Ragda Rejliidic
Ragda Rejliidic
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8h57, Quartier 500 republica, face au Musée des Arts et Cultures,

Affalé dans les coussins cramoisies de son chariot répulseur, Ragda attendait. De là où il se tenait, flottant sur la terrasse d'un des cafés installés en bordure de la grand place, il pouvait observer le bal incessant des touristes et autres curieux qui attendaient avec une impatience certaine l'ouverture du Musée des Arts et Cultures érigé par feu Côme Janos. Quoi qu'on puisse penser du personnage, il fallait lui reconnaître au moins ce succès : son musée ne désemplissait pas depuis quelques mois, devenu l'une des destinations touristiques phares de la planète capitale... Et comme par magie, ce succès avait fait naître quantité de bars, restaurants, cafés, boutiques souvenirs... Ce quartier qui, quelques années auparavant, avait connu un déclin faute de nouveaux investisseurs pour rénover ses vieux grattes-ciels d'une autre génération, jouissait aujourd'hui d'une côte renouvelée. Le prix du mètre carré avait quintuplé ces six derniers mois. Dans trois minutes le musée ouvrirait ses portes, comme tous les jours de l'année, sans exception... Et le bal des navettes commencerait alors sur les larges aires atterrissage juxtaposant l'imposant édifice.

Sirotant sa choppe de 50cl de café corsé, Ragda tourna la tête, pour observer, par delà les devantures criardes, bardées d'holopublicités plus tape à l’œil les unes que les autres, la silhouette d'un autre mastodonte architectural en pleine construction. Cette vision lui arracha un sourire. Un sourire de fierté. Il s'agissait de son futur casino. Grâce aux relations familiales du petit Aramyss, il avait pu mettre la main, voilà déjà quelques années, sur l'une des sociétés de construction coruscanti. Le Selphi avait alors fait fructifier cet investissement, jusqu'à lui dégager plus de trois cent millions de crédits. Pile poil ce dont il avait eu besoin pour réaliser ce rêve en passe de devenir une réalité. Fort heureusement pour son budget, il avait acheté les terrains avant la flambée des marchés. Et dire que ce projet avait été également pensé comme une insulte, une provocation : un antre de la débauche et du jeu à un patté de maison seulement du musée de son ancien ennemi. Il soupira. Il aurait tant aimé voir la tête de feu le Lord déchu cordialement invité à l'inauguration prévue dans six ou sept mois selon l'avancée des travaux. Tant pis... Il ferait sans. De sa position, il trouvait l'édifice déjà impressionant : pyramidale, massif, une copie conforme de son actuel casino sur Bakura... Mais en plus grand. Ici, sur Coruscant, tout devait être plus grand compte tenu du gigantisme environnant. Il y aurait des hôtels, des boutiques de luxe, des restaurants en tout genre... Et biensur, des milliers de tables de jeu, de machines à sous... Pour tous les goûts, toutes les envies, tous les porte-monnaies. Le luxe attirait le regard, les prix attractifs les clients. Une formule qui avait déjà fait ses preuves sur sa planète d'adoption.

Malgré l'attraction presque hypnotique qu’exerçait sur lui cette vision, Ragda dut renoncer à sa contemplation. Il baissa les yeux afin de regarder l'heure affichée sur l'écran tactile de son chariot. 8H59.

Il avait rendez-vous, à neuf heure. Ou plutôt, pour être précis, le Hutt avait demandé à quelqu'un de le rejoindre ici pour neuf heure tapantes. Une personne bien particulière, dont il avait longuement potassé le profil avant de la sélectionner. Lucrecia Graciozi. Un nom atypique pour une journaliste au parcours tout aussi atypique. Cette entrevue n'avait rien du micro-trottoir, ou même du dîner d'affaires non. Aujourd'hui, Ragda comptait bien tenir une promesse passée voilà déjà plusieurs semaines. Une promesse faite à un être à présent officiellement décédé : Lord Côme Janos. Par missives interposées, et messages codés, ce dernier lui avait demandé de faire le nécessaire pour que son musée soit renommé en son honneur: le musée Lord Janos. Et pour y parvenir, Ragda avait préparé un plan tordu... Comme au bon vieux temps. Prendre des risques pour un ennemi aujourd'hui décédé : était-ce bien raisonnable ? Probablement que non ! Mais en tant que trafiquant d'informations à ses heures perdues, le Hutt avait développé une éthique professionnelle bien loin de celle dont il usait le reste du temps, lorsqu'il s'agissait d'affaires politiques. Un marché était un marché. Et il ferait le nécessaire pour tenir sa parole, même si la réussite d'une telle opération tenait plus du miracle qu'autre chose.

Cette Lucrecia Graciozi ne le savait pas encore, mais elle allait tenir un rôle très important dans cette affaire... Et pour cette participation, elle toucherait des honoraires bien plus que confortables. Sans compter qu'elle disposerait de beaucoup de liberté pour faire fructifier les informations qu'elle collecterai de son coté... Mais il ne servait à rien de mettre la char des sables avant les banthas : il lui faudrait, dans un premier temps, confirmer qu'il ne s'était pas trompé sur la personnalité et les motivations de cette jeune femme. Et pour cela, rien de mieux qu'un entretien en face à face. Certes, sur le papier, son profil semblait idéal : une tête brûlée à la moralité disons souple, qui n'hésitait pas à mentir, tromper, manipuler pour obtenir ses scoops... Une journaliste dans la tourmente, dont le journal périclitait, et qui avait besoin d'un gros « coup » pour se faire remarquer, et rebondir dans sa vie professionnelle. Restait à confirmer tout ça de vive voix.

Il attendit donc... Et lorsque la silhouette féminine s'approcha, le Hutt ouvrit la bouche pour lui poser cette question, avant même toute formule de politesse :

« Que pensez-vous de l’œuvre du Lord déchu Janos, Melle Graciozi ? »

D'une traite, il avala ce qui restait de la choppe de 50cl de café corsé. Avant de faire signe au serveur, de venir prendre la prochaine commande...
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Pour le coup, je n'ai pas bien compris ce que me voulait Rejliidic. Le message envoyé sur la boîte de réception de CZ-66, mon petit droïde-boule, mentionnait vaguement le dossier Janos (ce qui m'a mis la puce à l'oreille, évidemment), mais sans plus de détail. Enfin, il y avait une date, il y avait un lieu de rendez-vous, c'était amplement suffisant. Et puis, pas n'importe quel lieu de rendez-vous : le fameux Musée des Arts et Cultures, justement, où je me suis rendue, il y a pas si longtemps, pour assister aux funérailles du Lord défunt. Impatiente comme je le suis, tout ça a de quoi me mettre sur les nerfs.

Forcément, je ne pouvais qu'accepter cette rencontre. Depuis mon arrivée sur Coruscant, il y a un an, j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer plusieurs politiciens d'envergure : l'ex-Chancelier Scalia en tête de liste, et l'ex-Vice-Chancelier Côme Janos en deuxième place de mon top ten. Rejliidic va pouvoir occuper cette deuxième place ex aequo avec son ancien rival, désormais. Et en y réfléchissant à deux fois, je devrais même dire : la première place tout court, attendu que les deux autres sont maintenant six pieds sous terre. Donc oui, un rendez-vous avec une huile comme ce Hutt (sans mauvais jeu de mot), et en plus sur mon sujet-dada du moment, ça ne se loupe pas !

Le Musée des Arts et Cultures le matin, c'est à voir. Les deux fois où j'y suis allée – l'inauguration et les funérailles de son concepteur –, c'était l'après-midi. Là, il y a ce petit soleil matinal qui vient percer les vitres bleutées de ces raillons. Là, les boutiques et les restaurants ouvrent seulement leurs volets d'acier. Là, les hordes habituelles de gamins insupportables, ramenés de force via des groupes scolaires ou des centres aérés, ne sont pas encore arrivées : seuls des touristes lève-tôt et des universitaires solitaires parcourent les dalles de marbre de cette monstruosité architecturale. Bref, il est neuf heures, le Musée s'éveille, et j'aime cette ambiance transitoire, où l'on sent déjà le personnel dans les starting blocs, prêt à accueillir un public encore inexistant.

CZ-66 planant dernière moi, je marche à grands pas, à travers les galeries quasi-désertes de ce temple de la culture. L'avantage, à cette heure matinale, c'est qu'il n'est pas compliqué de partir à la chasse au Hutt : autant rechercher un bantha dans une boutique de porcelaine. D'ailleurs, même s'il était trois heures de l'après-m' et qu'une foule de badauds affluait dans tous les sens, je pense que ce ne serait pas une tâche beaucoup plus ardue. Quand on voit cette masse de graisse...

«Que pensez-vous de l’œuvre du Lord déchu Janos, Melle Graciozi ?»

Il me pose cette question sans autre formule de politesse. Ça a le mérite d'être direct. Puisque c'est comme ça, je vais l'être aussi...

«Ça manque de modestie.», que je lui sors, sans non plus lui dire bonjour. «Mais bon, on ne peut pas lui en vouloir, pas vrai ? Au fond, la modestie, ce n'était pas vraiment son truc...»

J'accompagne cette petite phrase d'un sourire amusé, et profite de ce bref temps de pose pour jeter un coup d’œil inquisiteur à mon interlocuteur. Je l'avais entre-aperçu, lors des funérailles, avec son poncho noir... Je crois que je préfère le noir, d'ailleurs, ça a le mérite d'être tranché. Parce que là, cette couleur... indéfinissable... c'est... spécial. Enfin bref. Imposant, répugnant et grande gueule : voilà comment je résumerais Rejliidic en quelques mots. D'ailleurs, une pareille formulation résume sûrement à elle seule les rapports bizarroïdes qu'il devait entretenir avec Janos, que je résumais par : imposant, aristo et grande gueule...

«Mais je vous laisse en juger.», je reprends. «Vous le connaissiez bien mieux que moi, n'est-ce pas ?»

Nouveau sourire cordial, à interpréter comme on le voudra. Finalement, je me décide à lui tendre une main amicale, en faisant tout pour évacuer de mon esprit l'idée que je vais devoir lui toucher cette patte gluante – berk, berk, berk !

«Lucrecia Graciozi, journaliste diplômée de politologie.»

Oui, on oublie le en pleine reconversion professionnelle pour raison de : j'me suis virée par ce gros lâche ! Franchement, journaliste diplômée de politologie, si c'est pas autrement plus classe, ça...


«Pour vous servir...»
Ragda Rejliidic
Ragda Rejliidic
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« Politologie... Politologie... » répondit le Hutt, déshabillant son interlocutrice de la tête aux pieds, comme on examine une marchandise que l'on désire acheter. Il lui décocha un large sourire, déformant la dizaine de bourrelets grassouillets composant son faciès disgracieux. « Je déteste ce mot : on dirait le nom d'une maladie mortelle incurable... Quoi qu'au vu de l'actualité récente... Scalia, Keyïen, et à présent Janos... Il semblait que la mode est effectivement de quitter la politique les deux pieds devant, entre quatre planches. » ironisa-t-il, avant de se tourner vers le serveur Mirialan, propre sur lui, habillé avec élégance, qui s'approchait d'un pas dynamique de leur table. « La même chose pour moi » lui fit-il, en lui désignant de la pointe de sa langue bardée de verrues la choppe vide. Puis il reconsidéra la jeune femme. « Vous désirez quelque chose ? Aujourd'hui est un grand jour, je vous invite. » Le serveur resta stoïque, silencieux, attendant que cette dernière s'exprime, après quoi, il fit demi tour, dans un mouvement presque militaire. Ragda appréciait le professionnalisme du petit personnel de cette enseigne. Une chaîne de cafés et restaurants qui avait fait sa renommée en important les codes du monde « chic » dans une ambiance décontractée et familiale. Au moins, ici, le patron ne lui lançait des œillades indignées à la simple vue de ses bourrelets luisants de mucus.

« Ravi de vous rencontrer Melle Graciozi » reprit-il ensuite, comme si cette intermède n'avait jamais eu lieu. « Je ne pense pas avoir besoin de me présenter... » Sourire moqueur. « Vous êtes jeune, mais votre réputation vous précède. Savez-vous ce qui se dit de vous dans les cercles privés ? » Silence éloquent. « Que vous êtes une sacrée emmerdeuse. » Pour le coup, Ragda avait choisi de jouer l'approche directe et sans concession. « Que vous êtes prêtes à tout pour obtenir ce que vous voulez, quitte à largement outrepasser les règles... » Par « règles » il ne désignait pas seulement la loi... Mais aussi ces petites conventions qui créées au fil des siècles entre les politiciens et les journalistes politologue. Des règles se basant sur quelques principes simples, comme le respect et la discrétion vis à vis de la vie privée, des petites phrases lancées en « off », ou même le silence fait sur certaines affaires... gênantes lors des interviews. Certains appelaient ça de la langue de bois, d'autres de savoir-vivre. Rayez la mention inutile. « C'est tout à votre honneur... Mais ça ne doit pas être facile tous les jours... J'en connais plus d'un qui refuseraient une interview en découvrant votre nom sur la liste des journalistes présents. Et je suppose que cette réputation ne doit pas vous aider à vous faire une place parmi les grands médias politiques prétendument « sérieux », ceux qui sont en réalité prêt à beaucoup de concessions pour ne pas perdre leurs entrées, leurs privilèges. » Il soupira, un peu trop fort pour celui-ci fusse naturel. « Mais la vie moderne est ainsi. Pour beaucoup l'apparence compte plus que le fond... » continua-t-il, décochant un nouveau sourire, encore plus large que le précédent, déformant complètement son visage déjà informe. « Mais lorsque vous avez vu ma gueule... Vous avez vite compris que les apparences ne sont pas mon fond de commerce, n'est-ce pas ? » Nouveau silence.

Autour d'eux, la foule se faisait plus nombreuse à mesure que les minutes passaient. Le Musée d'Arts et Cultures venait d'ouvrir ses portes, et une queue de plusieurs mètres s'était déjà formée au pied des marches de marbre d'aldérande. A cette heure matinale, les terrasses des cafés quant à elles se vidaient rapidement, les touristes, habitués, passants, ayant terminés de prendre leurs petit-déjeuners en cette agréable matinée. Agréable comme toutes les autres, comme tenu de la minutie avec laquelle était paramétrée la météorologie planétaire. Après avoir embrassé du regard le tableau, comme pour remettre en place ses pensées et se donner du cœur à l'ouvrage pour la suite – il détestait travailler avec des journalistes : une sous-espèce pour laquelle il n'éprouvait aucune confiance – Il reprit :

« Vous avez raison : Lord Janos n'était qu'un enfoiré de première, mégalomane et imbu de sa personne comme peu peuvent l'être. Pour autant, pour des raisons que vous n'avez pas à savoir, je compte lui rendre un petit hommage posthume. » prononçant ces quelques mots, il plongea sa petite main grassouillette dans l'une des poches de son poncho criard, révélant une enveloppe scellée électroniquement. « Et pour cela, je vais avoir besoin de votre concours. Comment dire... » dit-il, laissant traîner ce dernier mot, avant de continuer sur le même ton comploteur : « … Certaines personnes ne se montrent pas sous le même jour lorsqu'elles se savent... enregistrées. C'est pour cette raison que j'ai besoin... d'une police d'assurance. Je dois m'assurer que tout ce qui pourrait être dit dans les heures à venir restera gravé... quelque part. Nous nous comprenons ? » Il lança la l'enveloppe cachetée dedans lui, elle glissa sur la table lisse jusqu'à arriver aux mains de son interlocutrice. « Cinquante milles crédits. Et ce n'est que la première moitié du paiement... Cet argent est à vous, si vous acceptez de m'accompagner. Voyez cela comme un simple job... Ouvrez les yeux, les oreilles... Et même la bouche si vous le désirez. Bref, soyez vous-même. » Regard malicieux. « Mais comme je suis joueur, et que je veux vous démontrer ma bonne foi dans cette affaire... Je vous laisse me poser trois questions avant de prendre votre décision. Trois questions, pas une de plus, alors choisissez-les bien. Des questions sur ce qui nous réuni aujourd'hui, ou sur un tout autre sujet : à votre guise. Si vous préférez me demander quelle est ma couleur préférée, c'est votre choix... »

Ragda croisa ses deux petits bras sur l'énorme bourrelet, dissimulé sous le poncho criard, qui lui servait de poitrine. Un jeu oui, mais aussi un test : un moyen de tester la personnalité de son interlocutrice, de savoir ce qu'elle avait au fond des tripes. Sur ces entrefait, le serveur déposa devant eux leurs commandes. La choppe de 50cl débordait littéralement de café. Le liquide, brûlant, dégageait un fumet qui titillait les papilles gustatives du Hutt. Alors oui, c'était clair : le café c'était carrément moins pratique que les seringues de stimulants intellectuels. Surtout que, vu sa corpulence, il lui fallait en ingurgiter des doses conséquentes. Mais en contrepartie, rien ne valait les arômes subtiles et corsés caractéristique de cette boisson millénaire...
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Tout en écoutant, alerte, ce qu'a Rejliidic à me dire, je sens déjà qu'à la rigueur, on pourrait bien s'entendre, tous les deux. Il n'a pas peur des mots, ce gars, et ça, c'est une sacrée qualité dans l'univers de langue de bois qui est le nôtre. En tout cas, il ne trahit pas sa réputation : rentre-dedans comme il faut, magouilleur comme pas deux, n'hésitant pas un seul instant à me faire montre de son fric pour me le mettre dans ma poche, et me mettre moi dans sa poche à lui.

Évidemment, comme toujours, j'accepte volontiers le verre que l'on me propose cordialement. Question de politesse, bien sûr, mais question d'habitude, aussi : dès qu'il s'agit de boire aux frais de mon hôte, il n'y a pas, je suis partante, moi. Surtout quand on voit l'état actuel de mes finances...

«Un brandy assandran pour moi. Merci.»

Oui. Oui, je sais. C'est mal. C'est très mal. Il est 9 heures du mat, et je ne trouve rien d'autre à faire que de commencer ma journée par un verre d'alcool. Je sais, je sais, je sais : si je continue comme ça, je finirai à l'Association Anonyme des Humanoïdes Alcooliques dans pas très longtemps. Oui, oui, oui, je sais. Mais bon, tant pis. J'assume. Je suis sur les nerfs depuis pas mal de temps, alors voilà. Et puis, enfin, ce n'est pas devenu un besoin, hein : je pourrais faire sans, bien sûr. C'est juste pour le goût... Tout à fait, juste pour le goût...

Quand Rejliidic prononce le mot fatidique - emmerdeuse - je ne peux pas m'empêcher d'esquisser un petit sourire imbu. Ça aussi, je l'assume. Par contre, le reste me refroidit un peu. Dingue, quand même ! Je me suis déjà fait une si grosse réputation ? Au point de me retrouver exclue de certaines interviews ? Je comprends mieux, maintenant, pourquoi Walter Wallace me refusait toute intervention sur le terrain, vers la fin de mon contrat... Il y a donc des huiles qui m'ont dans le collimateur... Et plus d'une, manifestement. À bien y réfléchir, je ne sais même pas si je dois sauter de joie ou frémir de peur. Après tout, c'est ce que je voulais, non ? Je l'ai bien cherché. Enfin bon, soyons pragmatique : si je me retrouve, en ce moment-même, attablé face à un type comme Rejliidic, ça ne sort pas de nulle part non plus. Ma fameuse "réputation" a dû y jouer. Espérons seulement qu'elle n'attire pas uniquement les ordures politiques...

La suite de son soliloque m'amène à ouvrir grand, très grand, les oreilles. Surtout quand ça commence par : «Pour des raisons que vous n'avez pas à savoir»... Enfin, du coup, ça me donne encore plus envie de savoir ! Je sais, je suis insupportable, mais que voulez-vous ? Je suis maladivement curieuse, moi. Bon, en soi, ce qu'il me raconte reste assez confus. La stratégie qu'il me propose, elle, elle me va : je la comprends bien. Mais j'ai envie de dire : concrètement ? En quoi consiste cet hommage posthume ? Qui sera cet interlocuteur dont il me parle ? Quel sera son rôle ?

Par contre, s'il y a bien un truc qui ne contient aucune ambiguité, c'est la somme qu'il me met sur la table. Bordel de... ! Cinquante mille crédits ! Et le double en prime ! Avec ça, je vais enfin me débarrasser de ce foutu banquier qui me gueule dessus tous les soirs, et pouvoir payer au patron de mon motel les trois semaines de retard que je lui dois encore.

«D'accord. Je suis votre femme.», je lui dis, avant de me rendre compte que c'est un peu bizarre, comme phrase. «Enfin, votre homme, quoi. Bref, vous m'avez comprise.»

Quant à son jeu de questions - que je trouve très amusant, au passage : ce Rejliidic en vaut vraiment le détour -, ça me suscite une petite hésitation de quelques instants. Histoire de combler le trou imposé par mon silence, je préfère réfléchir à haute voix, tout en faisant mine que c'est prémédité :

«Je pourrais vous demander quelle est la part de vrai qui se cache derrière ces fameux enregistrements. Est-ce que vous avez vraiment comploté avec l'Impératrice ? Jusqu'où Janos a transformé la vérité ?»

Je bois un gorgée du brandy que le serveur vient de déposer sur la table. L'alcool me descend dans la gorge comme une petite boule de feu, tout en venant m'embraser le système ORL. Cependant, je connais bien trop cet effet pour en tirer la moindre grimace.

«Mais je ne le ferai pas. De toutes manières, je n'aurai aucune garantie que vous me dites la vérité, et quand bien même vous me la diriez, je ne pourrais ni la vérifier, ni l'utiliser. Et puis, je ne sais pas, ce n'est pas classe... Trop évident, trop attendu... Je ne respecte pas les règles des autres, c'est vrai, mais j'ai mon code d'honneur, vous savez.»

Loading, loading, loading... Nouvelle goutte de brandy. Mais celle-là me fait plus d'effet que la première : au moment même où mes papilles rentrent au contact de l'alcool, voilà que me surgit une idée. Une excellente idée... Eh-eh-eh !

«Première question, M. Rejliidic... Pouvez-vous me dire quelle serait la question la plus embarrassante en termes de carrière politique que je pourrais vous poser ? Celle-ci exclue, bien évidemment.»

Fière de mon stratagème, je m'enfile le reste de mon verre cul-sec, et lui adresse un grand sourire espiègle :

«Que voulez-vous ? Je me dois d'honorer comme il se faut ma réputation d'emmerdeuse...»
Ragda Rejliidic
Ragda Rejliidic
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Ragda posa ses lèvres sur les bords de la choppe brûlante, en appréciant la douce morsure. Parfois la douleur avait quelque chose de... d'agréable... Parfois seulement. Un peu comme lorsqu'il plongeait dans un bain d'acides pour se débarrasser le creux des bourrelets des saletés accumulées au fil des semaines. Une sensation douloureuse oui... mais revigorante à la fois. Tout en sirotant son café, il ne put s'empêcher de poser les yeux sur le verre de son interlocutrice. Il ne savait que trop penser de son choix. A une époque, il aurait certainement fait de même. Au diable les convenances et les idées reçues : pourquoi devait-on considérer qu'un verre d'alcool, au petit matin, témoignait d'une dépendance ? Parfois une telle pratique résultat seulement du mode de vie de la personne... Plus d'une fois, par exemple, il avait bu son dernier verre de brandy avant d'aller se coucher, bien plus tard que celui-ci. Mentalement, il haussa les épaules. Tant qu'elle ne buvait pas en sa présence jusqu'à l'ivresse... Au point de se disqualifier pour le job proposé. En tout cas, nota le Hutt, la lettre cachetée avait fait mouche, preuve qu'il avait plutôt bien visé...

Pourtant, alors qu'elle énonçait sa première question, celle relative à ses liaisons opaques avec l'ennemi Sith, Ragda manqua de couper court à la conversation. Mais fort heureusement, celle-ci ne fut qu'un leurre. Un leurre destiné à mettre en avant son éthique personnelle. Le Hutt apprécia, jugeant l'initiative, autant sur le fond que la forme, intelligente. Mais, loin de toutes ces pensées, son visage resta de marbre, attendant le couperet avec pragmatisme. Il fallait s'attendre à tout avec ce genre de personnalité, et c'était justement ce qui rendait ce petit jeu si... excitant.

Enfin, la question, la vraie, fut posée. Enfin, si pouvait appeler ça une question...

« Je m'étais attendu à tout... » fit le Hutt, sourcils froncés, visiblement dubitatif. « … Sauf à ça. Sacrifier une question afin d'être certain de faire mouche ensuite ? Une stratégie risquée... Surtout lorsque l'on n'est pas maître du jeu. » Il esquissa un sourire moqueur, bien décidé à briser cette fierté naissante qu'il pouvait lire sur les traits de son interlocutrice. « Puisque je pourrais faire monter les enjeux. Imaginez que la question la plus embarrassante que vous puissiez me poser soit liée à ce que « vous n'avez pas à savoir » concernant cet hommage posthume que je dois rendre à feu le Lord déchu Janos. Et bien... Un choix douloureux se poserait alors à vous... La poser et ainsi renoncer à notre petit accord, et donc aux cent milles crédits promis... Ou bien vous taire, garder l'argent... Mais perdre l'une de vos trois questions. Épineux n'est-ce pas ? » Il pouffa d'un petit rire amusé, avant d'ingurgiter une grosse gorgée de café, et de déglutir bruyamment. Il se sentait alerte comme rarement.

« Mais... » continua-t-il, avant qui son interlocutrice puisse réagir face à ce dilemme. « … Puisque je suis joueur, je vous offre une troisième alternative. Une question embarrassante de moindre mesure ? Ça vous tente ? » Il s'amusait effectivement beaucoup. « Elle concerne mon passé, sur Bakura, mon monde d'adoption. Vous savez... J'ai construit toute ma réputation sur le fait que j'ai été un « self made man » : l'immigrant sans le sou ayant gravit un à un les échelons, à la sueur de son front, jusqu'à atteindre les sommets. Ce n'est pas... Tout à fait vrai, j'ai profité un petit coup de pousse lié à mes... antécédents. J'ai toujours fais... le nécessaire... pour dissimuler ce petit détail aux yeux et aux oreilles de mes électeurs. Si une telle chose devait se savoir, ma réputation, sur Bakura, en prendrait un sacré coup... Mais entre vous et moi... Je suis prêt à passer aux aveux. On ne vous a jamais dit que vous aviez une tête qui inspire confiance ? Un peu comme la mienne en fait... Il ne vous reste plus qu'à poser la bonne question. » dit-il, avant de se pencher en avant. Sa tête à moins d'un mètre de celle de la jeune femme :

« A vous de choisir » reprit-il, chuchotant, sur le ton de la confidence. « Le beurre, l'argent du beurre... Ou le cul du Hutt. » Il pouffa une nouvelle fois, ces petits rires faisant rebondir, comme autant de tas de gélatine, tous les bourrelets composant son faciès disgracieux. Puis le se redressa, levant un index vers le ciel, intimant l'ordre à l'humaine de ne pas lui répondre immédiatement : il n'avait pas fini.

« C'est que... Dans mon empressement, j'ai oublié, tête en l'air que je suis, de vous énoncer toutes les règles de ce petit jeu. A chaque question de votre part, je peux vous en poser également une. Donnant donnant, comme je dis souvent. A une question idiote, je réponds par une question idiote. A une question drôle, je réponds pas une question drôle... A une question embarrassante... Vous avez compris le principe j'imagine. » Il fit semblant de réfléchir, les yeux au ciel, sa bouche sans lèvres pincée au point de devenir une ligne minuscule. « Ah ! Je sais ! » reprit-il, soudain, feignant le trait de génie. Il planta alors son regard dans celui de la jeune journaliste :

« Racontez moi comment vous avez perdu votre virginité, dans les moindres détails. »

Il explosa de rire. Un rire tonitruant.

« Moi aussi, j'ai une réputation à tenir, vous voyez... On peut arrêter le jeu tout de suite si vous préférez... »
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J'esquisse un petit sourire amusé. Sans déconner : je suis vraiment amusée. Est-ce l'alcool qui me permet de trouver tout ce courage là où il me faudrait rougir de honte ? Ou est-ce que j'ai su me débarrasser de toute pudeur, au point de n'en avoir foutrement rien à foutre de mon propre foutre ? Mais je souris aussi, parce que j'ai gagné mon pari. En évoquant la question que je pourrais lui poser, Rejliidic m'a livré ma réponse sur un plateau.

«Vous m'en avez déjà dit beaucoup, là, vous savez.», lui rétorqué-je en prenant bien soin d'adopter mon beau regard espiègle. «En toute honnêteté (et puisque vous m'aimez bien)» (Élargissement intensif du sourire) «vous n'avez pas l'air d'apprécier les journalistes, et encore moins de connaître les règles de leur travail. Les informations que vous venez de me livrer, pour alimenter une potentielle deuxième question, suffisent largement à me donner ce qu'on appelle dans la profession : une piste.» (Développement extensif du sourire) «À partir de là, inutile que vous fassiez tout le boulot à ma place en répondant à ma deuxième question. Bref, j'y gagne triplement. Premièrement, vous me donnez une piste d'article intéressante. Deuxièmement, vous m'en avez dit assez pour me laisser la possibilité de diriger ma question suivante sur un autre sujet. Troisièmement, vous m'offrez un moyen de pression sur vous. On ne sait jamais : des moyens de pression, ça peut toujours être utile.»

Hum. J'y vais peut-être un peu fort, là. Bon, ce sourire forcé commence à me donner des crampes de la mâchoire : je le réduis un peu.

«Et ne jouez pas au chat et à la souris avec moi : mon dossier est clean. 100% clean. Pas moralement, c'est sûr, mais juridiquement, il ne pose aucun souci. Évidemment, vous allez me répondre que vous pourriez me créer de fond en comble un casier judiciaire de tolarde si l'envie vous en disait. Que vous avez suffisamment de fric pour vous payer tous les avocats de la Galaxie.»

Et hop ! Anticipation de l'argument adverse ! Quand je suivais des cours en fac, je trouvais tous nos séminaires de rhétorique chiants, mais chiants... Ce n'est que quelques temps plus tard, une fois sur le terrain, que je me suis rendue compte qu'en réalité, tous ces procédés pouvaient être sacrément utiles. Qu'on soit politicien, juriste, journaliste ou que sais-je, argumenter est au cœur de nos fonctions professionnelles. À tel point qu'on peut parfois se demander si cet univers ne serait pas une sorte de jeu de mots cosmiques où les plus habiles verbalement tirent les ficelles du reste. Okay, c'est affreux, comme pensée, mais pourquoi pas, après tout ?

«Enfin, de toutes façons, je n'ai aucune raison de me servir de ces informations contre vous. Je ne vois pas quel intérêt j'aurais à vous nuire. Vous dites que vous m'aimez bien, et je sens moi-même que nous pourrions faire équipe, tous les deux.»

Eh-eh ! Argument d'après l'utilité du rhéteur. Il est vraiment imparable, celui-là. Je crois que c'est mon petit préféré, dans la liste.

«Pour vous montrer ma bonne foi, laissez-moi répondre à votre question. Je pourrais vous rétorquer que vous n'aviez pas énoncé cette règle au début du jeu, ce qui s'appelle de la triche, mais je n'en ferai rien.»

Mes doigts viennent agripper mon verre vide, un peu nerveusement, j'avoue. Je ne suis peut-être pas aussi décontractée que je ne cherche à le montrer - et à me le montrer.

«Je sais pourquoi vous me posez cette question, et je vois que vous êtes bien renseigné sur mon sujet. Cependant, si vous relisez les pages de ma thèse où j'aborde ce problème, vous noterez qu'à aucun endroit je ne parle de virginité. Rapports sexuels, oui... Mais pas dépucelage.»

Quelques images peu ragoûtantes viennent soudain me remuer la cervelle. Ça, et la réaction de certains mecs de ma fac, après ma soutenance, des petits cons en première année de master : «sale pute !» Heureusement, ma réaction face à ces connards-là est là pour me redorer ce souvenir : «Si votre sexe de merde n'avait pas imposé partout les règles de la phallocratie, peut-être qu'il y aurait moins de putes dans cette galaxie.» Ah-ah ! Ça, c'était envoyé ! Et la suite, aussi : «Et puis tu te trompes de profession, mon gars. Je suis doctoresse ès journalisme, spécialiste de politologie. Toi, finis déjà ton mémoire de première année, et on en reparlera quand on en sera au même niveau de compétence, ok ?» Le rappel de ce petit triomphe féministe me redonna assez de courage pour affronter le regard pervers dont m'accablait Rejliidic.

«En fait, quand j'ai dû passer à l'acte avec l'intéressé, je... j'avais déjà quelques compétences en la matière... Vous savez, des gros dégueu qui bandent à l'idée de percer le truc, ça existe, mais heureusement pour moi, ma cible n'appartenait pas à cette catégorie-là. En fait, il fallait plutôt le classer dans la catégorie la plus répandue chez les mecs : ceux qui veulent des nanas avec un minimum d'expérience.»

La suite... hum-hum ! était plus rocambolesque.

«Ne vous étouffez surtout pas dans votre café, mais ma première fois, ça a été avec une fille, en fait.»

Mon sourire a définitivement disparu. Il a laissé place à une moue un peu rêveuse. Le seul moment de ma vie où je me suis relâchée...

«Pour que ce soit clair entre nous, ça a aussi été la seule fois avec une fille. Enfin, si c'était à refaire... je ne dis pas. Les mecs, à l'usage, je me suis bien rendue compte que ce n'était pas à 100% mon truc. Ils sont trop... fiers, si vous voyez ce que je veux dire. Pas assez à l'écoute... Une fois qu'ils se sont vidés en vous, ils se déclipsent et partent ronfler dans leur coin du lit : point barre. Et ils ne font même pas gaffe à ce que vous avez ressenti. Il ne se demandent même pas si vous avez ressenti quelque chose. C'est assez immonde, un mec. Enfin bref, ma première fois, donc... Oui, c'était une fille un peu plus âgée que moi, dans un bar un peu glauque que je fréquentais pour les raisons que vous savez. Elle avait plusieurs piercings sur le visage... Et pas qu'au visage, d'ailleurs.» (Là, c'est plus fort que moi : je rougis légèrement.) «Des tatouages, aussi, plein de tatouages partout. Elle était de ces filles qui n'aiment que les filles. On s'est rencontrées par hasard, on a bu un paquet de verres ensemble, on a discuté, et puis de fil en aiguille, elle me l'a proposé. Je la trouvais vraiment jolie, en fait, et l'esprit un peu échauffé par l'alcool, je me suis dit : après tout, pourquoi pas ? Féministe comme je le suis, ça avait un certain sens, si vous voyez ce que je veux dire...»

Merde, est-ce que je suis bien en train de faire ce que je suis en train de faire ? Cet épisode-là, je n'en ai jamais parlé à personne. Personne. Non pas que j'aie honte d'avoir un petit fourmillement lesbien dans le bas du ventre, je serais même du genre à le revendiquer haut et fort. Mais... Je ne sais pas... Ce truc-là, ça m'appartient, c'est un petit bijou de mon intimité... Je me demande vraiment pourquoi je le ressors si simplement que ça, du coup, face à un Hutt que je ne connais que depuis quelques minutes. Peut-être est-ce parce que ces désirs-là ont une étrange tendance à reprendre le dessus, en ce moment... Je n'en sais rien, à vrai dire.

«Le truc marrant, c'est que par la suite, chaque fois que j'ai couché avec un mec, c'était moi qui me trouvais au dessus. Vous savez, je suis un peu dominatrice, sur les bords.» (Bordel de Dieu que c'est gênant...) «Mais là, pour cette première fois, je me suis entièrement laissée faire. Du début à la fin. Elle m'a guidée, elle m'a accompagnée, et nous nous sommes envolées à deux, comme dans un rêve. Je saurais pas vous décrire le truc avec les termes exacts : je suis journaliste, moi, pas poète. En tout cas, le lendemain, quand je me suis réveillée, elle était partie. Disparue. Je ne l'ai jamais revue depuis. Tout ce que je sais, c'est qu'elle s'appelait Claire.»

Ooooouuuuf ! C'est que j'ai chaud, moi, avec toutes ces conneries ! J'enlève sans plus attendre ma veste de cuir, la dépose sur le siège à côté, me laisse tranquillement aller sur le mien. En dessous, mon t-shirt kaki n'a rien de moulant, ou autre : simple et sans fioriture. Ça vaut mieux comme ça, vu la conversation...

«Voilà en gros.», je reprends, me sentant encore rougir comme un cocotte minute. «Je peux m'arrêter là et vous poser ma deuxième question, ou vous voulez que je vous donne plus de détails... hum, techniques ?»

Oh, toi, ma vieille, me dis-je à moi-même, il semblerait que tu aies plus de tabous que tu ne veuilles bien te l'avouer...
Ragda Rejliidic
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Dis moi comment tu baises, et je te dirais qui tu es...

Une petite phrase qui trottait dans l'esprit du Hutt au moment ou la jeune journaliste, devant lui, exposait sa vie intime, au grand jour, presque sans la moindre once de pudeur. Ces mots, il les avait lu quelques années auparavant, quelque part... Ce n'était pas vraiment important. Un magazine féminin peut-être ? En tout cas, ceux-ci s'étaient gravés dans sa mémoire, au fer rouge, tel un slogan accrocheur dont on ne pouvait plus se défaire. Pourquoi ? Simplement par ce que ceux-ci abordaient un thème dont le Hutt ne maîtrisait aucun des codes : la sexualité.

Il s'affala un peu plus dans les coussins confortable de son chariot répulseur. Peut-être que d'autres, à sa place, aurait pu être dérangés par de telles révélations, aussi franches. Mais, Ragda, lui, n'éprouvait en réalité pas grand chose. Il resta silencieux, attentif, curieux, essayant de comprendre tout ce que ces aveux impliquaient. La sincérité transpirait littéralement par les pores de la peau de son interlocutrice. Pas à un seul instant, il n'estima qu'elle racontait des faits inventés ou fantasmés. Non, elle était sincère. Une qualité rare de nos jours.

Enfin, lorsqu'elle lui posa l'ultime question, il pouffa :

« Ne me tentez pas ! Si j'étais vraiment un tricheur, je considérerais que vous venez de me poser votre seconde question ! Alors, ne montez pas sur vos grands chevaux. Mon jeu, mes règles. Voilà tout. C'est injuste, certes. Mais la vie est injuste, nous devons tous faire avec. » Il fit claquer sa langue, avant de se la passer sur ses lèvres inexistantes.

« En tout cas je constate que vous ne vous démontez pas. Moi qui pensait vous déstabiliser... Vous m'avez bien eu. » reprit-il, sincère à son tour. « Mais rassurez vous : les détails plus techniques ne seront pas nécessaires... » Ragda plissa des yeux. « Je comprends mieux maintenant. » Une petite phrase qui resta en suspends quelques secondes, le temps de voire l'ultime gorgée de café. Après avoir dégluti, il se redressa. « Je lis en vous maintenant... » Nouveau sourire. « Ne vous méprenez pas sur mes méthodes. Très sincèrement, ces histoires de coucheries, en elle-mêmes, ne m'intéressent pas. Voyez vous, les Hutt sont plus ou moins hermaphrodites... Nous nous reproduisons nous-même, sans avoir besoin d'un... partenaire. Alors toutes vos confidences ont pour moi un goût d'étrangeté. Si je parade tous les jours sous les traits d'un être sexué, masculin, c'est seulement parce que nous vivons dans une société phallocrate, et que j'estime que cette image participe à ma réussite.

Néanmoins, il paraît que les pratiques sexuelles trouvent une place très importantes dans la plupart des cultures proche-humaines. Dis moi comment tu baises, et je te dirais qui tu es... Ma chère Lucrecia, vous êtes une personne atypique, déterminée, qui aime garder le contrôle. Vous ne vous imposez aucune limite, du moins pas celles dictées par le plus grand nombre, par la « normalité ». Vous n'avez pas peur de vous... mouiller... »
Terme quelque peu tendancieux vu le contexte. « … Pour aller au bout de vos choix. Et quel aplomb ! Je respecte tout cela. » Un compliment dans la bouche du Hutt ? « Pour le reste... J'ai comme l'impression de voir une dualité en vous. Assumez-vous vraiment vos choix ? Ou bien une petite part de vous, à l'intérieur, crie au secours, fendant cette assurance dont vous vous parez telle une carapace ? Hmmm... Difficile à dire. Je me demande même si, quelque part, vous ne vous détestez pas vous-même, ce qui expliquerait cette attitude de... tête brûlée. » dit-il, plissant de plus en plus les yeux comme s'il pouvait lire dans son âme. Après la caresse dans le sens du poil, le couperet retombait, implacable. « Je ne sais pas si cette formidable confiance en vous est feinte, jouée. Mais, à cause d'elle, vous pourriez tout perdre avant même de vous en rendre compte. Toutes les pistes ne sont pas bonnes à suivre, certaines mènent dans des pièges dont on ne peut sortir entier. » Cette fois le sourire du Hutt se fit plus carnassier, il répondait aux premiers mots de son interlocutrice :

« Mais faites ce que bon vous semble. Vous ne seriez pas la première à tenter l'aventure. » Cette phrase sonnait à la fois comme un défi et une menace. « Mais si d'autres ont tentés avant vous, et ont abandonnés, ce n'est pas un hasard. Sans plus d'informations, il vous faudrait des années pour remonter les pistes. Une perte de temps, d'argent, d'énergie : de quoi gâcher une carrière. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Nous avons tout deux la réponse. » Et oui, aux yeux du Hutt, l'information n'était pas différente des autres denrées monnayables. Elle suivant les mêmes règles de l'offre et de la demande. Payer le prix fort pour quelque chose de finalement médiocre ? Quel intérêt. A moins d'avoir une vendetta personnelle à mener, personne ne perdrait autant d'énergie à fouiller dans son trouble passé, surtout lorsque celui-ci conduisait en plein cœur des territoires Hutt. Il y avait tellement d'autres scandales bien plus accessibles... Une conviction qui lui donnait une assurance sans bornes.

Si cette conversation avait eu lieu un an plus tôt, Ragda aurait sûrement, intérieurement, paniqué, douté, l'estomac noué par la peur d'avoir fait une erreur. D'avoir livré, malgré lui, des informations compromettantes le concernant. Mais depuis l'opération du cerveau qu'il avait subit, ce sentiment l'avait définitivement quitté. Il n'éprouvait plus aucune peur. Il avait un destin, la Force lui avait parlé en rêve. Plus rien ne pouvait l'atteindre. Du moins, en était-il convaincu.

Il baissa les yeux, sur l'horloge numérique de son chariot répulseur, puis leva la tête, observant le ciel. Au dessus d'eux, défilaient des milliers de véhicules chaque seconde. Vu d'ici, ils se croisaient dans tous les sens, comme en proie à une anarchie la plus totale... Mais Ragda savait que le trafic aérien de la cité-capitale répondait à des codes très stricts, qui assuraient aux usagers de ces lignes une sécurité maximum. Il chercha du regard quelque chose, avant de le trouver. Pile à l'heure.

« Vous devriez terminer votre verre » reprit-il, en reposant ses deux énormes yeux sur la jeune femme. « Notre chauffeur arrive. » Et effectivement, moins de quinze secondes plus tard, un speeder-limousine grand luxe se posa à quelques mètres d'eux, dans une zone habituellement réservées aux livraisons. Ses plaques diplomatiques lui assuraient une totale impunité. « Je pensais que nous aurions terminé notre petit jeu plus rapidement. Mais visiblement vous avez le soucis du détail en plus de l'amour des questions tordues et indirectes. Si l'aventure vous tente toujours, je vous en prie, montez... » La large porte latérale s'ouvrit alors, révélant d'immenses banquettes en cuir précieux, assez larges pour accueillir un Hutt, et ses invités. « Nous aurons tout le temps de terminer en vol. Vu le trafic à cette heure, il va nous falloir une quinzaine de minutes pour atteindre le siège de l'urbanisme local, même avec mes autorisations prioritaires. »

Sur ces paroles, Ragda glissa lentement hors de son chariot. Puis, d'une pression de l'un de ses petits doigts boudinés sur le bouton approprié, il enclencha la commande de « cubbage » comme il aimait l’appeler. L'engin répulseur se replia alors sur lui-même, jusqu'à devenir qu'un cube compact d'un mètre de coté, doté d'une poignée. Il flottait toujours à quelques centimètres au dessus de la terrasse. Le chauffeur, un twi'lek en uniforme blanc, sorti alors de la limousine afin de le faire glisser jusqu'au coffre du véhicule. Pendant ce temps, Ragda s'était installé à l'arrière, dans le sens de la marche.

« N'oubliez pas votre veste ! » lança-t-il à la journaliste, avant de sortir une bouteille de cognac, ainsi que deux verres, du mini-bar. Puis il rajouta : « Quand vous voulez pour votre seconde question... Un petit verre avant, peut-être ? Vous devez avoir le gosier bien sec avec toutes vos histoires. »
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Huuuuuuum... C'est là qu'on voit la perspicacité de Rejliidic, mine de rien... Son analyse est plutôt balaise, je trouve : en à peine quelques minutes de conversation, le voilà déjà qui dresse un portrait de moi assez conforme à la réalité, tout de même. Même si je n'y adhère pas à 100 %: le coup du vous cachez bien votre jeu, mais ça révèle une zone d'ombre en vous, à d'autres ! Je me considère comme suffisamment équilibrée, un peu acharnée du boulot, c'est vrai, mais il y en a combien qui le sont, dans cette galaxie, franchement !

Autre truc qui me gêne... Présenté comme il le fait, ça fait un peu peur sur les bords. Il a cette espèce de fatalisme bizarre, en mode : des gens comme vous, y en a plein, et vous allez finir par vous faire niquer comme eux. Je n'aime pas ce genre de philosophie. Pour ne pas finir niqué, il suffit de ne pas être comme eux, c'est tout. Et je pense que j'en suis capable, je ne suis pas comme les autres. Sans fierté mal placée, hein : j'y crois sincèrement, pour tout ce que j'ai vécu, pour tout ce par quoi je suis passée, pour tous ces trous du cul que j'ai rencontrés, ces créatures sans hargne ni ambition, prêts à laisser se dérouler leur misérable petite vie telle qu'elle, identique à elle-même jusqu'à ce que mort s'ensuive... Tiens, et si je le lui disais, ça ? Allez, chiche !

«En me posant votre question sur ma défloraison» (on appréciera au passage mon sens des euphémismes) «vous m'avez montré que vous connaissez bien mon CV. Et croyez-moi, des discours comme celui que vous venez de me faire, j'en ai entendu des tonnes et des tonnes. Tous ces gens qui ont essayé de me dissuader d'enquêter sur l'affaire Karl Wert... Mais évidemment, vous connaissez la suite, je me suis entêtée, et moralité : ça m'a validé tout un doctorat, propulsé dans les bureaux de Galactic Holonews, et fait atterrir ici, face à vous, à empocher 50.000 crédits cash »

Ça avait le mérite d'être clair, non ? Bon, évidemment, si l'on s'en tenait là, je risquerais d'omettre quelques données fondamentales, ce qui n'est pas très journalistique comme attitude. Amusons-nous à développer, tiens, et à analyser le tout avec un petit peu plus de perspicacité. Je pense que ce petit jeu aura tout pour plaire à Rejliidic : je comprends mieux pourquoi il gère des casinos, d'ailleurs.

«Bref, vous ne risquez pas de m'effrayer, avec vos comme si, et autres il se pourrait qu'à terme... Eh-eh ! Je verrais bien là une déformation professionnelle : vous, les politiciens, sauf tout le respect et toute la fascination que je vous porte, vous passez le clair de votre temps à jouer sur des situations inexistantes, à envisager des possibilités, des risques, des éventualités. Mais moi, que voulez-vous ? j'ai ma propre déformation professionnelle : en tant que journaliste, je veux des faits, et rien d'autre que des faits. Le jour où je me serai vraiment cassée la gueule parce que j'aurai poussé le bouchon trop loin, on en reparlera : il y aura une véritable donnée que l'on pourra analyser, diagnostiquer, décortiquer, pour en comprendre les tenants et les causes. Mais pour l'instant, que disent les faits ? Eh bien que ma méthode à moi m'a permis de faire en cinq ans ce que certains collègues mettent toute une carrière à accomplir.»

Petit sourire gentil, pour bien lui montrer que ces petits jeux intellectuels, c'est mon truc ! Et qu'il ne faut surtout pas le prendre comme une marque d'agressivité, mais plus... comment dire ? ...comme un concours de bites verbal ! C'est exactement ça ! Le genre de jeu dont Rejliidic devait raffoler lorsqu'il se confrontait à Janos, si j'en crois mes sources. Bon, sans prétendre me substituer à l'ancien Lord, je pense y avoir quelques talents aussi. Autre déformation professionnelle, liée à un usage intensif de l'interview, je suppose...

«Analysons les faits, voulez-vous ? Et rangeons-les en deux catégories. Points positifs de la méthode Graciozi : un doctorat, un premier job obtenu dans la foulée, et une réputation dans les milieux politique de Coruscant. Points négatifs : un licenciement et... une réputation dans les milieux politiques de Coruscant.»

Rien de tel que l'auto-dérision pour exhiber en douceur son esprit critique, n'empêche.

«Maintenant, estimation des points négatifs. Sérieusement, le licenciement ? rien à foutre ! J'ai déjà eu deux propositions sérieuses de la part de petits journaux indépendants super intéressants, sans compter que j'ai un rendez-vous avec Ben Doyle en personne dans quelques jours. Bref, les faits nous montrent que pour l'instant, je sais rebondir sur mes pattes.»

Bon, d'un coup, les choses se précipitent. L'heure tourne, il faut qu'on y aille, la conversation s'interrompt brutalement, et me voilà dans sa limousine, comme ça – paf ! Amusant de voir à quoi peut bien ressembler le véhicule d'un Hutt, d'ailleurs : tout est aménagé pour qu'il puisse rentrer dedans (ce qui, en soi, n'a rien d'évident). Enfin, on comprend pourquoi il peut payer une petite journaliste à 100.000 balles la journée, quand on voit un vaisseau pareil...

«Okay, on continue le jeu. Et oui, je prendrais bien quelque chose. Un truc pas fort, hein, ce que vous avez...»

De l'autre côté de la vitre, Coruscant vit, s'agite, fait turbiner ses files indiennes de speeders. Elle ne s'est jamais vraiment arrêtée, sinon durant le calme des quatre heures du mat'. Mais à cette heure-ci, sa frénésie s'est déjà enclenchée depuis belle lurette, et il faudra encore en attendre un certain temps, avant que ça se tasse un tout petit peu : les prochaines quatre heures du mat', quoi !

«Pour répondre à ce que vous me disiez tout-à-l'heure sur cette information inutile, je me la réserve pour une troisième question, au cas où je manquerais d'inspiration, d'accord ?» (Petit air espiègle : c'est que je suis joueuse, moi, quand on me lance !) «Pour l'instant, je vais me transformer provisoirement en détective privée, comme dans ces holo-séries stupides, pour vous poser la fameuse question du où étiez-vous durant la scène du crime ?»

Je prends le temps de savourer la suspension que je viens de mettre dans cette phrase, et me relance de plus belle !

«Mais évidemment, on supprime la scène du crime, pour y mettre autre chose. Question numéro 2, donc : où étiez-vous durant votre disparition, ces derniers mois ?»


Eh beh ! C'est que je suis inspirée, moi, ce matin ! Je ne sais pas ce qui me met autant en forme, mais ça fait plaisir. D'ailleurs, cette question, où étiez-vous durant votre disparition, ça me rappelle un autre truc, avec ce petit jeunot fils à papa, là, Van, oui, c'est ça, Van... Mais enfin bref, ça, c'est une autre histoire...
Ragda Rejliidic
Ragda Rejliidic
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« Juste ici... » répondit nonchalamment le Hutt, le regard perdu dans le panorama de la cité-monde. A perte de vue s'étendaient gratte-ciels et autres structures aux proportions titanesques. Le quartier 500 republica condensait tout ce qu'il y avait de pire et de meilleur sur Coruscant. Il suffisait de relever les yeux pour voir se détacher de l'horizon les plus majestueux bâtiments de cette galaxie, parmi lesquels la rotonde, sorte de champignon solidement accroché au dédale de permabéton et de duracier empilé au dessous. Les hautes tours d'habitations luxueuses perçaient les nuages, pratiquement jusqu'à la limite théorique de l'espace. Pourtant, il ne fallait pas chercher longtemps pour trouver d'autres secteurs quasiment laissés à l'abandon, fautes de promoteurs assez fou pour relever les défis technologiques que revêtaient la destruction de tels mastodontes. C'était sûrement pour cette raison que Janos avait choisi le 500 republica pour construire son Musée : des « terrains » en décrépitude, vendus une bouchée de pain, et à moins de cent kilomètres d'une des zones les plus touristiques de la planète. Autant dire à un pâté de maison du Sénat, rapportée aux proportions Coruscanti... Un choix habile, judicieux... Que le Hutt avait éhontément copié pour son futur casino ! Pour le coup il assumait totalement. Même mieux, il avait, fut un temps, espéré que ce plagia plongerait son ancien adversaire dans une rage folle. Mentalement il haussa les épaules : trop tard. Quoi que... Quoi que...

Ragda reposa ses deux énormes yeux globuleux sur la jeune femme assise en face de lui. Le speeder, en vol stationnaire à une centaine de mètres du sol, attendait une autorisation pour s'infiltrer dans une file saturée. Son petit doigt boudiné n'avait pas bougé : toujours collé sur la vitre blindée, il semblait désigner l'une des silhouettes massives au loin.

« J'étais juste ici. » reprit-il, fixant la journaliste, les paupières légèrement plissées. Il aurait préféré éviter le sujet, plus pour une question d'amour propre qu'autre chose, mais c'était le jeu. Il s'y pliait, bon joueur. « En cure de désintox dans la clinique privée de l'Esplanade. » Sombre période. A cause de cette pause forcée, il avait perdu son poste de Ministre, ses principaux soutiens au sein de la LMP... Alan avait profité de cette absence pour tirer la couverture à lui, tandis que les actes stupides de son ancien assistant avait poussé le Hutt à mettre fin prématurément, et de manière expéditive, à leur relation. Dire qu'en neuf mois il avait presque tout perdu n'aurait été que peu exagéré. Fort heureusement, il disposait toujours de son statut de Sénateur. « Overdose de stimulants intellects. Rien de vraiment sordide, ni de glamour, j'en ai bien peur. ». Oui, enfin, pour le coté sordide... On l'avait quand même retrouvé affalé dans les toilettes de l'aile est du Sénat. Il haussa les deux bourrelets lui servant d'épaules. « J'ai dépensé des dizaines de milliers de crédits pour étouffer toutes les rumeurs à ce sujet. Ce n'est pas que je tiennes à mon image... Celle-ci a déjà été écornée tant de fois... Mais voyez-vous, j'ai vécu cette période comme un véritable échec personnel. » Étrangement, il parlait avec franchise. Avait-il besoin, depuis tout ce temps, de se confier à quelqu'un ? « Il n'y a rien de pire que perdre le contrôle... » Il se redressa pour pointer la jeune femme d'un index accusateur. Il parlait avec conviction. « Nous avons cela en commun : nous aimons tout contrôler, avoir la sensation d'être maître des situations difficiles dans lesquelles nous nous projetons volontairement. » Il soupira, regard dans le vague, perdu dans ses pensées. Sa main retomba mollement. « Tout à débuté lorsque j'ai cumulé en plus de mes fonctions Sénatoriales, des fonctions Ministérielles, devenues rapidement plus importantes encore avec la capture du Chancelier Arnor. J'ai commencé à prendre ces stimulants pour rester à 100% , malgré le manque de sommeil, la fatigue intellectuelle omniprésente. D'abord une dose par jour, puis deux puis... Et bien quatre ans plus tard, j'en prenais entre douze et quinze par jour. Et puis crac, overdose. Je suis même resté cliniquement mort douze secondes avant d'être finalement réanimé ! Le pire, c'est que je n'ai rien vu venir... » dit-il, en relevant les yeux pour reconsidérer son interlocutrice. « Pensez ce que vous voulez. Tout ce que je peux vous répondre, c'est que ce n'est pas parce que vous ne vous êtes jamais cassé la gueule que vous n'êtes pas sur la mauvaise pente...» Par cette phrase, il répondait directement aux propos de la journalistes.

Il la regardait d'un œil nouveau. A chaque fois qu'elle ouvrait la bouche, il analysait chacune de ses paroles, comme compilant les sous-entendus afin de les tisser en un canevas toujours plus réaliste des contours de sa personnalité. Pas celle que l'on peut comprendre en lisant un CV, non. La « vraie », celle qui ne se révélait au grand jour que dans un face à face. Il se rendait à présent compte des défauts, pour ne pas dire erreurs, de ses premières impressions. Il avait d'abord cru que cette jeune femme usait de ce trop plein d'assurance, de cette fouge, comme d'une carapace, d'une armure, afin de se protéger d'elle-même, de ses choix douteux. Mais non. Il avait devant lui une vraie acharnée, une vraie passionnée, prêt à tout pour atteindre ses objectifs, même si cela frisait le masochisme. Elle assumait entièrement ses choix. Cette confiance en elle, en ses capacités, elle l'avait forgé au rythme de ses réussites hors norme. En des termes plus déplacés, on aurait pu dire que ses chevilles commençaient à enfler sérieusement... Mais tant qu'elle ne prendrait pas une claque, une vraie, elle ne le comprendrait peut-être jamais.

« Satisfaite ? » fit-il, un tantinet moqueur. « Vous vous attendiez autre chose n'est-ce pas ? Les overdoses... Tellement classique... » Il haussa de nouveaux les épaules. « Je ne doute pas que vous trouverez tout ce qu'il faut pour faire un article là dessus si l'envie vous en prend. » Peut-être était-il temps de titiller son ego. « Même si je pense qu'une journaliste telle que vous a certainement des papiers plus importants à écrire. Vous abaisser à rédiger un article digne de la presse à sensation ne risque pas de vous aider à vous élever au dessus vos collègues politologues... » Elle pourrait toujours vendre l'information à une feuille de choux « people » pour se faire quelques crédits. Mais vu la crédibilité de cette presse à sensation, Ragda ne s’inquiétait pas vraiment des retombées. Avec le temps, il avait finalement appris à accepter cet échec, et à continuer d'avancer.

Une autre facette de la personnalité de la journaliste l'intriguait. Cette fausse insouciance. Elle avait pris les crédits, l'avait suivi dans son speeder, sans poser une seule question sur ce qu'il attendait d'elle... Il avait déjà une théorie pour expliquer cette attitude. « Je suis étonné que ma vie privée vous intéresse tant, alors que nous convolons vers l'inconnu, lié par un pacte dont vous ne connaissez les termes. » reprit-il, lui décochant un sourire amusé. « Mais vous n'êtes pas idiote, loin de là. Sinon je ne me serais pas donné la peine de vous contacter. Parmi la centaine de CV que j'ai lu, c'est le votre que j'ai retenu. Pas mal non ? Je pense que... Vous avez compris qu'à un moment ou un autre il faudra bien que je vous explique en détail la situation si je veux pouvoir vous utiliser efficacement dans ce que je cherche à accomplir. Et donc, vous vous amusez à griller vos questions sur des sujets plus... personnels. A moins que vous ne soyez aussi joueuse que moi ? Que vous aimiez les surprises... » Question qu'il laissa en suspens avant de répondre :

« Bien ! A mon tour... A une question personnelle je réponds par... Hmmm... » Cette fois, la réflexion n'était pas feinte. Le jeu venait de prendre une nouvelle dimension, tel un duel, le but étant tout autant de déstabiliser l'autre que de le prendre par surprise par la nature des informations demandées. En effet, ils jouaient une sorte de... partie de sabaac verbal. Chacun ajoutait des jetons à sa mise, espérant que l'autre révèle son jeu ou se couche. Décidément, Ragda appréciait de plus en plus cette conversation ! Tout en méditant sur cette fameuse question, il servit à la jeune femme une flûte de crèment iridonien. Un alcool réputé sans être pour autant hors de prix. Les fines bulles pétillaient déjà entre les mains de la journalistes tandis qu'il prononçait ces mots :

« Qu'est-ce que ça vous fait, vu vos dettes, de devoir accepter aussi facilement 100.000 crédits ? Je suis curieux de connaître ce qui s'est passée dans votre jolie tête de linotte à la vue de cette enveloppe. C'est sur, c'est une belle somme. Mais bon, sorti du contexte, on pourrait croire que je vous achète... Pas très classe pour une politologue qui se veut plus... morale et intègre que les autres. Mais rassurez-vous, vous n'êtes ni la première journaliste que j'achète, ni la dernière poule de luxe que j'inviterai dans mon speeder. »

Ragda pouffa, avant de se servir finalement une flûte de crèment, et de l'avaler cul sec. Humour de politicien. Humour de politicien Hutt même, pour être exact.
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