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Anonymous
Encore une après-midi passionnante passée dans les nacelles de la Rotonde… Passionnante ? Oh, sûrement que quelques excentriques trouvaient intéressant un débat d’un ennui mortel sur le lobbying des vins d’Aldérande pour augmenter leur prix par rapport aux crus de Bespin, mais globalement, ce n’était pas le cas de Ress, qui manquait s’endormir littéralement en voyant les deux délégations débattre avec passion du moindre centime d’écart. Au moins, pour elle, la question se réglait vite : presque aucun balosar n’avait la possibilité de s’acheter légalement de tels produits.

Etouffant un soupir le plus discrètement possible, elle observa l’assemblée du haut de son perchoir, et vit avec amusement que le Vice-Chancelier, assit dans la nacelle gouvernementale, paraissait lui aussi mourir d’ennui. Elle se demandait pourquoi ce dernier avait tenu à être présent pour une séance aussi… morne. Peut-être qu’on lui avait ordonné de soutenir Aldérande qui était la planète de son Ministre de la Sécurité Intérieure ? A moins qu’il ne soit un amateur de vins fins ? Ou qu’il ait trouvé un endroit pour faire une sieste ? Les paris étaient ouverts. Oui, vraiment, elle s’amusait comme une petite folle au Sénat. Comment perdre son temps à ne rien faire aurait été une bien meilleure description du rôle de sénateur que représentant d’un gouvernement.

« A votre avis, ils vont passer encore un quart d’heure sur l’alinéa 4 du chapitre 8 du titre 18 du code aldéranien du commerce ou on a une chance de passer à la suite ? »

Celle qui venait de la tirer de ses pensées peu amènes était la sénatrice de Vulpter, sa voisine de nacelle. La raison de cet agencement n’avait rien à voir avec une quelconque proximité géographique, mais plus de pauvreté relative. Une fois, Ress avait appelé leur coin celui des exilés trop pollués et vites oubliés : un résumé hélas parfaitement véridique de leur influence ridicule au sein de ce panier de crabes géants.

« Vous savez ce qu’on dit, ma chère : peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse. »

« A ce rythme, je vais surtout avoir la nausée. »

Les deux pouffèrent en se regardant avec un sourire complice, puis se composèrent un visage impassible alors que le sénateur de Sullust se retournait d’un air outragé. Certes, leur comportement rappelait celui de collégiennes, mais pour autant, Ress ne regrettait pas ce petit instant de légèreté, tant les moments de joie se faisaient rares, en ce moment. Entre les affaires de sa planète qui l’occupaient, les syndicats qui rongeaient leur frein, les récents événements ici-même… Autant dire que l’humeur n’était pas à l’insouciance. A vrai dire, on eut dit qu’une chape de plomb s’était abattue ces temps-ci sur Coruscant, et par extension à la République toute entière, chacun attendant la suite du cauchemar avec anxiété. Il ne fallait pas se faire d’illusion : ce retour au calme était trompeur, et nul ne l’ignorait. La guerre et son lot d’atrocités se faisait de plus en visible à l’horizon, les tensions au sein de l’Etat ne s’étaient tues que provisoirement. Bientôt viendrait un temps où l’avocate regretterait sans doute amèrement les temps de débat sur l’alcool rare. Mais en attendant, surtout quand elle songeait à la montagne de dossiers qu’elle avait à traiter sur Balosar, elle avait l’impression de perdre son temps, et rien ne l’agaçait plus. Perpétuellement en action, dopée au café, au thé et au tabac, la syndicaliste avait depuis longtemps oublié ce que cela faisait de mener une vie tranquille. Tant que son organisme supporterait ce rythme infernal, elle n’en changerait pas. Et pour le reste…Advienne que pourra.

Réprimant un énième soupir en entendant le sénateur de Bespin repartir à l’attaque avec sa concurrence déloyale, Ress crut qu’elle allait devenir folle si elle entendait un mot de plus sortir de sa bouche parcheminée. Se levant, elle glissa à sa consoeur :

« Je vais m’aérer un peu. Si jamais quelque chose arrive… Je serais joignable sur mon holocom. »

« Oh, la seule chose qui risque d’arriver, c’est une sieste générale. Au moins l’image serait-elle cocasse. »

La balosar étouffa le fou rire qui montait en elle et s’excusa. Une fois sortie, elle poussa un soupir profond, et entreprit de se diriger à grandes enjambées, enfin aussi grandes que sa taille ridicule le lui permettait, vers une sortie quelconque, farfouillant dans son manteau à la recherche de son briquet et d’une cigarette. A défaut de piquer son intérêt, le débat avait activé son besoin urgent de nicotine. C’est alors qu’une voix de baryton vint l’interpeller :

« Vous sortez déjà, Sénatrice Laz’ziark ? »

Le morse humain qui servait sénateur à l’opulente Brentaal se tenait en face d’elle, faisant manifestement le chemin inverse. La quadragénaire réprima un frisson de dégoût en voyant le visage boudiné de l’homme se tordre en une expression torve. Aussi elle lui servit son sourire le plus hypocrite, avant de répliquer sur un ton à la suavité mielleuse :

« Vous arrivez enfin, Sénateur Pantel ? »

Le rouge qui empourpra immédiatement sa face à la chair marquée par des taches qui rappelaient la vérole la ravit profondément. Un partout, le verbe au centre, aurait dit un commentateur sportif. Ledit sénateur inspira plusieurs fois, avant de s’approcher d’elle et de souffler bruyamment :

« Et mes accords ? Vous y avez pensé ? »

« La réponse est toujours non. Vous m’excusez, j’ai un appel à passer. »

Ne se sentant pas de devoir une fois de plus expliquer à la masse de graisse qu’une fois pour toute, il était hors de question que sa planète accueille une déchetterie pour les entreprises commerciales de Brentaal, et ce peu importe le prix payé, elle essaya de contourner, non sans mal vu la circonférence de la bête, son interlocuteur, et avait enfin réussi à passer l’obstacle quand un gargouillis étranglé parvint à ses oreilles. Surprise, elle se retourna :

« Sénateur… ? »

L’humain avait le visage qui virait au violacé, les yeux exhorbités, et bascula en arrière sous ses yeux. Immédiatement, la balosar se précipita, et tenta de l’appeler :

« Sénateur Pantel ! »

Rien. Pire, l’homme convulsait maintenant au sol, devant Ress et quelques gardes qui avait entendu les cris et assistaient à présent à la scène en se consultant du regard sur la marche à suivre. Se tournant vers eux, l’avocate appela :

« Eh bien, allez chercher de l’aide ! Un médecin, il doit bien y avoir un médecin dans … »

L’illumination vint.

« Le Vice-Chancelier ! Allez me chercher le Vice-Chancelier ! Vite ! »

« Je… »

« Dépêchez-vous ! »

Et tandis que sa voix impérieuse résonnait dans le couloir et que les gardes finissaient par partir en courant, Ress ne put s’empêcher de penser que finalement, s’ennuyer dans la Rotonde était infiniment préférable au secours d’un sénateur aussi lourd qu’un bantha adulte et qui avait la bonne idée de faire un arrêt devant elle…
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