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Epuisée. Ereintée. Vidée. Alyria était assise, exsangue, contemplant la porte de son bureau d’un air absent. Elle avait sans doute vécu la journée la plus longue de son existence, et n’arrivait toujours pas à réaliser tout ce qui venait de se passer en seulement quelques heures. Comment une poignée de secondes pouvait emporter ainsi toute une vie comme un simple fétu de paille transporté au gré du vent du destin ?

Elle savait que ce genre de choses était possible. Dans un combat, une seconde, un simple moment d’inattention pouvait être fatal, mettre un point final à l’aventure de l’existence, ou la changer brutalement. La maîtresse d’armes avait expérimenté ce type de retournement de situation au plus profond de son âme, dans sa chair, encore douloureusement marquée. D’un air absent, elle enleva le gant qui recouvrait sa main gauche et son regard se posa sur sa prothèse, dans un mouvement qui semblait destiné à refléter sa réflexion interne. A l’époque, elle avait survécu, reconstruisant pas à pas sa vie. Sauf qu’à cet instant, elle ne pouvait pas faire de même. Parce que contrairement à Valérion Scalia, elle se tenait sur ce fauteuil, au cœur de la Chancellerie, elle respirait, sentait son cœur battre dans sa poitrine, le sang pulser sous sa peau. Elle était vivante, et pas lui. Elle était la chancelière, et plus lui. Elle était au bord du précipice auquel la folie de quelques-uns avaient conduit la République. Si elle tombait, un édifice millénaire s’écroulerait avec elle. Et possiblement un autre avec.

Toute la journée, elle avait donné le change, affiché la façade forte qu’on attendait d’elle. Devant ses plus proches conseillers, puis les nouveaux ministres, un certain nombre de notables de la République, l’intégralité des personnes regardant sa déclaration publique, soit à peu près les trois-quarts de la galaxie, le Conseil Jedi… Même devant Gabriel, elle avait tenu à afficher une mine rassurante, même si face à un ami de longue date, son armure commençait à se craqueler. Pourtant, une fois encore, elle avait tenu. Son masque n’avait pas glissé, elle restait cette femme à l’autorité nouvelle mais non factice, qui avait toujours pris garde à appliquer un contrôle drastique sur ses émotions, au point parfois de paraître un peu froide, détachée.

Certains politiques disaient qu’arrivés à certain stade, à un certain statut, l’individu cessait d’exister pour laisser place à une sorte d’entité étrange : la fonction. En un sens, soudainement, l’être cessait d’être seul, il était la fonction. Il s’y devait. Le reste devenait subsidiaire. L’immense majorité des maîtres jedis étaient dans ce cas, à vrai dire, tous les jedis même pouvaient être catégorisés comme appartenant à cet ensemble théorique. Ils étaient leur statut de jedi avant d’être autre chose, leur devoir passait avant tout. Dès son adoubement, Alyria en avait eu une conscience accrue, bien qu’elle trouvât paradoxalement dans le devoir des moyens évidents de sublimer son être. Elle était une maître jedi, une maîtresse d’armes, une gardienne, mais ne s’y limitait pas. Tout en étant consubstantiel à la définition de sa personne, ces titres contribuaient à la définir sans pouvoir y parvenir totalement, parce qu’elle échappait à un certain nombre des topos qui y étaient souvent associés. Mais une question, maintenant la hantait : pouvait-elle, devait-elle, être définie en dehors de la chancellerie ? La fonction n’était-elle pas si écrasante que désormais, elle ne pouvait plus y échapper ? Ou plus exactement, ne risquait-elle pas d’y laisser des parts constitutives d’elle-même ?

Déjà, elle le sentait, depuis quelques mois, depuis son entrée officielle dans le monde de la République en tant que ministre, son comportement avait commencé à s’adapter. Alyria devenait plus forte, sans doute plus imposante… Mais quelque part, il lui semblait y perdre un peu de son humanité en retour. Le travail remplaçait le rire, et les moyens de maintenir le contact avec ses amis et surtout avec sa passion pour le duel devenaient plus complexes. Etait-ce cela, habiter la fonction ? Sans doute. Cela l’avait préparé psychologiquement à ce qui venait de se produire. Armée de sa détermination sans faille et de cette armure qu’elle s’était forgée, de cette aura de commandant en chef, en quelque sorte, elle n’avait pas lâché au moment critique, relevant la tête et tentant de sauver ce qui pouvait encore l’être. Puis elle avait défendu ses points de vue en plusieurs occasions, consciente qu’aucune erreur ne lui serait pardonnée.

Pour les jedis, elle était désormais une figure politique incontournable, ce qui signifiait que ses faits et gestes impliqueraient l’Ordre dans son ensemble. Si peu de temps après Halussius, beaucoup n’apprécieraient pas. Sans compter les plus farouches adversaires d’une collaboration trop poussée entre le Temple et la politique républicaine. Pour le moment, tous les jedis faisaient bloc derrière elle car de toute façon, ils avaient conscience de la gravité de la situation et de la menace sith de plus en plus pressante.

Pour les politiciens, c’était presque la même réflexion. Sous le choc, confronté à un effondrement et soumis à l’implacable processus constitutionnel, ils n’avaient d’autres choix que de faire front avec elle et de faire plus ou moins taire les dissensions. Enfin, dans leur grande majorité, il y aurait toujours quelques voix discordantes. Mais une fois la situation apaisée, au moindre signe de faiblesse, à la moindre petite erreur, elle serait en pleine ligne. Alors certes, avec la réforme de Valérion, le chancelier était fortement protégé, inatteignable par une motion de censure. Cependant, il suffisait que le mal soit fait dans l’opinion pour que l’image des jedis soit atteinte par sa faute. Bref, elle avait conscience d’être sur une position d’équilibre précaire, et la question que tous devaient se poser était très claire : combien de temps tiendrait-elle ? Elle espérait le moins possible avant de pouvoir reprendre une vie de jedi normale, si tant est que l’existence d’un membre de l’Ordre puisse être considérée comme normale, même si le sens du devoir lui soufflait qu’en réalité, elle devrait rester aussi longtemps que le chaos règnerait, et qu’aucun successeur ne soit clairement en position de conduire la République avec la légitimité politique nécessaire. La nécessité commandait. Le problème était qu’elle ne pouvait savoir combien de temps nécessité ferait loi.

Les maîtres présents lors de la réunion qui venait de s’achever lui avaient tous plus ou moins explicitement accordé leur confiance et leur soutien. Cela lui avait mis du baume au cœur, de savoir que les siens avaient conscience de la difficulté de sa situation et se tenait prêt à l’aider pour rétablir l’ordre. Certes, après, la stratégie à adopter avait amplement donné matière à discuter, mais ce qu’elle voulait retenir, c’était l’unité, le sentiment d’être soutenue. Même si d’un point de vue pragmatique, l’Ordre n’avait guère le choix.

Quand la réunion s’était terminée, elle avait éteint la communication, Gabriel avait pris congé, et enfin, elle avait pu être seule, pour souffler. Mais à vrai dire, l’angoisse l’étreignait à présent, et son esprit était assailli par le doute. La fatigue, et la tristesse commençaient à se mêler. La Chancelière était au bord de l’implosion, et même ses tentatives de méditaiton s’étaient révélées peu fructueuses. Au fond d’elle-même, Alyria savait qu’à cet instant, un seul visage, une seule voix pourrait lui assurer qu’elle n’allait pas céder, que tout n’allait pas s’effondrer sous elle, parce qu’il n’y avait qu’une personne qui saurait discerner les hésitations, les blessures dans ses yeux.

La maîtresse d’armes ouvrit alors une communication privée, ultra-sécurisée grâce aux systèmes de la Chancellerie, mais même ainsi, elle préféra rester prudente et demanda simplement :

« Maître Vocklan ? Ici la Chancelière Von, j’aimerais vous voir en urgence pour discuter plus en détail des mesures à prendre concernant la coordination entre les forces de sécurité de Coruscant et celles du Temple, suite à la réunion précédente. »

Elle savait que Lorn viendrait. Qu’il lirait entre les lignes de son message, même si en plus, elle avait dit une vérité évidente : de toute façon, il fallait voir à répartir les forces jedis stationnées sur Coruscant et veiller à un travail plus étroit avec les forces de sécurité du Sénat, et l’armée en général pour Aargau.

Elle attendit donc que son amant arrive dans son bureau, et enfin, après ce qui lui sembla une éternité, il entra. Alyria se leva de son fauteuil, ferma aussitôt la pièce de l’intérieur pour que personne ne puisse entrer, en enclenchant la sécurité, puis lui fit signe de la suivre jusqu’aux pièces attenantes, qui constituaient une partie des appartements mis à la disposition du Chancelière, en l’occurrence la Chancelière en exercice, si d’aventure le chef de l’Etat désirait se reposer un moment ou recevoir plus agréablement des notables. Là encore, elle ferma soigneusement derrière elle, et enfin, ne pouvant se contenir plus longtemps, elle lui dit d’une voix rendue rauque par la fatigue et l’émotion sincère :

« Je suis contente que tu sois venu. Et désolée pour l’heure tardive, j’avais… besoin de te voir. »
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La vie d’un jedi résidant au Temple était généralement tranquille et ses journées n’étaient que ponctuées par des cours, des méditations ou des séances d’entraînement si bien que rien ne semblait pouvoir perturber leur petit monde pour peu qu’ils conservent la sécurité qu’offraient les murs du Temple et ne s’aventuraient pas à l’extérieur. Malheureusement, comme tout ne se passait jamais vraiment comme cela était initialement prévu, le jeune maître avait appris au fil des années à ne pas se laisser assagir par la tranquillité routinière de sa vie de jedi. Se complaire dans la méditation et les cours magistraux donnés aux apprentis ? Très peu pour lui, il n’avait pas la patience et la pédagogie nécessaire pour rester assis dans une salle, des heures durant, à déballer encore et encore ses connaissances à une bande de jeunes esprits en mal d’apprendre.
Il était issu d’un peuple de guerriers, forgé dans les flammes et l’enclume de la guerre pour ainsi dire, sa place était là où il y avait l’action et c’était la raison pour laquelle il ne serait jamais un bon professeur, patient, dévoué et bienveillant. Ce n’était pas ce qu’il était supposé être, ce n’était pas ce qu’il devait être et son maître l’avait bien compris dès le premier regard posé sur lui, dans cette arène. Qu’avait-il entrevu ce jour-là, au moment de le sauver un poil trop tard ? Il ne l’avait jamais dit au jeune Vocklan mais, quoiqu’il en fût, il s’était toujours efforcé de le diriger sur la voie qui était la plus appropriée au potentiel brut qui résidait au plus profond de lui.

Au fil des années le jeune homme s’était érigé un train de vie constamment actif, il mettait son corps à rude épreuve du matin jusqu’au soir, repoussant toujours plus les limites de ses muscles et de sa relation avec la Force mais, récemment, les choses avaient pris une tournure bien différente. On avait brisé son quotidien, on l’avait forcé à sortir de sa routine aussi bien sur Byss que lors de ses premiers jours sur Coruscant. Mais était-ce la seule raison du trouble qui s’insinuait dans son esprit ? Non, son corps n’avait pas été la seule chose à être testée, son esprit le fut tout autant lorsqu’il s’autorisa à ouvrir son cœur à sa camarade de toujours et, bientôt, il comprit qu’un autre genre de problème survenait dans sa vie.
Sa vie était déjà assez compliquée comme cela mais aujourd’hui, tout comme sur Byss, une inquiétude dirigée directement vers sa bien-aimée envahissait son esprit. Il avait appris la mort du chancelier et le fait qu’Alyria prenne la place d’un homme tout juste assassiné ne rassurait clairement pas le jeune maître. Pourquoi ? Parce qu’il y avait toutes les chances du monde qu’elle finisse tôt ou tard comme son prédécesseur et, si cela devait arriver, alors rien ni personne dans ce monde ne pourrait calmer la rage qui jaillir des tréfonds de son âme. Ni son maître, ni les membres du Conseil…personne.
Il s’en faisait pour elle mais malgré tout il tenta de faire bonne figure pendant toute cette journée, revêtant le costume de Lorn le maître d’armes stricte et d’un sang-froid à toute épreuve, ne désirant pas inquiéter les élèves dont il eut la charge aujourd’hui. Bien sûr ce n’était pas facile d’être efficace et pédagogue quand son esprit était ailleurs mais il s’efforça de rester digne toute la journée car c’était précisément ce que l’on attendait de lui : du contrôle en toute situation.

Certains maîtres arrivaient facilement à oublier leur identité et embrasser leur voie avec une facilité déconcertante, semblant maîtres de leurs émotions et de leurs gestes comme s’ils ne ressentaient strictement rien. Impressionnant de voir un tel calme, n’est-ce pas ? Mais le maître d’armes n’était pas de ceux-là, il devait lutter tous les jours pour garder ce calme-là et cette différence le frustrait clairement.
Pourquoi était-ce si compliqué pour lui alors que d’autres y arrivaient bien plus naturellement ? Parce que la vie n’était pas juste et équitable, tout simplement. Mais il ne pouvait malheureusement rien y faire, on lui avait donné une chance de faire quelque chose de sa vie et c’était à présent à son tour de mériter cette chance et de garder le contrôle.
Il avait donc regardé le discours de sa camarade entre deux leçons, avait assisté à la réunion des maîtres où il avait renouvelé son évident soutien à la nouvelle chancelière et désormais, alors que la nuit pointait le bout de son nez, les couloirs du Temple se vidaient petit à petit. Certains profitaient de la pénombre pour apprécier le calme qui régnait dans ces couloirs et ces salles mais c’était le moment que choisit Lorn pour prendre un peu de temps pour lui.
Toute la journée – aussi chargée fut-elle – il s’était occupé d’autrui sans prendre une seule seconde pour lui, et ce soir-là il prit son temps dans cette salle d’entraînement pour libérer son stress en enchainant les mouvements qu’il connaissait plus que par cœur.

Mais, alors qu’il ne s’attendait plus à rien de surprenant, Lorn dut arrêter sa séance lorsque la chancelière le contacta avec une intention évidente. Lisant entre les lignes sans se forcer, le maître prit son communicateur et répondit directement :

« J’arrive immédiatement, Chancelière. »

Un brin de toilette rapide, un trajet en navette plus tard et Lorn se trouva finalement devant les quartiers de la chancelière dans lesquels il pénétra sans attendre. Affichant un sourire rassuré, rassuré de voir sa camarade en un seul morceau, le colosse s’approcha d’elle et la serra doucement dans ses bras avant de demander :

« Dure journée, hein ? Je m’attendais presque à ce que tu sois en train de dormir, épuisée comme tu dois l’être. »

Laissant la demoiselle relâcher la pression dans ses bras – car elle l’avait tout de même bien mérité – le garçon laissa le silence s’installer pendant quelques secondes avant de reprendre par :
« Tu tiens le coup ? »

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La plupart des gens avaient coutume d’assimiler au terme foyer une habitation, une planète. Lors d’un moment de crise, ils se plongeaient dans les souvenirs de cette maison adorée, fantasmée, et y puisaient la force de tenir, et parfois, celle de mourir en paix. Dans les yeux des militaires en mission, souvent, à l’évocation de ce simple mot, une lueur d’affection se mettait à briller. Ils se voyaient dans cet endroit béni, tranquilles et heureux, libérés des charges de leur quotidien, du fracas des armes et du danger de leur quotidien. De nombreuses fois, Alyria avait pu observer le changement provoqué par cette phrase si simple : bientôt, nous retournons chez nous.

Les jedis avaient-ils un chez eux ? Pour tous, la réponse était simple, car elle s’apparentait au Temple d’Ondéron, leur foyer pendant la majeure partie de leur existence. Quelque fois, les sentinelles envoyées au loin, à veiller sur un secteur pendant de longues années, en arrivaient à associer ce terme avec la ou les planètes sur lesquelles ils s’étaient installés. La force de l’habitude jouait, mais pas simplement : à force de vivre quelque part, de côtoyer une population, d’en apprendre les us et coutumes, on finissait par s’y attacher, et considérer ces endroits d’adoption comme un deuxième, voir un troisième foyer.

Quelque part, la maîtresse d’armes en était persuadée, un jour, une nouvelle génération de padawans et de chevaliers répondraient à cette question en désignant le Temple de Coruscant. Du moins, elle l’espérait, car cela démontrerait avec une force éclatante la vitalité et la diversité de l’Ordre jedi. Cette diversité, elle avait tenté d’y contribuer au mieux en soutenant l’installation d’une antenne médicale liée au Medcorps et à l’armée sur la planète, afin de faire de la capitale le lieu du renforcement symbolique des liens entre les utilisateurs du côté lumineux et la République. La symbolique lui avait plu, d’ailleurs.

Cependant, la question demeurait. Quelle aurait été sa réponse à elle ? Evidemment, la première pensée qui venait à l’esprit était Ondéron. Alyria adorait sincèrement le Temple jedi, sa beauté simple et majestueuse dans son dépouillement ascétique, son parc, son intérieur, son immense salle d’entraînement… Chaque recoin de ce bâtiment pouvait être associé à un souvenir, heureux ou moins heureux, mais toujours précieux à ses yeux. Elle avait grandi, mûri entre ces murs, apprenant à devenir la jedi qu’elle était aujourd’hui, et qui avait à présent entre ces mains plus de pouvoir que quasiment n’importe qui dans la galaxie.

Sauf qu’elle avait l’impression de s’éloigner de ce foyer d’enfance. Pas volontairement, mais les événements faisaient qu’inconsciemment, quand elle y retournerait, libérée de ces charges étatiques pesantes qui l’accablaient, tous la verraient non pas seulement comme Maître Von, mais comme celle qui avait été un jour la Chancelière Von. C’était inévitable, elle pouvait déjà le sentir après une journée seulement. La fonction l’écrasait de son poids. En un sens, elle réalisait maintenant pleinement la réaction d’Halussius quand il lui avait expliqué son mal-être suite à la fin de son mandat. A l’époque, qui remontait à peine pourtant à quelques mois, mais qui lui paraissait désormais si loin, elle lui avait assuré que ses amis seraient toujours là pour lui, et ne cesserait de le considérer comme Halussius, simplement Halussius, à la rigueur le Chevalier Arnor, mais rien de plus. Elle espérait que cela serait vrai aussi dans son cas.

Peut-être alors tout simplement qu’à l’heure actuelle, la question n’était pas de savoir où était son foyer, mais où elle se sentait bien, libérée des contraintes, où elle pouvait être elle-même. Or, la réponse se trouvait devant elle, avec l’air aussi soulagé qu’inquiet, et bientôt, alors qu’elle se trouvait enserrée dans l’étreinte de Lorn, elle sut avec certitude où était son chez elle.

Pendant un bref instant, tous ses soucis s’envolèrent, laissant la place à une chaleur réconfortante et douce qui se répandit dans son corps et dans son esprit. Alors, enfin, la Chancelière laissa la place à Alyria. Il n’était pas question d’oublier ses devoirs, mais en réalité de ne pas se laisser dévorer par ses derniers, et la présence apaisante de l’épicanthix l’y aidait.

Toute la journée, elle avait vu des yeux étonnés, avides d’obtenir une miette du pouvoir vacant. Le regard des autres sur elle avait changé. Elle l’avait senti, même lors de la réunion des maîtres. La trentenaire venait subitement de prendre une nouvelle dimension, de se doter d’une nouvelle aura, et elle détestait cela. Ou plus exactement, ne parvenait pas pour le moment à s’y habituer, dans sa fonction lui semblait un lieu pétri de fantômes désolés. Alors elle la rejetait inconsciemment. Et pourtant, pourtant, en son for intérieur, elle savait que cela ne durerait pas éternellement. Elle devait s’endurcir encore, forger encore et toujours une carapace impénétrable entre elle et le monde, pour rester avec cet esprit analytique qui la caractérisait le plus longtemps possible.

Mais le choc le lui permettait difficilement. Alyria avait usé au cours de cette journée cauchemardesque ses réserves de sang-froid de raison jusqu’à l’extrême limite de ce qu’un être normal pouvait endurer. Là, elle voulait simplement s’abandonner à quelques instants de paix. Ainsi, elle ne répondit pas immédiatement à son amant, qui à sa manière à la fois brusque et incroyablement délicate, tentait de s’enquérir de son état simplement, avec cette franchise qui le caractérisait et qu’elle aimait tant, car elle était si dissemblable à sa propre personnalité. Non pas qu’elle ne le fut pas elle-même, mais la gardienne avait toujours préféré passer par des moyens détournés, des formules de politesse pour demander des informations personnelles, ne se laissant aller à une réelle familiarité qu’avec quelques proches triés sur le volet.

Relevant la tête, ne désirant pas se détacher de l’étreinte de son partenaire, Alyria plongea son regard vert las dans les yeux cyans de Lorn et souffla :

« Je crois qu’après aujourd’hui… Je n’arriverais pas à fermer l’œil de toute façon. »

Dans sa tête se bousculaient encore et encore les images terribles de l’assassinat du Chancelier. Quelle ironie de penser qu’elle avait sans doute été la dernière personne à qui il avait parlé, avant son fameux discours. En un sens, elle avait reçu son testament politique… Et personnel. Une nouvelle fois, l’immensité de la tâche qui l’attendait la submergea, comme une chape de plomb tombant sur ses épaules.

Lâchant un profond soupir, Alyria se détacha de son amant pour commencer à faire les cent pas devant lui, cherchant à mettre des mots sur ce qu’elle ressentait, sans forcément y parvenir. Finalement, dépitée, elle se laissa tomber dans l’un des épais fauteuils de l’appartement, avant de croiser ses doigts dans une pose triangulaire devant son visage, mimant une attitude de penseur désabusé. Et elle déclara d’une voix lourde, lasse, où perçait tout simplement une mélancolie sourde :

« J’ai sans doute été la dernière personne à qui Valérion Scalia a voulu s’adresser avant de faire son discours. Il m’a assuré de sa sincérité vis-à-vis de toutes ces accusations, ce qui au passage est assez évident. Mais il a dit autre chose. Que j’étais la personne qui se rapprochait le plus d’une amie dans son gouvernement.

Je ne sais pas vraiment pourquoi il pensait cela. Pourquoi il avait l’air de m’apprécier alors que je ne partageais ni ses idées, ni ses passions. Mais je sais une chose. Parmi tous les politiciens que j’ai pu côtoyer, c’était sans doute l’un des plus sincères. Mourir comme ça… Assassiné par un imbécile… Pour une vengeance idiote… Parfois, j’ai du mal à comprendre les voies de la Force. »

Peut-être était-ce trop tard pour cela, mais oui, Alyria avait réellement l’impression d’avoir vu tuer un ami, ou du moins une connaissance suffisamment proche pour mériter l’appellation à titre posthume. Avec amertume, la jedi déclara :

« Il était fait pour ce poste. Halussius l’était aussi. Pas moi. Sauf que ça ne sert à rien de le dire, c’est évident non ? »

Ça pour être évident… Tout le monde avait ce détail qui n’en était pas un en tête. Du Conseil jedi au Sénat. Elle était une gardienne, une femme de terrain, qui n’avait jamais voulu de cette fonction, et n’était là que par un enchaînement d’événements ressemblant à une farce tragi-comique. Et pourtant, il lui fallait tenir. Elle savait le faire. Elle l’avait fait toute la journée. Mais à quel prix ?

Abaissant ses mains sur ses genoux, Alyria, la mine sombre, regarda Lorn et lui dit :

« Je suis au bord du précipice. Un pas de travers, et je tombe. Le seul petit problème, c’est qu’en tombant, j’emporte tout le monde avec moi. »

Elle s’était fait plusieurs fois cette réflexion mortifère au cours de cette journée, mais venait enfin de la verbaliser à haute voix. Et c’était une voix à mille lieux de celle qu’elle avait habituellement : tirant exceptionnellement dans les aigus, signe d’un malaise aisément perceptible.

« Alors je tiens le coup oui. On peut dire ça. J’essaye de faire semblant de savoir ce que je fais alors que j’improvise complètement depuis des heures. Le moindre faux pas me sera reproché, certes, mais également à l’Ordre jedi dans quelques années, voir même dans quelques mois, ne nous faisons aucune illusion. A l’inverse, mes gestes vont être aussi scrutés par l’Ordre, afin de ne pas reproduire qui ont pu être faites sous le mandat d’Halussius.

En résumé, peu importe ce qu’il se passe à partir de maintenant, et que je le veuille ou non. J’en serais forcément responsable, au moins en partie. »


Le constat tomba, tranchant comme une lame de sabre-laser, et Alyria laissa un long silence suivre ces mots. Inutile de se voiler la face. Inutile de se mentir. Inutile de lui mentir surtout.
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En se dirigeant vers le lieu du rendez-vous le jeune maître ne savait pas trop à quoi s’attendre, il ne savait pas s’il trouverait une Alyria dévastée, déprimée, en colère ou éprouvant toute autre réaction que l’on s’attendrait à voir chez quelqu’un qui avait subi tellement de pression en si peu de temps. La mission sur Byss, leur mission en solo, l’assassinat de son prédécesseur, sa toute première allocution comme chancelière et pour finir la réunion avec les maîtres. Pour quelqu’un comme Lorn qui n’appréciait pas forcément plus que cela d’être mis sur le devant de la scène, il ne pouvait que vaguement imaginer ce que sa camarade traversait en ce moment-même. Et pourtant malgré la tourmente dans laquelle elle était, malgré la pression qui devait la compresser au point de la faire suffoquer, cette femme avait tout de même eu le réflexe d’appeler à l’aide comme pour demander une bouée de sauvetage en appelant son camarade de toujours jusque tard dans la nuit.
Pénétrant avec empressement dans ce qu’il considérait être un véritable nid de vipères – il ne cachait pas son antipathie vis-à-vis de la politique et de l’art de la langue de bois – le jeune homme fut soulagé de voir la demoiselle en un seul morceau mais inquiet de voir qu’elle ne trouvait pas le sommeil…et elle-même admit qu’elle n’aurait pu dormir compte tenu de la situation, même si elle l’avait voulu.

« Ça se comprend. »

Chaque personne dans cet univers avait son point de rupture. Sith ou jedis, hommes ou femmes, proches-humains ou non, chaque personne avait un seuil de tolérance à la douleur – qu’elle soit physique ou mentale – au-delà duquel la personne finissait par péter les plombs d’une manière ou d’une autre. La folie était un refuge comme un autre pour fuir la douleur, après tout. Aussi, sentant aisément l’épuisement de sa camarade à travers la Force, le jeune maître se mit à demander combien d’autres épreuves de ce genre il faudrait à la demoiselle pour qu’elle atteigne ce seuil et ne puisse plus en supporter davantage. Seule la demoiselle elle-même avait cette réponse et, malheureusement, Lorn ne serait au courant de cela que trop tard.
Préférant éviter que cela arrive, dans la mesure du possible, il enlaça sa camarade qui, bientôt, s’écarta de lui et se mit à faire les cents pas. Chamboulée, perdue, angoissée, triste, elle devait ressentir tout cela à la fois et Lorn supposa même, en la voyant passer des cents pas à l’immobilité que lui procurait le fauteuil, qu’elle ne savait pas elle-même comment parvenir à se calmer. Comment le pourrait-il ? Les méditations jedis ne marchaient que lorsque l’on était concentré sur ladite méditation et actuellement son esprit devait être bombardé de si nombreuses informations et questions qu’elle ne parviendrait jamais à se concentrer sur une seule chose. Pas pour le moment…mais bientôt, peut-être.

Enfin elle retrouva l’usage de la parole et parle de son prédécesseur à Lorn et de la relation qu’ils entretenaient. Ne connaissant l’individu que de nom, il fallut quelques instants au maître pour comprendre la situation, comprendre les doutes de sa camarade et tenter de les dissiper du mieux qu’il pouvait.
Portant la main à son menton en un air pensif, il répondit alors par :

« Il avait confiance en toi, il pensait que tu pourrais comprendre ce qu’il essayait d’accomplir. Et je ne pense pas qu’il ait eu tort de t’accorder cette confiance. Mais personne n’aurais pu prévoir ce qui s’est passé.»

Comme durant chaque dure épreuve, la femme à la crinière de feu essayait de comprendre pourquoi la Force lui imposait une telle épreuve, question légitime s’il en était, mais le colosse ne sut que répondre. Il n’était pas le plus sage des maîtres jedis et avait toujours eu du mal à interpréter la volonté de la Force, tel n’était pas forcément son rôle, mais aujourd’hui il se devait de faire un effort pour tenter de rassurer sa camarade. Il ne s’agissait pas de faire ce qu’il avait envie de faire, mais de faire ce qu’on attendait de lui. Aussi, réfléchissant un instant à la question, il lâcha finalement :

« Elle nous met à l’épreuve d’une façon que nous ne comprenons pas toujours. Aujourd’hui elle t’a mis à l’épreuve sur le plan mental, elle met à l’épreuve ta capacité à surmonter cette douleur et à embrasser le rôle qui est désormais le tien. Je sais que ce n’est pas ce que tu avais prévu ou voulu, mais je sais que tu feras ce qu’il faut. J’y veillerai, si besoin est.»

Les jedis, serviteurs zélés de la Force, passaient leur entière existence à la servir en essayant au mieux de la comprendre et de comprendre les épreuves qu’elle mettait sur leurs routes. Seuls les plus anciens et les plus sages de ces serviteurs pouvaient espérés entrevoir et comprendre la volonté de la Force mais malheureusement Lorn ne faisait pas partie de ces gens-là. Il se contentait de mettre un pied devant l’autre, chaque jour, sans trop se soucier de ce que la Force attendait de lui. Ainsi, alors qu’elle ne semblait pas non plus comprendre la volonté de la Force, la chancelière avoua ne pas être faite pour ce nouveau rôle. Vraiment ? Arquant un sourcil de surprise, l’épicanthix répondit aussi honnêtement qu’il le put par :

« On est rarement fait pour le rôle qui nous est donné, au départ. Je n’étais pas fait pour être un maître jedi, tu n’étais pas faite pour être chancelière, mais au bout du compte on finit par s’y habituer. On finit par se montrer digne de cette nouvelle fonction. »

Prenant une pause en écoutant sa demoiselle s’ouvrir à lui sur les doutes qui l’assaillaient de toutes parts, Lorn enchaîna bientôt avec :

« Tu n’es pas seule aujourd’hui. Tu as des conseillers pour te...et bien…conseiller. Tu as tes amis, camarades et pairs de l’Ordre pour t’aider dans cette tâche. Tu n’es pas seule, nous ne le sommes jamais vraiment. Il suffit juste que tu t’en souviennes. Tu n’as pas à porter ça toute seule. »

Bien entendu le poids de toute la République qui pesait désormais sur ses frêles épaules auraient fait flancher n’importe qui, c’était presque inévitable de céder face à une telle pression, mais la demoiselle n’avait pas à s’isoler et à porter le poids de cette responsabilité par elle-même et uniquement elle-même. Nombreux étaient les personnes qui voulaient l’aider et Lorn en faisait, bien entendu, partie.
S’approchant du canapé dans lequel sa camarade était affalée, épuisée quelle devait être, il s’accroupit devant eux et, apposant ses mains calleuses sur celles de la chancelière, leva les yeux vers elle et lui souffla :

« Je sais que tu agiras pour le bien du plus grand nombre. Il y aura toujours des gens pour critiquer ton travail, tu n’y peux rien. Tu dois juste te concentrer sur ce que tu sais et veux faire. Si tu as été nommée à ce poste c’est que les gens voient en toi le potentiel de devenir une chancelière respectable et respectée. Je sais que tu doutes, mais je suis aussi ici pour te dire de ne pas le faire. »

Conscient que la fin de sa phrase n’était pas aussi facile à dire qu’à faire, l’homme s’autorisa un petit sourire pour détendre l’atmosphère avant de lancer sur un ton un peu plus léger :

« Bon, d’accord, dit comme ça ce n’est pas très convaincant. Mais je le pense vraiment. Tu feras ce qu’il faut. D’accord ? »

C’était tout à fait normal d’avoir des doutes et de penser que le monde était en train de partie en vrille tout autour d’elle. Son monde venait de changer de façon significative en l’espace de quelques heures et son camarade ne s’attendait pas à ce qu’elle l’accepte aisément. Mais elle ne pouvait pas se permettre de se laisser aller au désespoir, maître Vocklan s’en assurerait.
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En politique, il n’y avait pas d’amitié, tout au plus des accointances. Cette phrase, chaque politicien en début de carrière l’apprenait par cœur, et la brandissait comme un porte-étendard de raison et de prudence. Pour être plus exact, il pouvait y avoir des amitiés : c’était les pions sacrifiables les plus aisément, ceux qui ne se retournaient pas contre vous si vous les trahissiez… Du moins qui avait un pourcentage de chance de le faire moins grand qu’un allié de circonstances.

Pour de nombreuses personnes en dehors du jeu politique, vivre dans de telles conditions n’était ni sain, ni enviable. La voie du pouvoir était celle de la solitude. Ce n’était pas foncièrement un hasard si le code sith, code de l’égoïsme, de l’ambition, reprenait en partie cette idée. Les deux notions étaient intrinsèquement liées, il eut été stupide de l’ignorer au nom de valeurs quelconques. Toute la journée, Alyria l’avait ressenti encore plus vivement que d’habitude.

Ministre, elle était encore entourée de Yusanis, avait pu développer des liens avec les soldats assignés à sa garde, avec certains membres de l’Etat-Major. Il y avait une forme d’ambition à gérer là-aussi, mais moindre, et une certaine franchise demeurait. Elle restait de plus une fonctionnaire de l’Etat en quelque sorte, un ultime rouage avant l’exécutif, et cela lui convenait parfaitement. Malgré la difficulté, elle avait pu maintenir un semblant de vie normale en dehors du cadre de ses fonctions, en entretenant certains liens affectifs. Même ses relations avec l’ancien Chancelier étaient du domaine du cordial, de l’amical, et en tout cas de la confiance. Pouvait-elle dire la même chose maintenant, en tant que Chancelière ? Bien sûr que non.
Déjà au sein de son propre gouvernement, puisque c’était désormais le sien, il n’y avait pas à proprement parler de lien d’amitié, hormis peut-être avec Maître Vorkosigan, quoique cela soit plus proche du respect que l’on témoignait à un pair plus âgé, plus expérimenté, et avec qui on avait pris plaisir à discuter et à combattre. Le reste… Néant. Et elle savait que les choses resteraient sans doute ainsi, ou n’iraient pas plus loin que des amitiés utiles, oxymore évidente s’il en était.

Au niveau de la Rotonde, hormis le sénateur d’Aldérande qu’elle connaissait personnellement, elle avait au mieux de vieilles connaissances, ou des accointances relativement sûres. Bref, un bilan léger, mais au fond, les liens personnels n’étaient pas forcément nécessaire pour gouverner. Ses amitiés se situaient clairement du côté de l’Ordre jedi… Encore que, elle l’avait senti d’une certaine façon auprès de Gabriel quelques heures plus tôt : désormais, elle était à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de l’Ordre, membre et dirigeante d’un corps allié, mais néanmoins étranger.

Et pourtant, pourtant, devait-elle se laisser guider par des jugements préconçus de la sorte ? Apparemment pas, du moins, pas avec Lorn. Cela n’avait bien sûr rien d’étonnant. Mais tout de même, elle était sincèrement touchée par ses déclarations, comme elle l’avait été lors de sa nomination de ministre, ce fameux soir où tout avait changé, de sa vie publique à sa vie privée, le catalyseur d’un changement qui les avaient menés ici, dans les appartements attenants au Bureau de la désormais Chancelière Suprême, les mains entrelacées, comme leurs vies.
Elle l’écouta donc tenter de la rassurer, de l’aider, et une vague d’émotions manqua de peu de la submerger. Malgré la fatigue, la surprise, et sa détestation pour ce milieu dont elle venait de prendre la tête, l’épicanthix tentait tout de même de faire bonne figure pour sa compagne visiblement atteinte moralement et qui ne cherchait pas à le cacher. Comme s’il avait parfaitement compris son appel muet, ce qui après tant d’années à se côtoyer, à être véritablement de meilleurs amis, n’était guère étonnant. Cela ne voulait pas dire que la valeur du geste était diminuée bien au contraire.

Alors, plutôt que de parler, sachant pertinemment que les mots resteraient bloqués au fond de sa gorge, elle se contenta d’acquiescer à sa dernière demande, les yeux légèrement plus brillants que d’habitude, et dans un geste brusque, impulsif, elle enveloppa les mains de Lorn entre les siennes, et les porta à ses lèvres pour y déposer un baiser. Elle se détacha lentement, et plongea son regard émeraude dans celui cyan de son amant, avant de murmurer un mot aisément compréhensible, pétri de signification à cet instant :

« Merci. »

Il y avait beaucoup dans ce mot, ce geste, ce regard, mais avant tout une tendresse sincère, profonde, vibrante, et une gratitude palpable. Quelqu’un serait entré à cet instant, il aurait eu un tableau devant les yeux qui l’aurait sans doute fait réfléchir de longues minutes, quand à la nature de leur relation. Ce n’était pas de l’amitié, mais cela transcendait l’élan classique de la passion amoureuse. On eut presque dit un vieux couple marié, qui n’avait pas besoin de mots pour se comprendre et pour partager ses expériences. Mais cette scène resterait secrète, enfouie seulement dans les recoins de sa propre mémoire et de celle de Lorn, avec ce canapé pour seul témoin silencieux.

Ils avaient partagés beaucoup d’autres moments, aussi bien émotionnellement que charnellement. Pourquoi alors Alyria avait-elle l’impression que celui-là resterait longtemps dans son esprit, qu’il pourrait revêtir une importance particulière pour elle ? Tout simplement parce que pour la première fois, le terme couple lui était venu immédiatement en tête. Elle n’avait pas fait de référence à l’un d’entre eux, mais bien à ce duo qu’ils formaient désormais. C’était une sorte de reconnaissance formelle de leur lien à ses yeux, car quoi qu’on en dise, la maîtresse d’armes était, en toute matière, un être prudent qui avançait pas à pas, et préférait aller lentement dans l’analyse et la reconnaissance des faits avant de les accepter pleinement. C’était autant un avantage qu’un défaut, mais à cet instant, elle avait bien plus l’impression que c’était un atout.

Un silence confortable s’ensuivit, mais Alyria n’en avait cure, à vrai dire, elle appréciait ce moment de quiétude simple, la chaleur de leurs mains jointes lui apportant bien plus que toutes ces réunions politiques qu’elle avait dû endurer toute la journée, et où chaque silence, justement, devait être calculé et donner lieu à mille et une analyse rapide. Là, c’était simplement un instant d’intimité calme, qui n’avait pas besoin de mots, sans être prémédité. Elle n’avait tout simplement pas ressenti le besoin de rajouter quoi que ce soit immédiatement.
Après quelques minutes passées ainsi, elle murmura :

« Assieds-toi, tu seras sans doute mieux. »

Installés côté à côté sur le canapé, les deux maîtres ne mirent guère de temps à combler la distance entre eux, sans réels complexes. Après tout, c’était sans doute l’un des rares endroits où ils pourraient être tranquilles, et ce pour un bon moment. Autant en profiter pour se ressourcer, se calmer auprès de l’aura calme et bienfaisante du colosse. Cela lui donnait aussi l’occasion de penser un peu plus sereinement à tout ce qu’il venait de lui dire.

Finalement, elle déclara, d’un ton bien plus doux que d’ordinaire, empreint là encore d’une tendresse évidente, un brin amusé également :

« J’oubliais mon soutien le plus inconditionnel en effet. »

Puis, elle retrouva alors son sérieux et se redressa sur le canapé, s’échappant de cette étreinte agréable. L’atmosphère avait beau être plus agréable que cinq minutes auparavant, la réalité des faits n’en demeurait pas moins bien vivace dans son esprit, et personne, pas même Lorn, ne pouvait réellement détourner son attention pour le moment des problèmes qui se bousculaient dans sa tête.

« Le fait est… Que ce n’est pas tant le soutien de l’Ordre qui me préoccupe. Je sais que je peux compter sur vous… Et que je ne dois pas le faire trop. Deux jedis à la Chancellerie en à peine deux ans, cela fait beaucoup. Encore, Halussius avait été élu. Pas moi. Je suis là uniquement par intérim, à cause de la nouvelle Constitution. Autant dire que la situation est précaire. Pour le moment, tout le monde fait bloc à cause du danger… Et encore.

En bref, pour espérer la stabilité, il faudra dégager une majorité stable. Ça risque de me prendre des semaines, le temps de faire toutes les tractations, de gérer les conséquences du mandat de Valérion… »


Elle poussa un soupir, et grimaça :

« Sa légitimité était récente, venait du vote des Sénateurs, aussi il a pu faire passer des dispositions rapidement qui auraient soulevé une bronca en temps normal. Mais il a bien préparé le terrain au niveau de ses alliances politiques.

Sauf que crois-moi, les chiens ne vont pas attendre que le cadavre soit froid pour tirer à boulet rouge sur ces réalisations, et comme attaquer un mort n’est guère glorieux, il est plus que vraisemblable que la faute finisse par me retomber dessus… Alors que je n’y suis strictement pour rien.

Et à ton avis, si les choses tournent mal… Enfin, il va falloir agir avec prudence. Et ingurgiter en quelques jours un savoir que certains mettent des années à acquérir. »


Elle laissa un moment de silence planer à nouveau, avant de soupirer :

« Après tout ça, je pourrais demander à intégrer l’Educorps tiens… »

Lâchant un nouveau soupir, elle continua :

« Enfin de toute façon… Ce n’est pas comme si j’avais beaucoup le choix. Il va falloir devenir cette chancelière dont tu parles et qui m’apparait bien loin.

Ce n’est pas tant être fait ou pas ce rôle… C’est en avoir les compétences, le vécu pour. Et ça, tu l’avais pour devenir maître jedi… A vrai dire, je t’ai toujours dit que tu étais fait pour cela, mais je vois que tu ne me crois toujours pas… »


Le fait que son amant doute toujours autant de sa légitimité comme maître de l’Ordre la peinait un peu. Mais sans doute que comme il la voyait comme du matériau pour être chef d’Etat malgré ses propres questionnements, elle discernait la vérité à travers les ombres des interrogations de l’épicanthix. Une réflexion intéressante, en y pensant.

Le regardant, incapable de lui offrir plus qu’un maigre sourire, elle finit par dire :

« Je ferais de mon mieux, et advienne que pourra. »
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Tout bourru qu’il était le jeune homme s’était rendu compte assez tôt de la différence d’éducation qu’il y avait entre lui et certains de ses camarades, qu’ils soient plus âgés ou non. Beaucoup d’entre eux venaient de familles stables, certains étaient issus de familles aisées et avaient eu accès à une assez bonne éducation et cela se ressentait dans leur façon de parler et de penser. Ils faisaient preuve de prudence dans leurs propos, pesaient chacune de leurs paroles ou de leurs actions avant de leur donner la vie : en bref ils étaient ceux qui se rapprochaient le plus de l’image que le commun des mortels se faisait des jedis de manière générale. Mais malheureusement comme dans toute communauté il y avait des moutons noirs pour ainsi dire et le jeune maître d’armes ne pouvait pas ignorer faire partie de cette catégorie.
Né dans une culture brutale et guerrière où les poings étaient bien plus souvent utilisés et bien plus efficaces que les mots, il ne se rendit compte de la différence de culture que lorsqu’il fut admis au temple et qu’il commença à partager des cours avec des petits malins beaucoup plus vifs d’esprit et brillants que lui. Il passait pour une brute taciturne aux yeux de tous ces petits génies et, encore aujourd’hui, cette différence d’éducation est visible.
Il n’était pas doué pour les discours, il n’avait pas la verve et le verbe faciles comme si ce n’était pas suffisant évident, il n’était pas aussi éloquent et charismatique que certains maîtres les plus révérés de tout l’Ordre jedi. Pourquoi est-ce que je choisis de vous raconter tout cela maintenant ? Parce qu’aujourd’hui comme n’importe quel autre jour, il aurait aimé pouvoir décrire plus clairement à sa compagne ce qu’il ressentait ou pensait, mais il était limité par son éducation qui ne s’était jamais vraiment attardé sur la manière d’expression ce que l’on ressentait. En même temps à quoi vous attendriez-vous venant d’un peuple de guerriers ?
Oh n’allez pas dire ce que je n’ai pas dit, cet homme-là était tout sauf bête ! Mais…comment dire…il n’arrivait pas toujours à mettre le doigt ou un mot sur ce qu’il ressentait ou ce qui se tramait dans sa petite tête assez bien remplie. Et, pour tout vous dire, l’enseignement jedi qui consistait à faire attention à ce qu’on ressentait n’aidait clairement pas le jeune maître. Autant vous dire qu’il se sentait plus que gêné et inutile face à sa bien-aimée qui avait plus que jamais besoin de réconforts et de mots rassurants. S’il pouvait facilement gérer la première partie, quid de la seconde ? Je vous laisse imaginer le mal qu’il eut à s’exprimer sans faire de boulette.

Tous les jedis étaient mis à l’épreuve tous les jours mais le maître d’armes ne connaissait pas de jedis qui avaient autant été mis à l’épreuve que sa camarade au cours des derniers jours. Leur relation, leur mission ensemble, l’épisode sur Byss, sa propulsion dans la vie politique, l’assassinat du chancelier, sa propulsion à la tête de la vie politique républicaine…dois-je continuer ? Elle semblait exténuée, au bord de gouffre et c’était dans ces moments-là que Lorn se devait d’être présent.
Qu’aurait-il donné pour manier le verbe aussi aisément qu’il maniait son sabre laser ? Tout.
Une fois les deux êtres enfin réunis, le jeune homme posa sa veste sur le siège d’un fauteuil et s’assit sur le canapé juste à côté de sa camarade qui évoqua le fait qu’elle avait toujours su qu’il était fait pour être maître jedi. Souriant face à cette source constante de débat, le jeune homme la regarda et lui lança :

« Je crois que nous ne serons jamais vraiment d’accord sur ce sujet, mais ça importe peu. Tu peux naître pour faire quelque chose, ou apprendre à le faire comme le font les gens normaux. Tu as appris à manier à la Force, à t’ouvrir à telle, tu as appris à manier le sabre laser mieux que la grande majorité des jedis qui parcourent les temples d’Onderon et de Coruscant réunis. Tu es capable de t’adapter à beaucoup plus de situations que moi, je ne me fais pas de soucis quant à ta capacité à gérer tout ça. »

Un peu de compliments n’a jamais fait de mal, non ? Plus sérieusement le jeune homme voyait la voie du jedi comme une des voies les plus dures dans cette galaxie, à ses yeux la politique n’était qu’un petit jeu de vipères sans grandes difficultés. Prenant une petite pause, Lorn se tourna vers sa camarade et, posant une main sur son épaule, lui souffla :

« Et après tout ça tu auras bien mérité des vacances, loin d’ici. »

Était-ce une proposition ? Bien entendu !

« Il est trop tard pour reculer de toute façon. Il va falloir encaisser, prendre sur soi et attendre que tout cela passe. Et quand le temps sera venu et que ton interim sera terminée, tu nommeras un successeur qui te semblera digne et tu pourras prendre une pause, pour t’éloigner de tout ça. »

Que pouvait-il dire de toute façon ? La demoiselle ne pouvait pas choisir de tout arrêter maintenant, tout était en marche et demandait un suivi important qui allait encore durer plusieurs semaines voire plusieurs mois. Se renfrognant légèrement en croisant les bras contre sa poitrine, le jeune homme prit un air faussement sérieux en lançant :

« Au pire des cas, si certains politiciens se montrent trop récalcitrants ou agressifs, tu me le dis et je m’en vais leur donner une petite correction. D’ailleurs, en parlant de ça, que dirais-tu que j’assure ta protection, le temps que ça se calme ? L’idée que tu puisse finir comme ton prédécesseur ne me plaît pas vraiment.»

Si la première partie de ce petit speech était lancée sur le ton de l’humour, afin de détendre l’atmosphère, le jeune homme était on ne peut plus sérieux concernant la seconde partie. Comment pouvait-il ignorer la possibilité que sa camarade se fasse assassiner, maintenant qu’elle était tout en haut de la pyramide politique ? Elle était devenue une cible de choix bien malgré elle.
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Des compliments, Alyria avait l’impression d’en avoir reçu une myriade aujourd’hui, et elle pouvait facilement compter sur les doigts d’une main ceux qui étaient sincères. Les mots avaient une tendance à glisser sur elle dans ces cas-là, la jedi répondant toujours à ses interlocuteurs avec un sourire poli, et assez désintéressé, vestige évident de sa bonne éducation. Cela dit, recevoir autant de louanges de la part de celui qui partageait finalement sa vie, car il était temps de l’admettre, avait de quoi faire plaisir… Et flatter très légèrement son ego.

La trentenaire n’était pas dupe, et savait qu’il était nécessaire de ne pas se fier aux sirènes que pouvaient inspirer la passion amoureuse, cette dernière ayant tendance à colorer la vérité d’une teinte certes agréable, mais néanmoins passagère et parfois, pour ne pas dire souvent, assez exagéré. Pourtant… D’une certaine façon, elle arrivait à croire sincèrement à ce que disait Lorn… Parce qu’il n’était pas le premier à lui assurer ce genre de choses. Oui, elle était douée au sabre, à ressentir les choses dans la Force, avait la chance de venir d’un environnement familial atypique, dont elle avait fait une force, et qui avait en partie guidé des centres d’intérêt disparates… Elle pourrait s’adapter. Peut-être oui.

L’espace d’un instant, Alyria serra le poing, une lueur nouvelle dans le regard. Elle avait parlé de devoir, d’obligation jusqu’alors… Mais et si… ? Et si, elle pouvait vraiment réussir à faire quelque chose de cette charge ? La transformer en une chance pour l’avenir, et non un boulet qu’elle devrait traîner et dont elle devrait se débarrasser au plus vite ? Ce n’était sans doute pas ce qu’avait voulu dire Lorn, elle le devinait sans mal… Mais instinctivement, c’est ce à quoi elle avait pensé.

Etait-ce de l’ambition ? De l’espoir ? Elle espérait que c’était le second et non le premier. Halussius avait-il ressenti la même chose… Avant de se fracasser contre les affres de la réalité, et un Empire sith renouvelé ? Sans doute. Mais Alyria avait un avantage par rapport à ce dernier : des soutiens, divers, certes, aux idées différentes, mais qui, face à la crise actuelle, n’avaient pas d’autre chose que de coopérer. Et après… Difficile de prédire l’avenir, tant la situation actuelle pouvait mener à des scénarios extrêmement complexes, et impossibles à prédire.

Mais s’il y avait un moment pour réformer, pour unir… C’était maintenant ou jamais, assurément. De toute façon, la maîtresse d’armes doutait que la République ait réellement le choix. Retomber dans les querelles intestines ne ferait que repartir dans un cycle sans fin de machinations, de bassesses, et les siths continueraient à s’étendre joyeusement à leurs portes. La division était la mère de l’inaction, il était temps de montrer la capacité d’un régime à faire front. Oui, voilà, telle était peut-être la voie qu’avait voulu lui faire emprunter la Force. La question qui venait alors était simple : la prendrait-elle ?

Une part d’elle s’y refusait. Mais la part pragmatique de la jedi savait qu’elle n’avait pas le choix… Et qu’il était temps d’affronter la situation, de riposter, plutôt que de subir le cours des événements. Etait-ce le moment de prendre son destin, et celui de la République, entre ses mains ? Oui.

Aussi, après un long silence, elle demanda sereinement :

« Si c’était réellement mon destin d’être ici… Est-ce que tu crois que la République serait réformable ? Que je pourrais l’unir, étant donné les circonstances, pour tenter de contenir, voir repousser l’Empire ? »

Bien sûr, dit ainsi, cela ressemblait à une vulgaire fanfaronnade. Mais ces gens qui l’entouraient à présent, qui avaient accepté des cohabitations idéologiques acrobatiques au sein d’un même gouvernement… Y avait-il une chance pour que cette idée de rester unis, de se relever, soit un dénominateur commun pour tenter d’avancer ? Pendant des années, le Sénat s’était déchiré. Touché en plein cœur, il convenait de se relever. Et pour cela, il n’y avait pas beaucoup de possibilités : tenter de maintenir l’union. Etait-ce un vœu pieux de penser qu’une Chancelière modérée pourrait accorder les opinions en harmonisant les requêtes ?

« Si jamais les choses durent… On ne sait pas ce qui va se passer après, je ne pourrais pas démissionner immédiatement, et vu le délitement de la scène politique… Mieux vaut éviter. Cela fera beaucoup à gérer, sur du long terme, et avec des conséquences inconnues, surtout pour l’Ordre.

Je ne sais pas vraiment quelle est la marche à suivre. Peut-être que c’est le moment de changer les choses. Peut-être que je dois le faire. Peut-être pas. Ces questions me hantent. »


Elle fit une pause, avant de murmurer :

« Et… Cela risque de nous impacter également. Je veux dire, notre relation. Ce n’est pas le moment de le dire au Conseil, comme nous l’avions prévu auparavant, trop de choses sont en jeu au même moment pour se permettre ce genre d’annonce. Et cela implique un éloignement évident.

Nous sommes jedis, nous pouvons le gérer, je n’en doute aucunement, déjà que quand j’étais ministre, nous nous voyions rarement… Mais est-ce que tout cela ne sera pas lourd à porter ? »


Est-ce qu’elle ne risquait pas de se perdre ? N’y avait-il pas un risque ? Si, probablement. D’un autre côté…

« Enfin, si nous arrivons à surmonter cela… Au moins, difficile de trouver un meilleur argument quant à la capacité à faire son devoir et à ne pas se laisser perturber par une relation. Déjà, les événements vont se précipiter sur Aargau, et nous serons aux premières loges… Bien que pour une fois, séparés. »

Lui sur le champ de bataille, elle dans les antichambres du pouvoir… Oui, bien des choses avaient changé en quelques heures à peine.

Souriant légèrement à la dernière remarque de Lorn, Alyria s’empressa de répondre :

« Ah ah, je crois qu’il vaudra mieux éviter… Même si j’apprécie le sentiment. »

Mais la suite lui arracha une grimace :

« J’aimerais mieux que cela n’arrive pas, tout comme toi… »

Puis, une ombre passa sur son visage, et elle redevint en un instant cette femme assez froide et détachée, qui analysait plutôt que de se laisser aller à l’excitation du moment.

« Bien sûr que dans l’idéal, j’adorerais avoir un visage ami ici, à mes côtés, et savoir que le Sénat est gardé par quelqu’un de confiance. Mais…

N’est-ce pas justement cela que nous voulons éviter depuis le début ? Je veux dire, n’est-ce pas une proposition faite parce que tu as peur pour moi, et non simplement de manière rationnelle, comme un maître ?

Tu vois, c’est ce que je disais plus tôt, quand je parlais de lourdeur de la charge par rapport à nous. Je ne veux pas que tu t’inquiètes trop pour moi. Je saurais assurer ma propre sécurité, tu le sais… Et je ne tiens pas à prendre une décision guidée uniquement par une affection personnelle… Quand bien même cette dernière compte beaucoup à mes yeux. »


Non décidément, Alyria n’était pas femme facile à comprendre, encore moins apte à tisser une relation. C’était sans doute pourquoi, quelque part, elle faisait un excellent contrepoint au spontané épicanthix… Et une candidate solide pour tenter de mener de front vie publique, vie de jedi, et vie privée.

Elle savait garder la tête froide, peu importe les circonstances… Et les conséquences.
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La plupart des gens ne voyaient les jedis que comme des moralisateurs ou des êtres bien-pensants qui s’estimaient plus sage que le commun des mortels, mais avec un peu d’expérience dans le domaine le jeune maître d’armes s’était rapidement rendu compte que l’existence d’un jedi n’était rien d’autre qu’une marche sur un fil tendu, où la chute d’un côté ou de l’autre ne tenait à presque rien. D’un côté – à l’image de ce que venait de dire Lorn à sa moitié concernant le fait qu’elle pourrait toujours compter sur le soutien de ses pairs de l’ordre – l’ordre se présentait comme une grande famille où chacun de ses membres pouvait compter sur les autres pour l’aider à traverser les obstacles qui jalonneraient sa formation, ce qui était tout à fait normal pour une organisation de cette taille et de cette ancienneté, mais de l’autre côté on poussait chaque membre à l’introspection afin de connaître leurs forces et faiblesses et d’identifier les axes d’amélioration sur lesquels travailler.
Pouvez-vous voir le souci, désormais ? On tendait à chaque nouvel arrivant une main secourable en cas de problèmes mais, d’un autre côté, on attendait de chaque padawan qu’il prenne cette main le moins souvent possible et qu’il soit à même de surmonter les épreuves qui se présenteraient à lui, de l’état de simple apprenti jusqu’au rang tant convoité de maître de l’ordre jedi. Comment savoir quand il était judicieux de prendre la main secourable et quand il était nécessaire de faire davantage d’efforts pour surmonter un obstacle ? Personne n’était là pour le dire, c’était à chaque individu d’apprendre à connaître ses propres limites et, avec le temps, à les repousser un peu plus loin chaque jour jusqu’à finir par ne plus avoir besoin de cette main secourable. Quand ce jour arriverait alors la personne concernée pourrait s’affranchir de sa tresse, symbole de son rang de padawan, et pourrait s’élever et s’envoler vers d’autres horizons.

Si les deux individus présents dans cette pièce avaient depuis longtemps dépassé ce stade, cela ne les empêchait pas pour autant de faire face aux mêmes problématiques que les plus jeunes des apprentis : était-ce judicieux et possible, pour quelqu’un dans leur position, de demander de l’aide ? Ils étaient tous deux des piliers de l’ordre jedi, de grandes choses étaient attendues d’eux et il semblerait donc étrange de les voir demander de l’aide…et pourtant ils restaient des humains avec ce que cela suggérait de failles et de fatigue. Être maître ne voulait pas dire que toute faiblesse humaine avait totalement disparu de leur personne, ils faisaient simplement tout leur possible pour faire bonne figure devant les autres qui les prenaient pour modèles, mais même eux avaient leurs limites et finissaient par craquer de temps à autres. Comme ce soir.

La demoiselle s’interrogea sur sa capacité à changer, à réformer les choses et la seule chose que Lorn crut bon de répondre fut la suivante :

« La galaxie toute entière est en mouvement constant, rien n’est immuable. L’Ordre jedi, toi, moi, la République, tout finit par changer avec le temps…et quelques efforts supplémentaires. »

Il commençait à parler en énigmes comme les vieux maîtres de l’ordre, à son grand regret, mais même lui ne pouvait savoir si Alyria était celle qui serait à la base de la réforme dont avait besoin la République. Lui dire que lui, la mettre en confiance serait sans doute lié à l’affection qu’il avait pour elle plus que sur la vérité et les faits. Mais bientôt la demoiselle commença à s’interroger sur la place de leur relation dans tout ceci et, exaspéré de la voir se questionner sur tout et n’importe quoi alors qu’elle avait bien assez à faire, Lorn soupira et lui demanda :

« Tu veux bien me faire plaisir et arrêter de te bombarder de questions, juste pour ce soir ? »

Ne pouvait-elle pas tout couper et faire une pause, le temps d’un soir ? Elle en avait pourtant désespérément besoin. Elle s’interrogea sur leur petit secret mutuel qu’ils ne pouvaient encore s’autoriser à dévoiler à quiconque, se demandant si cela ne finirait pas par les étouffer et, à cela, le jeune Vocklan ne put que répondre :

« Trop lourd ? Peut-être bien, mais nous porteront tout ça sur nos épaules aussi longtemps que nos corps le supporteront. Nous endureront, la tête haute, jusqu’à ce que l’orage page et que le Conseil nous autorise à enlever ce poids de nos épaules. »

Les jedis enduraient encore et encore, ils enduraient leur propre douleur et celle des autres, c’était leur façon de faire, leur voie du sacrifice pour ainsi dire et cette situation ne faisait pas exception. Ils enfreignaient déjà les règles de leur ordre, il ne fallait pas non plus attendre énormément de patience et compassion de la part de leurs pairs dans ce domaine-là.
Bientôt, lorsque la demoiselle refusa la proposition de Lorn en le soupçonnant de n’être guidé que par son attachement envers elle, le concerné fronça légèrement les sourcils et, se renfrognant, se dirigea vers la fenêtre et observa l’extérieur avant de lâcher froidement :

« S’il y avait quelqu’un en qui j’aurais autant confiance qu’en moi pour assurer ta protection, je le ferais. Pour l’heure je ne peux ignorer comment a terminé ton prédécesseur, et l’éventualité que tu subisses le même sort. La sécurité actuellement en place est clairement insuffisante, je pensais que toi au moins tu t’en serais rendue compte.»

C’était peut-être encore un sujet tabou mais en l’abordant peut-être comprendrait-elle qu’il ne plaisantait absolument pas…peut-être bien. Avait-il touché une corde sensible ? Il ne le savait pas mais cette discussion venait de lui rappeler à quel point lui aussi était fatigué par tout ça…moins concerné directement mais fatigué malgré tout. Soupirant de fatigue devant la ville constamment éclairée qui s’étendait à perte de vue, le maître réfléchit quelques secondes et lâcha finalement

« Peu importe ce que je pense, ça ne dépend pas de moi de toute façon. Nous avons chacun un rôle à jouer. »

Son rôle était de former, de guider et protéger les futures générations de l’ordre, il le savait bien mais parfois il aurait peut-être préféré avoir le choix…mais il était malheureusement trop tard pour ça. Il devait suivre sa propre voie, non pas tenter de s’incruster dans celles des autres.
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Depuis le début de leur amitié, Alyria savait que Lorn et elle étaient différents. Certes, ils avaient un point d’intérêt majeur en commun, à savoir le combat aux sabres, mais leurs personnalités recelaient une opposition radicale, aussi bien de caractère que d’éducation, d’expériences passées, de loisirs… Ils étaient deux entités aux aspirations et aux manières d’êtres qui ne coincidaient pas toujours.

Si dans leur jeunesse, l’enthousiasme de l’une et le côté taciturne de l’autre avaient généralement permis d’éviter les disputes, cela ne signifiait pas qu’il n’y en avait jamais eu, loin de là. Au petit jeu de qui était le plus têtu, difficile de trouver un gagnant entre le colosse taiseux et sa camarade au caractère pétillant. Alors, quand ces deux-là entraient en conflit, les autres inités avaient l’habitude de raser les murs et de ne surtout pas s’en mêler. Mieux valait éviter de contrarier les deux meilleurs sabreurs de leur génération.

Avec l’âge, et la maturité, ils avaient appris à gérer ces différences, à les accepter, et même parfois à adorer les petits défauts de l’autre, ces tics que l’un ne comprenait pas chez l’autre mais ne lui reprochait pas pour autant… la sagesse de l’amitié, voilà ce à quoi ils étaient parvenus. Etait-ce pour cela que leur amour – car il s’agissait bien de cela, à présent- avait éclos avec une telle intensité une fois révélé ? Peut-être, la vie avait eu l’avantage de les faire se côtoyer longuement avant de se fréquenter réellement, aussi ils n’étaient pas aveuglés par la passion et pouvaient voir facilement chez l’autre ce qui ordinairement mettait longtemps à se révéler pour les couples plus traditionnels.

C’est pourquoi la petite phrase fit l’effet d’une gifle monumentale à la gardienne. Ainsi, il n’avait pas compris qu’il était dans sa nature de se questionner ? Pire, il n’arrivait pas à intégrer le fait qu’après une crise pareille, elle comptait sur lui pour l’aider à remettre de l’ordre dans ses pensées ? Etaient-ils donc revenus au point où, gamins, elle lui reprochait de ne pas assez s’intéresser à ce qui se passait autour d’eux, et lui répliquait farouchement que c’était une perte de temps inutile ? Apparemment. Et cela la chagrinait au plus haut point. Surtout, elle avait l’impression de ne pas pouvoir compter sur le soutien qui aurait été l’évidence même à ses yeux.

Réellement, cette phrase l’avait blessée plus que de raison. Etait-ce la fatigue, l’épuisement nerveux qui la rendait si susceptible ? Sans doute. Mais surtout, elle ne comprenait pas cet espèce de détachement de celui qui soudain ne voulait pas s’engager, pas donner son avis. Bon sang, mais ne comprenait-il donc pas qu’elle en avait besoin ? Qu’elle voulait qu’il le lui donne, qu’elle y accordait de l’importance ? Qu’à côté de tous ces roquets qu’elle avait dû supporter toute la journée, à quémander une place ou une faveur pour soutenir la coalition gouvernementale, il était bien plus digne d’estime ?

Se dégageant de son étreinte, elle se leva et, croisant les bras, siffla d’un air dur, où toute trace d’une quelconque tendresse avait disparu, pour laisser place à son habituel masque de glace :

« Navrée de penser que tu serais capable de comprendre qu’après une journée à courir dans tous les sens, je pourrais avoir besoin justement de réfléchir au calme, et avec quelqu’un dont j’estime les conseils…

Donc non, je ne peux pas arrêter de me poser des questions. Et manifestement, toi non plus. »


Alyria lâchait rarement son côté froid et sarcastique sur ses amis, encore moins sur son amant. C’était un mécanisme de défense hérité de ses années à la cour hapienne, de son enfance à s’entendre répéter les secrets de l’art du discours par sa mère et la famille de cette dernière. Cependant, poussée à bout, réellement blessée par une phrase pourtant anodine, la jeune femme avait laissé échapper sa frustration… Et le regretta presque aussitôt.

Peu importait la manière dont elle se sentait ou ce que son compagnon avait dit. Ce genre de reproche perfide n’avait pas sa place dans la bouche d’un maître jedi, pas plus que dans celle d’une Chancelière de la République… Encore moins dans celle d’une amie.

De toute façon, elle n’eut pas le temps de présenter ses propres excuses, puisque Lorn enchaîna sur un reproche de son cru, qui eut le mérite de lui clouer le bec, tant il ressemblait à s’y méprendre à celui qu’elle venait de formuler. En effet, elle n’avait pas fait l’effort de comprendre pourquoi il avait fait cette proposition, tant elle avait peur que cette dernière ne soit dictée par un attachement trop fort. Cependant, guidée par une fierté personnelle certes mal placée, mais qui était à peu près tout ce qu’il lui restait à cet instant, elle renifla puis finit par dire, lui tournant le dos comme pour prendre un verre d’eau, bien qu’en réalité il s’agissait plus de lui cacher son visage près à craquer :

« Je ne suis pas mon prédécesseur… Je… »

Un très léger sanglot monta dans sa gorge, qu’elle réprima aussi vite que possible, avant de continuer, d’une voix nettement plus aigue que d’ordinaire :

« Je suis un Maître jedi. Pas comme Valérion Scalia qui n’avait de toute façon aucune chance contre un sniper à distance.

Et … De toute façon, tu ne pourras pas toujours être là. Un, parce que tu as d’autres fonctions plus importantes. Deux… Parce que je ne le permettrais pas. »


Voilà qui était dit. Se retournant alors, abandonnant définitivement sa fausse pose, pour laisser apparaître une face marquée par le chagrin et la colère, les yeux brillants de larmes difficilement contenues, elle essaya de lui expliquer :

« J’ai besoin de savoir que tu t’occupes des padawans. Qu’il y a quelqu’un au Temple de Coruscant qui veille sur nos jeunes. Qui porte la voix des gardiens.

Et je ne veux pas devoir surveiller mes moindres faits et gestes si tu es là pour ne pas attirer l’attention, me demander sans cesse si c’est bien ou pas…

Je… Je n’ai vraiment pas besoin de ça. Tu comprends ? »


Sa voix s’était faite suppliante. C’était un véritable aveu de faiblesse qu’elle lui livrait là, et Alyria Von n’était pas femme à en faire beaucoup. Seulement, submergée par la fatigue, par un enchaînement d’événements qui la dépassait, et par toutes ces émotions qu’elle devait maintenir à flot, contrôler… Il ne pouvait pas y avoir de faille dans son système bien huilé. L’avoir auprès d’elle constamment en serait une, et c’était hors de question.

Reprenant une posture plus régalienne, après plusieurs inspirations profondes pour se calmer, la maîtresse d’armes passa une main sur son visage pour se donner une contenance, et finit par dire d’une voix un peu terne :

« Si cela te tiens tant à cœur… Tu pourras toujours voir avec le chef de ma sécurité et le Chevalier Draayi pour organiser les choses d’une façon adéquate. Ou t'entretenir avec le Vice-Chancelier et le Maître Tianesli pour intégrer provisoirement la Garde Licteur.

Je ne peux rien faire de plus. »


Plus exactement, elle ne le voulait pas. C’était différent. Exactement comme eux l’étaient, différents… Et en même temps tellement semblable, dans cette volonté farouche de protéger les leurs, de faire leur devoir à tout prix. Mais seraient-ils enfin à même de le comprendre ?
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Le fait que deux individus apprennent à s’aimer, que ce soit spontané ou que cela prenne un peu plus de temps, ne pouvait jamais vraiment effacer les différences de leurs personnalités respectives et, dans la plupart des cas, c’était cette différence qui faisait la complémentarité et compatibilité de ces deux individus. Que l’un soit extravagant et l’autre introverti, que l’un soit organisé et l’autre bordélique, ou encore que l’un soit précautionneux et l’autre spontané, c’était ce mélange de deux personnalités différente qui créait cette alchimie que certains pourraient appeler l’amour. Enfin bon, je ne vais pas vous faire un dessin car vous l’avez tous au moins ressenti une nouvelle fois non ? Non…oh…hum…pas de chance ! Une prochaine fois, peut-être !
Tout cela pour dire que même si les premiers moments intimes et passionnels de ces deux êtres avaient été emprunts de douceur et de bonheur, il ne fallait pas se le cacher, le réalité venait finalement les rattraper pour leur rappeler que malgré tout ils étaient des individus aux tempéraments bien trempés, certes, mais surtout bien différents.
De par son éducation et son expérience l’une était cultivée, certes, mais surtout calme, réfléchie et parfois assez froide sur les bords, ce qui était un peu ce que l’on attendait d’un maître jedi digne de ce nom tel que le commun des mortels se l’imaginerait. De son côté, le compagnon de la demoiselle était aux antipodes de son caractère. Brutal, sec, taciturne et avec une aversion profonde pour toute forme de diplomatie ou de discussion à base de langue de bois, le calme apparent dans lequel se drapait le maître d’armes n’était finalement qu’une façade derrière laquelle se terrait une culture guerrière et brutale qui n’avait pas toujours sa place au sein de l’Ordre. Comment deux individus si différents arrivèrent-ils à s’aimer ? Comment la belle parvint-elle à aimer la bête ? Le cœur a ses raisons que la raison ignore, comme le veut l’expression.

Ils avaient tous deux leurs expériences propres, leurs passés respectifs, avaient traversés des épreuves bien différentes et fait face à des tentatives bien distinctes mais, en définitive, ils avaient tous deux réussi à faire face à tous ces obstacles pour en ressortir grandis de cette expérience. Ils n’étaient plus de jeunes étudiants découvrant avec précaution les voies de la Force, ils étaient devenus des piliers respectés de l’Ordre mais n’en restaient pas moins des êtres humains avec tout ce que cela sous-entendait d’émotions – même refoulées – et de tempérament.
Les premiers instants avaient été magique pour ainsi dire, il ne fallait pas le cacher, mais avec les évènements qui troublaient actuellement la galaxie arrivaient leurs lots de problèmes pour le jeune couple qui, en plus de devoir se cacher aux yeux de tous, apprenaient à se redécouvrir et à faire face ensemble à des situations sans précédents. Ce n’était pas tous les jours que votre copine succédait à son patron qui venait de se faire assassiner et, de ce fait, était propulsée au sommet de la vie politique de la République toute entière.

Si le jeune homme n’avait vraiment aucune idée de ce que pouvait ressentir sa camarade à ce moment-là, même s’il essayait de se l’imaginer de toutes ses forces, il fut assez surpris de la réaction qu’eut sa camarade quand il lui suggéra de se calmer et de se poser un peu. Les deux êtres étaient différents et, si la demoiselle ne pouvait cesser de se poser des questions sur tout et n’importe quoi, Lorn avait une certaine capacité à se concentrer aisément sur quelque chose pour faire la paix dans son esprit. Ce quelque chose étant le combat au sabre laser le plus souvent, certes, mais ce n’était là qu’un détail.
Ne pouvait-elle pas essayer de calmer son esprit pendant quelques secondes et souffler après cette journée éprouvante ? Apparemment non et elle en vint même à reprocher à Lorn sa capacité à ne pas comprendre sa situation. Si les rôles avaient été inversés, l’aurait-elle pu ? Non, cette question à la réponse évidente n’avait pas de sens car ce type de scénario n’arriverait jamais.

Au-delà de la simple inquiétude pour sa camarade, le jeune maître voyait bien que physiquement comme mentalement elle était épuisée et qu’elle était simplement en train de brûler ses dernières forces à tenter de réfléchir au calme, mais pourtant elle préférait s’écarter de lui et lui lancer à la figure ce qu’elle avait sur le cœur. Se tournant et s’approchant des vitres extérieures, muré dans son imperturbable silence, il écouta les dires de sa demoiselle qui se dévoilait petit à petit.
Elle le voyait comme une gêne, un obstacle dans son plan, un boulet qu’elle devait constamment traîner lorsqu’il était dans les parages et, de ce fait, elle préférait le savoir loin d’elle afin d’éviter les complications. Que pouvait-il dire à tout cela ? Elle ne voulait pas de lui pour sa sécurité, préférant le reléguer au rang de vulgaire baby-sitter alors que l’action se passait ailleurs. Avez-vous déjà vu un guerrier heureux d’être sur le banc de touche ? Bien sûr que non, et pourtant la demoiselle espérait que son compagnon allait accepter son choix sans broncher.
Toujours tourné vers la vitre, refusant de croiser son visage malgré son ton qui se voulait presque suppliant et au bord de la crise, Lorn ferma les yeux un instant tout en croisant les bras contre sa poitrine. Il avait des tonnes et des tonnes de répliques en tête mais toutes ne feraient qu’aggraver les choses, et de toute façon que pouvait-il dire ? La chancelière avait le dernier mot lorsqu’il s’agissait de sa protection ainsi que son entourage et, de ce fait, si elle refusait d’avoir Lorn autour d’elle alors ce dernier n’avait plus rien à dire pour sa défense.

Un boulet, un cheveu dans la soupe, s’il n’était rien que ça dans l’existence actuelle de la chancelière alors il n’avait plus rien à ajouter à cette conversation stérile. Préférant s’en aller avant de lancer quelque chose qu’il finirait par regretter plus tard, Lorn se pivota et, un air froid et agacé sur le visage, se dirigea vers le siège où il avait posé sa veste. Attrapant cette dernière sans l’enfiler pour autant, c’est sur un ton des plus secs et cassants qu’il lâcha :

« Très bien. Vos instructions seront respectées, Chancelière. Sur ce, je retourne au Temple. Reposez-vous, vous l’avez mérité.»

Sur le coup il ne prenait même pas la peine de masquer ce qu’il pensait des mots de sa compagne, cachant à peine son mépris et son énervement derrière des politesses qui ne lui convenaient guère. Peut-être que sa camarade avait raison et qu’il n’était qu’une gêne dans tout ça, peut-être qu’elle ne connaîtrait pas le même sort que son prédécesseur, peut-être n’était-il bon qu’à jouer les baby-sitters de luxe...mais cela n’avait plus d’importance pour le moment. Accusant le coup de cette claque dans la figure, de s’être fait reléguer au banc de touche, Lorn ne s’arrêta pas un seul instant et, d’un simple mouvement de main et de communion avec la Force, ouvrit la porte des quartiers de la demoiselle.

Qu’allait-il faire maintenant ? Retourner à la salle d’entrainement pour évacuer cette pression peut-être, il était hors de question de tenter de dormir en cet état.
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Elle était allée trop loin. Alyria l’avait su immédiatement après avoir parlé, et la couleur quittant peu à peu le visage de Lorn, son attitude défensive, bras repliés devant lui, la douleur dans ses yeux bleus ne faisaient que le confirmer. Elle d’ordinaire si attentive à ne pas dire un mot plus haut que l’autre venait d’expulser sa rage, son impuissance face à cette situation détestable sur le seul appui qu’elle pouvait espérer.

Elle était idiote.

Déjà, la maîtresse d’armes se maudissait silencieusement, mordant sa lèvre inférieure jusqu’au sang, ne sachant plus que dire, laissant le silence lourd qui avait suivi ses paroles s’épaissir, tandis qu’elle se repassait le fil de cette conversation. Alors, soudain, elle comprit dans un flash lumineux et brutal le faux pas monstrueux qu’elle avait commis. La demi-echanie se souvint de leur première nuit ensemble, et de la conversation qui l’avait précédée, où Lorn déplorait le fait de devoir veiller sur les jeunes recrues du Temple de Coruscant sans possibilité de trouver de l’action autre part. D’une certaine façon, elle venait de le renvoyer à cette situation. Pourtant outre le fait que s’occuper des padawans était son devoir de maître, une partie d’elle-même estimait qu’elle n’avait fait que statuer la vérité : Maître Berryl aurait besoin de toute l’aide nécessaire, surtout dans une période où il allait être dépêché dans la Bordure. Restait que cela ne correspondait pas forcément aux aspirations de son compagnon.

Y avait-il un moyen de lui faire comprendre qu’elle ne remettait pas en cause ses capacités, mais que mobiliser un maître supplémentaire serait un faux pas, qu’entourés de journalistes, de sénateurs, ils devraient faire attention à leurs moindres faits et gestes, et qu’elle désirait que le choix de sa garde personnelle ne soit pas motivée par des désirs intimes ? Parce que si cela n’avait tenu qu’à elle, Alyria, elle ne se serait pas posée de questions, évidemment. Sauf que hélas, elle avait beau occuper le poste le plus important de la galaxie, elle trouvait soudain sa marge de manœuvre très étroite.

Cependant, elle en était là à essayer de voir comment s’expliquer encore, quand Lorn, qui accusait très manifestement le coup, prit finalement ses affaires et annonça d’une voix qu’elle ne lui reconnaissait pas son intention de partir. Pire encore, il lui adressa ce titre honni, comme une insulte renvoyée dans sa figure. La jedi sentit son cœur se déchirer.

Elle avait subi la pire journée de son existence, et voilà qu’en toute conscience, la seule partie de sa vie qui n’avait pas encore été balayée par le carnage menaçait de s’écrouler à son tour ? Allaient-ils réellement en rester là ? Sur ces mots cassants ? Sur cette froideur qui la faisait frissonner ?

Alors, enfin, comme si son cerveau refusait désespérément de penser, Alyria cessa de réfléchir, pour laisser place à un grand vide, une expression de trahison sur le visage, qu’elle ne cherchait pas à cacher. La Chancelière… Voilà donc ce qu’elle était à ses yeux. Et ce vouvoiement… A quand remontait la dernière fois qu’il l’avait utilisé envers elle ? La réponse était simple : jamais.

Ce qui se passa ensuite fut le résultat d’un pur instinct, une action faite sans réfléchir, dans l’urgence de la douleur et de l’abandon programmé. Un cri informulé s’échappa de sa gorge, et en quelques pas rapides, la gardienne enserra dans ses bras le torse de son amant, sa main se posant sur celle qui était encore refermée sur la poignée de la porte. Et elle le serra silencieusement contre elle, incapable de parler, mais essayant désespérément de le retenir avec tout ce qui lui restait d’énergie, ses doigts enlaçant convulsivement ceux de Lorn. La tête enfouie dans son dos, la trentenaire humait le parfum familier de l’épicanthix, celui qu’elle aimait sentir le matin quand ils étaient seuls et qui lui donnait l’impression d’être chez elle, en sécurité. Cette odeur lui évoquait des rires partagés, des entraînements matinaux, des baisers passionnés… Pas question de teinter son souvenir par des cris et des larmes. Et pourtant déjà, sans qu’elle en puisse les retenir, les perles salées coulaient de ses yeux, humidifiant la bure de l’homme qu’elle aimait. Enfin, elle avait craqué.

Finalement, après un temps qui lui parut une éternité, alors qu’il ne s’était sans doute écoulé que quelques instants, elle se mit sur la pointe des pieds pour être à sa teille et murmura d’une voix suppliante :

« S’il te plaît… Reste. Je… Je suis désolée… »

Ce n’était suffisant. C’était tout sauf suffisant. Elle ne voulait pas que Lorn se sente coupable et reste par pitié. Elle refusait cela. Ils valaient mieux que cet échange pathétique, que ces mots si durs qu’ils s’étaient envoyés à la figure. S’ils n’étaient pas capables de surmonter cette épreuve en tant qu’amis, en tant que couple… Alors cela ne servait à rien de continuer, et c’était une évidence aussi froide que terrible, à laquelle Alyria ne pouvait pas se résoudre. Elle ne laisserait pas cette maudite Chancellerie lui enlever qui elle était, ses amis, ce qu’elle avait de plus précieux. Non ! Elle le refusait, et cette conviction lui donna enfin la force qui lui manquait pour parler.

« Regarde-moi. Je t’en prie. »

Si le contenu restait celui de la supplique, il n’était plus teinté de ce désespoir maladif qui l’avait étreint tantôt, mais d’une note de résolution et d’espoir. A présent face à face, les deux jedis se dévisageaient, et Alyria détailla encore une fois les traits fins de ce visage qu’elle connaissait par cœur. Instinctivement presque, son bras s’avança pour caresser la joue du fougueux guerrier de Panatha, mais elle se retint au dernier moment, le laissant dans les airs un bref instant avant de le rabattre le long de son corps, l’ombre d’un regret passant dans ses yeux l’espace de quelques fugitives secondes.

C’était le moment ou jamais. Celui où elle parlait pour sauver ce qui l’animait encore. Elle plongea ses yeux verts dans ceux cyans de l’homme qui occupait toutes ses pensées à cet instant, une lueur de sincérité brillant dans son regard, et finit par murmurer dans un souffle chaud :

« Si je pouvais sortir demain avec toi à mes côtés, non pas comme ami ou simple garde du corps, je le ferais. Si je pouvais parcourir la galaxie avec toi, en vrais jedis, à trouver des reliques cachées, des trésors perdus, à nous rendre utile, je le ferais aussi. Ce n’est même pas cela : je veux qu’un jour ce soit le cas, et j’y crois à cette possibilité.

J’ai envie que nous soyons suffisamment forts et respectueux de nos engagements pour pouvoir annoncer sans honte, fièrement notre relation au Conseil. Et quand ce jour viendra, car je sais qu’il viendra, je me tiendrais à tes côtés pour proclamer que… »


Elle hésita un instant. Alyria ne le lui avait jamais dit directement. Oh bien sûr, elle le lui avait montré, et de bien des manières différentes, elle savait également ce qu’il en était sur les sentiments de Lorn. Pour autant, aucun des deux ne l’avait verbalisé. Mais là, dans ce torrent de mots qui lui venait, qui ne semblait pas vouloir se tarir, elle éprouvait cette envie irrépressible de prononcer trois syllabes décisives.

« … Je t’aime. »

Voilà, c’était dit. Un poids lui parut alors quitter ses épaules. La gangue d’angoisse qui enserrait son cœur desserra son étreinte. Peu importait la suite. Au moins, ils ne se sépareraient pas sans que l’épicanthix ait entendu la vérité, sans qu’il l’ait senti dans sa voix, son regard, ses mots.

« Et j’ai envie de faire la même chose ici, à la Chancellerie. De m’échapper dès que j’en serais capable pour te rejoindre, parce qu’au milieu de cette maudite planète, alors que j’ai la République à mes pieds, il n’y a qu’un seul endroit où je veux être… »

Elle le regarda, n’explicitant même pas. Y avait-il encore besoin, à ce stade ?

« Mais je sais aussi que ça ne peut être le cas. Et je préfère de beaucoup te savoir paré à assurer la sécurité des padawans du Temple, mais aussi capable de répondre à l’appel de l’Ordre à tout moment, à mon propre appel si besoin est, ce qu’un poste au Sénat ne permet pas. Je sais que tu serais le plus compétent, le plus dévoué des gardes présents. Si nous recevons un invité important, si une situation de crise se déclare, évidemment que je te veux à mes côtés. Comme je sais que s’il faut une escorte à la Chancelière Suprême pour se rendre dans des négociations à l’extérieur, alors je ne réfléchirais pas beaucoup au nom qui émergera pour s’acquitter de cette tâche. »

Elle en profita pour reprendre son souffle. Le moment de vérité approchait :

« Mais avec Maître Berryl dans la Bordure, le chaos ici… Après les institutions républicaines, qui nous dit que la prochaine cible des siths ne sera pas le Temple ? Maître Tianesli va prendre la direction de la Garde Licteur, la Chancellerie sera très bien protégée, et je sais que s’il y a besoin, tu seras aussi là pour aider.

Cependant… En mon absence, un maître d’armes manque, je ne suis pas énormément présente au Temple, logiquement… Avant Aargau, l’Ordre a plus besoin de toi que moi… Ou plus exactement, je brûle du désir de t’avoir à mes côtés, en sachant pertinemment qu’il vaut mieux s’organiser plus efficacement pour couvrir le maximum de terrain. »


Soudain, une lassitude extrême l’envahit. Cela ne servait à rien de revenir encore et toujours au point de départ. Elle voulait dépasser ce cap. Elle voulait que tous deux le dépassent. Aussi elle finit par ajouter après un nouveau moment de silence, sa main touchant enfin la joue aimée, leurs visages à quelques centimètres seulement l’un de l’autre :

« Je suis désolée si je t’ai blessé… Je crois… Qu’après toute cette journée… Je ne sais plus trop comment expliquer ce que je ressens.

Juste… Ne t’en va pas. »


Elle termina dans un murmure presque inaudible :

« J’ai besoin de toi. »
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Le jeune maître n’avait besoin de personne pour reconnaître ses propres défauts et savoir que dans le haut de la liste venaient sa brutalité, son côté bougon et sa froideur qui bloquaient plus d’un interlocuteur ne sachant pas trop quoi dire face à un tel mûr. En général lorsque quelqu’un ou quelque chose n’était clairement pas à son goût il ne cherchait même pas subtilement à le faire savoir, préférant nettement ignorer la personne ou chose visée ou, en dernier recours, préférant ne pas mâcher ses mots pour qu’il n’y ait plus de malentendu. Rien de vaut l’honnêteté, non ? Mais parfois accompagner cette franchise d’un minimum de tact ne faisait pas de mal, c’était même le petit truc en plus qui aidait à ne pas se brouiller avec ses interlocuteurs et s’isoler du reste du monde. Ainsi, n’étant pas très à l’aise avec le concept de tact autrement que lors des leçons avec ses padawans, Lorn préférait nettement jouer les jedis froids, secs et taciturnes plutôt que de devoir faire des ronds-de-jambes et s’adonner à l’art de la langue de bois, art qu’il détestait au plus haut point.
Pourquoi vous dis-je tout cela ? Simplement pour vous montrer que Lorn ne cherchait jamais à volontairement blesser les gens – du moins lorsqu’il usait de mots – et que ce n’était rien d’autre que l’énervement, l’exaspération et une petite touche de fatigue qui le poussèrent à user du titre de la chancelière comme une insulte ou une pique destinée à faire preuve de condescendance en rabaissant leur relation jusqu’au niveau le plus formel.

C’était tout à fait inhabituel chez lui que d’user des mots comme d’une arme mesquine, surtout contre une personne qui lui était chère, mais même s’il regretta immédiatement ses paroles au moment où elles s’extirpèrent de sa bouche, il était beaucoup trop tard pour faire machine arrière. Il avait laissé ses émotions prendre le pas sur sa raison, et même si ce n’était qu’au travers des mots cela dénotait d’un manque de contrôle certain alors qu’il était le premier à se targuer d’être maître de lui-même et de ses émotions. Vous voyez le tableau ?
Mais sur le coup il savait que c’était trop tard, et d’ailleurs il n’avait nullement envie de s’excuser, préférait retourner fulminer dans son coin et canaliser sa tension en s’entraînant ou en marchant dans tout Coruscant s’il le fallait mais il ne voulait surtout plus rester ici. Il aurait aisément franchi cette porte sans se retourner s’il n’avait pas senti des bras se refermer tout autour de lui pour l’empêcher de faire un pas de plus. Oh je sais ce que vous vous dites, vue la différence de carrure et de poids il n’aurait eu aucun mal à se défaire de l’emprise de cette personne derrière-lui, et pourtant il se stoppa net. Il n’était pas choqué ou désemparé par ce mouvement, non, mais bien par ce qu’il représentait.
Il savait que sa camarade avait une éducation telle qu’elle faisait toujours très attention à ce qu’elle disait ou faisait, prenant des pincettes dans chaque aspect de sa vie et si elle était poussée à agir impulsivement, sans réfléchir, guidée par le désespoir et la fatigue, n’était-ce pas un signal d’alarme suffisant pour que Lorn comprenne qu’elle était littéralement à bout ? Il était en colère et frustré, certes, mais il n’était pas embourbé dans ces ténèbres au point de ne pas voir ce signal.
Il savait que ses émotions avaient obscurci son jugement plus d’une fois et le feraient encore mais s’il y avait bien une personne qui arrivait à percer à travers cet amalgame de ressentiments, de frustration et de fureur guerrière c’était bien cette déesse à la crinière de feu. Même au bord du gouffre elle arrivait encore à l’attirer à lui comme le plus puissant des aimants.

Alors qu’il restait là, immobile, il se tourna finalement vers la demoiselle et plongea ses yeux dans les siens, toute trace d’hostilité avait été irrémédiablement effacée. Silencieux, ne faisant que la regarder sans bouger, il resta à écouter la demoiselle et peu à peu il comprit enfin son point de vue. Dans sa colère et sa frustration d’être coincé comme baby-sitter il n’avait pas imaginé un petit instant que si la demoiselle agissait de la sorte ce n’était pas par plaisir, que peut-être elle aussi désirait en finir avec toutes ces cachotteries mais que la situation ne lui permettait pas d’agir comme elle le souhaiterait.
De par sa position elle était désormais au centre de l’attention, chacun de ses gestes était épié sous toutes les coutures si bien qu’il n’y avait que le soir, dans ses quartiers, qu’elle pouvait finalement être elle-même et aujourd’hui, alors qu’elle était à bout de force, Lorn venait lui donner le coup de grâce en lui enlevant la seule chose qui lui remonterait le moral ? Triste erreur, en effet. C’était aussi dur à supporter pour lui que pour elle et il lui aurait fallu cette soirée pour s’en rendre compte : un peu long à la détente, le bougre ! Essayant de sourire pour détendre un peu la situation, il tenta un petit trait d’humour en lâchant un :

« Nos vies ne seront jamais vraiment simples, n’est-ce pas ? »

Mais ils avaient su dès le départ dans quoi ils s’engageaient, leur vœu n’avait simplement encore jamais été mis à l’épreuve de cette façon. Refermant ses bras autour de la demoiselle après avoir fermé la porte, le jeune maître posa sa tête sur celle de la demoiselle – chose aisée grâce à leur différence de taille – et se contenta de lâcher simplement :

« J’aimerais savoir combien de temps on aura encore à attendre, à devoir se cacher mais je sais que ce n’est pas une science exacte. Je me demande simplement combien d’obstacles nous allons devoir franchir, ensemble ou chacun de notre côté, avant que le Conseil nous fasse suffisamment confiance pour qu’on lève ce voile sans crainte. »

Il se surprit lui-même à sentir son cœur faire un petit bond dans sa cage thoracique en entendant sa compagne lui lâcher enfin les deux mots magiques qui furent coincés dans sa bouche pendant si longtemps. Déconcertant, n’est-ce pas ? Et pourtant c’était possible, il avait bien des sentiments.

« Je remplirai mon devoir, comme je l’ai toujours fait, mais tu ne peux pas me demander d’y prendre goût…d’apprécier être loin de l’action alors que c’est là qu’est ma place. Néanmoins je continuerai de jouer mon rôle, aussi longtemps qu’il le faudra. »

Malgré les joyeuses retrouvailles et la réconciliation, le jeune homme devait tout de même apporter une petite nuance quant au fait qu’il obéirait toujours aux ordres liés à sa fonction de maître d’armes du Temple jedi de Coruscant. Remplir son rôle était une chose, l’apprécier en était une autre : mais son efficacité n’en serait pas amoindrie pour autant.
Bougeant la tête de gauche à droit en un signe de réponse négative, le jeune homme enchaîna sur l’une des dernières phrases de la demoiselle, en répondant :

« Tu ne m’as pas blessé, je suis juste trop têtu pour voir les choses de ton point de vue. Désolé, je ne devrais pas avoir à te faire subir ça, pas en ce moment. »

Quoi ? C’était sa façon de s’excuser, il n’avait pas l’habitude de le faire donc c’était encore à travailler mais c’était mieux que rien !
Profitant de la petite accalmie qui s’était installée, le jeune homme posa un doux baiser sur le dessus du crâne de la demoiselle, comme pour la rassurer, alors que ses bras continuaient de l’entourer et de la protéger comme une chaude barrière de peau et de muscles.
Puis, dans un souffle, alors qu’il abaissait sa tête et positionnait sa bouche juste à côté de l’oreille de sa compagne, il murmura :

« Je ne m’en irai pas…je ne m’en irai plus. Je t'aime.»

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Il y avait certaines conversations qu’il fallait mener. C’était rarement les plus agréables, souvent elles arrivaient aux pires moments… Mais dans toute relation à autrui, parfois, chacun devait prendre ses responsabilités et mettre les choses à plat, sur la table, et décider de fendre l’armure pour se livrer et balayer les regrets, les non-dits… Tout ce qui pouvait entacher les rapports entre deux personnes attachées l’une à l’autre et pourtant prises au piège du manque de communication.

Etait-ce un hasard si Alyria et Lorn venaient de traverser cette étape essentielle pour tous amis, pour tout couple ? Bien sûr que non. Entre leur relation à distance pendant un an, les bouleversements survenus au cours des dernières heures et enfin leurs caractères respectifs, ce n’était pas étonnant qu’il faille parfois faire face à des problèmes d’entente, de compréhension mutuelle.

A vrai dire, cette épreuve, ils auraient sans doute dû la surmonter même si leur relation n’avait pas évolué vers un lien amoureux. Ils avaient pris de l’importance au sein de l’Ordre, arpentant désormais deux chemins différents, et il paraissait évident que malgré des années et des années d’amitié, il y aurait forcément à un moment une tension à évacuer. Déjà, bien que de façon plus feutrée, correspondant à leurs personnalités moins contrastées, la maîtresse d’armes avait pu s’en rendre compte lors de sa conversation quelques heures auparavant avec Gabriel.

Sauf qu’aux questions de politique s’ajoutaient dans ce cas précis l’épineuse complication de la gestion d’une liaison, avec les mésententes que cela pouvait naturellement entraîner. Après presque quinze ans de célibat assumé et choisi, sans relation d’aucune sorte, Alyria savait pertinemment qu’elle ne serait pas la meilleure au petit jeu de la conversation cœur à cœur. Rien qu’au niveau du caractère, ce n’était tout simplement pas son tempérament. Si on rajoutait à cela l’incroyable entêtement dont pouvaient faire preuve les deux jedis, il y avait de quoi redouter que leur précieuse bulle lisse et rose éclate un jour ou l’autre.

Toute la question était donc de savoir s’ils seraient capables d’ouvrir les yeux, de se comporter en adultes et en jedis, ou bien de s’embourber dans des reproches sans fin, qui ne serviraient qu’à faire naître dans leurs esprits les racines de l’obscurité. Alors, pour remédier à cette situation dangereuse, la trentenaire avait décidé de faire un pas qui lui avait coûté, mais dont elle était fière, au fond d’elle-même : être enfin honnête avec elle-même, s’excuser, et dire clairement ce qu’elle ressentait. Manifestement, cet élan avait payé.

Se retrouver soudain dans les bras de Lorn lui fit presque un choc, tant elle s’était attendue à ce qu’il la repousse et continue son chemin vers la sortie. Mais non, il était resté. Il était resté avec elle. Lentement, elle se répétait ses mots dans sa tête, n’osant pas y croire. Surtout, enfin, lui aussi faisait le même cheminement qu’elle, à tenter de comprendre son point de vue, s’excuser… et lui dire ce qu’elle savait déjà.

Ce murmure au creux de son oreille la fit frissonner. De surprise, de joie, de désir… Un maelstrom de sensation s’empara d’elle, aussi la demi-echanie inspira profondément pour garder les idées claires et contenir au mieux ces sensations qui menaçaient de la submerger. Devant ses yeux défilèrent soudainement l’ensemble des moments qu’ils avaient partagés jusqu’à présent : souvenirs d’enfance, d’adolescence, de missions jedis, d’entraînements au Temple, de ces derniers mois… Quelques moments particuliers surtout étaient inscrits au fer rouge dans sa mémoire, ceux qu’ils avaient vécus depuis ce baiser qui avait tout fait basculer, et qui semblaient mener en ligne droite à ce moment précis, celui de l’aveu enfin complet de leurs sentiments réciproques.

Se souviendrait-elle, dans dix ans, de ce jour pour son accession à la Chancellerie, ou bien pour cette belle déclaration d’amour ? Alyria aurait été incapable de le dire. Les deux étaient porteurs de changement, mais le second résonnait évidemment différemment dans le cœur de la jedi. C’était un moment à chérir, précieux, rare… Un cristal inestimable.

Tournant la tête vers Lorn en se décalant légèrement, elle passa son bras autour de son cou et l’attira vers elle doucement, avant de déposer ses lèvres sur celle de l’épicanthix. Etonnamment après une telle scène, ce fut un baiser très chaste, un effleurement sensible, un souffle mêlé…
Puis Alyria se décida à approfondir ce baiser, essayant de transmettre sa passion sincère dans cet échange qui se passait de mots, qui ne demandait qu’à grandir, comme eux. Il n’y avait pas de précipitation, pas d’ardeurs douloureusement contenues, seulement une réelle tendresse, une envie délicate de répondre autrement que par des mots à ce qui venait de se produire.
En bref, ce baiser, c’était leur relation, c’était eux, il avait ce parfum de maladresse et de désir qui les traversaient sans cesse, cette flagrance d’incertitude et de détermination, l’aspect délicieux d’une saveur sans cesse nouvelle.

Peu importait leurs défauts, ils les surmonteraient. Désormais, ils étaient sur la même longueur d’ondes, comprenant enfin ce que l’autre tentait de faire pour mener au mieux leur vie de jedi et leur relation, et si l’avenir leur était inconnu, tant qu’ils resteraient unis, sûrs d’eux, de ce qu’ils désiraient, alors cela n’avait pas d’importance.

Ils s’aimaient. C’était peu. En même temps, en ces temps d’incertitude, c’était déjà beaucoup, et tous deux le savaient… Et ce baiser leur rappelait qu’ils avaient failli oublier que le plus important n’était pas de foncer vers l’inconnu, mais de travailler avec autrui pour essayer de le rendre plus simple, plus serein. Au moins avaient-ils avancé sur ce chemin-là.

La Force les guiderait.
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