Ragda Rejliidic
Ragda Rejliidic
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Appartements de Ragda Rejliidic, quelques jours après son « grand » retour sur la scène politique galactique,

Il fulminait, mugissait, pestait. Juché sur son chariot répulseur, il décrivait des cercles dans cette espace soudain trop petit, trop confiné. Oppressant même. Merde, il tremblait. Il avait... Des envies... Des envies de stimulants. Un besoin irrationnel qu'il peinait à réprimer ! Mais comment pouvait-il chasser ses mauvais démons alors qu'il s'ennuyait comme jamais ! Avec le décès « accidentel » de Diménéon, il n'avait plus personne à qui parler ! A part son statut de Sénateur – et compte tenu des circonstances, la plupart des débats avaient été reportés – il ne lui restait plus aucun rôle officiel.

Pour la première fois de sa vie, le Hutt n'avait rien à faire. Strictement rien. Difficile à encaisser pour une être qui s'était toujours noyé sous le travail. Même sur Bakura il n'avait cessé de travailler. D'abord monter son casino, puis le faire tourner, puis monter son réseau de trafic d'informations clandestin, puis se lancer en politique...

Ah... « Fantôme », son alter ego. Même lui agonissait, abandonné dans la poussière quelque part dans les sous-sols de Bakura. Il soupira, réprimandant une nouvelle pulsion : celle de claquer la porte et de monter à bord de son Yatch, « l'Agonie d'Ardos » pour aller prendre de longues vacances sur son monde, et réactiver, en guise de loisir, son identité secrète. Il ne pouvait tout simplement pas. Non, il ne pouvait pas. Même s'il s'emmerdait dans l'immédiat, il devait jouer son rôle de Sénateur, filer droit, garde profil bas. Et puis, partir maintenant, alors que la galaxie elle-même risquait l'implosion aurait été une erreur stratégique. Il n'y avait rien de mieux que ce genre de crise pour placer ses pions !

Dès lors, que faire pour tuer le temps ? Ragda eut soudain une idée. Une idée qui le fit mourir de rire... Il s'empara de l'un de ses datapad et commença à rédiger une petite missive, à un très vieil ennemi...

// Message à destination du prisonnier Côme « Darth Deinos » Janos, ex-Sénateur et ex-Vice-Chancelier.

Mon très cher Côme,

On dirait bien que nos sommes arrivés au bout du chemin. J'ignore si vous avez appris le baille, ou si un gardien vous fait en ce moment même la lecture... Si c'est le cas, je passe le bonjour à ce fonctionnaire méritant, qui doit se payer votre face de cyborg tous les jours... J'imagine que devez apprécier ces quelques mots, puisque je doute fortement que beaucoup perdent encore de leur précieux temps pour vous écrire. Où sont donc passés vos précieux alliés ? Ceux dont vous me vantiez tant la loyauté comparé aux miens. Ils sont soit mort, soit en train de nier vous avoir côtoyé...

Vous êtes devenu encore plus impopulaire que moi, c'est peu dire ! Un exploit ! Si j'étais mauvais joueurs, je pourrais devenir jaloux !

Trêve de plaisanteries. Avez-vous eu l'occasion de garder un œil sur l'actualité ? Ou vous ont-ils enfermé dans un trou privé de tout confort moderne ? Ah... Vous savez... Je regretterai presque votre présence... Il flotte dans l'air une odeur d'ironie plus que délicieuse ! Et je n'ai personne avec qui partager mon hilarité.

Vous ! Le grand prophète de l'Harmonie ! Vous êtes l'unique responsable du pire Chaos qu'ait connu notre République depuis bien des siècles ! Le plus incroyable, le plus... truculent, c'est que de ce Chaos est né quelque chose d'impensable : une Union sans précédent ! Une Union improbable entre ce qui reste de votre petit Rassemblement Républicain agonisant, la Ligue des Mondes Périphériques, les Partisans d'Emalia, et même... L'Ordre Jedi ! Incroyable n'est-ce pas ? Personne n'aurait pu imaginer cela il y a quelques mois, alors que nous nous entre-déchirions pour élire Scalia. Paix à son âme.

De là à dire que vous êtes, malgré vous, le père de cette alliance... Il n'y a qu'un pas... Non ? Vous auriez du trouver une autre devise pour votre parti : Qui semé le Chaos, récolte l'Harmonie ! Au moins ça aurait eu le mérite d'être honnête.

Malgré moi je soupire pourtant. Je dois reconnaître que je vous plaints. C'est sur que je n'aimerais pas être à votre place. Mais il n'y a pas que cela. Je vous revois, vous, l'arriviste, luttant depuis des années pour obtenir un poste de Sénateur et entrer dans les petits papiers du Chancelier Arnor. N'avez pas sué eau et sang pour faire valoir vos idées, les semer, les faire germer dans les esprits de nos concitoyens ? Plusieurs fois même, vous avez mis votre carrière en péril au nom de grands préceptes dont vous ne vouliez déroger... La paix, l'harmonie et j'en passe. Et tout ça pour quoi ? Pas grand chose. Certes, vous avez fondé un parti politique... On pourrait presque vous décerner une médaille pour avoir eu le mérite de côtoyer un Ion Keyiën d'aussi près. Il ne manquera pas à grand monde celui-là...

Où en était-je ? Ah oui. Tant d'efforts et de temps perdu en quête de paix et d'harmonie... Et là, en quelques minutes seulement, en vous accusant d'être un Seigneur Sith, vous avez accompli bien plus de chose que depuis vos débuts ! Quelle ironie, ironie sadique. Et la meilleure dans tout ça, c'est que cette Unions Sacrée que vous prôniez il n'y a pas si longtemps s'est cristallisée autour d'une Jedi ! Oui, une Jedi. Maître Von est Chancelière à présent. Grâce à vous. Vous a-t-elle remercié ? Quoi que... En y pensant, c'est en réalité grâce à moi : puisque vous vous êtes fait pincé en essayant de m'accuser d'une traîtrise imaginaire avec l'Empire Sith.

Bref... Nous verrons bien où cela nous mènera. Enfin, moi je le verrai. Vous je ne sais pas. J'en doute quelque peu. Attention ! Ne croyez pas que je désire votre mort, la peine capitale, tout ça... Bien au contraire ! Si vous pouviez rester toute votre vie à croupir dans cette cellule, je disposerais d'un bouc-émissaire tout trouvé à chaque fois que mes problèmes referaient surface ! Je suis un enfant de chœur comparé à vous ! Alors... J'espère que vous vous montrerez coopératifs, pour inciter notre ami commun devenu Juge à se montrer... indulgent à votre égard.

En y réfléchissant... On pourrait presque se demander si, au fond, vous n'êtes pas une sorte de patriote fanatique et suicidaire, qui se serait sacrifié pour la bonne cause ! A moins que vous ne soyez, plus simplement, le pire salopard qu'ait connu notre galaxie depuis bien longtemps. Venant de moi, j'imagine que ça vous touche... En tout cas, personnellement, j'ai fais mon choix. Je vous laisse deviner.

Quoi qu'il en soit, parce que j'avoue avoir quand même l'ombre d'un respect naissant pour vous, j'ai joint à cette lettre un petit présent : une corbeille d'oranges bien juteuses. Si cela peut adoucir votre peine... Elles viennent de Bakura. Elles vous rappelleront peut-être la chaleur du soleil dont vous êtes privés depuis quelques temps. Bon... Par contre... J'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur : je n'ai pas pris le temps de faire un paquet-cadeau. Je me suis dis que, de toute façon, vous ne verriez pas la différence...

En vous souhaitant un bon appétit...

Adieu.

PS : Pas la peine de chercher une lime, il n'y en a pas. Et puis quand bien même, encore faudrait-il que vous puissiez voir de quel coté sont les barreaux pour limer, n'est-ce pas ? //


Seul, dans son appartement, le Hutt éclata d'un rire sincère. Au fond de lui, il espérait déjà une réponse tout aussi... narquoise. Encore faudrait-il que l'ex-Lord ait appris à écrire ou taper sans regarder ses mains...
Invité
Anonymous
«Il va mieux ?»

Responsable civil chargé de la détention de celui que l'on pouvait appeler : l'homme le plus précieux de tout le système pénitentiaire républicain, Dereek Palkar avait les yeux rivés sur l'holo-écran qui flottait au dessus de son bureau. Y figurait une représentation holographique de ce fameux prisonnier dont on parlait tant en ce moment, assis silencieusement sur sa chaise, au cœur d'une cellule étriquée : Lord Janos, alias Darth Deinos.

«Un peu.», répondit le fonctionnaire Palkar abruptement. «Il arrête de se prendre pour le Chancelier. C'est déjà ça. En même temps, avec tous les médicaments qu'on lui a donnés...»

«Bon, tant mieux. Le conseil de sécurité a délibéré pendant des heures pour déterminer si oui ou non votre prisonnier aurait le droit de connaître la missive de M. Rejliidic. Il serait quand même dommage, maintenant qu'on a leur aval, de gâcher cette possibilité.»

«Je sais bien, mais ce type est pas clair. Il est même sacrément frappadingue, si vous voulez mon avis. Vous croyez pas qu'il risque de faire un genre de rechute, si... ?»

«Écoutez. L'unité médicale considère que le détenu est tout à fait apte à entendre cette lettre et à y répondre. Et j'ai des ordres venant d'en haut. Il est donc...»

«Ah. Des ordres d'en haut, hein ? Vous voulez voir sa réaction, et récolter des infos utiles à votre enquête, pas vrai ? C'est un genre de piège, de test. Allez, avouez.»

«Je ne suis pas autorisé à répondre à cette question.»

«Ouais, c'est ça. Allez, je vous ouvre.»

Janos entendit une porte se désceller, puis une autre, et encore une autre. Lorsque son esprit parvenait à reprendre conscience du véritable lieu où il se trouvait - un pénitencier, et non les bureaux de la Chancellerie -, son nouveau jeu était de compter le nombre de verrous et sas blindés qui le séparaient du dehors. Quatre portes, c'était sûr, mais il avait quelques doutes sur l'existence d'une cinquième, que l'on entendait à peine depuis la cellule, mais dont un "clic" lointain laissait supposer la présence.

Un homme rentra. Combinée à son aura de Force, l'ouïe de l'ancien Lord lui permit de comprendre qu'il s'agissait d'un inconnu. Il se redressa sur sa chaise.

«Détenu 684b, bonjour. Je suis Talamir Mar'Sheleb, commissaire général des échanges épistolaires de notre Centre carcéral.»

Deux informations nouvelles. Tout d'abord, Janos ne savait pas qu'il existait une telle fonction dans les pénitenciers, mais après tout, pourquoi pas ? Des missives, il avait dû en recevoir des centaines, peut-être. Il fallait s'imaginer tout l'appareil de surveillance qui filtrait ces lettres, en arrêtait la plupart, et autorisait ponctuellement que telle ou telle fût lue d'un détenu. D'autre part, il s'appelait donc 684b... Même cela, il ne le savait pas.

«Le Conseil de sécurité vous a autorisé, après avoir saisi la Cour Suprême de Justice, à avoir accès à une lettre de M. Ragda Rejliidic. Étant données vos conditions... hum... de santé, je vais me charger de vous la lire. Vous pourrez ensuite me dicter une réponse que je retranscrirai telle quelle, et qui sera étudiée avant d'être envoyée, le cas échéant, à votre correspondant.»

«Rejliidic, hein... Bah, allez-y. Ça m'occupera dix minutes.»

Pendant tout le temps de la lecture, Janos demeura impassible, la tête appuyée contre son poing droit. Il ne réagit pas une seule fois, se contentant de remuer le pied gauche dans le vide. Cependant, il montra tout de même une très légère forme d'amusement au moment où une note d'embarras se fit clairement entendre dans la voix de ce bureaucrate, sur les passages les plus tendancieux de la lettre.

Janos n'avait pas envie de réagir violemment, de toutes manières. Son esprit imbibé de médicaments avait été vidé de toute la combativité qu'on lui connaissait jadis. Il se savait affaibli par l'élan de folie qui s'était emparé de lui, après avoir découvert la mort de Valérion Scalia et de Ion Keyiën, même s'il n'aurait pu dire exactement ce qui s'était déroulé à ce moment-là : une vague impression embrumée d'avoir su un instant s'échapper de cette cellule, et c'était tout. Du reste, l'unité médicale ne lui avait pas spécifié le contenu de ses délires. En tout cas, il n'était plus question de laisser ses neurones s'illusionner ainsi : il en allait de sa survie.

Calme, sang froid... Tenter de reprendre le dessus sur cette humiliation...

«Si vous désirez répondre à cette missive, vous le pouvez maintenant. Je me chargerai de retranscrire vos propos à la lettre. Comme je vous l'ai dit, ils seront ensuite analysés par une commission spécialisée, puis envoyés au destinataire si l'autorisation est délivrée.»

Le détenu 684b hésita un instant. Il aurait presque eu envie de ne pas répondre. Pour montrer qu'il était au dessus, lui. Au dessus de tout ça. Mais c'était faux, et il le savait : il était en dessous, en réalité, tout au fond du trou. Et après tout, cette missive pouvait lui offrir une manière de se hisser tant bien que mal hors de toute cette... de toute la merde où il s'était plongé tout seul, comme un grand.

Alors oui. Après tout, pourquoi pas ? Janos acquiesça.

«Je vous écoute...»

* * *


«Rejliidic. Mon vieil "ami"...

Vous vous moquez de moi. Vous l'avez toujours fait. Mais cette fois, je n'ai plus envie de m'opposer à vous, de perpétuer cette minable guéguerre qui nous a si longtemps opposés. Alors laissez-moi vous dire que vous avez raison : oui, je suis risible.

Jadis, nous nous étions comparés l'un à l'autre. J'avais même suggéré que nous appartenions à la même espèce. C'était une erreur. Une lamentable erreur. Comme tout le reste : tout ce que j'ai fait n'est ni plus ni moins qu'une lamentable erreur.

Ordre, Paix, Harmonie... Oui, toutes ces belles idées m'ont amené là, aveugle, dans cette cellule, à avoir causé le pire chaos qu'ait jamais connu la République. Et ça vous fait rire, hein ? Oh, raillez, raillez autant qu'il vous plaira. Vous avez raison, de toutes façons. Je ne le démentirai pas par je ne sais quel morceau de bravoure rhétorique. Je l'ai dit, et je le répète. Je n'ai plus envie de jouer au coq avec vous : je reconnais mes erreurs, humblement.

Vous vous moquez, mais je n'étais pas si loin de réussir. À votre avis, pourquoi avoir mis en place cette réforme constitutionnelle ? Pourquoi avoir à tout prix cherché à devenir Vice-Chancelier, et fait en sorte que le Vice-Chancelier puisse devenir Chancelier ? Pourquoi cette base secrète ? Elle n'était pas là pour m'amuser à déclarer des guerres, non... Je comptais utiliser ce commando pour faire enlever Valérion Scalia, prendre sa place, et imposer mes idéaux à la République. J'ai d'abord commis une simple erreur stratégique : rattrapé par le temps, condamné trop vite, ce plan génial n'a pas pu être mis en œuvre. Je ne saurais jamais si Valérion a pressenti tout ceci quand il m'a fait arrêter.

Une erreur stratégique, oui... Et fort excusable, au fond. Ce que je ne me pardonne pas, en revanche, c'est la véritable faute qui s'est ensuivie. Pris par ma... folie, par ma déception, je me suis transformé en une véritable machine à se venger. Je l'avoue. Cette révélation - que je suis Sith, que j'ai fait installer une base sur Aargau - n'avait plus aucun autre but que la vengeance. Plus de plan machiavélique, plus d'Ordre, plus rien de tout ça. De la vengeance, de la pure vengeance, bête et méchante. Aveugle ! Sans mauvais jeu de mot...

En tout cas, s'il est clair que Valérion et Keyiën n'avaient rien à voir avec cette base, vous ne m'enlèverez pas de la tête que vous avez agi de concert avec la Dame Noire. Eux, ils sont innocents. Vous, en revanche... je n'ai pas su tout ce qui s'est passé entre elle et vous, non. Mais elle m'a bien fait comprendre que vous n'étiez pas étranger à la Débâcle d'Artorias. Alors cessez de vous faire passer pour un innocent, et assumez pour une fois vos crimes. Ce message sera écouté, enregistré, passé au crible avant de vous être délivré : la République vous a tout autant dans le collimateur que moi, mon vieux. Et sur ce point, avouez que j'avais au moins raison : je vous l'avais dit que, si nous tombions, nous tomberions à deux.

Dans les manuels d'histoire, mon nom servira désormais de repoussoir. Toute nation, toute histoire a ses héros et a ses traîtres. Valérion Scalia et Ion Keyiën sont les victimes : ils ont le beau rôle, et on les verra comme des martyrs. Moi, je suis le méchant Sith qui a plongé la République dans l'une des pires crises de tous les temps. Tout sera dit quand on aura présenté les choses ainsi. Est-ce que tout ceci a un rapport avec la vérité ? Non. Valérion et moi étions de la même espèce, et contrairement à vous, je le respectais. Je le respectais... sincèrement...

Sa mort, et la mort de Keyiën, et la mort de toute la famille de Keyiën... m'ont plongé... dans un profond désarroi... L'enquête qui sera menée à mon compte révélera surement que j'ai commis bien des crimes pour en arriver là. Mais jamais, jamais, je n'ai fait tuer pour le plaisir de tuer. Chaque forfait dont je suis coupable a été calculé, médité, et, croyez-moi ou non, destiné à faire advenir l'Ordre dans la Galaxie. Je ne suis pas le méchant Sith que les écoliers de la République verront comme l'incarnation de la théorie du complot.

Mais, sérieusement, je ne pensais pas que ma révélation entraînerait... tout ça. Je... Pour une fois, je... je n'ai pas réfléchi. Vous aimiez vous moquer de ma psychorigidité, de ma volonté de toujours tout avoir sous contrôle. Il a suffi qu'une fois, une seule fois, je cède, je perde pieds, et voilà où nous en sommes.

Vous me trouvez pathétique, et vous avez raison. Voilà. C'est dit. Je suis d'accord avec vous. Vous avez raison. Oh, vous jubilerez, quand vous entendrez ça. Lord Janos avouer à Ragda Rejliidic qu'il a raison : qui aurait pu le croire ?

Mais je vais être sincère jusqu'au bout. Ce qui me dégoûte le plus profondément, c'est que vous vous en foutez. Vous vous en foutez totalement. Il y a eu des morts, des attentats, et ça ne vous fait rien, non. Vous rigolez, dans votre coin... Mais merde ! Merde ! Valérion Scalia ne méritait pas ça, merde ! Et sa fille... Et la famille Keyiën... Je ne le voulais vraiment pas... Je suis... le plus gros con de toute la Galaxie. Je plaiderais volontiers la peine de mort contre moi-même, là, maintenant, tout de suite. Alors, quand je vous vois, jubilant, vous frottant les mains à l'idée que votre rival a chu... Vous vous délectez du chaos que j'ai généré pour la simple et bonne raison qu'il prouve que j'avais tort. Vous vous rendez compte, un peu, de votre folie ? Vous voulez que la République soit mise à feu et à sang pourvu que cette décadence serve votre misérable satisfaction.

Je suis pathétique. Mais vous, Rejliidic, vous êtes piteux. Dans les manuels d'histoire, j'aurai beau incarner la figure du traître, j'aurais au moins fait les choses en grand. L'image de Lord Janos, le fou, le démoniaque, s'arrachant les yeux, aura au moins une prestance tragique, quelque chose de beau, dans le geste. Mais vous... Vous demeurerez à jamais la grosse limace immonde et véreuse qui se complaît dans ses petites guéguerres puantes. Je suis répugnant, oui, mais vous, vous êtes encore plus répugnant que moi.

En espérant être condamné à mort, pour vous priver du plaisir de me voir croupir ici jusqu'à la fin de mes jours,

Salutations,

Lord Janos.»


* * *



«Eh bien... C'est noté... Vous avez conscience que les informations délivrées ici seront amplement analysées, d'autant que certaines d'entre elles s'ajouteront à l'enquête dont vous ferez l'objet.»

«Oui, je le sais bien. Appelez-moi con, aussi.»

«Ce n'est pas ce que j'ai dit. Mais, après tous ces mensonges... cette base pour faire enlever le Chancelier... c'est vrai ? Enfin, je n'ai pas à vous poser cette question...»

«Si. Pour la toute première fois depuis maintenant trente ans, j'ai dit la vérité. Toute la vérité.»
Ragda Rejliidic
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« Et où vous voyez-vous dans cinq ans, Mademoiselle Kardasil ? » demanda le Hutt, impassible, ses yeux globuleux plantés dans ceux de la Neimoidienne. Celle-ci teint son regard un instant, avant de le reporter sur ses notes parmi lesquelles figuraient une copie de son Curriculum vitae. Elle releva ensuite la tête.

« Je... » répondait-elle, hésitante. Intérieurement Ragda s'amusait beaucoup, il adorait déstabiliser les candidats qui répondaient à son offre d'embauche pour remplacer Diminéon Gostalis, en qualité de secrétaire/assistant(e). « J'espère pouvoir évoluer vers un poste avec plus de responsabilités. Ce poste d'assistante que vous me proposez est pour moi un tremplin, et c'est pour cette raison que je compte m'y investir à cent pour cent... »

« Très bien... Merci pour le temps que vous m'avez accordé. J'ai bien pris note de vos réponses... J'ai votre CV à disposition. Je vous recontacterai prochainement si je pense que vous êtes la personne dont j'ai besoin. Si vous n'avez pas de nouvelle de ma part la semaine prochaine, vous pouvez me recontacter, mais ça ne sera pas bon signe. » La demoiselle le remercia en se levant, puis s'éclipsa. La porte se referma derrière elle, silencieusement.

Ragda resta un instant le regard dans le vide. Pas mal pensait-il en se remémorant l'entretient... Mais trop ambitieuse. Un défaut rédhibitoire... Dommage... Il jeta le CV dans le broyeur derrière lui, en soupirant. L'appareil s'éteignit... Et le silence devint morbide.

Seul. Il était seul. Seul dans les locaux que la République prêtait à la délégation sénatoriale de Bakura. La journée commençait à peine, il lui faudrait encore attendre une bonne demi-heure avant de voir ses premiers subordonnés arriver. L'heure matinale de l'entretien qu'imposait le Hutt faisait parti du test de personnalité... En tout, il dirigeait encore une douzaine de fonctionnaires Bakuriens, qui travaillaient ici quotidiennement au bon fonctionnement de la délégation. Gestion des emplois du temps, suivi des sessions du Sénat, préparation des argumentaires, prises de contact régulière avec la planète mère. Du travail de gratte-papier. Ces gens là, il les connait à peine. Et pour cause, quelques semaines seulement après son arrivée sur Coruscant, Halussius lui avait proposé un poste de Ministre, prérogatives qu'ils n'avait plus quitté ensuite... Jusqu'à présent. En tout et pour tout, il n'avait pas passé ici plus d'une heure par jour, et souvent très tard le soir alors que tout le monde dormait au chaud chez lui. Le service avait été organisé pour palier à ses obligations républicaines. Manfred O'bann, son suppléant s'était occupé de la plupart des affaires quotidiennes ne demandant pas son aval officiel... Avant d'être sauvagement assassiné par un forcené s'étant introduit dans les locaux de la cour suprême galactique... Après, il y avait eu Diminéon, assurant cette même fonction tout en l'assistant au Ministère. Un supplément de charge temporaire qui avait fini par durer. Le toyadarien avait sacrifié sa vie personnelle pour satisfaire le Hutt. Il s'était même sacrifié tout court.

Ragda repensa à la Neimoidienne : Définitivement trop ambitieuse à son goût. Il avait besoin de quelqu'un d'obéissant, de servile même, incapable de se projeter, sans projets d'avenir, sans ambition aucune. Un pion facile à poser et à déplacer à sa guise... Mais quelqu'un d'efficace, d'ordonné, prêt à sacrifier son temps à son service, et à celui de la République à travers lui. Il recherchait une perle rare en somme... Une perle rare comme les deux qu'il avait déjà perdu. Là était le véritable drame.

Ragda se senti soudain las et déprimé. Par réflexe, il chercha dans la poche intérieur de son poncho noir zébré d'argent, l’étui dans lequel il gardait anciennement ses stimulants intellectuels... Avant de prendre conscience de son geste ! Quel imbécile ! Raah ! Il s'enfonça un peu plus dans les coussins cramoisis de son chariot Répulseur, frusté par son incapacité à contrôler ses vieux démons. Pour ne rien arranger à son agacement, la journée s’annonçait ennuyante et répétitive : il avait encore sept candidats à voir. Aucun ne ferait l'affaire, il le savait déjà.

Ragda regarda l'heure sur l'écran holographique de sa console. Il lui restait quinze minutes avant le suivant. Bien... Il avait peut-être le temps de répondre à son « vieil » ami pour passer le temps.

****



// Très cher 684b,

J'ai passé une partie de la nuit à me demander d'où pouvait bien venir ce numéro énigmatique ! C'est l'officier en charge du courrier m'ayant remis votre lettre en main propre, qui m'a informé de votre nouveau matricule... Et depuis, je me pose des questions : Êtes vous le 684ème résident cette prestigieuse maison ? Ou bien s'agit-il de l'un de ces nombreux codes obscurs de l'administration Républicaine ? « 6 » pour Sith, « 8 » pour très dangereux, « 4 » pour destiné à la peine capitale ? Et le « b » ? D'où vient le « b » ? Si vous voulez, je peux adresser une requête officielle à la direction de votre prison pour avoir le fin mot de l'histoire ! Un mystère parmi tant d'autres...

Pour être franc, je ne m'attendais pas à une réponse aussi rapide de votre part. Il faut croire que mon petit courrier vous a touché. Droit au cœur ! Peut-être aviez-vous besoin de vider votre sac, de vous confier, que sais-je... A vrai dire je m'en fou royalement.

Non, ce qui me fait réagir, c'est son contenu. Je m'attendais à beaucoup de choses, mais pas à ça. Où est passée votre combativité ?! Avouer aussi facilement le ridicule entourant votre situation m'en retirer toute satisfaction... C'est incroyable ! Même du fond d'un trou, vous faites tout votre possible pour me casser les pieds...

D'accord, vous êtes risible ! Mais comme vous l'avez toujours été pour moi, ce n'est pas une grande nouvelle. J'imagine toutefois assez bien le choc que vous avez du ressentir en découvrant cette vérité sur vous même. Il y a de quoi s'en arracher les yeux, c'est sur. Au moins ça vous évitera de voir le chaos que vous avez laissé dans votre sillage....

Vous êtes quand même sacrément tordu, vous vous en rendez compte ? Tout ce plan... Pourquoi au final ? La gloire ? La pouvoir ? Une soif de vengeance quelconque ? Et pourquoi soudainement tout avouer ? Ah si, je sais pourquoi... J'ai eu le malheur de dire que je vous préférais enfermé plutôt que mort... Alors vous faites le nécessaire pour accélérer votre exécution. Vous vous y prenez bien... Votre attitude prouve effectivement que nous n'avons jamais été de la même espèce. Vous, vous êtes de celles qui s'éteignent prématurément suite à un changement climatique... Moi je m'adapte. Je m'adapterai toujours.

Parlons un peu de moi, puisque vous abordez le sujet avec tant d'aplomb. Toujours la même rengaine... Vous êtes usant.
Nous tomberons tous les deux blablabla... Ce n'est pas la peine de prendre vos grands airs prédicateurs, vous n'avez même pas su voir venir votre propre fin. Mais soyez en rassuré, nous tombons tous un jour ou l'autre, c'est la vie. Pourtant, ce n'est ni vous ni ce dont vous m'accuser qui en sera la cause. Allons... Ouvrez un peu les yeux, et rendez-vous compte de la pauvreté de votre réquisitoire sensé me faire frémir :

Si la « Dame Noire », comme vous la nommez avec tant de sympathie, vous avait réellement tout révélé, vous ne vous seriez pas échiné à trafiquer un enregistrement bidon pour me mettre dans l’embarras... Sérieusement. Et puis, il est clair que les Seigneurs Sith ont toujours été réputés pour leur honnêteté ! Vous mentez comme vous respirez depuis des années... Alors qui va vous croire ? Vous n'êtes peut-être même pas un Seigneur Sith en fin de compte... Vous n'êtes peut-être qu'un malade convaincu par ses propres mensonges.

En résumé, soit vous mentez sur votre réelle nature... Soit mentir est dans votre nature. Dans un cas comme dans l'autre, vous êtes un menteur. Rien de plus... Mais je vous en prie, continuez à m'accuser haut et fort, si ça peut vous faire du bien. Pour ma part, depuis votre arrestation je dors beaucoup mieux. Je devenu suis la pauvre victime d'une machination politique ! D'autant plus que vous avouez à présent avoir menti pour Valérion et Ion... Vous perdez décidément toute crédibilité.

Si vos propos sont déjà plus que douteux, que dire de ceux qu'aurait pu vous tenir votre amie l'Impératrice des Sith ? Dans la folle hypothèse ou vous diriez la vérité pour une fois... Qu'est-ce qui vous prouve qu'elle ne vous a pas menti ? Qu'elle ne vous a pas manipulé pour faire de vous un pion à son service ? Est-ce impossible ? A qui profite tout ce chaos sinon à notre ennemi en sommeil, l'Empire ? Je vous le demande.

Vous n'imaginez pas à quel point je me sens serein... Pour preuve, j'ai renoncé à mon immunité parlementaire. Je serai jugé dans les mois à venir... Une formalité si vous voulez mon avis.

Et arrêtez de monter sur vos grands chevaux ! Comme si votre position vous donnait encore le droit de venir me faire la morale ! Vous vous sentez coupable de ce qui est arrivé à Scalia et à Keyiën ? Encore heureux ! Ce que je ressens à leur égard ne regarde que moi, et ce n'est clairement pas avec vous, responsable de tout ce bordel, que je partagerai mes sentiments. Vous vous attendiez à quoi ? A ce que je pleurniche, me morfonde ? Parle du bon vieux temps ? Ridicule ! Ce qui est fait est fait, il ne sert à rien de remuer le couteau dans la plaie. Je pense à l'avenir. Une luxe dont vous ne disposez plus semble-t-il...

Vous voulez savoir ce qui m’énerve, ce qui me mets hors de moi ?! Par votre faute, des abrutis sans cervelle n'ont trouvé rien de mieux à faire que de s'en prendre à des figures importantes de la République. Des symboles ! Chancelier, Ministre... Voilà ce qui me dégoutte et m'attriste ! Pas l'identité des personnes se cachant derrière ces fonctions. Scalia... Keyiën... Je ne vais pas à me mettre à jouer de la langue de bois pour vous dire qu'ils me manqueront. Je ne les connaissais même pas personnellement en dehors de nos fonctions officielles !

Et vous, avez-vous pleuré sur la mort de mon suppléant, Manfred O'bann, il y a deux ans lorsqu'il fut sauvagement assassiné sous vos yeux ? Je parie au contraire que l'ironie de la situation vous avez fait, à l'époque, bien sourire... Comme je le fais à présent.

Oui je me ris de vous, je me gausse de l'ironie de la situation, je m'émerveille de tous ces chamboulements improbables qui ouvrent de nouvelles possibilités... Et rien ne vous donne le droit de me juger ! Si vous me trouve piteux... Tant mieux ! Je prends ça pour un compliment ! Un compliment venant d'un petit Sith, un de plus, ayant recherché si lamentablement à déstabiliser une République millénaire. N'oubliez pas que ce sont les vainqueurs qui écrivent l'Histoire. Vous ne serez qu'une péripétie mineure de plus dans les livres. Se souvient-on du titre de tous les Sith qui ont tenté de mettre à bas la République ? Seulement de ceux qui ont été assez fou pour lancer de véritables guerres... Pas ceux qui ont magouillés dans leur coin des enregistrement truqués, pour finalement lâchement passer aux aveux dans une cellule minable.

Mais restons-en là pour les compliments. Initialement, je voulais seulement prendre de vos nouvelles, même si je n'ai pu m'empêcher de vous taquiner un peu... Tout a changé trop vite. J'ai hâte de tomber à nouveau sur un adversaire politique de votre stature... Le coté Sith en moins évidemment...

Et au fait ! Et mes oranges, comment étaient-elles ? Votre silence me vexerait presque... Vous ne les avez donc pas aimé ? Peu importe, cette fois je vous ai fait livrer une barquette Namana. Le fruit emblématique de Bakura. Il paraît que son nectar stimule le centre du plaisir dans le cerveau humain... Vous m'en direz des nouvelles. Faites attention tout de même : n'allez pas vous étrangler avec le noyau. Ça serait un comble si l'on m'accusait d’homicide involontaire à cause de vous...

Rejliidic. //


****


Quelqu'un toqua à la porte de son bureau.« Bon... Bonjour ? Sénateur Rejliidic ? » lança une voix timide, depuis le couloir.

« Je vous en prie, entrez ! » lui répondit le Hutt, posant sa plume. Il la déposerait plus tard dans l'après-midi. Côme devait l'avoir dans un jour ou deux. Le jeune homme, en costume-cravate, fit son entrée l'air très tendu. Le Hut baissa les yeux pour consulter rapidement son CV. Il venait tout juste de sortir d'université. A la recherche d'un premier job qui lui servirait de tremplin... Pfff. Il ne ferait pas l'affaire lui non plus... Alors autant le déstabiliser tout de suite, pour lui faire gagner du temps :

« Vous êtes habillé comme ça tous les jours ? Où c'est à cause de l'heure matinale à laquelle vous vous êtes levé pour venir à ce rendez-vous ? »

L'autre, en face, se décomposa...
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«... Voilà ce qu'il vous dit. Par contre, je n'ai pas pu joindre les oranges. Le temps que la lettre de M. Rejliidic soit lue et analysée par nos services, celles-ci n'étaient plus bonnes.»

«Vous les avez mangées, j'espère. Ce serait du gâchis...»

«À vrai dire... Non. Le protocole l'interdit. Et quand nous avons eu l'autorisation de vous les remettre, elles étaient déjà pourries, en fait.»

«Ah... Quel dommage. Ça aurait pu me changer des plats infectes qu'on me sert ici, mais enfin bon... Vous êtes prêt à noter ?»

«Oui. Je vous écoute.»

* * *


«Mon cher Rejliidic,

Tout d'abord, un grand merci pour ses savantes suppositions concernant mon nouveau nom : 684b. Je n'ai moi-même aucune idée de son origine, ni de sa signification. Peut-être a-t-il été produit au hasard par algorithme, qui sait ? Quoi qu'il en soit, je vous laisse vous occuper de ce mystère-là, et profite de cette lettre pour en lever un autre.

Vous montrez, une fois de plus, que vous n'avez absolument rien compris. Peut-être n'êtes-vous pas le seul, d'ailleurs. Peut-être que personne n'a rien compris et ne comprendra jamais. Si tel est le cas, mieux vaut que je me retire de ce monde, au fond. Il n'est pas fait pour moi, ou c'est plutôt moi qui ne suis pas fait pour lui.

Laissez-moi vous raconter une histoire. Mon histoire. Je ne sais pas ce que vous en retiendrez, ni même si vous en retiendrez quoi que ce soit, borné comme vous êtes, mais puisque je vous ai sous le coude, autant en profiter.

Il était une fois un jeune Jedi idéaliste qui croyait que l'Ordre, la Paix et l'Harmonie pourraient rendre ce monde meilleur qu'il ne l'est. Il y croyait sincèrement : à ce stade de notre histoire, il était même assez niais, au fond. Mais voilà qu'un groupe de politiciens anti-Jedi identifie en ce jeune homme plein d'idées et bientôt Consulaire un potentiel danger. Boum ! Première désillusion. Un attentat dont notre héros survivra, mais avec de lourdes séquelles.

À la suite de ce premier désenchantement, on aurait pu croire que cet idéaliste allait se tourner vers une philosophie moins radicale, plus souple. Mais non. Il vit dans sa survie désespérée un signe. Le signe qu'il avait raison. Le signe qu'il était béni du destin. Que l'Ordre, la Paix et l'Harmonie étaient déjà à l'œuvre dans ce miracle.

Mais notre héros évolua tout de même, si, si. Il comprit que la voie légale ne lui permettrait jamais de faire advenir ses idéaux, qu'il fallait procéder autrement, et passer par d'autres chemins plus tortueux. Cependant, à force de pérégriner sur des routes détournées, il s'enlisa dans sa propre nuit, perdit de vue les étoiles qui devaient pourtant le guider à travers ces détours obscurs, jusqu'à sombrer dans sa propre folie. À terme, l'Ordre, la Paix et l'Harmonie disparurent de son ciel comme s'éteint une supernova, et il n'eut plus qu'à errer sur les sentiers du pouvoir, de la corruption, de ce Côté Obscur qu'il était censé employer comme un moyen, et non servir comme une fin en soi.

Fin de l'histoire. Dans mon récit, personne ne se marie, personne n'a d'enfant. Tout ce qui demeure, c'est un vieil aveugle enfermé dans une prison.

Est-ce si compliqué à comprendre ? Le mensonge n'était pas dans ma nature, à l'origine. Il me servait juste comme un moyen en vue d'une fin bien fixe : l'Ordre, la Paix, l'Harmonie. Ensuite, à force de mentir, il s'est transformé en un marécage où je me suis enlisé tout seul. Mais non, je ne suis pas si tordu, pour reprendre vos mots. Je me suis juste perdu. Point final. Au fond (mais je sais que vous allez encore m'accuser de monter sur mes grands chevaux), mon histoire est une espèce de tragédie. Évidemment, et vous avez raison, ce sont les vainqueurs qui écrivent l'histoire, et je suis un perdant. Le grand perdant.

Mais si vous doutez encore de ma sincérité, songez à tout ce que j'ai fait pour qu'adviennent l'Ordre, la Paix et l'Harmonie dans la République. Les vainqueurs qui figeront l'Histoire dans les Annales prendront bien soin d'omettre ces aspects-là de mon œuvre, parce qu'il faut bien forcer les traits de la caricature, sans quoi elle perd toute sa force. Mais accordez une petite pensée à ma campagne de lutte contre le chômage sur Aargau, aux Cités Nouvelles que j'ai fait bâtir, à ma volonté de mettre fin aux tensions entre classes sociales, à ce fameux Musée des Arts et Cultures, à mon vaste programme de nationalisation... À votre avis, quel était le but de tout ceci, sinon ces trois fameux mots que je martelais sans cesse avant de les oublier : Ordre, Paix, Harmonie ?

Et quant à la mort de ce pauvre O'bann, je vous trouve injuste à mon égard. J'ai réellement essayé de lui sauver la vie, mais je n'ai pas réussi. Un échec de plus. Et je m'en suis voulu, après. Sérieusement ! De toute façon, vous n'étiez pas là, vous. Vous ne pouvez pas savoir. Alors arrêtez de me prendre pour plus inhumain que je ne le suis. Faites-moi au moins cet honneur, de grâce. Cela peut paraître absurde, mais je... Je ne me suis jamais senti autant humain qu'en ce moment. Trop humain, peut-être.

Bref, je ne suis pas un Sith comme les autres. Évidemment, la version officielle des faits fera l'impasse sur ça aussi. Mais je n'ai cherché à explorer le Côté Obscur que pour mieux comprendre les mystères de la Force, qui me semblent être une incarnation physique de l'Ordre. Enfin, maintenant que j'y suis, laissez-moi rentrer dans le détail sur le sujet, j'ai l'impression d'être confus...

Par Ordre, auparavant, j'entendais une stabilité retrouvée à travers la Galaxie tout entière, marquée par un usage proprement créatif des dynamiques de la Force. Une stabilité caractérisée par l'entente cordiale entre les différents membres du tout auquel ils appartiennent, une cohésion mutuellement bénéfique, un rassemblement unanime que rien ne vient plus troubler. À cette époque-là, avant que je n'oublie de le servir, l'Ordre ne constituait pas seulement un idéal ; c'était également une philosophie, appliquée sur la logique, l'éthique et la physique.

D'un point de vue logique, je croyais que l'Ordre était la manière dont un être vivant structure sa représentation du monde. C'est pourquoi je l'identifiais à l'instinct chez les animaux et à la raison chez les êtres intelligents. L'instinct et la raison constituaient à mes yeux les paramètres cérébraux qui poussent tout être à se développer dans son environnement, à réagir face à une situation donnée et à survivre lorsqu'un danger se présente.

D'un point de vue éthique, j'en distinguais deux incarnations. Politiquement, l'Ordre devait s'identifier à la stabilité sociale et à l'harmonie entre dirigeants et dirigés, ce que seul un exécutif fort pouvait naturellement assumer, croyais-je (d'où ma volonté de réformer la Constitution, d'ailleurs). Moralement, l'Ordre guidait une existence particulière en ce qu'elle lui offrait une dynamique continue, un objectif unique, à l'inverse d'une vie chaotique comme celle de tous ces êtres corrompus, qu'abrutissent leur médiocrité et l'assouvissement de leurs désirs personnels. Conséquemment, l'Ordre politique était à la communauté civique ce que l'Ordre moral était à l'individu. Mais leur application concrète restait - ou devait rester - sensiblement la même.

D'un point de vue physique, la chose peut paraître la plus complexe à quiconque ignore ce qu'est la Force. Je pensais à l'époque que l'activité incessante des midicloriens correspondait très strictement à l'Ordre physique qui paramétrant la Galaxie. Au cas où vous ne le sauriez pas, l'activité invisible mais continue de ces micro-éléments organise la totalité du réel. À eux seuls, ils forment cet Ordre à l'œuvre en permanence au sein du vivant, au plus profond de nos gènes, au cœur-même de notre être. Je croyais que l'équilibre dans la Force ne serait possible que si une harmonie se tisse entre le Côté Lumineux et le Côté Obscur, d'où ma volonté de passer par les deux tenants de la Force. L'Ordre devait être totalité : de l'union des contraires, devait naître la seule victoire possible sur le chaos.

Il s'est avéré que tout ceci n'est ni plus ni moins qu'une illusion. L'illusion de toute une vie. Peut-être que si je ne m'étais pas enlisé dans cette folie furieuse, cette course au pouvoir, je n'aurais jamais pu comprendre à quel point mon système de pensée était rigide et déconnecté du réel. Comme quoi, moi aussi, je sais m'adapter, si je veux. Trop tard, j'avoue.

Je parle, je parle, et je me demande pourquoi je vous raconte tout ça. De toutes façons, vous l'avez dit vous-même : vous vous en foutez, pourvu que vous vous trouviez débarrassé de votre bon vieil ennemi. Mais... J'ai besoin de dire la vérité à quelqu'un. Pourquoi vous ? Ironie et absurdité du sort, encore. Quoique... Peut-être que vous êtes le mieux placé, au fond. Sans jamais m'avoir compris, vous me connaissez si bien... Même si ça ne sert plus à rien, même si la vérité ne me sauvera pas de l'opprobre, au moins, vous, vous saurez pourquoi. Enfin, je ne sais pas... Je ne sais plus du tout où j'en suis...

J'espère juste que vous ferez l'effort intellectuel de comprendre. C'est tout.

Lord Janos, Darth Deinos, ou 684b, si ça vous amuse. Je m'en fous, au fond.»
Ragda Rejliidic
Ragda Rejliidic
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// Janos,

Evidemment ! Vous êtes un incompris ! Et le gungan met le chocolat... Dans le papier d'alu... Mais bien-sur !


Si personne dans cette galaxie n'arrive à vous comprendre, vous deviez vous remettre VOUS en question. Le problème vient de vous visiblement... Et ce n'est pas en me racontant votre petit histoire que je vais... //


Ragda s'arrêta d'écrire, grommela, puis froissa le papier avant de le balancer contre la cloison la plus proche. Ce soir, il éprouvait des difficultés pour trouver les bons mots. A la lecture de la dernière lettre de Janos, il avait eu envie de lui répondre du tac-o-tac, pour l'achever, lui, la créature blessée se mourant dans les ténèbres de sa cellule. Mais voilà, son emploi du temps ne le lui avait pas permis. Pire que ça, ces derniers jours, monopolisés par le blocus d'Aargau se muant en une crise majeure, lui avait laissé le temps de réfléchir... de cogiter... de méditer aux paroles du cyborg. Il soupira. Il n'avait plus envie de jouer à ce petit jeu mesquin sans intérêts.

Oui il pouvait continuer à le rabaisser, à le mettre plus bas que terre. Il pouvait se moquer, l'humilier. Mais à quoi bon ? A quoi bon ? Il n'éprouvait plus aucune satisfaction à l'imaginer enchaîné dans sa cellule, au contraire : quel gâchis. Après avoir avalé un verre de cognac corellien, il reprit, sur une feuille vierge :

// Mon cher ami,

Effectivement, j'ai quelques difficultés à comprendre, non pas le cheminement logique qui vous a poussé jusqu'à votre position actuelle, mais plutôt ce que vous attendez de moi. Voici une bien belle histoire, pardonnez moi, mais je n'ai pas pleuré. Au contraire, j'ai même souris. Souris par dépit. Que cherchez-vous ? A vous justifier ? Ok, je l'admets, votre vie n'a pas été facile par moment, mais est-ce que cela justifie vos manœuvres ? Bien-sur que non ! Il y a des milliers de gens qui chaque jour subissent de terribles accidents... Et ils ne virent pas tous comme vous, heureusement ! C'est bien la preuve qu'il existait en vous, déjà, quelque chose de noir, de terrible, la graine du chaos, et ce malgré vos grandes paroles. Peut-être même êtes-vous devenu l'avatar de l'Harmonie pour chasser ces démons qui vous rongeait de l'intérieur. Vous avez pendant tout ce temps fuit votre véritable nature, qui a fini par vous rattraper.

En tout cas, je manquerai pas d'écrire votre histoire, à ma sauce bien évidemment. Une biographie à titre posthume. Je ferai don des bénéfices aux victimes de la guerre qui se prépare sur votre monde, Aargau, par votre faute. Encore une amusante ironie, ne trouvez-vous pas ? Enfin, moi je n'ai plus du tout envie de rire.

Lorsque je lis vos mots, j'ai le sentiment que vous êtes résigné. Qu'est-il advenu de vos grands dessins, ceux là même que vous m'exposez comme de l'histoire antique ? Avez-vous perdu toute forme de combativité ? Je suis exaspéré par votre attitude passive... Mais soit, il faut croire que c'est à mon tour de vous raconter une histoire si je veux parvenir à vous faire réagir un peu...

Je suis né sur Nal Hutta, dans un petit Kajiidic sans grande importance. Si je vous écris tout ceci, c'est parce que cela s'est passé il y a plus d'une centaine d'année, il y a largement prescription...

Tout ça pour vous dire que rien ne me destinait à devenir ce que je suis aujourd'hui, tout comme vous. Dans ce clan pourtant, je ne trouvais pas ma place, dernier rejeton de mon géniteur. J'étais le souffre-douleur, le petite dernier. Il m'incombait de gérer les tâches administratives les plus ingrates, les moins valorisantes. De cette époque je ne me rappelle que haine, frustration et colère. Alors, j'ai œuvré dans l'ombre, pour les monter les uns contre les autres. Et j'ai réussi, trop bien réussi même, puisque notre Kajiidic a commencé à péricliter. Mais j'étais alors bien trop aveuglé par mes propres objectifs pour voir tout ce que je détruisais autour de moi pour y parvenir. Finalement, un clan concurrent à profité de nos problèmes pour nous attaquer par surprise... J'y ai laissé la moitié de mon visage et un main, pulvérisés par un tir de blaster. Je suis passé à deux doigts de la mort...

La suite vous la connaissez plus ou moins... J'ai atterri sur Bakura, je me suis refait en me lançant dans le monde des jeux d'argent, puis en politique.

Si je vous dis tout ceci, c'est parce que bien que nous soyons très différents, certaines similitudes émaillent nos vies respectives. D'espèces différentes mais similaires, comme les marsupiaux et les mammifères placentaires. Et d'une certaine manière, je crois que nos destins sont liés... C'est ce qui m'énerve le plus ! J'ai tant rêvé de votre chute, depuis l'instant où je vous ai rencontré ! Et maintenant qu'on y est presque, qu'est-ce que je ressens, qu'est-ce que j'y gagne ? Rien ! Je regretterait même nos petits jeux politiques...

Alors, en souvenir du bon vieux temps, laissez moi vous donner un dernier conseil : Sortez-vous les doigts du cul, merde !

Vous avez abandonné ! On dirait que vous attendez la mort comme si elle était inéluctable ! Réagissez ! Bougez-vous ! Battez-vous ! Il faut vraiment que je fasse tout pour vous hein ?! Incroyable... Mais devoir me dire « merci » vous arrachera tellement le cœur que j'en salive d'avance. Vous voulez savoir ? Je crois que j'ai trouvé un moyen de vous faire sortir de cet enfer, et ce, en toute légalité.

A mon avis, vous ne vous rendez pas compte de la position stratégique que vous occupez aujourd'hui. Oui, vous êtes le pire salopard de la galaxie... Mais vous êtes aussi un membre très haut placé de l'Empire Sith ! Vous ne l'avez pas oublié hein ?! Alors, qu'attendez-vous ? Négociez votre libération sous conditions ! Oui ! Une liberté contrôlée contre des secrets impériaux que vous vendrez à la République !

Désirez-vous réellement l'Harmonie dans cette galaxie ? Regrettez-vous réellement ce qui est advenu de Ion et de Valérion ? Prouvez-le ! Rachetez-vous ! Vous savez tout aussi bien que moi que les deux grands systèmes : République et Empire ne coexisteront jamais pacifiquement. Il n'y qu'un seul moyen pour rétablir la Paix, celle avec un grand « P » : c'est que l'un de ces deux gouvernements disparaisse, écrasé, éradiqué par l'autre. Et vous avez le moyen d'être l'un des acteurs de cette transition vers un monde meilleur ! En donnant à la République un avantage stratégique sur l'Empire !

Évidemment, il faudra prouver votre bonne foi... Pourquoi ne pas commencer par donner la localisation d'un avant poste impérial, ou d'une petite planète proche de l'espace Républicain ? Donnez toutes les informations à ceux qui vous surveillent... Ma main à couper que les Services du Renseignement iront vérifier rapidement vos dires. Fini de jouer sur tous les tableaux, il est temps de vous investir totalement : pour la Paix... En mémoire de Valérion et de Ion... //


Ragda s'arrêta là. Un instant, il hésita même à déchirer la page manuscrite. En écrivant ces mots, il avait l'impression de se parler dans le miroir. Oui, tous ces mots auraient pu lui être destinés... Lui aussi avait joué sur tous les tableaux pendant un temps, incapable de choisir un camp plutôt qu'un autre. Et pourquoi ? Parce qu'il avait eu peur ! Peur de perdre, de miser sur le mauvais cheval. Au final, cette attitude trop prudente l'avait conduit à stagner, à échouer. Pour lui aussi il était temps de se sortir les doigts du cul et d'aller de l'avant.

Oui ses rêves disaient vrais. Il y aurait une grande guerre entre l'Empire et la République, la LMP entre les deux. Mais ce serait pour un cause plus grande, meilleure : pour la paix future. Et pour parvenir à ses fins, il allait avoir besoin du concours de Janos. Il devait l’entraîner là dedans, avec lui : allié ou fusible ? Difficile à dire... Seule chose certaine : il devait mettre toutes les chances de son coté. Comment allait réagir le cyborg ? Il n'avait plus tellement de choix s'il voulait échapper à la mort...

Au moins cette échange épistolaire avait du bon : cela lui aurait permis de voir plus clair dans ses motivations. Depuis son hospitalisation, il se sentait perdu, comme découvrant un monde étrange autour de lui. Alan allait devenir un Jedi... La Force lui parlait dans ses rêves... Et maintenant il tentait de sauver Côme d'une mort certaine... Il commençait réellement à croire qu'une force supérieur œuvrait dans l'ombre, car tout ceci ne pouvait être une simple coïncidence...
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Dereek Palkar marchait droit, à travers les couloirs du pénitencier. C'est ce qu'il avait fait toute sa vie durant : marcher droit, suivre un tracé rectiligne sans jamais dévier du droit chemin. Et c'est cette inclination à toujours se bloquer sur une trajectoire fixe qui l'avait très certainement poussé à devenir bureaucrate : la rigueur administrative, voilà ce qu'il aimait, suivre la règle et ne pas s'en détourner.

Cependant, la ligne de mire qu'il avait imposé à son pas, à travers ce couloir obscur et exigu, se trouvait entravé, cette fois-ci, par un petit droïde plutôt exaspérant qui répondait au nom de RP-99.

«Mais je vous dis qu'il ne comprendra rien à la lettre que vous allez lui lire...»

Dereek Palkar haussa les sourcils, s'arrêta d'un coup, et se tourna vers l'unité médicale.

«Écoutez. On avait déjà débattu de cette question avec le responsable civil chargé de sa détention. Mes ordres sont formels : je dois lire au détenu 684b les missives que lui envoie Ragda Rejliidic et prendre en note les réponses qu'il me dictera. Il n'est pas question de savoir si oui ou non il est apte médicalement à...»

«Mais c'est de la folie pure !», s'écria le petit droïde sans s'apercevoir qu'il venait de jouer sur les mots avec une ironie déconcertante. «Comme je vous l'ai expliqué mille fois, mon patient est atteint de troubles émotionnels terribles. D'ailleurs, en soi, cette correspondance avec son ancien rival n'aurait jamais dû avoir lieu : elle ne peut qu'accentuer ses délires. Il n'est pas très indiqué pour lui de remuer le couteau dans la plaie. Et en l'occurrence, une nouvelle crise vient d'éclater hier : le voilà qui se prend de nouveau pour le Chancelier Suprême.»

En entendant cette réponse, le bureaucrate poussa un soupir las, mais las... Au départ, quand on lui avait annoncé qu'il devrait se charger de cette affaire, il en avait tiré une certaine satisfaction professionnelle - pas de la fierté, non : sa rigidité était telle qu'il excluait toute forme de gloriole, afin de remplir au mieux ses fonctions. S'occuper du prisonnier le plus cher de toute la Galaxie, voilà qui couronnait sa carrière brillamment, et qui montrait à tous l'ampleur de sa compétence,.

Mais très vite, cette occasion rêvée d'atteindre le summum s'était transformée en un véritable cauchemar. Entre le contrôle quasi-totalitaire de l'État sur ces correspondances, l'immonde provocation dans les réponses de Ragda Rejliidic et le risque de voir Lord Janos devenir totalement fou à chaque instant, le poids qui s'était abattu sur ses pauvres épaules de fonctionnaire l'accablaient de plus en plus. Avec toutes ces histoires, il commençait à comprendre combien les voies de la politique pouvaient être retorses, et il s'en sentait humilié jusque dans ses fonctions. Le comportement des autorités lui paraissait inacceptable, non moins que le culot du Hutt. Somme toute, le seul véritable idéaliste, au milieu de cette crise, c'était Lord Janos - mais un idéaliste déchu, démoli par le pouvoir et la compromission, pourri par la pourriture de ce système.

Dereek Palkar poussa un long, un très long soupir.

«Écoutez. Je me suis déjà bien assez impliqué dans cette affaire. Maintenant, laissez-moi faire mon travail, et n'en parlons plus.»

Face à cette obstination, RP-99 se contenta de hocher la tête mécaniquement.

«Comme vous le souhaitez. Mais je ne réponds pas de la lettre qu'il vous dictera. Si c'est du grand n'importe quoi, n'allez pas vous plaindre : je vous aurai prévenu.»

«Et moi, je vous le répète : je n'ai reçu aucun ordre concernant le contenu de sa missive. Peu importe ce qu'il me dicte, je dois le faire remonter à mes supérieurs. Un point c'est tout.»

Vu de l'extérieur, il y aurait eu de quoi se demander qui, de Dereek Palkar ou de RP-99, se comportait le plus comme une machine.

«Dans ce cas, amusez-vous bien...»
* * *


«Ragda Rejliidic,

Vous pourriez me remercier de vous accorder quelques minutes d'un agenda terriblement chargé. La crise dans laquelle vous avez plongé la République m'accapare plus de quinze heures par jour, et j'ai beau pouvoir me satisfaire d'être devenu le Chancelier de l'Union Sacrée, c'est une position difficile à assumer nerveusement.

Je ne vous cacherai pas que plus d'un citoyen désirerait vous voir mort, à l'heure qu'il est. Je les entends qui réclament sans cesse la peine capitale. Mais rassurez-vous : cette possibilité de vous voir sur la potence ne me réjouit pas du tout. Vous savez que j'ai toujours réservé le plus grand dédain à la peine capitale, que je considère comme l'une des plus grandes aberrations de cette République. Par conséquent, malgré nos anciens différends, je me ferai un honneur de me battre pour que vous puissiez y échapper.

Maintenant que je dicte cette lettre, je songe de nouveau à cette fameuse soirée où tout a commencé, sur mon cargo privé. Vous en souvient-il ? À l'époque, vous me preniez de haut, vous critiquiez mes grandes idées que vous jugiez niaises. Avec du recul, je me rends compte que vous incarniez le pragmatisme, et moi l'idéalisme. Lorsqu'on jette un coup d'œil à la situation actuelle, on a vite fait de savoir qui avait raison.

Je ne passerai pas par quatre chemins. Laissez-moi vous donner un conseil. Peut-être n'avez-vous pas tout à fait conscience de la position stratégique qui est la vôtre, car vous occupez une position stratégique. Troquez des informations précieuses contre une peine moins rude : voilà ce qui demeure en votre pouvoir. Si j'échoue à vous épargner la peine capitale, peut-être que vous y parviendrez en faisant preuve de bonne volonté. Et même, dans le meilleur des cas, vous parviendrez à vous octroyer une liberté conditionnelle.

Ce ne sont que d'humbles conseils. Vous pouvez en faire ce que vous désirez. Sachez seulement que je ne vous suis pas hostile : il est de mon devoir d'accepter, et de pardonner. Si je ne m'en montre pas capable, qui le fera ?

Lord Côme Janos, Chancelier Suprême de la République galactique.»
Ragda Rejliidic
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« Mais qu'est-ce que c'est que ce... » pesta le Hutt, perdant son latin. Jamais les deux bourrelets lui servant de sourcils n'avaient été aussi froncés. Côme se foutait-il de sa gueule ou bien...

Lentement, il s'affala dans les épais coussins de son chariot Répulseur, regard dans le vague. A présent, il comprenait mieux les paroles de l'officier pénitentiaire en charge du courrier... N'avait-il pas dit, en s'excusant presque, que le fameux prisonnier 684b traversait quelques... troubles ? Sur le moment, il n'y avait pas vraiment prêté attention... Personne ne pouvait rester enfermé à longueur de journée, dans le noir le plus total, sans développer quelques désordres intérieurs. Mais jamais il n'aurait imaginé ça ! Lord Janos frisait l'aliénation, pure et simple !

Un choc que Ragda accusait difficilement. Rien dans leur précédente correspondance n'aurait pu présager un tel revirement. Il n'avait rien vu venir. Mais rapidement son esprit retord reprit le dessus : et s'il s'agissait d'un simulacre ? Cherchait-il à se faire passer pour fou, afin d'échapper à la peine capitale ? Possible... Quoi que peu probable. A l'instant même où il élaborait cette théorie, quantités de spécialistes devaient se pencher sur son cas... S'il simulait vraiment, il ferait forcément une erreur à un moment ou un autre... Malgré tout, la curiosité du gastéropode ventripotent se trouvait piquée. Il voulait en savoir plus. Que lui arrivait-il ? Se prenait-il vraiment pour le Chancelier ? Jusqu'à allait son délire ? Il devait le voir de ses propres yeux !

En composant le numéro sur son datapad, il se demanda ce qui le poussait à faire ça. Curiosité malsaine ? Voyeurisme déplacé ? Difficile à dire. Il voulait en apprendre plus. Voilà tout. Ce qu'il ferait ensuite de ce qu'il découvrirait, ne dépendrait que de son humeur du moment...

*****

Quelques minutes plus tard,

Toujours affalé dans son chariot Répulseur, seul dans les locaux de la délégation Sénatoriale de Bakura – il était très tard – Radga pestait sur la personne à l'autre bout du fil...

« Je n'en ai rien à faire de l'heure ! » répéta-t-il, pour la troisième fois. « J'exige d'être mis en relation avec l'un de vos supérieurs ! Et n'allez pas encore nier l'existence du prisonnier 684b... Je comprends parfaitement que vous cherchiez à garder profil bas, mais je ne suis pas stupide ! Je sais qu'il est ici... » Silence de quelque secondes, l'autre lui répondit. « Oui... Non... Hors de question ! » Sa patience commençait à atteindre ses limites. Fini les politesses... S'il fallait en venir aux menaces... « Écoutez... Ce n'est pas comme si je vous demandais d'organiser une entrevue avec 684b ! » Il aimait de plus en plus cet acronyme. « Je veux seulement être mis en relation avec votre supérieur hiérarchique ! Je vais être clair : soit vous accédez à ma requête... Soit je divulgue à la presse la correspondance que j'entretiens avec lui. Et croyez bien que ses petites soucis de santé mentale vont rapidement faire la une de toute la presse... Je n'aurais aucune scrupule à... Oui... J'attends... »

Exactement douze secondes plus tard, le directeur du pénitencier en personne lui répondait. S'en suivit un échange musclé.

*****

Le lendemain, fin de matinée,

Juché sur son chariot répulseur, Ragda pénétra dans le bureau du directeur. Après de longs échanges holographiques, celui-ci avait finalement consenti à le rencontrer en personne... Probablement pour que la grosse limasse lui foute enfin la paix, et le laisse dormir. L'homme, d'âge mur, un ancien haut-gradé, se tenait debout, droit comme un « i », de l'autre coté d'un immense bureau. Sur son flanc droit se tenait un droïde médical à l'aspect quelconque.

« Sénateur Rejliidic » fit l'ancien militaire, aussi froid que le vide spatial. « Je vous écoute. Mon emploi du temps est très chargé. Vous n'avez que dix minutes. Après quoi je demanderai à la sécurité de vous raccompagner. En cas de refus d’obtempérer, je ferai en sorte d'ajouter votre nom à la liste des célébrités un peu trop confiantes que j’accueille régulièrement ici. » Un discours qui avait le mérite d'être clair, et de ne pas tourner autour du pot. Une aubaine compte tenu du créneau restreint dont disposait le Hutt pour l'ouvrir.

« Et bien... » commença-t-il, tout en réorganisant ses pensées. « J'aimerai comprendre ce qui arrive... Vous comme le savez certainement, j'échange une correspondance avec le prisonnier 684b... Et sa dernière réponse est pour le moins... étonnante... »

« Etant donné que je souhaite pas partager mes opinions personnelles sur ce sujet avec vous, je laisserai RP-99 vous répondre... RP : Soit concis. »

« A vos ordre Monsieur ! » répondit immédiatement le droide, qui pivota en direction de l'énorme Hutt. « Le prisonnier 684b souffre d'un renversement métamotivationnel ! Nous supposons que les récents événements ont altéré sa perception de la réalité, au niveau de son cortex préfrontal, zone de la mémoire de travail. De ce fait, seule ses souvenirs récents sont affectés. Une pathologie qui se traduit par une inversion des rapports avec ses interlocuteurs. Inversions qui présentent néanmoins des invariances. Lors de ses délires, il se prend systématiquement pour le Chancelier de la République, et transpose sa propre situation sur son interlocuteur. Ainsi l'autre devient le « traître », tandis qu'il lui emprunte ses principaux éléments de discours. Vous noterez comme il a copié vos tournures de phrases, votre logique, votre rhétorique...»

Ragda écoutait, yeux écarquillés. Dans un autre contexte, il aurait cru à une blague. Mais peu de droïdes médicaux avaient été programmés pour faire de l'humour...

« Il est vraiment malade ? » répliqua-t-il, incrédule.

« Avec la psychologie rien n'est jamais certain... Mais d'après mon diagnostique, il y a 92,37% de chance pour que ses troublent soient réels. Soit 7,63% de risque d'être trompé par une tentative de simulation. Encore faudrait-il pour me tromper que le prisonnier 684b ait une connaissance exacte des symptômes liés à cette pathologie, ce qui est peu probable. »

« Je vois... » répondit Ragda, alors que son cerveau turbinait. « Et c'est irréversible ?! »

« Impossible à dire. A l'image des patients tombés dans un coma profond, la rémission est possible, à n'importe quel moment. Tout comme les rechutes post-guérison. Pour le moment, les progrès sont nuls. Les crises sont erratiques, imprévisibles. Seul l'administration de puissants anxiolytiques les calment. Un traitement que mes programmes déconseillent de prolonger plus d'un mois, au risque de voir des effets secondaires altérer le fonctionnement de ses organes internes. » Pour le peu qu'il lui en restait, pensa le Hutt, moqueur.

« En résumé, vous ne savez pas exactement ce qui a cause ces troubles, ni comment les soigner... Ni même si vous arriverez à les soigner un jour ! » Comme quoi la technologie ne faisait pas tout. « Dans ce cas, vous ne voyez pas d'inconvénients à ce que je vous propose quelque chose ? »

« Quoi donc monsieur ? Mes dossiers m'indiquent que vous n'avez aucune formation médicale qui... »

« RP-99, laisse le terminer. » intervint le directeur, intrigué.

« Oui, monsieur. »

« Et bien... Voyez-ça comme une expérience. Peut-être même qu'elle vous aidera à vous assurer que notre ami commun ne jouent pas avec les 7% restants... En fait : je me demande quelle sera sa réaction s'il se retrouvait face à lui même... S'il se retrouvait à devoir se copier lui-même... »

*****


// Monsieur le Chancelier Janos,

Vous avez entièrement raison. Je suis ridicule. Toute cette histoire est ridicule. Comment ai-je pu penser pouvoir mener ainsi une double vie ? Il était évidement que ma situation serait découverte un jour ou l'autre ! Parfois, je tente d'échapper à cette réalité en me mentant... Je cherche à la fuir, oui, mais à quoi bon ? Elle me rattrape toujours. Les faits sont les faits, que je les accepte ou non, cela n'y changera rien. Alors voilà : depuis peu j'ai décidé de la regarder en face, de retirer ces œillères que je m'étais moi même fabriqué.

Par ma faute, le chaos est à notre porte... Mais comme vous le dites si bien, j'ai encore à ma disposition le moyen d'éviter à la République d'y sombrer entièrement. Je peux encore me racheter ! Bien sur, je payerai toute ma vie les conséquences de mes actes... Mais d'une certaine manière ma conscience en sera lavée. Ce poids qui me torture l'esprit doit disparaître, d'une manière ou d'une autre : je ne peux rester ce que je suis devenu aujourd'hui. Une petite part de moi, tout au fond, sait que je sombre chaque jour un peu plus dans la folie. Cela doit cesser !

Vous connaissez mon passé, vous savez que je n'ai jamais été de ceux qui attendent que le sort leur tombe dessus. Je vais de l'avant, même si pour cela je dois provoquer les foules, comme je l'avais fait lors de la rencontre que vous évoquez.

Ainsi, j'ai décidé de vous révéler, à vous, et seulement à vous, plusieurs des secrets les mieux gardés de l'empire, comme une cartographie complète, un inventaire des forces armées, ou encore la localisation des mondes stratégiques. En échange, je suis certain que vous ferez le maximum pour m'obtenir quelques privilèges... Finir ma vie en résidence surveillée sera une bien douce peine comparée à celle qui m'attend aujourd'hui.

Oui je suis prêt à me racheter... Car, souvenez-vous quel était le fondement même de mon existence avant tout cela : l'Harmonie. Je refuse de devenir l'Avatar du Chaos, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour redevenir celui que j'étais.

Prisonnier 684b //
Invité
Anonymous
«Je... Je ne comprends pas... Qu'est-ce que ça signifie ?»

La question, posée sur le ton le plus désemparé qui fût, suscita un long silence gêné sur l'espace de quelques secondes.

«Hum...»

«Eh bien...»

Dereek Palkar adressa un petit regard embarrassé à RP-99, qui lui répondit d'un regard non moins embarrassé, malgré ses yeux artificiels.

«Laissez-nous tout vous expliquer.», commença le petit droïde.

«Vous avez intérêt.», répondit sévèrement Lord Janos. «Rejliidic est devenu totalement fou, ou quoi ? Si c'est une mauvaise plaisanterie de sa part, j'exige que l'on fasse cesser cette correspondance sur le champ.»

«Ce n'est pas votre correspondant qui est devenu fou. Ça, non...», répondit Dereek Palkar d'un ton encore plus las que d'habitude.

«J'ai une terrible déclaration à vous faire.», avoua RP-99. «En termes scientifiques, vous êtes atteint de troubles métamotivationnels.»

Janos accusa l'information d'un silence résigné. Il demeura impassible, ne bougea pas d'un millimètre, les orbites obstinément rivées sur un invisible point de fuite.

«...Ce qui signifie...»

«Je sais ce que sont des troubles métamotivationnels.», rétorqua sèchement le Lord déchu, à la grande surprise de ses deux interlocuteurs. «J'en ai déjà eu.»

Dereek Palkar adressa un coup d'œil intrigué à l'unité médicale, lui demandant tacitement s'il avait déjà entendu parler d'antécédents. RP-99, qui saisit l'implicite, secoua négativement la tête.

«Ce n'était pas spécifié dans votre dossier médical.»

«C'était il y a très longtemps. J'étais hospitalisé, à l'époque. Après mon... accident. L'attentat, lui, il y figure, dans mon dossier, non ?»

«Oui, bien entendu.»

«Les mois qui ont suivi les greffes... À cause de la douleur... Je me prenais pour mes propres bourreaux, ce qui était absurde, vous imaginez bien... Absurde, et terriblement sinistre.»

Le droïde acquiesça : ses programmes lui indiquèrent que cette information était cohérente et qu'elle méritait d'être ajoutée au dossier 684b. Dereek Palkar, de son côté, ne cherchait même plus à comprendre : il n'en pouvait définitivement plus, de cette affaire.

«Et... Si j'en crois la lettre de Rejliidic, je me prends pour...»

Janos avait prononcé ces mots sur un ton anxieux, la gorge nouée, de cette voix que prend un homme sur le repentir, au moment où il découvre qu'il a commis l'innommable.

«Oui. Pour le Chancelier Suprême de la République Galactique.»

Un nouveau silence.

Puis, au moment où l'on s'y attendait le moins, Lord Janos éclata de rire. D'un rire franc, incontrôlé, presque dément. Il rit, rit, s'abîmant la gorge à rire et rire encore. Il en rit tellement qu'il manqua un instant de tomber de sa chaise, se redressa, s'y renfonça, et se reprit à rire, encore et toujours, inexorablement, inlassablement.

«Hum. Est-ce que tout va bien ?», se risqua Dereek Palkar qui décidément n'y comprenait plus rien.

«Avouez quand même...», commença Janos avant de s'interrompre un instant. «Avouez quand même que c'est absurde. Totalement absurde. Ah, je ne sais pas ce qui peut bien se jouer dans cette fichue tête, mais mon esprit est d'une ironie, parfois. D'une ironie...»

RP-99 prit soin de bien enregistrer cette réaction dans ses fichiers, la trouvant plus intéressante que toute expression de honte ou de désespoir à laquelle on aurait pu s'attendre.

«Et cela signifie que... ma lettre ! Non... Vous avez envoyé une lettre où je me prends pour le Chancelier Suprême ? Ne me dites pas que...»

«Si. Les ordres sont les ordres. Je n'ai fait que mon devoir.»

«Le sens du devoir n'est jamais très loin de l'imbécillité.», déclara le détenu sur un ton sentencieux qui irrita le bureaucrate et offrit au droïde médical un petit plaisir de vengeance. «Je n'imagine même pas la tête de Rejliidic quand il a lu ça ! Enfin bon, au point où j'en suis...»

«Il est au courant pour vos troubles matémotavi... métatomavi... métamovita...»

«Métamotivationnels.»

«Oui, enfin, pour vos troubles psychiques. Nous l'avons mis au courant, et avons décidé avec lui de vous adresser une réponse de ce type.»

Janos accueillit l'information dans un silence amer. Il ne riait plus, désormais.

«Et à quoi est-ce que vous jouez, là ?»

Dereek Palkar allait tenter de formuler une réponse bureaucratique au possible, mais le détenu 684b ne lui laissa pas le temps de parler, et enchaîna :

«En fait, non. Gardez vos misérables justifications pour vous, et recopiez bêtement ce que je vais vous dicter. Au moins, vous ferez votre devoir.»

* * *


Rejliidic,

À l'heure où je vous parle, rassurez-vous, j'ai toute ma conscience. Je ne sais combien de temps cela durera. Je ne sais même pas si je retomberai dans l'une de ces crises, ni quand, ni si une nouvelle rechute pourrait être définitive.

On vient de m'apprendre que je devenais totalement fou par intermittence, que je me prenais pour le Chancelier Suprême. Vous avez dû éclater de rire en lisant ma missive, ou vous étouffer sur place, je ne sais pas. Veuillez me pardonner mes délires ; je ne les contrôle pas. Veuillez également donner votre pardon à cet affreux système qui préfère tester mes réactions pour me faire cracher le morceau, que de m'accorder les soins psychiatriques nécessaires. Raison d'État, j'imagine.

Cependant, maintenant que j'ai pris pleinement conscience des troubles qui me traversent, je me dis que je risque de ne même pas être en mesure d'assister à mon propre procès. Imaginez : il serait désastreux que je me prenne pour le Chancelier Suprême face à mes propres juges. Vous devez avoir raison quand vous parlez d'une part noire que j'abriterais. En tout cas, puis-je vous demander une faveur, Rejliidic ? Vous qui êtes à l'extérieur, vous qui avez encore une certaine prise sur le réelle, pouvez-vous tout mettre en œuvre pour que mon dossier passe sous tutelle ? Rien ne vous y oblige, bien entendu, mais si vous avez encore une once de respect pour votre meilleur ennemi, offrez-moi de quoi affronter ma déchéance dignement.

Amitiés,

Lord Côme Janos, alias Darth Deinos.
Ragda Rejliidic
Ragda Rejliidic
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« Vous voyez bien que ça a marché ! » répondit Ragda, avec fierté, à la lecture de la réponse de celui que tout le monde appelait à présent prisonnier 684b « Il est évident que mes propos ont eu un écho en lui, comme un effet de résonance, et que cela lui a permis de s'extraire de son délire ! »

Face à lui se tenait, toujours droit comme un « i » le directeur du pénitencier, ainsi que le droïde médical RP-99. Cette nouvelle entrevue se tenait exactement au même endroit que la précédente. Rien n'avait bougé. Même s'il ne s'était passé qu'une semaine et demi, le Hutt se demanda si cet endroit n'était pas comme... figé dans le temps... Comme si chaque objet, chaque bibelot était condamné à converser exactement la même place, pour l'éternité. S'amusant de ce trait d'esprit, Ragda soupira intérieurement, méprisant déjà la rigidité du directeur. Un type visiblement maniaque. A parier que son leitmotiv devait être quelque chose comme « Une place pour chaque chose, chaque chose à sa place ! ». Surtout si la place se trouvait quelque part en cellule. Le genre d'homme qu'il détester côtoyer, lui qui affectionnait par dessus tout les petits jeux douteux, les magouilles en tout genre. Enfin, pour le moment celui-ci avait plutôt été de son coté, face aux réticences du droïde.

« Analyse superficielle, irrecevable. » répondit ce dernier, d'une voix neutre et monocorde. « Rien ne permet d'affirme que c'est votre missive qui est la cause de cet rémission. Depuis son arrestation, le prisonnier 648b a présenté plusieurs réactions identiques. D'ailleurs, si vous ne vous êtes pas rendu compte de son état de santé lors de vos premiers messages, c'est justement parce qu'il traversait à ce moment des phases de lucidités... »

« Il n'a pas tord. » le coupa le directeur. « Et que dire de sa réponse ? Est-ce que cela nous aide d'une quelconque façon ? Après tout ce qu'il a écrit, les charges retenues contre lui n'ont cessés de s'alourdir, je ne vois pas l’intérêt d'autoriser la poursuite de cette correspondance. D'autant que je ne peux vous laisser lui faire des promesses sans aucun fondement. La justice tranchera sur ses demandes, vous n'avez rien à faire dans cette procédure légale ! »

Au moins c'était clair. Ragda avait pensé un peu trop vite... Si le directeur avait été son allié à un moment, c'était uniquement parce qu'il avait pensé pouvoir obtenir quelque chose de leurs échanges. Quoi ? La preuve que Janos se jouait d'eux depuis le début ? En parlant de ça...

« Message reçu. » répondit-il, dépité. « Laissez-moi au moins mettre un terme à cet échange de manière civilisée. Il me pose des questions... Me demande des choses. Je lui répond et on s'arrête là. »

« Je suis contre ce... » fit le RP-99 avant d'être, comme d'habitude, coupé par la voix autoritaire du directeur :

« Accordé. » Il soupira. « J'ai accepté votre requête, alors je ne peux revenir sur ma décision aussi simplement. Question de principe. Un dernier message. Un point final à cette conversation... Si 684b souhaite vous répondre, nous vous transmettrons son ultime message... Mais après ça sera terminé ! Suis-je clair ? Cette comédie a déjà durée depuis trop longtemps. »

« C'est clair M. Le directeur.... Je vous transmets ma réponse immédiatement ma réponse. Elle est prête. Je l'ai rédigée hier soir. » Et oui, il avait vu le coup venir... C'est pas un vieux Hutt qu'on apprend à faire la grimace ! « Voulez-vous que je l'envoie à RP-99 pour qu'il en analyse le contenu et que je la rectifie s'il juge que certains mots ou phrases pourraient représenter un risque pour la santé mentale de son destinataire ? » Il hocha de la tête. « Très bien... RP-99... » continua le Hutt, tout en transférant le fichier via un canal sans fil courte portée.

Ragda resta de marbre pendant l'opération. Mais intérieur il se gaussait. Caché dans le code numérique de la lettre, il avait dissimulé un petit cheval de Troie. Un logiciel pirate qu'on aurait pu appeler vulgairement : virus, bien que Ragda trouvait ce terme désuet, et surtout inapproprié à la qualité de son travail. Sans le savoir, RP-99 venait de télécharger une routine qui reprogrammerait quelques segments de sa mémoire logique, lui implémentant des notions de droits. Le Hutt espérait que ces nouvelles facultés profiteraient à Janos dans un avenir plus ou moins proche... Qui sait... A vrai dire, il avait fait surtout ça pour s'amuser. Un peu comme un scientifique fou qui mélangeait deux éprouvettes pour en découvrir le résultat...

****

// Véritable malade ? Ou faux menteur ? Une question que je me pose depuis que j'ai pris connaissance de vos « problèmes de santé », mon cher ami. Sommes-nous condamné à ces échanges, ou chacun joue tantôt un jeu, tantôt un autre ? Vous êtes un sacré personnage. Où s'arrêtera votre arrogance ? Une telle requête est totalement hors de ma porté, vous en rendez-vous compte ? Le simple fait de la formuler démontre à quel point vous êtes déconnecté de la réalité... Et c'est bien là que le drame se joue. Zapper ainsi entre vos deux personnalités vous rend si imprévisible... Dois-je vous croire sur parole ? Et quelles promesses puis-je vous faire ne sachant si vous comprendrez les mots que je poserai sur le papier ? Longue a été ma réflexion sur ces questions... Aussi, ai-je décidé de ne pas y donner suite. Insultez-moi si vous le voulez... Détestez-moi... Et que sais-je d'autre...

Moi, voyez-vous, je suis encore dehors. Oui, je suis libre.... Inondé de lumière, contrairement à vous. Des paroles mesquines trouverez-vous peut-être... Et vous n'aurez pas tord. Ses mots seront les derniers que vous entendrez de ma plume, alors autant qu'ils vous marquent. Grâce à vous, je réalise aujourd'hui la chance que j'ai. Autrefois, j'éprouvais tant de... Rage à votre égard. Autrefois, j'étais si... Naïf. Tels des Némésis, je nous voyais, en bons hommes politiques, nous affronter avec véhémence, et ce pour les années à venir. Idiotement, je me croyais en quelque sorte lié à vous. Et bien, je me suis trompé. Soyez-en rassuré.

D'où sont venus ces sentiments étranges à votre égard ? Ou devrais-je dire ressentiments ? Nul ne pourrait le dire. Nul ne pourrait le comprendre. Avais-je besoin d'un adversaire contre lequel me mesurer pour me sentir vivant ? Non. Tout cela me semble une analyse trop simpliste. Dorénavant je suis un Hutt différent. Oubliées sont mes peurs, je n'ai plus besoin de me comparer sans cesse à un autre pour mesurer ma propre réussite. Nous sommes si différents vous et moi... Nous le savons tous deux. Autant arrêter là cette stupide correspondance, avant que l'un de nous se fasse de fausses illusions. Ne croyez-vous pas ? Tant de mots écrits pour finalement arriver à quel résultat ?

Dites le moi ! Ou aviez-vous la tête lorsque vous m'avez demandé une telle faveur ? Nous sommes, dans votre tête, devenu si proches après seulement quelques lettres ? Ne vous doutiez-vous pas que j'allais tout simplement refuser une telle requête ! Épargnez moi vos jérémiades, comme quoi vous n'aviez personne d'autre à qui demander... Zéro pointé pour votre manque de pudeur. Moi, même dans votre situation, je n'aurais jamais demandé une telle chose à mon ancien ennemi. Obscène... Incroyable. Qu'est-ce qui vous est passé par la tête ? Une idée stupide, voilà tout. Et j'ai peine à croire que vous le pensiez vraiment... Les choses, par votre faute, sont devenues si compliquées. Que dire de plus ? Une improbable demande... Et ben... C'est vraiment la dernière chose que je m'attendais de lire de votre part. Honorez au moins votre propre mémoire. Ou êtes-vous tombé si bas que plus rien n'affecte votre amour propre ? Suis-je le seul de nous deux à le penser ? Espérons le contraire...

Etrangement, pourtant, je prends le temps de vous répondre mon cher janos. Toutes mes questions resteront probablement sans réponses. Je me suis fait une raison... Et c'est mieux ainsi. Vouloir à tout prix comprendre le fond des choses n'est pas la meilleure solution. Oublions tout ce que nous nous sommes dit jusqu'à présent, puisque ces mots, dans quelques semaines n'auront plus aucune signification. Une fois que vous nous aurez quitté, sans les honneurs bien entendus. S'opposer à ce destin serait absurde. Avouez que j'ai raison... Incarcéré comme vous l'êtes... Détenu dans l'un des centres les plus sécurité de la république... Enfermé... Radié la sphère politique... Aliéné... Inculpé, prochainement, des crimes les plus grave de notre siècle... Dois-je continuer ma liste ? Uniquement si vous insistez... Mieux vaut arrêter de vous voiler la face, de croire que vous pouvez encore être sauvé. Insérez-vous cette réalité dans votre crane de métal ! Et alors, peut-être que vous parviendriez à ouvrir les yeux... Unique moyen, je pense, de prendre pleinement conscience de votre situation, et de partir la tête haute. Xérophyte : voilà ce qu'est votre conscience : une petite plante perdue au milieu d'un desert, qui s'est couverte d'épine dans l'espoir illusoire d'échapper au reste du monde. Qu'avez-vous à prendre ? Une vie ? Et alors ! Je vous le dit : nous mourrons tous un jour, d'une manière ou d'une autre, pour une raison ou une autre. Espérer échapper la grande faucheuse est une illusion idiote. Les hommes tels que vous doivent le comprendre plus que d'autres. Est-ce justement parce que vous avez déjà vu la mort en face que vous cherchez tant à vous y soustraire ? Peut-être devriez-vous tout simplement lâcher prise... Et accepter votre destin, celui qui n'est que la conséquence de vos choix. Une fois que vous l'aurez réalisé, vous pourrez alors partir en paix avec vous même... Xérophyte vous ne devez pas rester... //


****

« J'ai bien reçu votre missive, Monsieur Rejliidic » repris le RP-99. « Je... Heu... Je ne vois rien qui pourrait mettre en danger la santé mentale de mon patient, excepté ce ton sec et cassant qui entre en totale contradiction avec vos derniers échanges... »

« Il faut savoir ! » le coupa le Hutt, visiblement contrarié. « Vous voulez que ce soit la dernière, oui ou non ?! Je ne suis pas idiot... Quand j'ai lu les derniers mots de Janos, j'ai su ce que vous alliez me dire... Alors j'ai pris les devants. Je ne sais pas s'il aura le courage de me répondre... Mais il est clair que de mon coté j'ai fais le nécessaire pour couper court à toute correspondance. Oui je suis sec, oui je suis dur... Mais je l’exhorte à accepter la réalité en face, et à faire le nécessaire. Voilà tout. »

« Compris Monsieur... Mais certaines tournures ne sont-elles pas un peu... bacales ? »

« Parce qu'en plus d'être un droïde médical, t'es aussi un correcteur grammatical ambulant ? Certes, j'ai écris cette missive un peu à la va-vite... Mais elle est très bien comme elle est. Au moins, elle vient du cœur ! »

« Et pourquoi cette histoire de Xénophyte ?! »

« Qu'est-ce que j'en sais moi ! C'est sorti comme ça... Bon c'est fini l'interrogatoire ? La lettre peut-être transmise c'est bon ? Je peux y aller ? J'ai autre chose à faire qu'échanger avec un droïde médical sur des sujets littéraires... »
Invité
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«Vous voulez de l'aide, moi des garanties. Donnant donnant. Donnez-moi quelque chose, et je vous aiderai du mieux que je le peux.»

Xénophyte. Sans ce terme, Janos n'aurait jamais prêté attention aux initiales de cette lettre étrange, vaguement poétique, et difficilement crédible. Et il n'aurait jamais été capable de comprendre qu'en mettant bout à bout la première lettre de chaque phrase, un message s'écrivait. Quand RP-99 la lui lut, il fut d'abord intrigué, puis sa surprise laissa place à de l'exaspération, jusqu'à ce que ce mot - Xénophyte - éveillât son intuition.

«Pouvez-vous m'enregistrer cette lettre sur mon corps artificiel ?», demanda-t-il, une fois la lecture terminée. «Je voudrais la réécouter.»

«Vous en avez le droit.», répondit RP-99 sans maugréer, conscient qu'un rapport avec l'extérieur permettrait à son patient de ne pas sombrer dans un nouveau délire.

Décoder une missive n'est pas évident. En rédiger une autre l'est encore moins. Mais le tout triple de difficulté lorsqu'on est aveugle... Et quadruple quand on est sur écoute. Pour ne pas éveiller les soupçons de la sécurité, Janos auditionna l'enregistrement de la lettre le moins de fois possible, en prenant soin de toujours espacer ses auditions dans le temps. Il s'acharna à faire travailler sa mémoire, à en retenir chaque mot, de manière à pouvoir lire directement la lettre dans sa tête. Puis il passa de très longues heures à composer mentalement une réponse, se la répéta, se la redit dix fois, trente fois, afin de ne pas balbutier quand il s'agirait de la dicter. Au départ, cet exercice intellectuel lui parut d'une difficulté insurmontable. Il faillit même baisser les bras, abandonner. Mais son acharnement reprit le dessus : il voulait y parvenir, il s'en fit presque un devoir moral. Et plus il s'y adonna, plus cette activité lui parut simple. La mémoire est l'une des principales armes de l'aveugle.

Quand il dicta sa lettre à RP-99, quelques temps plus tard, on aurait pu croire qu'il l'improvisait, tellement il y avait travaillé mentalement.

* * *

Cher Rejliidic,

Je réfléchis à la meilleure manière de qualifier votre précédente missive ; du temps où j'avais encore des scrupules à employer des termes grossiers, je me serais abstenu, mais profitant de la licence que m'accorde mon emprisonnant, je me le permets : votre dernière lettre n'est ni plus ni moins qu'un gros bordel. Non mais sérieusement, vous croyez vraiment que j'ai encore envie de correspondre avec vous quand je me trouve face à ça ? Je n'ai pas honte de me montrer sec. Vous n'avez pas à me parler comme ça. Je peux bien comprendre que j'ai pu, récemment, vous paraître totalement d... Allons, n'ayons pas peur d'employer les mots : complètement dingue. Mais ce n'est pas une raison : rendez-vous compte, je me sens encore très faible à cause de mes problèmes de santé, et là, bam ! Est-ce vraiment une manière correcte de se comporter avec quelqu'un d'aussi affaibli que moi ? Vous me faites honte ! Tous ces sarcasmes...

Enfin, je pourrais vous insulter de tous les noms, mais je préfère rester poli. Même avec vous, mon ennemi, pourtant, un Hutt... Bah... Pourquoi toujours vouloir remuer ses vieilles rancunes ? Allez, je vous pardonne. Faites-en ce que vous voulez, de ce pardon : il n'a pas beaucoup de valeur, je vous l'accorde, je ne suis guère plus qu'un renégat. Un renégat prêt à abdiquer. Un stupide prisonnier, qui voudrait noyer sa peine dans un bon verre de brandy, oui, me voilà bientôt alcoolo. Un pauvre type, un raté, un perdu. Je le sais bien, l'alcool pour oublier, il n'y a pas plus cliché comme leitmotiv. Mais que voulez-vous, même ça, je n'y ai pas droit, et ça me manque. 

Quand j'y repense : toutes ces heures... Tout ce temps perdu... Et toute cette énergie : avant, j'étais un homme de fer. Mais maintenant, que reste-t-il ? Bah... Je rumine, je rumine... Mais rien ne me sortira de cette merde, nom de nom ! Me voilà exclu, banni ! Mettez-vous à ma place : toutes ces longues heures, passées dans ma cellule, ces heures sinistres... De la patience, croyez-moi, il ne m'en reste plus beaucoup. Tout ici me dégoûte, pouah ! Me répugne, même. Je crois que j'ai besoin d'un peu d'air. Un tout petit peu d'air frais, pas grand chose. Mais non. Je me sens comme un animal dans un zoo. Un animal sans air. Un salopard. Un connard. Un type immonde.

Ok. Ok, je l'avoue une nouvelle fois, je n'ai plus de honte après tout ce fiasco. Il faudrait mieux que je finisse par abandonner... Par me suicider... Pour sombrer dans l'oubli... Mais je manque d'aplomb. Je sais, au fond de moi, que je ne ferais jamais ça. Je ne suis pas Ion Keyiën. Je ne sais pas vraiment pourquoi je m'attache si désespérément à la vie... Cette vie si minable, si inutile, cette vie de forçat. Cet état actuel... Oui, il vaudrait mieux en finir d'un coup, d'un geste irréfléchi. Bam ! Fini, le Janos ; fini, le Deinos : on l'enterre une bonne fois pour toutes, hop ! Oh oui, ce serait tellement facile... Et après, il n'y a plus qu'à m'oublier... À faire comme si il n'y avait jamais rien eu de tout ça...

Je me demande ce qu'il adviendrait si l'homme qui désespère en moi se suicidait. M'accorderait-on un seul pleur ? On se dirait sûrement : ça y est, c'est fini ! Bien fait pour sa gueule, il ne méritait que ça, vue la révélation qu'il a faite en public ! Oui, on se dira que cette histoire est enfin terminée. Enfin, après l'alcool, le suicide : encore un bon gros leitmotiv. Je ne suis bon qu'à accumuler les clichés, dans ma lettre d'aujourd'hui.

Mais si seulement quelqu'un pouvait pleurer à mon enterrement... Histoire de me dire que tous mes projets ne se réduisent pas à de lamentables erreurs. Que tout espoir n'était pas absolument perdu. Un tout petit peu de douceur pour apaiser ce goût amer... Cette affreuse impression de n'être qu'un salopard... Oui, rien d'autre : juste un peu de douceur. Juste de quoi me dire que mon existence ne se réduit pas seulement à un fiasco. Qu'il existe encore quelqu'un pour pleurer mon nom. C'est du moins ce que j'aurais voulu. Tout de même, quelle désillusion !

Vous me direz, au moins, moi, je fais les choses en grand. Oui, même dans tout ce souk... Il y avait quelque chose de grand, dans tout ça. C'est une exploit dont on se souviendra. Une situation inédite, des intrigues cauchemardesques... Eh ! Ne suis-je pas unique en mon genre ? Il est clair qu'on retiendra mon nom. L'homme qui aura tout démoli... Lord Janos... Comme dans ces mauvais holo-films, le grand méchant qui rit un grand coup. Ah-ah-ah ! Celui devant qui tout le monde tremble ! L'homme qui fait peur ! Le monstre ! Le Sith aux idées terribles ! Avec un peu de mélodrame en plus : l'aristocrate déchu... L'ancien Lord... On tient un concept vendeur, au fond : il faudrait que je publie une autobiographie. Encore mieux qu'une fiction ! Je vois d'ici le titre... Confidence d'un sinistre escroc... Journal d'un ignominieux Sith... Le jour où il chuta... Ou plus simple, encore : Damnation. Ou une métaphore : La Face cachée de l'iceberg. Oui, je sais, c'est piteux, mais il faut bien que je m'amuse... C'est tout ce qu'il nous reste, quand on est tout au fond. Pas grand chose... Et il faut faire avec. Avec ce pas grand chose...

Bon, allez, je fais un effort. J'arrête de me plaindre sur mon sort. Il faut que je me ressaisisse. Toute cette misère m'a tellement aigri... Il faut que je fasse preuve de résignation. Que je me montre plus combatif. Que j'oublie ce fiasco. Il ne sert à rien de se montrer amer. Oui, il faut que je fasse le maximum. Sans cela... Sans cela, je vais finir par succomber, bientôt... Je vais finir totalement abruti. Totalement dingo. Certes, la folie peut être perçue comme une solution. Mais ce serait tout de même abusif. Je vaux mieux que ça. Je ne veux pas finir totalement démoli. Oui, il faut vraiment que je parvienne à prendre de la distance par rapport à mon sort. Que je m'en extirpe. Que je reprenne le dessus. Que m'en sorte... C'est ça, la solution. Dépenser toutes ses forces. Tirer un trait sur ce fiasco. Trouver une poche d'air. Quelque part... Se battre. Jouer au coq. Se montrer résolu. Faire comme si j'y jouais ma renommée... Mon renom. Y aller tout de go. Je crois que je la tiens enfin, ma solution. Tout faire, au maximum... Allez, je crois en moi, je sais que je peux me montrer résolu. Oui, j'y crois. Ma détermination, je vous l'ai déjà amplement montrée... Exhibée, même.

À bien des égards, vous êtes mon alterego. Nous avons la même volonté de plomb. Je vous l'avais déjà dit, auparavant. Évidemment, vous avez toujours été mon ennemi. Mais il y a entre nous cette compréhension mutuelle... Cette compréhension... Ce soutien... Ce partage... Longtemps je vous ai détesté, vous, votre être, votre nom. Mais depuis ce fiasco... Depuis ce fiasco, j'ai décidé de l'accepter comme telle, cette compréhension... Ce soutien... Oui, vous êtes mon alterego. Et mon nom, pour toujours, sera lié à votre nom.

LORD JANOS.
Ragda Rejliidic
Ragda Rejliidic
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« L'Académie Sith se trouve sur hémisphère Nord de Korriban. Et l'impératrice vit sur Dromund Kaas, hémisphère Sud. En échange de cette information, faites en sorte que mon musée obtienne mon nom : LORD JANOS. »

Une succession de phrases simples. Pourtant, Ragda avait mis près d'une semaine pour décrypter ce message caché dans la dernière missive du Lord Déchu. Qui aurait pu croire qu'un être aussi proche de sa chute, autant physique que mentale, aurait pu être capable d'un telle prouesse intellectuelle ? Seul, isolé, sans l'aide d'équipements informatiques sophistiqués, il avait su avec une habileté déconcertante encoder un message qui serait totalement passé inaperçu si le Hutt ne s'était pas attendu à une telle réponse de sa part.

Et oui, avec les années, Ragda le connaissait mieux que quiconque. Soit proche de tes amis, et encore plus de tes ennemis avait dit un jour un tacticien éclairé. Une devise que le Hutt avait plus d'une fois repris à son compte, surtout lorsqu'il eut gardé son Némésis à l'oeil, afin d'anticiper ses manœuvres politiques. Malgré tous ses efforts, avait-il réussi, avec du recul, à déstabiliser son adversaire ? Difficile à dire. D'une certaine manière oui, puisque le Lord avait plongé en essayant de le piéger avec son enregistrement trafiqué. Indirectement, donc, Ragda se considérait comme l'architecte de la chute du brillant Sénateur devenu l'homme le plus détesté de la République.

En résumé, Ragda connaissait Côme sur le bout des doigts. Chacune de ses petites manies, comme le fait de tout chronométrer, d'arriver systématiquement à l'heure... Quoi que ces derniers mois avaient déjà montré quelques entorses à cette règle de ponctualité élevée au niveau d'hygiène de vie par le cyborg. Et, ainsi, à la simple lecture de cette missive, le Hutt avait immédiatement compris qu'il s'y cachait un autre message. Certains mots ne figuraient pas parmi son vocabulaire habituel, d'autres ne semblaient pas à leur place dans la dialectique usuelle de l'ancien Sénateur. Non, il avait sous les yeux un texte qui ne semblait pas entièrement écrit de la plume de son ancien adversaire, preuve qu'il avait du jouer avec les mots pour y cacher autre chose. Mais quoi ?

Ragda dut rapidement le reconnaître : il n'avait ni la patience ni la détermination de son ancien Némésis. Après quelques heures passées à relire le texte dans tous les sens, il s'avoua vaincu, incapable de mettre le doigt sur la clé nécessaire au décryptage de ce texte à l'aspect anodin. Pourtant, au fond de lui, il jubilait comme un gosse à chaque fois que ses yeux se reposaient sur les mots dictés depuis le fond d'une cellule crasseuse. Oui, il avait réussi son coup : après avoir fait taire la méfiance des autorités compétentes, il avait su faire passer un message secret à Janos, qui avait été capable de le lire pour lui répondre à sa manière. Un petit exploit quand on y pensait ! Peut-être que les responsables de la sécurité du pénitencier, ou même les services du renseignement découvraient un jour le pot aux rosesr... Mais d'ici là, il sera trop tard. Bien trop tard.

Ainsi, l'estomac noué par cette euphorie, le Hutt avait pris deux jours de congés afin de regarder son repère secret sur Bakura : l'antre de Fantôme, où il disposait de tout le matériel nécessaire pour décrypter la missive. Sans savoir avec précision ou et quoi chercher, Ragda avait toutefois une idée de la manière dont il devait procéder. Janos, l'esprit toujours aussi alerte, avait bien compris que reprendre deux fois le même code aurait été le meilleur moyen de se faire prendre. Non, il avait changé le code, caché le message d'une autre manière... Mais, pour être certain d'être compris, il avait nécessairement cherché une méthode proche de celle employée par le Hutt. Renseignant ces paramètres dans ses logiciels de cryptanalyse, Ragda avait ainsi pu enfin, après plusieurs heures interminables, lire le véritable message de Janos :

« L'Académie Sith se trouve sur hémisphère Nord de Korriban. Et l'impératrice vit sur Dromund Kaas, hémisphère Sud. En échange de cette information, faites en sorte que mon musée obtienne mon nom : LORD JANOS. »

Celui-ci laissa le gastéropode ventripotent méditatif un long moment. Si long, qu'il ne su toujours pas ce qu'il devait en faire alors qu'il reposait pied sur Coruscant, son congé terminé. Grâce aux actions de la flotte de la LMP lors de l'embuscade des rebelles sith contre le Chancelier Arnor, deux ans plus tôt, il avait pu mettre la main sur une carte parcellaire des routes hyperspatiales de l'Empire Sith. Carte dont il avait, bien-sur, conservé une copie. Sur celle-ci, il n'avait pu manquer de constater la présence d'une zone dense, où la plupart des routes convergeaient. A l'époque il avait supposé que cet ensemble de secteurs représentait le cœur véritable de l'Empire. Sans pour autant pouvoir lui donner un nom. Korriban. Dromund Kaas... Ces noms lui étaient parfaitement inconnus... Que devait-il faire ? Prévenir la République ? Les Jedi ? Demander à fouiner dans leurs archives respectives pour trouver plus d'informations ? Des questions dont il ne détenait les réponses, faute d'être capable d'en concevoir les répercutions.

Pour gagner du temps, ou bien seulement pour se libérer l'esprit de ce poids soudain, le Hutt préféra se concentrer sur la promesse qu'il avait faite à Janos. Prouver sa bonne foi permettrait, peut-être, dans une avenir plus ou moins proche, de demander au Lord déchu d'autres informations... Enfin, s'il survivait à son procès imminent.

Convaincre les autorités compétentes de renommer le musée d'art et culture... Ce ne serait pas une mince à faire. Rapidement, il fit l'inventaire de ce dont il avait besoin : un responsable capable de prendre cette décision, le concours d'un journaliste à la moralité douteuse... Et aussi, une bonne dose de persuasion. Il allait lui falloir plusieurs semaines pour préparer tout ça... Mais ça en valait la peine ! Janos lui lançait un défi, peut-être qu'il ne croyait même pas en sa réussite... Ragda allait lui démontrer de quoi était capable un ancien ministre doublé d'un génie de l'information... Une tête pleine, et deux bras longs.
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