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Suicide de Lord Janos


Les faits.

C'est désormais officiel : hier matin, Lord Côme Janos a été retrouvé mort dans sa cellule. Les enregistrements ont permis de montrer qu'il s'agissait d'un suicide. Les autorités n'ont donc pas jugé nécessaire de procéder à une autopsie. Rappelons qu'une grosse partie du corps du défunt était artificiel : plus de 70 % de son organisme ressemblait à celui d'un droïde davantage qu'à celui d'un humanoïde. Pour se donner la mort, l'ancien politicien s'est contenté d'appuyer discrètement sur l'une des touches de son poignet cybernétique, qui a activé l'extinction fatale et définitive de son corps. Le geste était tellement simple qu'il n'a pas été perçu par l'équipe de sécurité qui le surveillait par caméra interposée : si un zoom sur les enregistrements permet maintenant de le voir agir, on aurait pu croire, dans l'immédiat, qu'il se contentait de s'endormir.

Le droïde médical en charge de Lord Janos n'est pas surpris outre mesure par cet acte. «Mon patient était très tourmenté par son échec politique.», explique-t-il. «Il lui arrivait parfois d'être pris de terribles vagues de folie, entrecoupés d'instants de clairvoyance. C'est dans ces moments de lucidité qu'il souffrait le plus. Je pense que c'est tout ce passif l'a poussé au suicide.»

L'homme de la crise.

Après une longue carrière en tant sénateur d'Aargau, Côme Janos était devenu Vice-Chancelier l'année dernière. Mais depuis l'attentat de Flydon Maxima, celui-ci s'était compromis dans une affaire de faux enregistrements, où il était question d'un accord passé entre Darth Ynnitach, Impératrice de l'Empire Sith, et Ragda Rejliidic, sénateur de Bakura et ancien ministre de l'économie. Pour protéger son gouvernement, notre défunt Chancelier Valérion Scalia avait démis Côme Janos et Ragda Rejliidic de leurs fonctions (ce dernier est toujours mis en examen, mais l'affaire n'évolue pas, faute de preuves tangibles). Le jour même où le Lord a appris qu'il était mis en accusation, il s'est arraché les yeux de fureur, laissant déjà transparaître de sérieux troubles psychologiques.

Par la suite, en liberté conditionnelle dans une suite luxueuse mise à sa disposition par l'État, Côme Janos a fait une révélation terrifiante à la presse : il était un Seigneur Sith du nom de Darth Deinos, il se trouvait au service de l'Impératrice, et il avait fait construire une base secrète sur Aargau. Toutes ces informations se sont avérées véritables. Il n'a menti que sur un point : selon lui, Valérion Scalia et Ion Keyiën étaient ses complices. Mais l'enquête a bien prouvé que ce n'était qu'une tromperie destinée à déstabiliser ses adversaires politiquement, en les faisant passer pour des traîtres. Il faut malheureusement avouer qu'il a réussi son coup : les deux hommes politiques sont les premières victimes de cette sinistre affaire.

Un nouveau départ.

Le suicide de Lord Janos marque la fin de cette crise aussi brève qu'intense qu'ont causée ses propres révélations. La mort d'un homme n'est jamais souhaitable, mais sa disparition permettra à la République de se reconstruire sur des bases saines. Plus que jamais, nous avons besoin de repartir à zéro.

Depuis la récente crise cardiaque de sa mère, Lord Janos n'a plus de famille. Conformément à ses dernières volontés, son corps sera transféré dans le Musée des Arts et Cultures, qu'il a fait bâtir au cœur de Coruscant. Sa stèle, sobre et sans épitaphe particulière, sera exposée dans l'entrée principale. Sans vouloir lui excuser les torts dont il est le coupable, la République a décidé d'honorer dignement ses souhaits posthumes et de lui reconnaître la construction de cet édifice. Ce faisant, cette histoire se terminera sur une légère note d'espoir : ce geste symbolique permettra de comprendre que même les pires traîtres sont parfois capables d'œuvrer pour le bien de tous.

Spoiler:
Grendo S'orn
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Occupé de gambader dans une verte prairie de Deko-Neimoidia, Grendo S'orn se sentait bien. Il était si léger, qu'un saut après l'autre, il enjamba une petite barrière en bois avant d'atterrir dans un champs de moisissures noires. Ses cellules olfactives et ses papilles gustatives frémissaient d'extase à la perspective de consommer une tel repas gastronomique. Il s'approcha et huma le léger fumet.

« Monsieur le Sénateur ? »

Une simple pensée suffit à faire apparaître à ses côtés une assiette remplie de copeaux de moisissures marinées dans des sécrétions alcaloïdes de scarabée rouille, le tout faisandé à la perfection, accommodé de spores arrivant juste à maturité, son plat préféré ! Il se sentait bien.

« Monsieur le Sénateur ?! »

Dégustant son met favoris, il ressentit tout à coup un manque. Celui d'une bonne bouteille d'alcool, du whisky peut-être ? A peine cette idée lui avait effleurée l'esprit, que le breuvage était déjà dans sa main. Il se sentait bien.

« Sénateur S'orn ??! »

Le Neimoidien se réveilla en sursaut et roula en bas du lit ne manquant pas de se cogner la tête contre une table basse. C'était la bosse assurée ! A moitié sonné, il ne tarda cependant pas à reprendre ses esprits et se releva grâce à l'aide de son assistante Loohy Quee.

« Monsieur le Sénateur, excusez-moi, je suis vraiment navrée, je ne pensais pas que vous ... » il leva l'index pour qu'elle mette fin immédiatement à ses excuses.

« Petite idiote ! Je vous ai déjà dis de ne pas me réveiller de la sorte ! Sauf en cas de force majeure et j'espère que cela en vaudra la peine. » cracha-t-il en frottant sa bosse qu'il avait sur le crâne.

Sur le point de pleurer, la jeune femme s'exprima en bégayant : « .. Je .. suis .. navrée .. Sénateur S'orn .. » il s'énerva encore plus « Mais reprenez-vous mon enfant, vous n'allez pas pleurer à chaque fois que je vous fais une remarque !! Que se passe-t-il exactement ? »

Totalement en sanglot, elle répondit : « Vous devriez regarder l'Holonet .. Sénateur .. Lord Janos .. Il .. »

A ses mots, le politicien se jeta littéralement sur le téléviseur et l'alluma. La plupart des chaînes d'informations parlaient toutes de la même chose, une nouvelle d'une importance crucial : le suicide de Lord Janos. Il haussa largement les sourcils (si seulement il en avait eu) et s'arrêta sur HolonetNews, l'une des seules chaînes qui en valait vraiment la peine.

« ... aucune autopsie n'est prévue à ce jour. Mais tout de suite notre envoyé spécial en direct du Sénat Galactique pour plus d'informations. »

L'image bascula pour laisser place à celle d'un Journaliste fraîchement habillé. Costume, cravate, HolonetNews était une chaîne d'information sérieuse produite par des intellectuels pour les intellectuels.

« Oui ici Kyle Ahn en direct du Sénat Galactique de Coruscant. Comme vous venez de le dire mon cher David Japudas, la nouvelle est tombée pas plus tard que ce matin. C'est maintenant officiel, Côme Janos est décédé au sein de sa cellule. Un homme au parcours brillant, un homme à l'esprit tourmenté, découvrons tout de suite ce petit reportage du Lord devenu Darth. »

Grendo S'orn avait machinalement caressé du bout des doigts son menton. Prenant la peine de réfléchir à cette nouvelle situation, il s'attendait déjà à rencontrer de nombreux journalistes sur le chemin du Sénat. Un véritable parcours du combattant. La République n'était prête de connaître le repos. Il enfila rapidement un peignoir vermillon.

« Contactez immédiatement Lyn Ornfray à ce sujet. Dites lui de me préparer un discours avec tous les éléments et de me le faire parvenir avant notre arrivée au Sénat. Je veux tout savoir de cette histoire ! »

La jeune femme se précipita dehors laissant le politicien seul, l'occasion de se préparer pour une nouvelle journée qui commençait en fanfare.
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La nouvelle s'était propagée comme une traînée de poudre à l'extérieur des frontières impériales. Celui qui n'était plus qu'un truand, un vaurien, un misérable Sith qui avait attenté à l'intégrité de la bonne institution républicaine n'était plus. Siopë avait appris la chose de la bouche de l'un de ses archivistes parti sur son ordre dans le système Ciutric pour négocier une collaboration universitaire avec eux. Elle réfléchit longtemps à l'occasion que cela pouvait représenter pour l'Empire et, suite à une conversation par canal sécurisé avec l'Impératrice elle-même, elle reçut l'autorisation d'user du canal ultra-sécurisé que la République et l'Empire avait mis en place afin que l'un et l'autre gouvernement puissent se contacter directement.


À la Chancelière Suprême Alyria Von et aux hautes instances de son gouvernement,

Nous, Seigneur Calliope, nous adressons au nom de la Reine Noire Ynnitach, Souveraine de l'Empire Sith Renaissant et Légitime Héritière des Anciens Siths. Consciente de la tension que générèrent au sein de votre territoire les récents événements et soucieuses de vouloir y mettre un terme dans le cadre de l'entente cordiale que nous avons établie avec la signature du Traité d'Artorias entre nos deux nations, nous vous prions de bien vouloir accepter notre invitation à une ambassade. Celle-ci aura pour objet les récents incidents qui conduisirent à la détention du Seigneur Deinos par vos autorités et à sa fin tragique, ainsi que la reprise du dialogue regrettablement rompu suite à notre collaboration dans le système Bashqek.

Les modalités de la-dite ambassade seront bien entendu à convenir entre nos deux institutions et auront pour vocation de refréner l'hostilité galopante qui gagnent le cœur des foules suite aux appels insensés de démagogues à prendre les armes. Nous souhaiterions cependant, afin de ne pas voir avorter une entreprise qui nous est chère, ne pas faire de ce rendez-vous une nouvelle occasion pour les plus zélés détracteurs de nos politiques de Paix de menacer celles-ci ; c'est pourquoi nous proposons que soient envoyés des représentants, mandatés par les institutions adéquates, dans un système globalement neutre – à l'exemple de celui de Lorrd – afin qu'aucun risque ne soit couru ni par la respectée Chancelière Suprême Von, ni par notre bien-aimée Impératrice Ynnitach.

Nous espérons sincèrement que la nouvelle gouvernance de la République, naturellement moins belliciste que la précédente, se montrera bienveillante à l'égard de nos intentions de Paix et à l'égard de notre volonté de renouer avec une diplomatie trop longtemps foulée aux pieds par des volontés individualistes.

Sincères et respectueuses salutations,
Darth Calliope, Seigneur des Archives Korribanites.


Ne restait plus qu'à attendre la réponse et à contacter, entre-temps, un vieil ami directeur de presse.
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Bon, ben ça, c'est fait, hein. Quand mon petit droïde-boule, CZ-66, m'a annoncé la nouvelle, je me suis ruée sur l'holonet, où fusait déjà une foule d'articles connexes à cette communication officielle. Le titre de l'un d'entre eux m'a d'ailleurs arraché un petit sourire : Cette République suicidaire. Ah-ah ! C'est vrai que des suicides, ces derniers temps, il y en a eu à la pelle ! Entre celui de Keyiën, celui de Rannis (lui aussi inculpé dans de sordides magouilles) et maintenant, celui de Janos ! Et le pire, dans tout ça, c'est que ces gens-là constituaient la crème du Rassemblement Républicain... Si on y ajoute l'attentat qui a causé la mort de Scalia, nous voilà face à la plus importante hausse de mortalité jamais enregistrée au sein d'un parti politique.

Bon, évidemment, j'ai bien autre chose à faire que de pleurer tout ce beau monde. Ils ont joué avec le feu, et ils le savaient. Ils s'y sont tous brûlés à vif, et c'était prévisible. Ils n'ont pas assumé leurs blessures, et c'est de leur faute. Mais tout de même... Je ne suis pas une pleurnicheuse, ça, non, mais toutes ces histoires, ça vous fout une sacrée boule dans le ventre. Scalia, je l'ai rencontré une fois dans ma vie, et j'ai été littéralement charmée par son charisme : franchement, ce type avait une de ces classes ! Et Janos aussi, j'ai déjà eu l'occasion de l'interviewer. Bon, lui, il avait un petit côté exaspérant, c'était une fichue grande gueule... Mais quand même, quoi, de les imaginer morts, alors qu'il y a quelques mois à peine, ils étaient là, face à moi, à me parler de leurs projets, de leurs ambitions, de leurs vues sur l'avenir... C'est... flippant.

«Si ça peut vous intéresser... couic !», m'annonce CZ-66 alors que le visage holographique de Janos a entouré mon lit depuis déjà une bonne demi-heure, «L'enterrement sera public. Je sais que vous suivez cette affaire de près, alors...»

«Oh, génial, ça !»

Euh...

«Enfin, non, un enterrement, ce n'est pas génial. Mais oui, évidemment, que ça m'intéresse. Tu peux checker mes dates, s'tep ?»

Mon petit droïde me fait apparaître mon emploi du temps dans les airs, vérifie que ça peut coller, ça colle, super ! Ça nous fera donc une personne de plus aux funérailles de Janos.

Une personne de plus sur combien, d'ailleurs ? Tiens, c'est une excellente question, ça... Les enterrements de héros, eux, ils attirent les foules. On en fait un événement médiatique, on se lance dans toute une journée de bla-bla sur les vertus du défunt, on se noie en oraisons funèbres, c'est tarte-à-la-crème au possible, mais le message officiel s'en trouve renforcé. En revanche, qu'en est-il de l'enterrement d'un traître ? Les gens refusent-ils d'y assister, pour la simple et bonne raison que c'est un traître ? Ou au contraire se ruent-ils sur l'événement comme des vautours sur un cadavre, pour la raison non moins simple et non moins bonne que c'est un traître ? Je pencherais plutôt pour la seconde solution, en fait : curiosité malsaine, voyeurisme... oui, ça, ça plaît.

Il m'a fallu attendre le jour de l'enterrement pour obtenir ma réponse. Bon, pour le coup, je ne m'étais pas trop gourée : il y a pas mal de monde, quand même. Enfin, pas toute la masse démographique de la Galaxie non plus, ceci dit... Ça nous fait un gros attroupement à l'entrée du Musée des Arts et Cultures, mais si on jette un coup d’œil jusqu'aux coins de la salle, ce n'est pas plein à craquer. Bon, disons fifty / fifty : la moitié présente ici, ce sont les voyeuristes, tandis que l'autre moitié est confortablement installée dans son salon pour satisfaire sa bonne conscience, tout en jouant les voyeuristes depuis leur holo-vision.

Je me fraie un chemin pour être le mieux placée possible (non-non, je ne suis pas voyeuriste, moi : journaliste, ce n'est pas la même chose). Arrivée aux barrières de sécurité, je guette en tous sens pour essayer de reconnaître une ou deux personnalités politiques qui auraient pu venir ici.

Pile en face, il y a bien une tête qui me parle : c'est celle de... Zut, c'est quoi, son nom, à celui-là ? Ah si ! Shadley ! Lars Shadley ! Le type qui est devenu sénateur d'Aargau après la démission de son patron. Pour m'être pas mal intéressée au dossier Janos, le nom de Shadley est revenue une paire de fois, déjà, mais sur les représentations que j'ai de lui, il est... je ne sais pas... il fait beaucoup plus jeune. Là, il a l'air totalement abattu. Des valises sous les yeux, quinze rides sur chaque centimètre carré de peau, une calvitie qui se déploie inexorablement sur le haut de son crane... Il faut dire qu'il a été soumis à rude épreuve, le pauvre ! Aargau a subi la pire crise qu'elle ait jamais connu. Cosmos, le parti majoritaire de la planète, fondé par Janos, est en train de se casser la gueule à cause des exactions de son créateur. Et tout le monde sait que Shadley, dont la réputation a été rudement salie par toute cette affaire, ne pourra jamais entamer un second mandat. D'ailleurs, quand on voit sa tête, c'est à se demander s'il va tenir jusqu'à la fin de celui-ci... Le prochain sur la liste de cette République suicidaire ?

Thème musical

Ah, ça y est, ça commence. Je terminerai mon tour des visages après. Pour le moment, je suis surtout curieuse de voir à quoi va ressembler cette étrange cérémonie organisée en l'honneur d'un traître.

Il faut dire que Janos n'est pas un traître comme les autres, et c'est ce point-là qui m'intéresse le plus dans toute cette affaire. Le tribun adulé de son peuple, l'homme providentiel qui parvient à éliminer le chômage de sa planète, l'ambitieux qui gravit impitoyablement les marches du pouvoir jusqu'au poste de Vice-Chancelier, l'idéaliste qui décide de faire bâtir un monument comme ce Musée des Arts et Cultures en plein cœur de Coruscant... Sérieusement, il en a plus d'unes, des facettes, mais une chose est claire : son parcours montre bien que ce type était républicain dans l'âme. Il avait sa vision de la République, c'est sûr, il penchait pour un pouvoir exécutif fort, admettons, mais le tout gravitait quand même autour des valeurs républicaines, c'est indéniable. Et donc... un traître au service de l'Empire Sith ? Non... Difficilement crédible...

Je suis persuadée que les discours officiels simplifient trop, qu'ils nous donnent de cet étrange bonhomme une image totalement caricaturale. Il est devenu Sith, okay, mais ça poursuivait un autre but que la simple trahison. Enfin, merde ! Il suffit de lever les yeux pour s'en rendre compte. De ce que j'ai compris de leurs histoires de Côté Obscur, un vrai vilain Sith ne ferait jamais construire un Musée des Arts et Cultures en y mettant de sa propre poche ! Il doit y avoir autre chose. Il y a forcément autre chose. Et le fait même que la République lui accorde, malgré tout, une sépulture décente montre bien que ce Janos n'était ni tout blanc, ni tout noir...

Les funérailles sont à l'image de toute cette ambiguïté. Sobres, sans aucun discours, sans aucune pompe, rien du tra-la-la habituel. D'un côté, ça invite au recueillement, j'aime l'idée. Il n'y a que ce cercueil gris foncé qui plane dans les airs, à travers le couloir que la foule dessine de la porte principale jusqu'à la cavité réservée au tombeau. Oui, ce cercueil, et c'est tout. On s'imagine le corps, à l'intérieur : grave, résigné, prêt à affronter la mort dans le courage et la dignité. Les soldats présents ne sont pas ici pour honorer la mémoire du défunt, seulement pour assurer la sécurité. Paradoxalement, en l'absence de toute la procession habituelle, on en vient à n'avoir plus d'yeux que pour le cercueil lui-même. Et puis, aussi simplement que ça, le voilà qui descend lentement dans la tombe. On peut le regarder quelques instants encore, puis la stèle se referme peu à peu, l'avale dans l'obscurité éternelle, n'offrant plus au regard qu'une épitaphe toute simple :

Lord Côme Janos

suivie de ses dates de naissance et de décés.

Voilà. C'est fait. Lord Janos est bien mort et enterré. Il vient d'emporter avec lui tous ses secrets. Personne ne les comprendra jamais. Pff ! République suicidaire... ça me fait moins rire, à présent.

Spoiler:
Voyl Clawback
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Coruscant - Quartier Fobosi - Hôtel particulier - 2e étage - 8:10am

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Suicide. Meurtre. Attentat. Suicide.

Voyl ferma les yeux. Il se passa une main lasse sur le visage. Quand cette folie allait donc cesser ? Il n'y avait jamais eu autant de mort dans un gouvernement en si peu de temps.

"...Lord Janos désormais connu comme Darth Deinos, s'était donné la mort dans sa cellule de haute sécurité hier matin. Les autorités pénitentiaires..."

D'un geste sec, il coupa l'holoviseur. Le silence revint dans le salon. Clawback, enfoncé dans son fauteuil, contemplait le plafond, préoccupé. Des pas réguliers résonnèrent alors dans la pièce. Walter, le majordome, portait un plateau d'argent où trônait une haute cafetière tout aussi rutilante ainsi qu'une tasse en porcelaine. Il s'arrêta devant le guéridon, presque au garde-à-vous, le plateau devant lui.

"Posez tout ça là, Walter, dit simplement Voyl avec un mouvement du bras, merci bien."

L'intendant s'exécuta d'un air grave. Il était muet, mais pas sourd, et le son de l'holoviseur, dans le silence qui régnait dans les appartements insonorisés de Clawback, portait jusque dans les escaliers. Le ralltiiran jeta un rapide coup d’œil à la surface éteinte, comme pour s'assurer que d'autres nouvelles n'en sortiraient pas, s'inclina et ressortit. Voyl attendit de longues minutes, immobile, les mains posées sur le ventre et la tête tournée vers le plafond. Ses pensées l'avaient emmené très loin, et c'est presque à contrecœur qu'il ralluma l'holoprojecteur au centre du salon. Instantanément, la silhouette de la présentatrice de Galactic Holonews jaillit en contrastes de bleus.

"...Aucune autre information pour le moment. La version officielle confirme la mort par désactivation. Selon nos informations, Lord Janos aurait désactivé lui-même ses fonctions vitales cybernétiques via un bouton caché dans son poignet droit. Raison pour laquelle le geste ayant entraîné la mort serait passé inaperçu sur les holoenregistrement de sécurité..."

Voyl ne savait pas vraiment ce qu'il était sensé ressentir. Il avait jadis croisé Lord Janos. Mais connu ? Non.
Darth Deinos était un Sith. Un traître, un être fourbe et dangereux. Mais qui ne l'était pas, dans ce milieu ? Un politicien lambda valait-il vraiment mieux qu'un Sith ? Lord Janos était un être ambigu. Mais valait-il pour autant d'être blâmé plus que tous ceux qui, dans l'ombre, ne s'étaient jamais fait prendre ?
Clawback ressentait pleinement le dilemme. Son pragmatisme lui disait qu'il lui fallait suivre la masse : un traître était un traître, et la crise d'Aargau était un fait que personne ne pouvait remettre en cause. Or, d'un autre côté, Lord Janos avait été, toute sa vie durant, un homme politique formidable. Et pas seulement : un financier de poids.

Était-ce là donc le destin de tous ceux qui avaient le malheur de trop s'approcher du soleil ? S'y brûler les ailes, et tomber, indéfiniment, dans les abysses insondables ? Jusqu'où la soif de pouvoir menait-elle ? Jusqu'à l'autodestruction. Jusqu'à se renier dans ce que l'on avait de plus intime et de plus précieux : la vie.

--

Quelques heures plus tard.

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"Tout de même. Il s'agit d'un évènement public. Pensez-vous que ce soit judicieux ? La galaxie entière sera rivée à son poste pour suivre la cérémonie. Lord Janos... était accusé de haute trahison ! Un Sith ! Avec nos nouvelles positions politiques, je suis dubitatif quant au bénéfice réel de nous présenter à cet enterrement. Car c'est en un sens... approuver ce qu'il était. Regretter sa disparition.

-Ne pas nous y présenter serait une erreur tout aussi grave. Nous ne sommes pas des sauvages, et c'est bien dans cette optique que la République organise ces funérailles. Traître ou non, Lord Janos sera traité dignement. Vous irez, Voyl. Nous irons. Nous ferrons notre devoir de citoyen, mais aussi envers un homme qui a toujours apporté son soutient à nos institutions.

-Comme vous voudrez..."

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Coruscant - Quartier 500 Republica - Musée des Arts et Cultures - 10:02am

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Ils y étaient. Clawback n'avait encore jamais mis les pieds à ce musée, le grand œuvre de Janos sur Coruscant. Ils étaient nombreux, plus nombreux que ne l'avait espéré Voyl. La gente politique coruscanti, bien évidemment, qui pouvait difficilement prétexter rater l'évènement. Puis, toutes les personnalités aargauns, qui de près ou de loin avait été liées à Lord Janos. Les membres du Cosmos. Les banquiers et entrepreneurs de son monde natal, les membres du gouvernement planétaire. On devinait aussi dans la foule des personnalités étrangères venues accomplir une sorte de devoir patriotique envers la République : comme l'on salue un véritable adversaire, tombé au champ de bataille avec honneur. Mais quel honneur y avait-il dans tout cela ? Clawback n'éprouvait que colère et écœurement face à tant d'hypocrisie. Beaucoup ici étaient charmés de voir ce boulet libérer enfin leurs chevilles gonflées. Pour parfaire le tableau, on comptait aussi la nuée de journalistes et reporters prêts à griffonner sur leurs datapad et interviewer tout ce qui passerait à leur portée.

Entièrement vêtu de noir de pied en cap, Voyl marchait aux côtés des dirigeants du Clan Bancaire venus pour l'occasion compléter les délégations de la Banque d'Aargau. Mêlés à la volée de corbeaux qui s'amassaient autour du caveau encore vide, ils passèrent relativement inaperçus. Au contraire de certains qui se mettaient volontairement au premier rang, soit dans le but de se faire voir, soit dans celui de tout voir.

Non, personne n'avait oublié qui l'on enterrait aujourd'hui. Cependant, des têtes se tournèrent vers le cercueil en chuchotant. Tous n'avaient pas ici la même opinion sur le défunt, loin s'en fallait. Aucune prise de parole, pas d'éloge funèbre, rien. Clawback fut un temps choqué par tant de manquement aux traditions, mais se repris très vite. A quoi bon perdre du temps, au final ? Il n'y avait dans cette boîte qu'un tas de viande en décomposition, dont une bonne moitié était entièrement artificielle. Un droïde à la casse.

"Bon débarras, lui glissa quelqu'un, un fou furieux en moins."

Clawback eut un vague rictus.

"Il n'était pas bien plus fou que beaucoup d'autres, si vous voulez mon avis."

Bientôt, le cercueil disparut dans les ténèbres, et on referma la lourde stèle, définitivement. En était-ce réellement fini, de Darth Deinos le traître ? On voulait y croire.
Cette vision laissa Clawback pétrifié une longue seconde. Finirait-il ainsi, lui aussi ? Jeté dans un trou avec une tonne de marbre au-dessus ? Sans personne pour le pleurer ? Juste des commentaires acides après des discours hypocrites... Les Jedis n'avaient peut-être pas tort d'incinérer leurs morts. Au moins, il ne restait rien.

La mort était finalement la seule chose qui mettait tous les êtres sur un pied d'égalité.

Que vous soyez puissant ou misérable, viendra toujours un jour où vous ne serez rien d'autre qu'un cadavre.

Ragda Rejliidic
Ragda Rejliidic
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Le datapad traversa la pièce avant de traverser l'holo-écran et de d’exploser sur le mur derrière l'image tridimensionnelle. Il vola en éclat, rependant ses entrailles électroniques dans toutes les directions.

« MAIS QUEL ENFOIRE ! LACHE ! » beugla le Hutt, hors de lui comme rarement auparavant. La consolo holographique, elle, continuait de débiter les informations du jour :

… aucune autopsie n'est prévue à ce jour...

« J'Y CROIS PAS ! » continua-t-il de hurler, cherchant un autre objet à balancer sur ces images qu'il jugeaient irréaliste. « C'EST ENCORE UN DE TES COUPS TORDUS ! HEIN ! » Mais plus le reportage exclusif avançait, plus le devait s'avouer vaincu. Les images de l'holosurveillance de sa cellule parlaient d'elle-même... « POURQUOI ? Pourquoi... » éructa-t-il une nouvelle fois, avant que sa voix se ne brise, chargée par l'émotion. Il repensait à présent à leurs échanges épistolaires, alors que le Lord Déchu croupissait en prison. Certes il avait complètement perdu la boule... Mais au point de mettre volontairement fin à ses jours ? Incroyable... Improbable... La dernière missive qu'il avait reçu de lui ne trahissait aucune intention de la sorte. En même temps, il n'avait rien vu venir concernant ses troubles psychologiques. Il soupira, impuissant.

C'est lorsque l'on perd quelque chose que l'on se rend compte à quel point on y tenait. Janos n'avait été ni son ami, ni même une personne qu'il appréciait. Au contraire, cet être psychorigide n'avait été qu'une gène pour lui, un véritable emmerdeur, son ennemi politique. Mais à force de confrontations, d'échanges parfois musclés, il avait su respecter l'homme pour ce qu'il était vraiment : un habile politicien aux multiples facettes. Sans le Lord, peut-être serait-il devenu Chancelier après la capture d'Halussius, en tout cas c'était bien ce qu'il avait eu en tête à l'époque... Pourtant, à cause de lui, il avait été contraint au dépassement... Devenant ainsi ce qu'il était aujourd'hui... Et puis... Ce faux enregistrement entre lui et Ynnitach : un vrai travail de maître ! Du grand art ! Le Fantôme en Ragda devait le reconnaître.

Il soupira une nouvelle fois, avant d’éteindre la console holographique. Puis il pianota sur l'écran tactile de son chariot répulseur afin de contacter sa nouvelle assistante. Une jeune twi'lek embauchée quelques jours plus tôt pour remplacer feu Diménéon.

« Ann... » fit-il, dès que la jeune femme décrocha, sachant pertinemment qu'a cette heure elle devait encore dormir. « Rejoignez moi immédiatement aux locaux de la délégation Sénatoriale. Mon emploi du temps doit être revu. Je compte sur vous pour me trouver une invitation aux funérailles de Lord Janos... »

« Les funé... quoi ?! » lui répondit une voix embrumée. Le Hutt leva les yeux au ciel. Elle ferait mieux de suivre l'actualité au lieu de dormir autant ! Il soupira. En même temps, vu son profil, pouvait-il en attendre mieux ? Ann Drektar... Sortie dernière de se promotion de socio-politique il y a deux ans. Sans emplois depuis, trop occupée à faire la fête et les tournées des bars, profitant de la fortune de sa famille restée sur Ryloth et qui l'imaginait accomplir de grandes choses pour la République. S'il l'avait embauché, c'était justement parce qu'elle correspondait parfaitement à ses critères : peu de personnalité, manipulable, sans ambition... Mais assez bien foutu pour lui ouvrir des portes. Et pas si conne que ça quand on creusait un peu...

« Bougez votre cul ! » lui répondit-il, sans ménagement. « On se retrouve dans mon bureau dans quinze minutes. »

******


Le jour des funérailles arriva bien trop rapidement au goût du Hutt. Il n'acceptait toujours pas cette disparition qui lui laissait, malgré lui, un grand vide. Retrouverait-il un adversaire capable de le stimuler autant ? Difficile à dire. A coté de feu Janos, tous ces autres Sénateurs semblaient des moutons bien disciplinés, incapable de magouiller par exemple les résultats de l’élection du prochain Chancelier...

Dans le musée, il resta discret, juché en silence sur son chariot répulseur, simplement vêtu d'un poncho noir et sobre. Aucune fioriture, aucune paillette. L'ambiance à l'intérieur de l'édifice était difficile à décrire. Peu de personnes affichaient un faciès attristé : on peut plutôt dit une bande de curieux désireux de voir de leur propre yeux la dépouille du Lord tant médiatisé pour ses méfaits récents. Peut-être même que certains s'attendaient à voir le Darth se jeter, telle une momie revenue à la vie, hors de cercueil, pour jeter une malédiction sur la République toute entière. Ragda resta quant à lui, en queue de cortège, méditatif. Il observait la scène de loin, comme un spectateur face à un spectacle d’illusionniste dont il tentait de comprendre les « trucs ». En vain. Un détail seulement le laissa dubitatif : à aucun moment la dépouille de Côme ne fut exposée au public... En un sens c'était compréhensible... Mais une telle attitude n'allait-t-elle pas alimenter les théories du complot ? En tout cas, cette idée fit son chemin à l'intérieur de son crâne... Il se tourna vers son assitante, habillée un peu trop sexy pour l'occasion :

« Vous ne trouvez pas qu'il y a beaucoup de droïdes protocolaires ? » lui fit-il, observant l'un d'eux, qui se poussait à l'approche de son chariot.

« C'est compréhensible Monsieur » lui répondit-elle, intriguée par la question. « Ce musée, depuis son ouverture, a été visité par des habitants de la moitié des planètes de cette galaxie. L'audio-visite est d'ailleurs disponible en trois millions de forme de communications. Une véritable, et unique, usine à gaz sortie tout droit de l'esprit mégalo de votre ancien collègue... Si je peux me permettre... »

Pour tout réponse, il grogna. Ce constat lui donna une idée. Depuis quelques jours, il avait passé ses soirées à revisionner les holobandes de surveillance de la cellule du détenu 684b. Certes, on voyait clairement ce dernier se tripoter le poignet avant de sombrer dans un sommeil profond... Mais c'était tout. Que pouvait-on en conclure avec certitude ?

Ragda n'était pas l'un des ces mystiques Jedi. Il ne croyait que ce qu'il voyait. Et tant qu'il ne verrait pas de ses propres yeux globuleux le corps sans vie du Lord, ou même ses restes incinérés, il refuserait d'accepter ce que les média nommaient déjà la disparition la plus médiatisée du siècle.
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Il n'existait pas d'au-delà. Lord Janos le savait. Au-delà de ces quatre murs, le monde extérieur avait fini par disparaître : cette cellule constituait son nouveau monde, le seul. Et dans l'au-delà temporel ? À quoi allait ressembler le reste de cette existence ? Attendre que la porte s'ouvre, attendre qu'un employé du pénitencier lui apporte son repas, attendre en méditant sur son sort, attendre, attendre, attendre et attendre encore. Ce n'était pas une vie. Jamais il n'aurait cru qu'un jour il se poserait la question, mais la voilà qui s'insinuait peu à peu en lui : à quoi bon ? À quoi bon continuer ? À quoi bon cette lutte absurde contre... contre quoi, d'ailleurs ? Et pour quoi ?

Il faut croire qu'une incarcération finit par détraquer définitivement les détenus, par totalement démotiver les plus braves. Quelques temps plus tôt, Lord Janos était un politicien apprécié, un dirigeant charismatique, un tribun accompli. Lorsqu'il fallait négocier avec lui, on s'avait d'avance qu'il ne céderait pas. Non, jamais il ne cédait. Jamais il n'abdiquait. Sa combativité était presque devenue légendaire sur Aargau. Mais c'était avant, avant qu'il ne fût englouti par cette cellule, du temps où sa vie poursuivait encore un but.

Si on le lui avait demandé, il aurait été incapable de dire à quel moment exact il avait pris cette décision. Elle ne lui était pas venue d'un coup, en fait, mais avait pris bien du temps à s'emparer de son esprit, jusqu'à se transformer en une évidence, puis en une idée fixe, obstinée. Il ne servait plus à rien de continuer. L'au-delà n'existait pas. Seule la mort pouvait le libérer de cette piteuse et vaine existence.

Avait-il peur ? Il n'aurait pas su le dire. Il se sentait allégé, et se confortait dans son choix en se répétant qu'une fois l'acte accompli, il n'aurait plus jamais à combattre, plus jamais à souffrir. Peut-être ne faisait-il qu'accélérer son sort, d'ailleurs. Qui lui disait qu'il n'encourrait pas la peine capitale ? Mais quitte à affronter la mort, il préférait qu'elle lui vînt de sa propre main. Poussant la fierté jusqu'au bout du bout, il se jugeait indigne d'une exécution. L'exécution est réservée aux traîtres, aux lâches, aux déserteurs, alors qu'il faut quelque chose d'héroïque pour se suicider.

Voilà. Ce cap fatidique venait d'être franchi. Restait à se tuer.

Mais en embrassant toute sa cellule de son aura de Force, Lord Janos fut confronté à une autre évidence. Il ne sut même pas s'il devait en rire ou en pleurer. Les deux, peut-être. C'était absurde, c'était d'une ironie cinglante : rien ici ne lui permettait de se donner la mort. Tout était entièrement sécurisé, propre, lisse, aseptisé. Même la liberté de mourir, on la lui avait ôtée. La première idée qui lui vint alors en tête, ce fut la grève de la faim. Mais il la repoussa aussitôt : ses geôliers auraient bien le temps de s'en rendre compte, et on le forcerait à manger - pour peut-être le conduire ensuite sur l'échafaud : quelle absurdité, quand même ! Son attention se reporta alors sur le mobilier : sa chaise et sa couchette. Que pourrait-il en faire ? Saisir un pied, se l'enfoncer dans le cœur... Ce serait douloureux, mais radical. Il faudrait un geste ferme, ce n'était pas impossible. Il posa la main sur son siège, jura intérieurement : celui-ci était soudé au sol.

Humilié jusque dans sa chair, il se laissa retomber sur le lit. Il n'avait donc plus qu'attendre, c'était ça. Attendre, et attendre, et attendre. Même la mort, il n'y avait pas droit. Même la mort... Alors qu'il la désirait, maintenant... Alors qu'il la désirait du plus profond de son être... Il voulait mourir. Il devait mourir. Il en aurait hurlé de rage.

Il se cacha la tête dans les mains, comme si ce geste pouvait l'aider à disparaître définitivement de la surface du monde, quand un petit bruit réveilla son attention : ting ! Il se redressa. C'était une entaille de son visage qui s'était heurté à son poignet artificiel, alors qu'il vacillait. Son poignet artificiel... Son poignet artificiel... Une idée lui apparut soudain. Il y avait, sur son poignet, ce petit bouton auquel lui seul avait accès, ce petit bouton qu'il pensait n'avoir à jamais utiliser... Le programme d'extinction de son corps cybernétique... Tout simplement... Janos frémit. Son suicide ressemblerait davantage à la mise en stand-by d'une machine qu'à la mort d'un homme. Mais ce détail n'avait aucune espèce d'importance : une machine, c'est ce qu'il était, non ?

D'une main tremblante, il posa l'index de sa main droite sur le boîtier de son poignet gauche. L'appareil patienta quelques instants, le temps de procéder à une reconnaissance digitale, puis finit par s'ouvrir. Apparut alors ce petit bouton rouge, un bête bouton rouge sans aucun autre signe distinctif. Il ne restait plus qu'à le presser. Était-ce si simple, de mourir ? Était-ce vraiment si simple ? Janos hésita quelques instants. Il avait le doigt posé sur le bouton, mais ne se sentait pas encore près. Encore quelques instants, juste quelques instants. Il lui fallait une dernière pensée, tout de même, n'importe quoi, quelque chose qui ait du style, afin de ne pas mourir n'importe comment. Mais aucune pensée ne vint. Il n'y arrivait pas. Il se sentait bloqué, coincé, figé dans cette insupportable attente.

Alors, de rage, la main tremblante, le cœur palpitant, il enclencha la détente. Sa main se calma, son souffle s'apaisa. Voilà. C'était fait. Il ne lui restait que quelques secondes, maintenant.

Ses jambes artificielles se détendirent. Ses poumons cessèrent de fonctionner. Son cœur arrêta de battre. Tout son corps ne fut plus que déliquescence. Sa force vitale venait de le quitter. La mécanique de sa physiologie venait de l'abandonner. Cette sensation de froid et d'étouffement le terrorisa quelques instants, mais très vite son cerveau cessa d'être irrigué correctement. Sa conscience vacilla alors. Des images du passé se bousculaient partout autour de lui. Puis il y eut cet éloignement, comme s'il s'élevait toujours plus haut loin de son corps, ou s'y enfonçait toujours plus profondément. Oui, il vacillait, vacillait, vacillait...

* * *


Lars Shadley se réveilla en sursaut. Ses draps étaient trempés. Son torse et ses tempes aussi. La sueur lui dégoulinait de partout. Son cœur battait à tout va. Il fallut quelques instants pour reprendre ses esprits, se dire que ce n'était qu'un rêve, juste un rêve. Ce même cauchemar qui lui revenait toutes les nuits depuis cette publication officielle : Lord Janos dans sa cellule décide qu'il ne lui reste plus qu'à mourir, hésite quelques instants sur la meilleure manière de se suicider, s'allonge de dépit, a l'idée de son poignet artificiel, hésite encore, puis appuie sur la détente. Chaque fois, le rêve se terminait de la même manière : le froid, l'agonie, cette impression de vaciller, de vaciller...

Shadley se leva. Plus personne ne partageait son lit depuis quelques temps. Trop stressé, trop nerveux, à moitié insomniaque... Il alla droit vers le buffet, sortit un verre, s'en remplit un de brandy assandran - le préféré de Lord Janos -, le but cul sec, en remplit un autre, le but cul sec. Il regarda son cadran : trois heures vingt trois... La journée commençait déjà par cette bonne dose d'alcool, comme toutes les journées depuis quelques temps.

Le lendemain, Shadley annoncerait officiellement sa démission. Il ne se sentait plus capable d'assumer la charge de sénateur d'Aargau. Toute la crise qu'il avait dû porter sur ses épaules, la colère du peuple, ces pourparlers infinis avec le Directoire Exécutif pour intégrer le Front Libéral Républicain... Et l'arrestation de Rannis, avec ça... Il n'en pouvait plus. Enfin, c'était fait : Aargau allait faire partie du F.L.R., sa carrière n'aurait pas ressemblé à rien. Il allait quitter cette planète maudite, et se refaire une vie, ailleurs, loin d'ici, très loin. Il finirait peut-être par l'oublier, ce fantôme de Lord Janos qui lui hantait toutes ses nuits.

Pour l'heure, Shadley décida qu'il attendrait l'aube en trinquant aux morts. Il prit deux autres bouteilles, se rendit dans son bureau, les posa. L'annonce officielle planait encore dans les airs sous forme holographique : il ne s'était pas résolu à la refermer ; depuis des jours et des jours, elle volait là, comme un fantôme, à lui rappeler la présence du suicidé.


C'est désormais officiel : hier matin, Lord Côme Janos a été retrouvé mort dans sa cellule. Les enregistrements ont permis de montrer qu'il s'agissait d'un suicide. Les autorités n'ont donc pas jugé nécessaire de procéder à une autopsie. Rappelons qu'une grosse partie du corps du défunt était artificiel : plus de 70 % de son organisme ressemblait à celui d'un droïde davantage qu'à celui d'un humanoïde. Pour se donner la mort, l'ancien politicien s'est contenté...[/font]

* * *


«...d'appuyer discrètement sur l'une des touches de son poignet cybernétique, qui a activé l'extinction fatale et définitive de son corps. Le geste était tellement simple qu'il n'a pas été perçu par l'équipe de sécurité qui le surveillait par caméra interposée : si un zoom sur les enregistrements permet maintenant de le voir agir, on aurait pu croire, dans l'immédiat, qu'il se contentait de s'endormir...»

«Je ne comprends pas.»

Le nouveau venu interrompit sa lecture de l'article.

«C'est pourtant simple. Surtout pour un homme de votre trempe...»

«Vous me dites que cette communication a déjà été publiée...»

«Oui, et les funérailles ont déjà eu lieu, dans l'entrée de votre Musée, conformément à vos dernières volontés.»

Un silence.

«Bref, officiellement, vous êtes un homme mort.»

Lord Janos se leva brusquement. L'homme qu'il avait devant lui était un haut gradé des services de sécurité. Il était rentré dans la cellule 684b, quelques instants plus tôt, avait annoncé au détenu qu'il devait lui faire connaître le tout dernier communiqué officiel paru quelques jours plus tôt, et avait commencé la lecture. Tous deux se faisaient face, désormais.

«Mort...»

Geste stupide, Janos se palpa le torse, comme pour se confirmer que tout ceci n'était qu'une gigantesque supercherie. Puis, une fois le coup amorti, il lança ses hypothèses :

«Je ne vois que deux explications.», dit-il froidement. «Soit vous comptez m'éliminer, mais pour ne pas salir la réputation de la République, vous faites passer le tout pour un suicide. Dans ce cas, je ne suis qu'un mort en sursis, et je vis actuellement mes dernières minutes...»

«Peu probable. On vous aurait déjà descendu. Et puis on ne vous aurait pas prévenu. Quel intérêt ?»

«... Soit vous avez décidé de me garder en vie, mais pour repartir à zéro, vous aviez besoin de ce suicide. Disparition de l'ennemi public numéro 1, politique de la table rase... On enterre les vivants à défaut de les tuer.»

Le haut gradé frappa dans les mains.

«Bravo, Détenu 684b. Vos capacités d'analyse n'ont pas l'air d'avoir été amoindries par vos problème de santé mentale...»

Janos ne répondit rien. L'arrogance de ce type l'exaspérait. Pour qui se prenait-il à le traiter comme ça ? Le pouvoir que confère un grade sur un détenu a parfois de quoi faire peur... Enfin, il fallait s'imaginer que cet homme devait avoir tout de même un bon fond, car il sortit un paquet de cigarettes et en tendit une au prisonnier :

«Une petite clope pour marquer le coup ?»

«Volontiers...»

En se l'allumant, l'ancien Lord ne put contenir un petit sourire ironique :

«C'est absurde, quand même... La dernière cigarette, normalement, c'est au condamné qu'il faut la donner... Pas au mort..»

«Raison d'État, que voulez-vous que je vous dise ? Ça chamboule toutes les règles, la Raison d'État... Même les plus basiques...»

«C'est vrai...»

Janos se passa une main dans la barbe anarchique qui lui poussait sur le menton et sur les joues. Heureusement qu'il était devenu aveugle pour ne plus se voir. En l'absence de sa séance hebdomadaire de chirurgie esthétique, les entailles qu'il avait au visage avaient repris leur droit, dessiné partout des crevasses, ciselé sa peau, y avaient imprimé des fissures orangées où se laissaient deviner des branchements électriques. D'entre ces entailles, avaient surgi des poils de barbe inattendus, répartis de manière incongrue sur les parties de chair encore préservées. À force, certains commençaient à recouvrir les crevasses électroniques, et laissaient supposer qu'à terme, une barbe en bonne et due forme finirait par se former.

«Remarquez... Je n'aurais jamais pu me suicider comme vous l'avez décrit.», déclara l'ancien Lord tout en fumant sa cigarette. «Ce bouton n'existe tout simplement pas. Mes concepteurs n'étaient pas cons, non plus. Vous vous imaginez, vous, avec un programme d'auto-destruction portatif ?»

«Ce n'est pas moi qui ai rédigé le canular, mais ça a été fait à partir de votre dossier médical. Vous en avez bien un, de bouton rouge seulement accessible sur reconnaissance digitale, non ? Votre dossier disait que personne ne vous avait jamais vu l'utiliser...»

Janos se posa la main droite sur le bras gauche. Son index effleura le boîtier, qui s'ouvrit aussitôt.

«Celui-là ?»

«Ouais, lui. Vous voyez bien qu'il existe.»

L'ancien Lord eut un petit rictus.

«Ce bouton-là est fait pour tuer, oui. Mais pas pour se suicider...»

Ne comprenant pas le sens exact de cette phrase, le haut gradé des services de sécurité haussa un sourcil intrigué, mais laissa ce mystère à son détenu.

«Bon, je vous lis la suite de l'article ?»

«Ce ne sera pas nécessaire. J'ai bien compris où vous vouliez en venir. Je ne vous demanderai pas qui est derrière tout ça, parce que je sais que vous je ne me répondrez pas. Par contre, ai-je le droit de savoir ce qu'il va advenir de moi, maintenant ?»

«Nous sommes encore en pleines tractations avec l'institution concernée. Mais si tout se passe bien, vous serez transféré. Ailleurs qu'ici.»

«Ah... Et... Enfin, non, c'est stupide : vous ne m'y autoriserez pas...»

«Dites toujours. Je suis là pour ça. Je ferai remonter la demande, et on verra.»

«Bon. Aurai-je le droit de me rendre sur ma propre tombe ? Oui, je sais que ça peut paraître absurde, mais... j'en envie. Pour me recueillir, je ne sais pas... Pour voir à quoi ressemble la sépulture du grand et fameux Lord Janos.»

Arrogance ? Narcissisme ? Ironie ? Le haut gradé ne parvint pas vraiment à se décider. À la place, il se ralluma une clope.

«Mouais. À voir. En attendant, si vous voulez un conseil, oubliez ce nom. Et l'autre aussi. Plus de Lord Janos, plus de Darth Deinos. Vous n'êtes plus rien d'autre que le Détenu 684b, c'est bien compris ?»

Le Détenu 684b tira une bouffée de sa cigarette.

«Bien compris. Lord Janos et Darth Deinos sont morts. Je suis le Détenu 684b.»
Grendo S'orn
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L'ordre d'assister aux funérailles de Lord Côme Janos était venu du Grand Monarque de Neimoidia en personne qui lui avait conseillé de profiter de l'occasion pour s'entretenir en privé avec Lars Shadley, Sénateur d'Aargau. La cérémonie funéraire se tenait conformément aux dernières volontés du défunt au sein du célèbre Musée des Arts et Cultures. Vêtu d'une tunique sombre à haut col et d'une tiare assortie, Grendo rejoignit la monade décorée en compagnie de Lyn Ornfray sa collaboratrice, Loohy Quee son assistante et de Ton Quee le Directeur de S'ornPharma Corp.
Comme il s'y attendait, l'endroit était plein à craquer. Etrange pour l'enterrement de celui qu'on soupçonnait depuis longtemps de trahison et qui avait fini ses jours isolé dans une prison républicaine de très haute sécurité. Et dire qu'il l'avait lui-même rencontré quelques mois plus tôt, bien avant de devenir Ministre du Trésor et de l'Economie. A cette époque l'homme semblait déjà être atteint d'une certaine démence, probablement était-ce pour cette raison qu'il avait décidé de mettre fin à ses jours ? Ses périodes de lucidité devenant de moins en moins longue.

« Peut-être devrions nous présenter nos condoléances au Sénateur Shadley et à ses collaborateurs ? » questionna discrètement Loohy à ses trois autres compères.

« Etes-vous folle ?! La situation est assez embarrassante comme ça, vous avez-vu le nombre de journalistes dans cette salle ? A l'affut du moindre petit scoop à diffuser sur les chaînes Holonet. Notre présence suffit amplement, croyez-moi ! » lui répondit aussitôt tout aussi discrètement Grendo S'orn qui ne prit pas la peine de se retourner dans sa direction.

Les quatre Neimoidiens avancèrent d'un pas lent afin de rejoindre les places qui leurs étaient réservés. Au passage, Grendo aperçu de l'autre côté de la salle deux personnalités qu'il connaissait bien. Ragda pour commencer, couché fièrement sur son chariot répulseur, le regard braqué sur le cercueil et Voyl Clawback ensuite, en compagnie de la délégation des Banques d'Aargau et des autres dirigeants du Clan Bancaire Intergalactique. Il y avait aussi des représentants commerciaux, des financiers, des politiciens et de nombreux individus d'Aargau, S'orn ne connaissait pas tous les noms évidemment mais en reconnu certains qu'il avait eu l'occasion de rencontrer lors du Blocus de la planète.

« Qui est donc la jeune femme aux côtés du Sénateur Shadley ? » demanda Ton Quee, loin d'être habitué à se mêler à une foule aussi dense.

« Jeanne Shadley, la soeur du Sénateur. Lors des négociations sur Aargau c'est elle qui a représenté les intérêts de sa planète lorsque son frère a du s'absenter. » lui répondit l'assistante.

L'ambiance était étrange, pesante même. Le cercueil fermé de Côme Janos lui était exposé sur un énorme catafalque en pierre rectangulaire. La dépouille du Lord qu'il contenait était condamnée à être décomposée au fil du temps. N'était-ce pas là notre destin à tous ? Il ne resterait bientôt que poussière de celui qui avait trahi la République, celui qui était aux services des Sith ...

Lars Shadley était en première ligne. L'homme avait l'air complètement abattu. Entre les valises sous ses yeux, ses multiples rides et son début de calvitie précoce, Grendo ne reconnaissait presque pas l'homme à l'allure fière qu'il avait eu l'occasion de rencontrer quelques semaines plus tôt sur Aargau. Probablement toute cette histoire avait-elle anéanti tout espoir de s'en sortir. Quoi qu'il en soit sa réputation était dangereusement en baisse et le Neimoidien se demandait vraiment ce qu'il adviendrait de la sénature de la planète Aargau. Il s'approcha discrètement de Lars et de sa soeur Jeanne.

« Une page semble à présent se tourner Sénateur Shadley ... » lui dit-il tandis que Lars l'observa, l'air dépité.

« Veuillez excuser mon frère Sénateur S'orn. Il est ... quelque peu anéanti de cette disparition. » répondit Jeanne chaleureusement.

« Je comprends tout à fait son ressenti. Il ne faut pas baisser les bras ni perdre le moral, la vie continue et votre fonction vous impose de garder le contrôle de la situation ... »

Plus facile à dire qu'à faire certainement. Grendo se remémora à cet instant l'enterrement de son propre père. Il avait été inconsolable durant des semaines, son père étant son modèle de vie, une perte incomparable pour le Neimoidien.
Alors qu'il conversait avec les deux Aargauniens, il comprit rapidement que Lars Shadley ne resterait plus longtemps à sa fonction de Sénateur de sa planète. L'homme avait changé, aucune lueur dans ses yeux, le tin pâle, le regard vide, peu de conversation et encore moins d'argument ... Sans compter sa réputation qui se dégradait à vue d'oeil au près du grand public. En comparaison à celle de sa soeur, qui était encore assez haute. Grendo ne connaissait pas de quoi l'avenir était fait mais il était prêt à parier qu'on entendrait encore parler de cette Jeanne Shadley dans un avenir assez proche.
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