si gras qu'on aurait cru un tas de graisse informe surmonté d'une minuscule tête. Même ses petits bras disparaissaient sous les impressionnants bourrelets. Barjak le Ventripotent. Au moins ce Hutt n'avait pas volé son titre. Clairement pas. Il ne lui fallait pas moins de seize Gamoréen pour porter son trône. Il reprit :

« Et en plus il n'ose même pas se monter lui même... » Il souffla entre ses lèvres pincées. « Quel arrogant ! Quel abruti ! Qu'est ce qu'il croit hein ?! Mon pilote est invaincu depuis des mois ! Mon fonceur est le plus performant que cette planète ait jamais connu ! Je vais vous pulvériser ! »

Jouant parfaitement son rôle, Ragda ricana. « Doublons la mise alors, si vous êtes si sûr de votre victoire ! » Barjak ouvrit son énorme gueule pour répondre sèchement... Mais aucun son n'en sorti. Soudainement figé, il lança un regard assassin à l'ex-Sénateur.

« C'est quoi le truc ? » finit-il par dire, l'air méfiant. « Borenga est une stupide petite limace... Mais pas au point de se lancer dans des paris perdu d'avance ! » Son regard devin inquisiteur. « Ça sent l'arnaque à plein nez... Je me retire...»

Ragda ricana de plus belle. « Dois-je donc rentrer, et dire que l'Obèse Barjak s'est dégonflé ? Qu'il n'a le courage de s'opposer à mon Puissant Maitre ? » L’orgueil piqué à vif, la réponse fut instantanée, crachée avec une colère chargée de postillons gluants :

« Moi ?! Me dégonfler ! C'est ça oui ! Pari tenu ! Nous doublons la mise ! Mon pilote est imbattable ! Vos petites manœuvres n'y changeront rien ! Et si je découvre la moindre entourloupe... Je vous fait exploser la cervelle ! »

Ainsi le volumineux poisson venait d'être ferré. Plus loin, sur la piste, les premiers fonceurs firent leur apparition, escortés chacun par une armée de droïdes et de techniciens chargés des derniers réglages. Lorsque celui de Barjak fit son entrée, la foule se mit à hurler, à scander le nom du Hutt et de son fameux pilote. L’énorme gastéropode jubilait. Son énorme langue claquait de satisfaction... Mais rapidement, il plissa des yeux, curieux. Il hurla à ses porteurs lui apporter un paire de jumelles.

« Qu'est-ce que c'est ?! » fit-il, découvrant la caisse que portaient les techniciens de l'écurie de Borenga. Ragda répondit simplement :

« Notre joker ! »
« Pfff... Alors c'est pour cela que Borenga est si sûr de lui hein ? Vos petites babioles ne changeront rien au résultat... Mon fonceur est équipé de technologies dont vous n'avez idées... »
« Effectivement, j'ai entendu dire que vos ingénieure en chef faisait des merveilles... Sans elle, votre écurie ne serait pas là aujourd'hui, n'est-ce pas ? »


L'énorme gastéropode s'arrêta net, bouche ouvert, regard fixe. « Je le savais ! » Aboya-t-il sans quitter des yeux son interlocuteur avant d'ordonner à l'un de ses sbires de lui tendre un comlink. A l'autre bout du fil, une voix féminine, mais étonnement rauque et inamical répondit :

« Monsieur, j’espère que c'est urgent, parce que je suis en train d’effectuer les derniers réglage de... »
« Rentre immédiatement. »
« Pardon ? »
« C'est un ordre ! Alors obéis ! Rentre ! Tes techniciens pourront finir les tests sans toi... »
« Puis-je savoir pour... »
« Non ! »


Il coupa la communication, lança un nouveau regard assassin, petit sourire au coin des lèvres, tel l'être satisfait d'avoir déjoué les plans macabres de son adversaire. Probablement avait-il pris ces derniers mots pour des menaces, et croyait-il protéger sa pièce maîtresse dans un lieu sécurisé... Sauf qu'en agissant ainsi, en l'isolant, il jouait à la perfection le rôle que Ragda attendait de lui.

L'ex-Sénateur secoua la tête, impassible, avant de retourner à l'observation des derniers préparatifs avant la course. Intérieurement il jubilait : tout se passait comme prévu. En parlant de son ingénieure, l'ex-Sénateur était parvenu à titiller la paranoïa du gros Barjak.

Intérieurement, Ragda récapitula mentalement les prochaines étapes... La course de fonceurs allait commencer dans quelques minutes. Les techniciens terminaient d'installer le mystérieux module... Qui en réalité n'avait strictement de rien de spécial. Du bluff, il s'agissait purement et simplement d'un bluff éhonté. Car la supercherie n'était pas là... Mais pas bien loin. A l'intérieur de la caisse, sous un double-fond, se dissimulait une bombe à retardement, programmée pour exploser au passage des fonceurs, pour le second tour de piste. Elle produirait une explosion tonitruante qui ne manquerait pas de souffler autant les concurrents, que les techniciens, que les les pauvres spectateurs des gradins les plus proches... De quoi lancer une véritable vent de panique dans les tribunes.

Ainsi, Masaari n'aurait que quelques minutes, à compter du lancement de la course, pour capturer la Klantoonienne, isolée dans l'enceinte de l'écurie de Barjak. Ragda quant à lui, comptait sur la panique générale pour s'éclipser, et rejoindre le point de rendez-vous.
Invité
Anonymous
Une foule dense était venue assister à la course du jour. Des gens issus de tous les milieux, quoique principalement des personnes modestes, voire même très modestes. Les planètes comme Boonta n’était pas connues pour leurs richesses mais plutôt pour leurs trafics, les personnes peu recommandables qui allaient de pair… et bien évidement, leurs courses de modules.

Si El avait pris la peine d’abandonner ses vêtements habituels, dont son masque et son sabre particulièrement identifiable, pour se mêler à la masse grouillante de Boonta, ce n’était pas franchement de gaité de cœur. Mais il avait ses ordres, et ceux-ci signifiaient très clairement que son maitre ne devait pas être impliqué. Du moins pas directement. Sans preuves formelles, ni Barjak ni personne d’autre ne pourrait inculper le Seigneur de Dennogra même si son empreinte paraissait évidente. Le rôle que tenait son compère Ragda irait bien évidemment en ce sens, mais le gros Barjak finirait pas s’étouffer de rage en ne pouvant relier tous les éléments de l’affaire.

L’avantage que présentait une foule était que personne ne vous y remarquait. Et même si quelqu’un attirait l’attention, cela ne durait qu’une fraction de seconde puisqu’aussitôt de nouveaux visages venaient effacer le précédent. Sans tout son attirail particulier, El n’était pas différent du bouseux lambda qui sacrifiait toute une fortune pour venir assister à la course du jour. Cela le touchait bien évidemment dans sa fierté. Mais dans sa quête de pouvoir, un sacrifice comme celui-ci pouvait finalement avoir des retombées plus que bénéfiques. Alors il avait mis son orgueil de côté et marchait d’un pas décidé vers les hangars.

Là, au milieu des curieux venus inspecter une dernière fois l’état du pod de leur champion – ainsi que l’état physique de celui-ci – s’affairaient toutes sortes de mécaniciens, ingénieurs et autres conseillers de course. Les sommes d’argent agitées autour de ces évènements étaient telles que les pilotes étaient traités comme de véritables stars pour les plus doués et les plus populaires. Chaque écurie faisait en sorte d’avoir toujours un coup d’avance sur le voisin. Question de business. Et d’argent.

Mais c’était également un moyen de favoriser les tensions entre les différents clans hutts. Si des alliances existaient entre les grosses limaces, les conflits étaient évidemment bien plus nombreux et tous les domaines étaient bons pour afficher une prétendue supériorité. En l’occurrence, la dernière mode en termes de course de modules sur Boonta appartenait à Barjak. Son champion était invaincu depuis des lustres et son maitre roulait un peu plus sur l’or à chacune de ses victoires. Mais ce n’était pas lui qui avait attiré le regard de Borenga sur Boonta.

El laissait Ragda se charger de détourner l’attention. Il savait pertinemment qu’avec ses talents de baratineur, il n’aurait aucun mal à amener Barjak à prendre la décision qu’il voulait. Aucun des deux hommes de Borenga ne prêtait attention au champion de Barjak, même dans le cas d’une grosse somme d’argent. Non, l’objectif dissimulé était bien plus spécifique. Bien plus précieux. L’ingénieure en chef de son écurie.

***

El tournait depuis quelques temps maintenant dans les hangars, repérant au passage les voies d’accès – et de sortie – ainsi que les meilleurs endroits d’embuscade ou de fuite. Il notait également les vas et vient des gardes et des techniciens, faisant semblant de s’intéresser à toute la mécanique que nécessitait un module. Evidemment, il accordait une attention toute particulière à ce qu’il se passait aux alentours de l’écurie barjakienne. Il n’avait d’ailleurs pas mis longtemps à identifier sa cible, Elis Shab. Il ne lui restait plus qu’à attendre le signal de Ragda.

Il prit position non loin de l’endroit où officiait l’ingénieure afin de ne pas la quitter des yeux. Puis tout s’enchaina assez vite. Elle reçut un appel – très probablement de Barjak lui-même – et sembla être plongée dans l’incompréhension la plus totale. Il ne fallait pas être un génie pour deviner qu’elle avait reçu l’ordre de déguerpir aussi vite que possible des hangars. En bonne servante, elle obéirait à cet ordre. Mais en professionnelle, elle ne put s’empêcher un dernier tour de vérification rapide des paramètres de courses alors que le pod était déjà parti sur la piste. Cela faisait le jeu d’El et de Ragda, parfait.

Quelques minutes plus tard, El entendit au loin le vrombissement des moteurs suivi de près par le « bip » distinctif lançant le départ de la course. Même sans y assister, il pouvait imaginer sans peine la folie qui venait de s’emparer des tribunes. Mais son attention resta figée sur Elis Shab, qui terminait de donner ses dernières instructions à son équipe. Ceci fait, elle prit la directement du fond du hangar, certainement pour rejoindre l’extérieur et ensuite prendre la direction de la loge de Barjak. El lui emboita le pas tout en restant à une distance raisonnable en attendant le moment opportun pour agir.

Celui-ci ne se fit pas attendre. Une énorme explosion retentit au loin, vers les stands si El jugeait bien. A sentir la puissance du choc, il se dit que la bombe devait avoir soufflé toute la zone de départ ainsi qu’une bonne partie des gradins et des hangars. Il se dit également qu’il s’agissait là du fameux signal de Ragda. Pas très discret, mais diablement efficace il fallait le reconnaitre !

La pagaille était totale. Les gens couraient partout, sans savoir où aller. Tout le monde criait ou pleurait, les services de sécurité étaient débordés et ne savaient où donner de la tête. Une aubaine pour El. Il profita du chaos ambiant pour dépasser furtivement l’ingénieure qui était restée plantée là, muette. Il se porta ensuite à sa rencontre, lui intimant hâtivement de la suivre.

« Elis Shab ? Le Seigneur Barjak m’envoie pour vous mettre à l’abri, suivez-moi, vite ! »

Sans lui laisser le temps de l’interroger sur son identité, El prit la femme par la taille et l’embarqua de force à travers la foule en jouant les gardes du corps. Ceux de Barjak n’étant pas réputés pour leur tendresse, El prit un malin plaisir à distribuer quelques coups de poing bien sentis à de pauvres bougres qui se trouvaient malencontreusement sur son chemin.

Tant qu’ils se trouvaient dans la foule, l’ingénieure ne pouvait pas se poser trop de questions. El lui maintenait la tête baissée pour ne pas qu’elle se trouve blessée mais également pour ne pas qu’elle se rende compte qu’il ne l’emmenait pas du tout vers Barjak. Et quand elle comprit les intentions de son ravisseur, il était déjà trop tard. Personne ne leur accordait la moindre attention et les gardes de Barjak se trouvaient bien loin. Evidemment, l’ingénieure se débattit et tenta de s’échapper à grands coups de cris et de mouvements désorganisés.

« Désolé, mais je n’ai pas le temps pour ces enfantillages. » fit simplement El en lui assénant un coup rapide qui la plongea dans l’inconscience.

Entre deux ruelles sombres l’attendait un eopie. El issa sa captive sur l’animal, se couvrit d’une cape couleur désert puis grimpa à son tour. D’un coup de talon, l’eopie se leva et emporta les deux personnages bien loin du vacarme et de la terreur de la foule. Il ne lui restait plus qu’à rejoindre Ragda au point de rendez-vous avant de rejoindre l’espace une nouvelle fois. Finalement, l’Opération Soumission ne semblait pas si compliquée que ça…
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