Voyl Clawback
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Coruscant – Quartier 418e – Restaurant le Solstice – 9:23pm

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Le 418e. Un quartier parmi des centaines d'autre sur ce coin de la planète. Bien moins huppé que le 500e, mais loin d'être miteux. Plutôt bourgeoises, les habitations des sommets étaient moins hautes que les immenses gratte-ciels des lieux de pouvoir. L'agitation y était également moindre, à cette heure du soir. On pouvait trouver, dans les premiers niveaux qui bordaient les abysses urbaines, nombre de commerces de bonne réputation, même si leur nom restait somme toute confidentiel, ne se transmettant que de bouche à oreille.

C'était le cas du Solstice, restaurant dont le petit immeuble de cinq étages dépassait à peine ses voisins directs, dans la longue rue éclairée aux néons. Propre et relativement récent, l'endroit était l'exemple type de l'affaire sans histoire, très loin des cafés malfamés, tout autant des palaces rutilants. Au Solstice, pas de plats extravagant aux noms pompeux, pas de tapis rouges ni de cascade de diamant, mais une cuisine plus que correcte pour un prix décent, une ambiance d'un calme reposant dans un cadre très sobre. On pouvait y trouver une clientèle d'habitués, pour la plupart des habitants du quartier, des patrons de PME coruscanti, ou encore des touristes bourgeois ayant eu le nom du petit établissement par un commerçant du coin. Pas de quoi offrir une renommée interstellaire, non, mais une bonne réputation qui suffisait à faire vivre la boutique.

Et c'était pour beaucoup de ces raisons que Clawback en était devenu un client régulier depuis son arrivée sur la ville-monde. D'une part, il était quasiment certain de ne jamais y être dérangé, loin des lieux fréquentés par ses clients ou sénateurs ambitieux. D'autre part, parce qu'ici, ses propres moyens étaient largement au-dessus de ceux de la clientèle journalière, ce qui lui avait rapidement valu de se voir réserver une salle entière par un propriétaire très coopératif. Le représentant ne réservait jamais à l'avance, étant sûr d'être reçu quelque soit l'heure ou presque. Le Solstice était donc devenu, avec les ans, une sorte de repaire où Clawback pouvait mener ses affaires personnelles en toute quiétude, chaque tête lui étant connue, le personnel du restaurant connaissant en retour ses habitudes de métronome. Voyl y venait incognito, à bord d'une navette banalisée ou d'un taxi, mais jamais sans protection, ses allées et venues étant toujours signalées par son secrétaire au service de sécurité du CBI, qui se chargeait d'identifier les vaisseaux empruntés et de veiller à distance. Le Solstice avait beau être un endroit sans histoire, sur Coruscant comme ailleurs, les probabilités d'être la cible d'un dérangé quelconque n'étaient jamais nulles.

Nous étions donc un soir d'Atunda, le soleil finissait d'agoniser à l'horizon, et un petit vaisseau venait de se poser au pied de l'immeuble. Clawback et Reshord en descendirent, suivis par Droomos et un agent de sécurité en civil. Le secrétaire se retourna vers le pilote du vaisseau :

« Soyez de retour dans deux heures, vers 11:30 , ici-même.

-Aucun problème, j'y serai. »

Le taxi redécolla, alors que les quatre personnages entraient en file dans le restaurant. L'établissement était presque vide, la plupart des clients du soir ayant depuis longtemps achevé leur repas, les rares restant trainaient autour d'un dixième café tout en bavassant. Pourtant, le serveur qui les accueillit ne leur signifia pas que le restaurant fermait, bien au contraire :

« Bonsoir Monsieur le vice-directeur, le salua le jeune homme avec un radieux sourire, combien devons-nous compter de couverts ?

-Quatre, répondit Clawback, ces messieurs restent également. »

Il était rare que le service de sécurité se voit octroyer droit à collation durant le service, mais leur couverture n'en était que meilleure. Sous les quelques regards intrigués des derniers clients, le petit groupe traversa le premier étage et prit l'ascenseur. La salle où Clawback avait ses habitudes était une ancienne salle de réception, que le patron avait fini par réaménager au goût de son client après avoir été grassement payé pour. Ainsi, insonorisée et consciencieusement vérifiée par un Droomos peu confiant, la pièce était devenue une sorte d'annexe de ses bureaux, bien que moins luxueuse et à la luminosité réduite. L'éclairage dans les tons orangés donnaient, une fois la nuit tombée, une atmosphère étrange, presque glauque, à la pièce rectangulaire, au centre de laquelle trônait une longue table en duracier dépoli. Bien que Clawback fut souvent seul à y manger, il arrivait comme ce soir qu'il amenât avec lui des associés. C'était la raison pour laquelle il n'avait pas fait changer cette table immense.

Une fois les quatre parvenus au troisième étage, Droomos et son compagnon se postèrent dans la salle précédente, aménagée désormais avec des tables réservées au service et une série de plantes vertes. Ils laissèrent les deux muuns s'enfermer derrière la porte automatisée, et prirent place chacun d'un côté, comme les gardes qu'ils étaient.

« Par curiosité, demanda l'agent à Droomos, ils servent quoi de bien ici ?

-Un peu de tout, répondit Shfal de sa voix grave, perso j'trouve que c'est pas mauvais. Après, ça vaut pas les petits plats des ministères, mais leur spécialité de grillade de bantha aux herbes vaut le détour.

-Ah ouais... Je pense que je vais prendre ça, alors. »

Pour une fois que le patron offrait la pitance, il n'allait pas rater l'occasion, pardi. Surtout qu'il n'avait rien avalé depuis midi.

Pendant que Reshord déposait tout leur matériel de travail sur la table, Clawback fit le tour de la pièce et se posta devant une fenêtre, scrutant la rue en contrebas.

« Si je peux me permettre, demanda alors la voix flutée de Reshord dans son dos, ne craignez-vous pas que la mort de Janos ne provoque encore quelques troubles sur Aargau ? La crise vient à peine de prendre un tournant favorable et voilà que... Enfin, j'ai reçu quelques avis mitigés de nos services sur la question... »

Clawback ne répondit pas tout de suite, ses mains s'agitant dans son dos, le regard toujours fixé sur la déambulation des piétons au bas de l'immeuble.

« Il est évident que ce sera le cas, finit-il par répondre d'une voix monocorde, et on pourrait parier que c'est ce que souhaitent certains fauteurs de trouble. Mais n'oubliez pas que les forces républicaines sont toujours déployées sur place. Si troubles il y a, ils seront rapidement matés. »

La porte s'ouvrit et le propriétaire du Solstice, un petit homme bien en chair et blond comme les blés, entra, accompagné du jeune serveur. Alors que le premier se dirigeait vers ses invités, le second s'empressa de dresser la table.

« Messieurs, comme toujours c'est un plaisir de vous voir, affirma-t-il en s'inclinant bien bas, nous... faisons comme d'habitude ? »

Les mains écartées et le sourire au coin des lèvres laissait deviner qu'il connaissait d'avance la réponse. Clawback ne s'étant toujours pas détourné de sa fenêtre, Reshord réagit au quart de tour en répondant à sa place :

« Oui, comme d'habitude, cela ira très bien. »

Les deux hommes ressortirent comme ils étaient venus. Le secrétaire se retourna alors vers, inquiet de le voir soudain si peu respectueux des conventions et... prostré. La main de Clawback vint se poser sous son menton d'un air soucieux. Une inhabituelle tristesse se dégageait de lui : il paraissait... abattu ?

« Un problème, monsieur ? se risqua Reshord. »

Voyl ferma les yeux et soupira.

« Oh, ce n'est rien... Des pensées. Rien d'autre. Je ne devrais pas m'embarrasser de ça. »

Il se retourna vers son associé en mal d'information. Visiblement, sa tentative pour éluder la question n'avait pas fonctionné. Il continua malgré tout d'esquiver le regard inquiet du secrétaire.

« Avez-vous des nouvelles de Sael ? Il devrait déjà nous avoir communiqué le bilan annuel...

-Non, pas encore. Mais je lui ai laissé un message à ce sujet. »

Clawback acquiesça d'un air blasé. Mettre Reshord en défaut était devenu quasiment impossible avec les ans : ils se connaissaient désormais trop bien l'un l'autre. Le secrétaire savait anticiper ses demandes à la manière d'un sixième sens. Quant à lui, il savait deviner l'opinion de son ombre sans même le regarder ou l'entendre. Une relation étrange. Presque malsaine, auraient pu dire certains. Car ni l'un ni l'autre n'était dénué d'ambition, que du contraire.
Tôt ou tard, leur silencieuse complicité prendrait une tournure dangereuse. Clawback le savait, et il escomptait que son protégé avait conscience de cette ambiguïté. Reshord n'avait jamais été un rival : même avec toute la bonne volonté du monde, il n'avait ni ses capacités intellectuelles, ni une fortune de son acabit. Mais il avait su faire son trou, au point de se rendre indispensable. Il abattait une quantité de travail non négligeable à ses côtés, et prenait des décisions judicieuses. Voyl voyait Hex comme un moyen de l'atteindre lui, un vecteur privilégié par les autre requins du Clan pour le faire chuter le moment venu. Et plus les années passaient, plus le moment en question se rapprochait : viendrait en effet un temps où Eser Goldfield serait contraint de laisser sa place. Ce serait alors un massacre fratricide en règle pour élire le nouveau président. Et Reshord savait que tout comme les cinq autres membres du conseil, Clawback serait l'un, sinon le, premier à tirer le couteau. Il savait également, de par plusieurs de ces petites discussions pleines de demi-confidences avec son 'mentor', que cette place avait une valeur toute particulière aux yeux de Clawback : une revanche à prendre. Pas la sienne, mais indirectement, celle de son père avant lui. Beaucoup de secret que le muun gardait par respect de ses engagements envers Voyl. Les garderait-il toujours ? On était jamais sûr de rien.

« Sauf votre respect... insista Reshord après un nouveau silence, puis-je savoir ce qui vous tracasse ? Je vous trouve bien... morose, depuis quelques temps. Je ne voudrais pas paraître insistant mais... Vous savez combien je tiens à vous décharger de vos... poids lorsque je peux le faire... »

En cela, oui, Reshord s'avérait être le seul être que Clawback tolérait à ses côtés dans ces moments-là.

« Vous n'avez pas d'inquiétude à avoir. Ce n'est que d'ordre privé... hum, enfin, presque, si l'on considère les retombées que cela peut avoir par ailleurs. »

La curiosité de Reshord était piquée à vif. Alors que Voyl regagnait la fenêtre, il lui emboîta le pas, restant néanmoins à une distance respectueuse, lègèrement sur sa droite.

« Il y a quelques mois... dit Voyl avec un effort visible, j'ai fait une promesse. Une promesse que je pouvais repousser le temps que durait cette... crise. Désormais, je ne peux plus reculer. »

-Et... qu'avez-vous promis ? »

Le ton laissait présager qu'il appréhendait la réponse. Dans quoi s'étaient-ils encore embarqués ? Malgré son intelligence, Clawback n'était pas exempt de défaut, et certaines de ses « promesses » avaient parfois manqué de leur coûter très cher, au sens propre comme au figuré.

« Mon mariage. »

La nouvelle fit l'effet d'un seau d'eau froide sur Hex.

« De...vous ? Vous marier ? »

Sa voix était devenu aiguë sous le coup de la stupeur. Il eut un petit rire nerveux, avant de se reprendre. C'était absurde.

« Vous ? M...Marié ? Je...Je dois avoué que...je ne m'y attendais pas... C'est... »

L'idée avait de quoi surprendre, et même rendre hilare. Après près de soixante-ans de célibat, voilà que Voyl se mettait à parler mariage. Une seule explication possible à ce tour de force : on l'y avait forcé... et Reshord, muun de son état, devinait sans trop de peine qui et pourquoi. Les règles de leur société avait cela de pratique qu'elles étaient parfaitement immuables.

« Moi non plus. Mais c'est une promesse faite à ma mère. Cela fait des décennies que mon père avait arrangé ces histoires. Mais il n'avait jamais eu mon accord. Jusque-là. Je dois voir les choses, en face, Reshord, nul n'est éternel. Les Clawbacks ne doivent pas mourir avec moi, je n'ai pas le choix. »

Ainsi, il avouait sans réellement le dire qu'il ne souhaitait pas plus ce mariage que d'entrer en religion chez les Jedis. Reshord baissa les yeux sur ses chaussures, soudain mal à l'aise.

« Et... savons-nous qui est l'heureuse élue ? »

Le regard perdu au loin sur l'avenue éclairée comme en plein jour par les néons criards, Voyl était plongé dans ses souvenirs. Oh, il se souvenait parfaitement de ce qui lavait mené dans cette impasse : c'était le soir du vote des nationalisations au Sénat. Comment aurait-il fait pour oublier une soirée pareille ?

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Des mois plus tôt - sur Coruscant

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« Mais enfin... dis quelque chose ! Ne reste pas planté là comme un bégonia en terre ! »

Rares avaient été les fois où Voyl avait vu son père dans un tel état. Dan était sorti de ses gonds dès l'annonce officielle, faites quelques heures auparavant par les portes-paroles du gouvernement. Nia, sa mère, restait elle aussi muette, son hologramme scintillant à côté de celui de Dan, dans l'immense salon des appartements coruscanti de Voyl.

« Et que voulez-vous que je dise, père ? Répondit Voyl d'une voix blanche une expression de profonde lassitude creusant ses traits, il n'y a rien à dire... Nous faisons parti de la République. Ce qui inclus de se soumettre à ses lois...

-Ses lois... gronda Dan, furieux, SES lois ! Vous appelez ça des lois ? Ils nous exécutent en place publique, oui ! C'est... scandaleux. Honteux. Nous qui avons toujours servi la République avec loyauté, voilà comment elle nous le rend ! En nous poignardant dans le dos, de la plus belle des manières !

-Je suis tout autant que vous, père, mais comprenez... nous ne pouvons rien faire ! Si ce n'est contester ces prises de décision au nom de la liberté d'expression. La presse nous y aide.

-Tout cela à cause de ces rats fangeux de socialistes ! De ces vendus aux impériaux qui coulent leurs navires en espérant on ne sait quoi ! »

Voyl lança un regard désespéré à sa mère. Celle-ci sortit alors de son silence, replaçant son châle sur ses maigres épaules.

« Cessez de pester ainsi, Dan. C'est inutile et cela ne vous arrange pas la santé. »

Elle lui jeta un regard chargé de reproches qui eut un effet immédiat.

« Certes, vous avez raison, je ne devrais pas m'emporter de la sorte. »

Il toussa et se détourna.

« Nous sommes tous en colère, dit Nia en se tournant vers son fils, mais que cela ne nous ôte pas tout bon sens. Le gouvernement n'a pas fait cela à la légère, osons l'espérer, et cette situation est exceptionnelle : nous sommes en guerre. La République est endettée, sans les fonds nécessaires, elle tombera fatalement. Du moins, je pense que c'est ainsi que l'on peut raisonner. Une guerre reste une guerre.

-Une guerre qui va nous ruiner, tonna Dan en tournant le dos au comlink.

-Le gouvernement n'a rien dit, avoua Voyl, il y a en ce moment même des affaires plus... urgentes. Cependant, vous avez raison, mère, c'est ainsi que cette mesure nous a été présentée. Ainsi que pour le financement des réformes sociales à venir.

-Qu'est-ce que je disais ! s'exclama Dan, de nouveau hors de lui, ces chiens vont nous faire dormir sous les ponts !

-Pour l'amour du Trésor, Dan, maîtrisez votre langage ! C'est inconvenant.

-Pardonnez-moi, ma chère, mais appelons un rancor un rancor. Je ne vais pas cacher mes idées sous prétexte qu'elles ne conviennent pas à une bande de petits bienpensants arrivistes et paresseux ! »

Dan s'éclipsa en râlant et son hologramme disparut. Voyl se passa une main sur le front, alors qu'il se félicitait de se trouver dans une pièce parfaitement insonorisée. Son père ne s'était pas amélioré avec l'âge.

« Il s'y fera, ricana Nia en agitant la tête d'un air ironique, ce genre de nouvelle a toujours du mal à passer, c'est normal.

-Qu'il se rassure, sourit Voyl, elle n'est pas mieux passée ailleurs. »

On entendit la voix de Dan au travers du comlink, mais il était trop loin du champ d'action pour que ses mots aient un sens.

« Dans un tout autre registre, reprit Nia, d'un ton bien plus léger et aimable, nous avons reçu une invitation il y a trois jours, de la part des Vault. Une réception, qui aura lieu dans deux semaines dans leur villa, à Sirainan.

-Les Vault ? Je ne vois pas...

-Oh, je me doutes bien que tu ne vois pas, fit-elle avec un regard acéré, c'est pourquoi je vais droit au but : leur cadette, Shiney, cherche toujours un bon parti... »

Ah non, elle n'allait pas remettre ça ! Pas dans un moment pareil... Voyl secoua la tête, agacé.

« Je n'ai absolument pas le temps de me préoccuper de cela, mère !

-Tu me disais déjà cela il y a dix ans Voyl, répondit Nia, acide, il serait plus que temps que tu songes à nos intérêts communs plutôt qu'aux tiens. Tu n'es plus un jeune poussin naïf, loin s'en faut, et j'aimerais pouvoir partir dans l'autre monde en paix, avec une descendance assurée. Tes ouailles ne vont pas s'envoler, et tu as largement les moyens de déléguer tes tâches pour une petite semaine. Shiney est une femme absolument charmante, et loin d'être l'une de ces pimprenelles sans cervelle. Crois-moi. Quant à ses... arguments - elle eut un petit rire sarcastique - je ne pense pas qu'il soit nécessaire de te rappeler qui sont les Vault, n'est-ce pas ? Une si belle union... »

Voyl poussa malgré lui un profond soupir. Il devait avouer que le piège s'était refermé sur lui avec une efficacité redoutable. Sa mère, bien que souvent discrète et aussi peu loquace que lui, avait le chic pour le mettre en défaut. Il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir : plus de trente ans qu'elle désespérait de le voir un jour marié. Mais le problème restait le même : il n'y avait aucune place dans sa vie pour une femme, aussi intelligente soit-elle, et encore moins pour une famille... Quoi, était-il déjà si vieux qu'il lui fallait renoncer à sa carrière, se retrancher sur une planète lointaine comme les autres et y vivre tranquillement jusqu'à la fin de ses jours ? Il avait désormais bien trop l'habitude de ce train de vie infernal sur des mondes cosmopolites pour revenir à Harnaidan et y mener la vie paisible d'un retraité.

Maintenant, essayer de trouver une excuse idiote pour échapper à cette invitation était s'exposer à de lourdes représailles. Y compris de la part des hôtes : Voyl n'était pas sot au point de croire que Vault père ne serait pas au courant de sa débinade, tôt ou tard. Et chose rare, il respectait trop l'ancien directeur pour risquer de se le mettre à dos.

« Je suppose que vous ne me laissez pas le choix, dit-il, sombre,

-Je ne comprend pas ce qui te gênes, de quoi as-tu donc peur ? »

De beaucoup de chose, avait-il envie de répondre. D'abord parce qu'il n'avait jamais fréquenté la moindre femme, hormis les élèves qui avaient partagé ses bancs d'école durant son adolescence et cette fichue soirée étudiante qui l'avait bien mis dans l'embarras, ensuite, parce qu'il savait pertinemment que si l'amour n'avait rien à voir avec leur conception du mariage, Shiney serait malheureuse. Parce qu'il n'aurait pas de temps à lui accorder. Parce qu'il serait certainement incapable de la comprendre, lui et ses raisonnements de machine sans aucune subtilité. Et parce qu'enfin, elle n'accepterait jamais de le suivre sur Coruscant ou ailleurs, et qu'ils ne se verraient donc qu'une fois tout les douze ans, avec un peu de chance. Comment était-il sensé devenir père et éduquer un enfant dans ces conditions ? Lui-même admirait ses parents pour cela : ils avaient fait un choix de vie qu'il ne comprenait pas, mais qu'il admirait, quelque part.

« Ce serait trop long à vous expliquer. Mais... soit. Je tâcherais de m'arranger pour me... libérer.

-Voyl.

-Oui ?

-Jure-moi que tu viendras. Que tu accepteras enfin de te marier. »

Il baissa la tête et regarda ses pieds une longue seconde, comme un enfant pris en faute. Il était dos au mur.

« Je vous le jure, mère.

-Très bien, fit Nia, soulagée, il me tarde que ce jour arrive. »

La réciproque était loin d'être vraie.

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Coruscant – Quartier 418e – Restaurant le Solstice – 9:54pm

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Shiney Vault. "

Voyl avait répondu, toujours face à la vitre, sans l'once d'une émotion dans la voix. Reshord haussa les sourcils, visiblement surpris.

"Vault ? Vous voulez dire... ? Je ne savais pas que les Vault avait une fille à marier.

-Elles sont deux Reshord. Shiney est la cadette. Je ne la connais pas, mais j'ai déjà rencontré son aînée. Elle était au bareau d'Harnaidan lorsque ma mère a pris sa retraite.

-J'imagine qu'une telle alliance a été mûrement réfléchie.

-Oh, rien n'est encore arrêté, fit Clawback, irrité, ne nous emballons pas. J'ai promis à ma mère de rentrer sur Muunilinst dès que cette crise serait réglée. Or nous pouvons sans divaguer dire que c'est en bonne voie.

-Et... quand... pensez-vous... ?

-Le temps de déléguer les tâches et de régler les détails du voyage. Guère plus d'une semaine. Je tâcherais de ne pas m'attarder. Mais vous connaissez les habitudes.

-J'imagine en effet que votre belle famille va vous passer au crible ?

-Quoi ? Oh, je ne parlait pas d'eux. Tyen Vault est un être que j'apprécie particulièrement, et son épouse est décédée il y a deux ans maintenant.

-Ah, je ne le savais pas...

-Eh bien maintenant vous le savez. Non, je parlais de mon côté à moi. De ma chère mère en particulier. "

Reshord détourna le regard et se mordit la lèvre pour ne pas rire.

"Quoi qu'il en soit tout ce remue-ménage ne va pas aller sans inconvénient. Je compte sur vous pour tenir le département en bon ordre de marche. Je ne serais certainement pas disponible même une fois sur place.

-Bien sûr, vous savez à quel point je tiens à ce que tout soit en ordre ! Mais la responsabilité n'en revient-elle pas à monsieur Key ? En tant que sous-directeur, il... "

Voyl se retourna d'un coup et haussa les épaules d'un air profondément méprisant.

"Vous savez pertinemment ce que je pense de Key, Hex, ne faites pas votre hypocrite. C'est un baratineur, rien de plus. "

Un bruit de pneumatique les arrêta : un chariot pénétra dans la salle, poussé par le chef.

"Voici vos commandes, messieurs, en temps et en heure ! J'espère que tout vous convient. "

Les deux muuns se rapprochèrent de la table en un seul mouvement, le regardant faire avec une attention qui le mit rapidement mal à l'aise. Clawback inspecta les plats d'un oeil sévère. Le restaurateur resta silencieux, jetant un regard nerveux à son client.

"Merci bien, le renvoya Clawback d'un ton sinistre, laissez-nous. "

L'austère hostilité du banquier décida l'homme blond à faire demi-tour avec son chariot. Une fois les portes refermées, Voyl fit le tour de la table à pas lents, détaillant tout ce qui s'y trouvait comme si un piège s'y trouvait caché. Puis il tira une chaise et s'assit. Après une seconde d'hésitation, Reshord fit de même et se plaça face au vice-directeur.

"C'est sur vous que je compte le plus, Reshord, et vous le savez."

Il savait aussi que le muun aurait donné beaucoup pour pouvoir le suivre et assister aux négociations entre familles - faites bien avant la cérémonie officielle, qui n'était qu'une mise en scène sans substance, tout ayant été réglé à l'avance.

"C'est un honneur d'avoir votre confiance.

-Et une responsabilité aussi. Quoi qu'il se passe durant mon séjour, je veux en être tenu informé dans les plus brefs délais.

-C'est évident.

-Ce mariage sera avant tout une affaire entre Tyen et mon père. Ils ne s'entendaient pas vraiment à l'époque, vous comprenez aisément pourquoi... Maintenant, je suis seul héritier de ma famille, ce contrat me revient.

-Et qu'en est-il de mademoiselle Vault ?

-Elle y sera, elle a son mot à dire, et contrairement à ce que veut la croyance populaire, une femme sait se faire entendre quand elle le veut. Je n'en doute pas. Tout ce que j'espère, c'est que nos exigences convergeront. Je me lasse déjà de joutes verbales interminables. "

Il n'y avait qu'à voir Nia Clawback. Silencieuse et aussi discrète qu'une ombre la plupart du temps. Une véritable furie lorsque leurs intérêts étaient en jeu. Même une Neimoidienne en aurait eu peur. On attribuait toujours plus ou moins les faits à son mari Dan, mais la vérité était bien moins simple. Nia, née Tonith, était des rares muun à ne pas avoir de scrupules quand le recours à la violence lui semblait nécessaire. En cela, elle avait longtemps terrifié et ses domestiques, et son propre mari. Voyl lui, n'avait guère eu l'occasion de se rendre compte de cette "facette" de la personnalité ombrageuse de sa génitrice. Pour son salut. Reshord, lui, en avait eu un aperçu un jour, et en gardait un cuisant souvenir, qu'il avait toujours caché à Clawback. La Niarpie, voilà le sobriquet qu'il lui donnait en cachette.

"Et votre...euh, mère ? Sera-t-elle de la partie ?

-Oh, à n'en pas douter. C'est elle qui a organisé cette réunion. Elle souhaite me voir marié au plus vite. "

Son expression le dispensa de tout commentaire supplémentaire.

"Et... une fois un arrangement trouvé ?

-Eh bien nous trouverons une date. Ma famille se fera un plaisir de me délester des tâches ingrates que nécessite l'organisation d'un tel évènement. Comprenez que l'on décidera à ma place. Et pour une fois, je m'en réjouis : tout cela me donne mal au crâne d'avance. Et rien qu'à imaginer les dépenses..."

Par les coffres et les digicodes, non, il ne voulait même pas y penser. Il attrapa sa fourchette et commença à manger d'un air préoccupé.

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A l'extérieur de la pièce, autour d'une petite table pour deux, les gardes venaient de se faire apporter leur pitance par le jeune serveur propre sur lui. Mais la commande ne semblait pas au goût de Shfal, qui ne mit pas longtemps à lui rentrer dans le lard sans la moindre forme.

"C'est pas ce que j'avais commandé. "

Le serveur baissa le nez sur l'assiette qu'il venait de déposer devant l'alien.

"Pourtant monsieur, j'avais bien noté...

-T'avais noté la petite musique que t'avais dans la tête oui ! J'ai une tronche à bouffer de la salade ?

-N-Non.

-Alors sois gentil et remballe-moi cette merde. "

A côté, le deuxième agent ne put s'empêcher d'éclater à moitié de rire dans sa serviette.

"Ben dis donc, il a pissé dans son slip ou quoi ?

-J'crois bien ouais. C'est marrant. "

Il bascula contre le dossier de son siège et croisa les bras, très satisfait de sa petite incartade.

"J'voudrais pas m'mêler de ce qui me regarde pas mais, euh, pourquoi on vient là ?

-Pour être tranquille.

-Du genre ?

-Du genre que Clawback aime pas parler de truc privés devant le tout Coruscant et j'le comprend. Putain de nid de vipères à la con.

-Ok. mais pourquoi ici ? Des restos tranquilles, y en a des tas.

-Là, tu rentres un peu dans le technique, coco. J'en sais rien. Je veux pas savoir. "

Il se pencha vers l'ascenseur.

"Alors ?! C'est pour aujourd'hui ou pour le nouvel an sur Bakura ?! "

*Bande de branleurs*

Mais ça, il eut la décence de le garder pour lui. Heureusement, les portes vers le salon étaient étanches.
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Muunilinst – Haut-Port – Centre Commercial – 10:17am

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Il était finalement parti. Après avoir passé les cinq dernier jours à organiser son remplacement durant une semaine, Voyl Clawback avait fait ses valises et quitté Coruscant à bord d'une navette privée qui le rapatriait sur Muunilinst. Non pas pour une quelconque affaire d'importance – quoique – mais pour, officiellement, une simple « réunion de famille ». Une famille qui comprenait en réalité plus d'une centaine d'individus, des simples oncles et tantes aux cousins de troisième degrés par alliance en passant par les cousines germaines et les grand-parents des dites cousines. Les Vault étaient l'une des plus grande famille de Muunilinst, mais surtout, l'une des plus puissantes, et ce depuis déjà plusieurs siècles, bien qu'il eut toujours des mauvaises langues prédisant leur déclin prochain. Autant dire que si l'union se faisait, ce n'était pas pour les beaux yeux d'une princesse esseulée, ni pour les sentiments d'un prince qui n'avait somme toute rien de bien charmant.

La navette déposa Voyl au Haut-Port, le spatioport de Muunilinst, stationné en orbite basse et relié au sol via une gigantesque passerelle de plus de quatre kilomètres de long. Il prit son temps pour descendre, flânant un peu dans les immenses galeries marchandes. Voilà des années qu'il ne s'était pas livré à cet exercice : s'acheter un vêtement. Ses costumes, toujours les mêmes, il les portait chacun pour des occasions différentes. S'en acheter un pour celle-ci lui paraissait un bon moyen de se faire bien voir, et surtout une excellente excuse pour ne pas arriver en avance au rendez-vous prévu par sa mère.

Après une bonne heure à tourner dans les boutiques, flanqué d'un domestique qui transpirait à le suivre et d'un Droomos pas enclin à le lâcher d'une semelle, Clawback jeta son dévolu sur une longue veste en velours pourpre au col montant,  portée avec une chemise beige agrémentée de fins motifs dorés, et d'un pantalon noir soutenu par une large ceinture en soie. Une tenue inhabituellement colorée, pour lui qui portait indifféremment du violet sombre au bleu marine. Mais le pourpre du velours lui plaisait, et il imaginait d'avance la surprise de ses proches en le voyant arriver avec quelque chose d'aussi ostentatoire. Une provocation qui lui allait bien.

Il passa commande auprès du marchand pour obtenir un ensemble à sa taille, et y apporter également quelques modifications personnelles. Une fois satisfait, on lui indiqua que son achat serait prêt d'ici deux heures. Il lui fallait donc patienter encore avant de pouvoir quitter le Haut-Port.

" Et maintenant, on fait quoi ? glissa Shfal à son employeur avec la tête d'un malheureux qui vient d'être jeté dehors,

-On profite de l'instant qui nous sépare des retrouvailles, soupira Clawback avec un air douloureux. "

Mais le temps eut beau passer relativement lentement, il vint le moment de partir, le domestique se chargeant de récupérer l'achat tandis que le vice-directeur, flanqué de sa garde, passait les contrôles de sécurité d'usage. Ici, il ne connaissait quasiment personne - n'ayant que rarement eu affaire au Haut Port - mais bizarrement, lui, tout le monde le connaissait. Bizarrement, sauf si l'on considérait qu'il était désormais une sommité sur ce coin perdu de la Bordure Extérieure, pourtant plus vieux centre financier de la galaxie, bien avant Aargau ou Coruscant.

" Voilà bien longtemps qu'on ne vous avez plus revu par ici, monsieur Clawback ! lui lança le contrôleur, un vieil ami d'enfance de son maudit cousin Lan, bon retour parmi nous !

-Merci, grinça l'exilé volontaire avec un sourire pincé, je ne suis que de passage. "

Façon de dire que la conversation s'arrêtait là. Une fois dans la navette, Voyl put enfin se plonger dans la revue des contrats qu'il escomptait avoir dans les jours prochains. Certainement les plus importants depuis bien longtemps, et tous les coups étaient permis. Il n'était pas revenu pour passer de bonnes vacances, ça non ! Mais le muun s'en moquait bien : s'il réussissait, il se rapprocherait d'autant de son but. Guigner le plus haut poste du CBI, soit par là même supplanter son très cher paternel dans la course au pouvoir et mettre un terme définitif aux ambitions de certains. Un dur labeur, de longue haleine, mais qu'il travaillait depuis longtemps déjà.

Par le hublot, l'atmosphère changeait doucement de couleur, pour passer du bleu foncé à un bleu-gris très clair : les nuages étaient nombreux, et il ne faisait pas spécialement beau ce jour-là sur Harnaidan.

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Muunlinst - Yshigam - Villa des Vault - 10:34am


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La villa champêtre des Vault avait des airs de petits châteaux qui aurait paru complètement démodé à un coruscanti, mais qui plaisait bien à Voyl, amateur du style harnaidani, vieillot et pompeux. Le vaisseau les déposa juste à l'entrée du domaine, parfaitement entretenu sur le moindre mètre carré. Même les collines avoisinante semblaient s'être mis au diapason des propriétaires exigeants de la demeure. Dans le véhicule, Nia jubilait sur son siège, à côté de Voyl qui n'en pouvait déjà plus. Il avait toujours apprécié sa mère - il était certainement le seul - sauf lorsqu'il était question de mariage. Elle lui devenait subitement insupportable.

" Tu as pensé à leur amener le...?

-Oui mère, la coupa Voyl d'un ton sec, vous me l'avez déjà demandé TROIS fois !

-Ah bon, il me semblait que... bon, bon, très bien. "

Comme si un être tel que lui pouvait oublier quelque chose ! Il était capable de mémoriser le nombre , alors faire la liste des documents à amener... Clawback soupira lourdement en fermant les yeux d'un air exaspéré. Dan, son père, scrutait la villa par la fenêtre d'un oeil critique.

" Hmpf, cette haie, c'est d'un goût... Bah.

- Elle est très bien, cette haie, le contredit Nia avec une voix offusquée, ne commencez pas à faire votre gundark mal léché, nous nous devons d'être irréprochable !

-Irréprochable, l'imita Dan avec un regard assassin, pas faux-cul pour autant ! "

Malgré les ans, la vieille rivalité qu'il avait savamment entretenu avec l'ancien directeur lui donnait la critique facile. Bras croisés, il se détourna de sa femme pour continuer son inspection malveillante. Voyl ignora l'altercation, concentré sur son datapad. Il faisait bien une tête de plus que ses deux géniteurs, et sa prestance restait autrement plus impressionnante que celle de son brillant paternel, voûté par les ans. Un point qu'il avait noté quelques années plus tôt, lui qui avait jusque là vécu dans l'ombre de ce ponte de la finance, toujours rapporté à son patronyme plus qu'à sa carrière émérite. Et le rejeton ambitieux en était finalement venu à la conclusion que ce temps-là était révolu. Il lui avait fallu le temps, mais tout venait à point à qui savait attendre. Voyl n'était pas spécialement patient, sauf quand il n'avait pas le choix.

Lorsqu'ils furent introduits parmi leurs hôtes, Dan ouvrait la marche comme le voulait la tradition, suivi de son fils et de sa femme. Tous sur leur trente-et-un, les muuns endimanchés avaient fière allure pour un œil profane, mais entre eux, chacun savait à quoi se rapportait ses habits, les couleurs choisies et les motifs cabalistiques qui les ornaient, qui s'avérait en réalité être de l'ancien script muun. C'est donc en toute connaissance de cause que chacun affichait son statut et celui de sa dynastie : on traitait ici de l'avenir de puissantes familles, de fortunes colossales, mais surtout, d'influences rampantes et très étendues, bien au-delà des frontières de cette innocente campagne verdoyante.

"Mes chers amis, les accueillit Tyen Vault, patriarche de la maisonnée, c'est une joie immense que de vous accueillir chez moi. Soyez les bienvenus.

-Et c'est un honneur que d'être reçu en amis chez vous, déclara Dan d'un ton un peu trop froid pour être parfaitement honnête.

Les deux anciens rivaux se saluèrent avec un froid respect. Puis, Vault se tourna vers Voyl, un sourire plus sincère l'animant soudain.

" Voyl, voilà bien des années que je n'avais eu l'occasion de vous voir en chair et en os ! Je suis plus que satisfait de voir avec quelle efficacité vous avez pu vous libérer pour cette entrevue.

-Je suis votre obligé, le remercia Clawback avec une révérence de circonstance. "

Tout ce bon protocole, il le connaissait par cœur, depuis sa plus tendre enfance. Des centaines de règles implicites que tout représentant de la haute société se devait d'apprendre pour faire partie du cercle très fermé et très convoité des décideurs.

" Votre vie sur Coruscant doit être à l'image de ce monde trépidant, j'imagine ?

-Vous imaginez fort bien. Mais c'est ce qui fait son charme : les journées passent et ne se ressemblent pas.

-On me dit beaucoup de bien de votre travail aux Communications. Vous connaissant, cela ne m'étonne guère.

-La galaxie compte aussi beaucoup de flatteurs et encore plus de flagorneurs, ricana à moitié Voyl, faussement modeste, mais je n'ai pas à rougir de mes récentes mesures, en effet. Le CBI a déjà remporter plusieurs marchés prometteurs grâce à quelques unes de nos campagnes publicitaires.

-Hâte de voir cela ! "

Derrière eux, Nia se gonfla de fierté comme un paon. Ils se laissèrent décharger de leurs effets personnels et suivirent leur hôte dans le salon. L'endroit était à l'image de la richesse des propriétaires, et n'avait pas grand chose à envier à la demeure des Clawback. En somme, ils auraient tout aussi bien pu être chez eux. Seule la couleur des rideaux déplut à Voyl, qui bien entendu se garda bien de le montrer : il l'aurait adorée si cela lui avait permis d'obtenir ce qu'il voulait.

"Shiney est en route, leur précisa Tyen, elle avait une affaire urgente à régler, et vous prie de l'excuser pour cette déconvenue.

-Elle est toute excusée, mentit Voyl, déçu, je sais de quoi il retourne. Les impondérables...

-Une vraie plaie. "

On leur servit la boisson locale dans de grandes tasses, pour lesquelles il aurait fallu deux mains humaines. Clawback, qui avait pris l'habitude d'empoigner la vaisselle humaine à pleine paume faute de pouvoir passer les doigts dans les anses en fut ravi. Au fond, même s'il ne se l'avouait qu'à moitié, Muunilinst lui manquait. Bien moins que dans sa prime jeunesse, où le mal du pays l'avait longtemps rongé, mais tout de même. On était toujours mieux parmi les siens qu'au milieu d'une horde hétéroclite amassée sur une planète qui n'en était plus une.

" Je vous avoue Voyl, que je suis soulagé de savoir Shiney convoitée par quelqu'un d'aussi sérieux, déclara Vault de but en blanc après avoir échangé les banalités d'usage avec Nia, parmi tous ses prétendants de ces dernières années, aucun ne me présentait de garanties bien solides. Le seul qui aurait pu vous faire de l'ombre était le cadet Tonith, mais suite à ces récentes frasques en matière fiscale, je doute que nous le revoyons par ici avant longtemps... "

Voyl sourit d'un air entendu, mais pesait en silence les paroles de son hypothétique beau père : il n'avait pas intérêt à faire de gaffes. Dan, touillant sa tasse avec des airs de prêtre au confessionnal, lâcha d'un ton détaché :

" Si je ne vous connaissais pas, Tyen, je prendrais presque comme une insulte cette comparaison. Voyl est d'une autre trempe que ce bellâtre de pacotille.

-Tout à fait, dit Tyen avec un sourire carnassier à l'adresse du père, c'est ce qui me fait dire aujourd'hui que je suis tout disposé à ouvrir les négociations. Après tout, qui mieux que les Clawback et les Vault connaissent la valeur de nos coutumes maintes fois millénaires ? "

Les sourires s'affichèrent sur les visages autour de la table : le coup de sifflet marquait l'ouverture du match. Sous ses airs imperturbables, Voyl grattait furieusement du sabot. Il lui tardait de jouer ses cartes. Mais avant que qui que ce soit ait pu entamer la partie, une servante empressée vint les interrompre :

"Mademoiselle Vault est arrivée monsieur. Dois-je la faire patienter ?

-Bien sûr que non voyons ! Qu'elle entre ! Nous n'attendions qu'elle ! "

Les coeurs de Voyl ratèrent un battement. Il n'avait jamais vu Shiney Vault, il ne savait absolument pas à quoi elle pouvait bien ressembler. Mais alors que les minutes passaient, personne n'entrait dans le salon. Gêné, Tyen finit par tendre le cou vers le couloir :

"Voilà qui est étrange. Je vais aller voir...

-Ne vous donnez pas cette peine, dit Voyl en prenant les devant, je me fais un devoir de l'accueillir moi-même. "

Vault acquiesça d'un air appréciateur, et continua de fixer le représentant alors que celui-ci disparaissait dans l'ombre. Il arpenta le rez de chaussée au hasard des pièces décorées et finit par trouver ce qui lui semblât être deux domestiques, l'une vêtue d'un simple tablier, l'autre d'une robe d'une simplicité presque épurée, sans aucune décoration. Il les entendit deviser à voix basse, trop loin d'elles pour en saisir la teneur. après une brève hésitation, il s'approcha, les mains dans le dos et l'air préoccupé. Lorsqu'il parvint à leur hauteur, il ne prit pas la peine d'entamer de quelconques salutations avant de demander, légèrement froid dans la forme :

"Excusez-moi mesdames, mademoiselle Shiney Vault ne devait-elle pas arriver sous peu ? "

Les deux demoiselles échangèrent un regard surpris, puis la première s'effaça un peu, le rose aux joues. La plus grande se tourna complètement vers lui, ses yeux d'un bleu inhabituellement pâle pour une muun le fixant avec incrédulité. Elle se redressa et le toisa d'un air indéchiffrable.

"Je suis Shiney Vault, déclara-t-elle, solennelle, avec une note d'amusement dans la voix, je m'occupais simplement de régler un détail d'ordre logistique. "

Voyl resta interdit, conscient de sa bourde monumentale. Il s'inclina un peu précipitamment.

"Toutes mes excuses. C'est un mal entendu. "

Il porta la main à la base de son cou, à plat et se présenta à elle comme il le devait :

" Je suis Voyl Clawback, mademoiselle. J'ai l'honneur et la joie de demander aujourd'hui votre main à votre illustre père. Nous vous cherchions."

Ce fut au tour de Shiney de le dévisager d'un air coi, ses petits lèvres maquillées formant un :

"Oh. "

Surpris. Tout était dit.



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