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Anonymous
Jour 1

Je partais.

Oh, pas définitivement, bien sur. C'eût été trop beau et plaisant pour moi pour que cela me soit permis. Je m'éloignais juste quelque temps, troquant l'existence terne et languissante qui était la mienne à l'académie pour quelques instants d'errance, aussi brefs que salvateurs. J'avais besoin de réfléchir. A ma vie et à l'inflexion que je souhaitais à présent lui donner.

Je ne pouvais pas continuer ainsi, à me laisser dériver au gré du courant, comme je l'avais fait depuis la mort de mon Maître. Car le courant, c'est bien connu, n'est d'aucune clémence envers ceux qui s'abandonnent à lui et je ne comptais pas rejoindre le long cortège des noyés. Je ne pouvais pas l'accepter. Mourir maintenant revenait à abandonner et l'abandon n'était que l'apanage des faibles. Or, mon Maître ne m'avait pas appris à être faible.

L'enseignement qu'il m'avait dispensé était tout ce qui restait de lui, à présent. Un héritage bien dérisoire pour quelqu'un qui avait perpétré tant de hauts faits. Mais c'était mieux que rien et si je souhaitais le préserver, je n'avais d'autre choix que de tracer ma propre route solitaire, quant bien j'aurais souhaité qu'elle ne fut jamais séparée de la sienne. Pas avant que l'un de nous ne l'emporte sur l'autre du moins.

Mais ma voie ne se modèlerait pas toute seule et de cela, j'en étais bien consciente. C'était à moi d'en ciseler chaque méandre et il s'agissait là d'une tâche qui méritait mûre réflexion. Une introspection que je ne pouvais me permettre dans l'enceinte de l'académie. L'étau de ses murs m'oppressait l'âme et ce n'était pas la minable chambre qu'on m'avait attribué qui serait plus propice à la méditation. Non, j'avais besoin de solitude. Rien qu'un instant de répit. Mais personne ne me ferait don d'un tel cadeau si je ne me l'octroyais pas moi-même. Aussi avais-je pris ma décision.

Mon départ avait été soigneusement organisé et j'avais rapidement réuni tout ce dont j'avais besoin. De la nourriture et de l'eau essentiellement, provenant en partie de ma réserve personnelle… et de celles de ceux qui étaient trop sûrs d'eux pour veiller convenablement sur leurs possessions. Ces petits méfaits accomplit, j'avais rapidement empaqueté le tout, avant de quitter les lieux discrètement. Si personne ne me voyait partir, mon absence, comme mon retour, passerait totalement inaperçus. Je n'avais pas noué suffisamment de relations avec les apprentis pour que quiconque s'intéresse à mon devenir, quant aux instructeurs… Un insecte de plus ou de moins dans la fourmilière, quelle différence cela pouvait-il faire pour eux ?


Jour 3


Mon chemin s'était tracé de lui-même.

Je m'étais contenté de suivre mes propres pas, sans tenter de rallier une destination ou un autre. L'errance ne se planifiait pas après tout. Et la mienne m'avait mené ici. Ici, c'était à mi-chemin entre une anfractuosité dans la roche et une esquisse de grotte. Quoi qu'il en soit l'endroit était calme et épargné par la morsure mortelle du soleil koribannite. Et je n'avais besoin de rien de plus.

Assise à même la roche, je m'efforçais de sentir chacun des ses irrégularités contre ma peau, cherchant à acquérir, dans cette quête des sens, un calme qui toujours m'échappait. Trop de pensées contradictoires s'entrechoquaient dans ma boîte crânienne, réduisant à néant tous mes efforts, toute sérénité venant irrémédiablement se briser sur l’écueil de ma psyché bouleversée. C'était comme un bourdonnement incessant, trop ténu pour être intelligible, et trop présent pour être ignoré.

Je m'acharnai encore quelques instants, avant de renoncer, décrochant finalement la poignée de mon sabre de ma ceinture. Le désert de Korriban s'écoulant aussi loin que mes yeux pouvaient voir n'était-il pas un théâtre de plus grandiose pour quelques passes d'arme solitaires ?


Jour 6

C'était l'odeur qui m'avait éveillée avant le bruit.

Une lancinante fragrance de pourriture qui exhalait de la gueule garnie de crocs d'un Tuk'ata probablement égaré hors de son tombeau. Une gueule dangereusement proche de mon visage. Venir à bout de la bête n'avait pas été simple, loin de là. Mais j'y étais finalement parvenue, non sans récolter au passage quelques vestiges sanglants de ses griffes acérées, venant distordre la courbe soigneusement étudiée de certains de mes tatouages, au niveau des jambes et des bras. Et quand j'avais finalement repoussé le cadavre encore chaud du chien sith, ce n'était que pour découvrir mes réserves d'eau répandues sur le sol, éventrées par ma lame pendant l'affrontement. Je me trouvais alors à une bonne journée de marche de l'académie.

Voilà qui mettait fin à ma petite escapade.


Jour 7

J'avais quitté mon refuge pour repartir en direction de l'académie. Ou du moins dans la direction que je pensais être celle de l'académie. Les montagnes et le sable à perte de vue n'étaient pas forcément le paysage le plus propice à l'orientation et je commençais à avoir quelques doutes sur le trajet que j'empruntais. Ce qui était assez problématique quand on se trouvait dans le désert sans eau. J'avais réussi à tenir jusque là, mais je sentais progressivement ma langue se faire de plus en plus sèche et pâteuse et mes membres s'appesantir d'une langueur de mauvaise augure. Nul doute que je n'allais plus tenir très longtemps dans cet état et que la destination avait plutôt intérêt à se profiler d'ici peu si je voulais l'atteindre un jour.

Je continuais donc à marcher, avec la souplesse et la régularité d'un droïde de protocole bon marché, descendant le long d'un sentier à flanc de falaise dont l'étroitesse n'autorisait pas à mes jambes le moindre signe de faiblesse. Il me semblait apercevoir en contrebas les méandres d'une vallée qui pouvait bien être la Vallée des Seigneurs Noirs. Je n'en était pas certaine. Mais les ultimes demeures de ces grands seigneurs me paraissent alors être bien loin... Trop loin.

Je poursuivais pourtant ma route, marmonnant à ma propre intention une bordée d'injures en zabraki, quand de soudaines présences dans la Force me tétanisaient sur place. C'était comme de subtils remous, dans la Force jusque là si flegmatique. A l'exception d'un seul qui me semblait fulgurer d'une intensité plus grande. Bien. Je n'étais visiblement pas la seule à arpenter ces lieux désolés et en large infériorité de nombre avec ça. Ce qui – même si c'était inespéré vu le pétrin dans lequel je m'étais fourré – ne me rassurait pas le moins du monde. Loin de tout, ce n'était décidément pas l'endroit rêvé pour faire une mauvaise rencontre. Difficile d'y couper pour autant. Si j'avais perçu leur présence, alors la mienne, aussi ténue et chétive puisse-t-elle être, n'était probablement pas passée inaperçue non plus. Et je n'étais de toute manière pas de ceux qui cherchent à échapper à l'inévitable.

J'esquissai donc quelques pas dans cette direction, qui jetèrent à ma vue le contrebas du promontoire sur lequel je me trouvais. Occupé. Et le vent portait jusqu'à mes oreilles la rumeur de plusieurs timbres mêlés. Un instant, il me sembla que j'allais défaillir, mes jambes flagellant plus que de raison, tandis que je m’efforçais d'ignorer la douleur lancinante qui me tiraillait la jambe. Les plaies infligés par l'animal s'y étaient rouvertes, libérant ainsi leur flot de sang qui ruisselait le long de ma cuisse avec un lenteur paresseuse. Mais avec toute la détermination qui me restait, je verrouillais soigneusement mes genoux et chacun des muscles qui permettait à mon corps de tenir encore en position verticale.

Et j'attendais, avec la patience infinie de la proie tapie sur les hauteurs, jaugeant de son regard aux abois un prédateur potentiel.
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