Invité
Anonymous
Ossus. Secteur d’Auril. Coincé aux bords de la République, entre l’Empire et l’Espace Hutt, le long de la Route Perlemienne. Pas le secteur le plus calme de la Galaxie. Pas la planète la plus accueillante, non plus. Alors que son chasseur tournait lentement le long de l’orbite, amassant lentement mais sûrement les données de la sonde de reconnaissance qu’il avait envoyé, deux ou trois heures plus tôt, sur la surface de la planète, Atalan contemplait non sans une certaine mélancolie la surface ambrée du corps céleste.

On ne se rendait pas sur Ossus pour les vacances. Il y avait quelque chose de douloureux, pour un Jedi, à parcourir cette planète. C’était comme une blessure à l’intérieur de la Force : c’était le souvenir, bien sûr, de tant et tant de connaissances perdues là à jamais, mais le souvenir surtout de toutes ces morts, le souvenir de la grande explosion. Le souvenir d’une trahison. Ossus incarnait en quelque sorte l’échec de l’Ordre, le souvenir de ces schismes successifs qui avaient divisé sa force et ses connaissances et qui avaient mis à nu, aux yeux de tous, la fragilité d’une sagesse de façade.

Ce n’était pas la première fois qu’Atalan s’y rendait cependant. Dès l’époque où il avait été un Padawan, dans le sillage de l’Ombre qui l’avait guidé un moment, il avait suivi les équipes archéologiques venues déterrer — ou, le plus souvent, tenter et sans succès de déterrer — les archives perdues de la Grande Bibliothèque. Plus tard, encore, il était revenu sur ce monde fascinant et devenu mystérieux pour y retrouver lui-même des fragments de connaissances médicales, arrachés tant bien que mal à la nature meurtrie et effondrée. Ossus, pour lui, c’était comme un pèlerinage : parfois, il sentait le besoin, l’opportunité, ou plutôt la nécessité de s’y rendre.

Il avait laissé Solal sur Ondéron. Le Félacatian était encore trop jeune ou trop novice pour affronter Ossus. Ce n’était pas, du reste, que la planète fut extraordinairement dangereuse. Pas plus, sans aucun doute, que bien des mondes, plus peuplés et plus agités, où leurs missions les porteraient bientôt. Là, on ne risquait pas vraiment de tomber sur des mercenaires ou des agents du crime organisé, sur des tueurs en cavale ou des bouges mal famés. Il n’empêchait. Ossus était dangereuse, à sa façon. Secrètement.

Le chasseur entama sa descente. Atalan n’aimait pas piloter lui-même mais on ne trouvait guère de lignes régulières entre Ossus et… n’importe quel point de la Galaxie. Le petit vaisseau se posa bientôt sur un plateau dénudé et libéra son passager. Ce n’était pas la Grande Bibliothèque qu’Atalan cherchait. Sa situation précise avait été perdue depuis longtemps. Les siècles avaient passé, les mémoires s’étaient embrumées. De temps en temps, l’Académie d’Archéologie dépêchait une équipe, mais fouiller toute une planète, et dans des conditions aussi hostiles, étaient une entreprise vaine. En tout cas bien moins productives que d’autres chantiers sur d’autres sites.

Mais la Bibliothèque, en s’effondrant au fil des ans, comme une vieille épave, avait laissé fuir certains de ses trésors. Peut-être que la tribu des Ysanna les avait emporté, à l’époque où elle surveillait ces vestiges avec plus d’assiduité. Peut-être que l’onde de choc les avait éparpillés sur la planète. Peut-être qu’ils s’étaient égarés pendant l’évacuation. Atalan se souvenait d’un vieil archéologue Jedi qui, dans sa jeunesse, lui avait dit que les fouilles sur Ossus était comme la cueillette des champignons, en automne : il y avait des coins à reliques. Il fallait les connaître.

Il s’agissait de trouver des Ysanna. C’était les seuls — et donc les meilleurs — guides que l’on pût avoir sur la planète. Difficiles à repérer, cependant, et encore plus difficiles à apprivoiser. La méfiance leur était naturelle. Enveloppé dans son manteau de voyage, Atalan, par une série de bonds successifs, avait quitté le plateau lui-même pour rejoindre une corniche qui longeait le massif montagneux. Un peu plus bas, elle se transformait en chemin et, si ses souvenirs étaient beaux, quatre ou cinq kilomètres plus loin, entre les dents du relief devenu escarpé, on pouvait trouver l’entrée d’un réseau de grottes.

Il fallait se méfier de la tempête. La violence des orages électromagnétiques d’Ossus était bien connue. Atalan surveillait l’atmosphère à travers la Force. La montagne heureusement offrait un abri. Pour l’heure, c’était un calme relatif que le flux et le reflux des nuages. Le Miraluka pressa quand même le pas. Il était habitué à de pareils décors. Il avait passé le plus clair de son existence adulte, et une bonne partie de son adolescence, dans des territoires désolées ou hostiles semblables à celui-ci. D’une certaine façon, il les aimait. Ils avaient leur beauté à eux. Une beauté terrible, parfois. Sur Ossus, c’était celle du silence.

Il sentit un frémissement à son poignet et porta la main sur le bracelet dont les aspérités variables l’informaient, dans une sorte de braille, des relevés effectués régulièrement par le droïde du chasseur. Ses doigts coururent sur la surface du bracelet. Rien à signaler.

Ossus était calme, ce jour-là.

Croyait-il.
Revenir en haut
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
skin made by
© jawn