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Le chagrien jugea qu’il n’avait pas été clair avec Ysanne mais il aimait l’exercice ainsi. Ce type de mission n’était pas trop complexe pour la protégée de l’Impératrice puisse s’en sortir avec ingéniosité. Elle saurait se rendre utile au moment le plus opportun, pensait le seigneur Sith. Il devait se concentrer sur les contrebandiers. Si certains s’étaient fait un bon paquet de crédits seraient tentés de recommencer leur manège. Même si les responsables à la tête avaient été éliminés, il était possible que d’autres viennent les remplacer. Solidifier les bases de l’Empire… Solidifier les bases de l’Empire… Les autres membres de la famille jetèrent un regard déboussolé à la jeune apprentie, ne sachant visiblement la considérer.
Un homme prit son courage à deux mains. La peau brune, le visage tanné par le sable et le soleil, il ressemblait comme deux gouttes d’eau à Ashiik. Odium feuilleta mentalement les dossiers qu’il avait épluchés quelques heures plus tôt. Olitan était l’un des fils les plus âgés du feu vieil homme. L’imposant chagrien se demanda si la petite famille avait conscience que leur patriarche avait quitté ce monde par une porte qui n’était pas la plus glorieuse.
Olitan s’avança et parla d’une voix qui trembla un peu au début mais qui s’affirma ensuite lorsqu’il jeta un regard rapide à une femme bien en chair. Sa femme sûrement.
- Seigneur, nous ne comprenons pas la raison de votre présence dans notre humble maisonnée. Nous ne sommes que d’honnêtes travailleurs fidèles à l’Empire depuis bien longtemps. Mon père dirige cette ville…
Odium fixait Olitan tandis que ce dernier tentait d’expliquer. Le Sith se demandait s’il y avait des preuves dans la demeure familiale, mais ce serait sans doute trop stupide, même pour eux. Ils devaient avoir une cache pour la marchandise.
- Votre père a trahi l’Empire et il a déjà subi la sentence adaptée.
« Disons plutôt qu’il se l’ait sagement infligée ».
Un frisson parcourut l’assistance. Il ne faisait au fond que confirmer ce dont ils avaient la vague conscience. Une vieille femme toute ridée, la femme d’Ashiik s’agenouilla et se mit à prier en un dialecte que le chagrien ne comprenait pas. Il était courant que les populations de certaines planètes parlent une langue spécifique et rare en plus du basic. Il laissa la femme à son deuil.
- Il est inutile de mentir. Votre patriarche a déjà avoué la vérité. L’Empire perd une fortune de crédits, il y a sur Ventooine un groupe organisé qui détourne les Epices pour les vendre à leur propre compte.
Une femme plus jeune, d’une vingtaine d’années à peine qu’Odium identifia comme l’une des petites-filles d’Ashiik et probablement fille d’Olitan, se laissa tomber à genoux en lançant un regard terrifié au chagrien.
- Mais nous n’avions plus assez d’argent pour payer la maison et la maladie…
- Silence ! Il s’agit de la fortune de l’Empire, non la vôtre.
Il était vrai qu’en soi, Ashiik et sa famille n’étaient pas ceux qui étaient responsables du plus gros détournement. D’autres membres du conseil s’étaient montrés bien plus gourmands, d’où l’alerte qui avait été donnée. Il était également vrai qu’une fièvre avait touché une bonne partie de la population locale. Petite colonie sans envergure, les remèdes coûtaient chers à approvisionner jusque sur l’insignifiante colonie, les habitants avaient dû payer une fortune pour soigner les malades.
- Apprentie Ha’Mi, au vu de ces dernières informations. Quel vous semble être le châtiment le plus adapté ?
Si Ysanne était appelée à atteindre les hautes sphères de l’Empire, il faudrait également qu’elle développe des capacités de jugement dans des situations complexes. Administrer un territoire ou un groupe ne se faisait pas seulement à la pointe du sabre. L’injustice et la brutalité faisaient naître des rébellions tenaces. Le laxisme et la mollesse encourageaient les comportements nuisibles et irrespectueux et menaçaient tout autant l’équilibre des puissants.
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Implacable enfant qu’Ysanne Ha’Mi. Même pas 20 ans et elle semblait résonner comme si l’Univers n’était pas récupérable. Pas une once de pitié dans sa voix froide et calculée tandis qu’elle exposait les fruits de sa réflexion aussi bien à Odium qu’à la famille réunie dans le salon. Les membres de celle-ci semblaient terrifiés par cette jeune fille à la pâleur angélique qui à l’âge encore de l’innocence s’exprimait avec cruauté. Ou peut-être étaient-ils horrifiés d’avoir laissé entrer dans leur foyer un tel monstre, un démon au visage d’ange ? Les deux sans doute, mais cela n’avait plus vraiment d’importance. La mascarade touchait à sa fin, et ce sûrement plus digne d’une tragédie qu’autre chose.
La logique de la métisse était mécanique, logique… Le chagrien en était certain : Si Ysanne parvenait au terme de sa formation, des inconnus ne pourraient lui faire le coup de la miséricorde ou des larmes. Même si elle avait encore besoin d’être endurcie, le Seigneur pouvait percevoir une fêlure parfois en elle, elle deviendrait aussi insensible qu’un Sith se devait de l’être dans l’exercice de ses fonctions. Elle n’avait pas tort, loin de là. Ces gens avaient abusé de la bonté de l’Empire en pillant les ressources qui revenaient de droit aux Sith.
La décision était prise et les dés jetés. Darth Odium tapota son comlink. La scène sous ses yeux avait pris des goûts d’irréalité. Les traîtres semblaient avoir beaucoup de mal à comprendre ce qui était en train de se passer. Odium cilla quand il sentit le contact mental de la jeune fille. Il n’avait pas dans l’habitude de faire du mal aux enfants sauf extrême nécessité. Les jeunes esprits étaient malléables, ils pouvaient être forgés comme l’on souhaitait. Ils faisaient de bons esclaves, de bons élèves. Qui sait peut-être que l’un d’eux était sensible à la Force et pourrait enrichir les rangs des apprentis Sith. Il faudrait mettre en place des recrutements plus réguliers des potentiels manipulateurs de la Force, rendre l’Empire plus puissant par ce biais. Ils devraient aussi compter sur le nombre pour espérer vaincre et prospérer.
- Soit. Vous avez entendu la jeune fille, ce sera la mort alors.
Les interroger ne serait qu’une perte de temps. La demeure familiale devait bien receler quelques secrets qui seraient bien plus probants que la moindre parole de ces voleurs et menteurs. D’un coup d’œil vif, il vérifia qu’Ysanne était assez éloignée du reste de la famille. Ce n’est pas bien compliqué. Ils s’étaient tous écartés d’elle comme si elle avait été soudainement atteinte d’une maladie particulièrement horrible et contagieuse.
Cela ne se voyait peut-être pas au premier coup d’œil, mais sa faiblesse physique avait provoqué son ermitage. Dans sa solitude il s’était réfugié dans la Force et la Force n’avait fait qu’une avec lui. Ce qu’il avait perdu en Force il l’avait gagné en puissance spirituelle, il était devenu un manipulateur d’une grande capacité. Il ne prétendrait pas qu’il pouvait rivaliser avec la Dame ou sa Main dans ces domaines, il savait leur pouvoir immense. Mais il n’en avait jamais témoigné l’influence réelle.
- Le plus radical des châtiments.
Il leva la main et l’un des hommes tenta de s’élancer, une femme poussa un cri. Cela n’avait duré qu’un instant, il n’aurait su dire qui. Les éclairs jaillirent. Ce n’était pas un pouvoir dont il faisait beaucoup usage. Il manquait un peu de simplicité, il avait quelque chose de terriblement cliché, mais il pouvait être bien utile. Surtout lorsqu’on atteignait la maîtrise nécessaire pour que chaque personne dans un rayon rapproché soit atteinte. Ils jaillirent avec un éclat tel qu’ils éblouirent un instant la salle entière, des cris de douleur résonnèrent brièvement. Les corps tombèrent tous ensemble dans un bruit sourd. C’était un bruit sec. Une vague odeur de brulée régnait dans la pièce. Odium contempla la pièce remplies de corps, ceux qui avaient la face tournée vers le plafond étaient figés dans une expression d’horreur mêlée de surprise.
- Nos collaborateurs ne vont pas tarder à venir débarrasser les corps. Dès demain nous feront passer un communiqué officiel pour prévenir les plus ambitieux du coin de se lancer dans des projets similaires.
La maison avait l’air plutôt grande. Odium sentait une grande terreur venant des étages supérieurs. Les enfants devaient s’inquiéter des bruits étranges qu’ils entendaient. Il faudrait les récupérer. L’autre équipe s’en chargerait également. Il vérifierait plus tard la présence de sensitifs parmi eux. En attendant, une fouille minutieuse des lieux devrait leur apporter des éléments nouveaux pour trouver d’éventuelles caches et/ou d’autres collaborateurs qui pourraient se lancer dans cette lucrative affaire. Le chagrien ne tenait pas à être taxé de négligence.
- Fouillons-donc les lieux. Il doit forcément y avoir des preuves incriminantes qui traînent.
Personne n’était assez parfait ou prudent pour faire disparaître tous leurs vices. Alors un vaste détournement, c’était tout simplement impossible.
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Elle exécuta épandant les ordres d’Odium sans un mot de plus et commença à fouiller l’endroit dans un silence pesant. Immobile comme une ombre, le Seigneur Sith gratifia les péons débarqués pour se débarrasser des corps d’un regard sévère. Ces derniers grimacèrent tant l’odeur de chair légèrement brûlée avait envahi l’air, comme un poison tenace et nauséabond. Mais ils avaient l’habitude des cruautés des Sith, qui semblaient passer une bonne partie de leur existence à trouver des moyens sophistiqués de causer la mort à leur entourage.
La voix d’Ysanne, soucieuse, s’éleva. Elle avait trouvé une sorte de cache mais le ton de sa voix alerta un peu Darth Odium. Ce dernier d’approcha à pas mesurés, boitillant légèrement pour rejoindre l’apprentie aux longs cheveux de jais.
- Qu’y a-t-il ? demanda-t-il calmement.
Il se doutait que si secret il y avait, il était protégé. Il doutait cependant de l’intelligence des hommes qui avaient mené à bien ce piège. Odium imaginait mal ce piège d’une grande sophistication. Ysanne lui montra en effet un objet grossier, un explosif avec un détonateur. Il eût un bref sourire. Au moins il avait quelques preuves concrètes pour appuyer que quelque chose de peu recommandable avait eu lieu dans cette vaste et claire demeure. L’engin était très visiblement artisanal. Le chagrien n’avait pas tripoté ce genre d’explosif depuis bien longtemps. Seigneur Sith, son rôle était moins opérationnel que stratégique. Sans compter que sa taille pouvait rendre certains travaux de précision compliqués. En somme, son talent en l’état pour le désamorçage était limité. Il ne restait plus qu’une solution mais Darth Odium en avait déjà une idée pour pousser la jeune Ysanne à travailler plus en avant certaines capacités qui seraient indispensables à faire d’elle une guerrière Sith complète et respectée.
- Il va nous falloir trouver la clé… Nous pouvons supposer qu’il s’agit de traces des envois illégaux d’épices que nous cherchons. Dans ce cas nous devons penser de manière logique.
Si un Sith utilisait souvent la force la plus brute pour assoir sa domination, il y avait quelques situations au sein desquelles il était indispensable de faire preuve d’une certaine finesse. Dans le cas présent, il s’agissait de pouvoir se glisser à la place de quelqu’un, de deviner avec précision comment une personne se serait comportée dans une atmosphère particulière.
- Il ne fait nul doute que la clé a été cachée avec soin, poursuivit Odium avec une voix onctueuse. A ton avis, jeune apprentie, qu’est-ce que les félons ont bien pu faire d’un tel objet qui risquait de les incriminer ?
Ils avaient eu une scène assez complète précédemment qui leur avait donné des indices clairs sur la personnalité des principaux coupables des vols auprès de l’Empire. Etant donné le caractère très sensible des informations qu’ils risquaient de découvrir, il n’était pas si compliqué d’établir des hypothèses valables de l’endroit où serait cachée ladite clé. Ysanne devait également aiguiser ses talents d’enquêtrice de même que ses capacités à faire preuve d’une certaine psychologie. Qui était le plus apte à détenir la clé ? Où l’aurait-il dissimulé ? Quels sont les endroits que les gens pensent habituellement les plus sécurisés pour garder quelque chose qu’ils ne devaient pas perdre ?
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Certes, ce choix n'était pas dénué d'une certaine logique. Il y aurait très bien y avoir pu un livre en particulier contenant le code, un faux fond dans l'un des tiroirs du massif bureau de bois qui trônait au milieu de la pièce, une série de chiffres gravée, dissimulée derrière l'un des tableaux abstraits achetés pour une bouchée de pain pour encourager l'économie locale. Mais cela aurait sans doute été trop évident, insultant envers la prudence habituelle qui avait caractérisé les traîtres jusqu'ici. La réponse avait quelque chose de plus pervers et viscéral. Il fallait penser paranoïa. Il fallait penser à la force de frappe de l'Empire, à la crainte qu'il suscitait. La moindre erreur était punie de mort.
Un sourire discret naquit sur le visage massif du seigneur Sith quand il vit la jeune fille quitter en trombe le bureau. Guidée par la force de son instinct, elle s'était précipitée dehors. Il pouvait entendre sa voix rendue plus aigüe par le stress et l'inquiétude. Ysanne avait cependant fini par trouver la solution. Elle avait trouvé un signe, un code gravé sur l'un des corps. C'était logique et plutôt bien pensé. L'opération dans laquelle s'était lancée la petite famille était si dangereuse qu'il fallait trouver un moyen efficace de protéger leurs secrets. Pas de notes laissées, le moins d'indices possibles. Ils auraient pu continuer longtemps ainsi s'ils n'avaient pas été aussi gourmants.
- Félicitations, élève Ha'Mi. Ce fut un peu long mais vous vous êtes bien débrouillée.
Odium se demanda furtivement si d'autres affaires de ce genre avaient lieu ailleurs dans l'Empire. Si un insecte avait su traverser la toile de l'araignée sans dommages, qui d'autre pouvait abuser du système ? Il y avait de toute évidence eu négligence, des failles. L'Empire s'était engraissé et alourdi, ses élites devenues imprudentes et indolentes et ne voyaient plus le mal. A son retour, il ferait vérifier les chiffres, un à un, de chaque colonie, constater la justesse des revenues, confirmer les irrégularités. Mais il revint à la réalité dans un sursaut.
- Et si vous alliez désactiver cette bombe au lieu de rester planter là ?
Il manquerait plus que cela pour attirer encore plus l'attention de la population locale. Une bombe. Quel moyen brutal d'effacer les traces et faire du mal aux fouineurs. Il n'avait pas pu évaluer la puissance du dispositif de l'engin, mais au cas où il ne voulait nullement que cette chose explose, ou que lui et ses hommes se trouvent à proximité. Ce serait un peu ridivule d'être blessé dans une mission aussi routinière. Intéressante et pleine d'enseignement, mais mineure.
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