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Leto Vorkosigan était debout devant la baie vitrée de son bureau du Ministère de la Justice. En face de lui, à quelques centaines de mètres se dressaient les building de la périphérie du quartier Climino, celui des banques et des établissements financiers divers, et au delà, il pouvait deviner la présence de l'opéra galactique où c'était tenu la veille au soir un ballet aquatique dans une bulle d'eau artificielle par de célèbres danseurs Mon Calamari. Entre ces tours de verre, d'acier et de perma-béton chatouillant la plante de pied des éventés nuages du ciel de Coruscant, des centaines, des milliers de véhicules de toutes sortes se faufilaient, s'infiltraient telles des goutes d'eau à travers la kyrielle de feuille de la cime des arbres de Cholgana. Jamais cet étrange spectacle, réglé comme sur du papier à musique, si fourmillant à en donner la migraine rien qu'à l'observer ne cessait. Cela faisait quelques milliers d'années que le cœur de la ville-capitale battait d'un tel élan que la planète ne faisait jamais mentir son statut de joyaux galactique. L'activité foisonnante de Coruscant avait quelque chose de rassurant, en soi. Permanente, répétitive, immuable, tout ce dont tout le monde a jamais eu besoin pouvait se trouver sur Coruscant. Et sa propension à ne jamais changer d'un iota de ce qu'elle était depuis des millénaires, malgré les vents et les tempêtes, les polémiques et les secousses, les guerres et les drames accentuait ce sentiment de quiétude pour bon nombre de ses habitants. Paradoxalement, malgré sa grande taille et son aspect démesuré, déshumanisé, le fait de voir sur Coruscant son activité incessante donnait l'illusion que tout allait bien dans la galaxie. Sans jamais aucune perturbation ni changement regrettable.

Le changement, voilà ce qui commençait à poindre dans la vie du Jedi. Il savait que le mandat de Ministre duquel il avait hérité sans le vouloir et dans l'urgence allait prendre fin. Bientôt, il pourrait revenir durablement au Temple d'Ondéron, reprendre ses études de la Force Vivante, allonger à loisir ses méditations et aborder l'apprentissage du Juyo, projet qu'il a en tête de longue date. Kalen avait dix huit ans, bientôt dix neuf, et sa vie de Padawan prenait doucement mais surement fin elle aussi. Il était devenu un jeune homme valeureux, plein de surprise, ne manquant plus de personnalité ni de confiance en soi depuis son dernier exploit sur Kashyyyk lors de la bataille qui se conclut par l'arrivée des Wookies au sein de la République. Aussi, il savait que bientôt, il devrait prendre la décision de l'amener devant le Conseil pour que le Nautolan, son compagnon, son fils spirituel ne soit confronté aux épreuves et puisse devenir un Chevalier Jedi. Lui qui avait traversé mille fois les territoires de la Bordure Extérieure sans jamais savoir ce qu'il y trouverait le lendemain, pour la toute première fois de sa vie appréhendait le changement, la cassure de son quotidien sans la présence, fidèle de son élève à ses côtés.

C'était le petit matin, la plupart des services du Ministère de la Justice n'avait même pas encore accueillit leurs employés, la fraicheur matinale s'accompagnait de gris dehors, les températures étaient telles qu'on savait qu'on se dirigeait vers une saison hivernale relativement clémente sur Coruscant. Puis la porte de son bureau coulissa silencieusement, il attendait l'individu qui avait franchi le seuil depuis plusieurs minutes, il avait même remarqué l'approche de son airspeeder à travers la vitre mais n'avait pas prit la peine de changer de posture. L'homme, en tenue d'apparat, sans âge et à la mine visiblement fatiguée s'approcha, à la main, il portait une petite mallette métallique, probablement blindée et dont la poignée était fixée à une chainette elle-même reliée à la ceinture de l'individu. Il état suivi par le jeune intendant, tout nouveau dans le service mais qui avait déjà prouvé à Leto sa bonne volonté et sa discrétion. L'homme déverrouilla l'attache de sa ceinture et plaça la serviette sur le bureau du Ministre avant de l'ouvrir et d'en sortir une carte de sécurité et un cristal mémoriel. L'intendant réceptionna le tout et les plaça soigneusement dans un petit coffret à verrou numérique qu'il déposa à son tour sur le bureau du Jedi qui venait de se retourner enfin.

L'individu salua sans mot dire, puis reparti, tandis que l'intendant se saisi de son datapad pour déclarer :

- « Le Sénat sera réuni comme vous le vouliez ce soir à 19 heures monsieur. »

Leto hocha silencieusement la tête et l'employé secrétaire prit congé.

Le changement. Voilà ce que contenait, peut-être en proportion plus ou moins grande le cristal mémoriel qui venait d'être remit au Ministre de la Justice ce jour. La réforme constitutionnelle, qui ne concernait en réalité qu'une infime partie de son contenu avait été murement réfléchi et élaborée par la Cours Suprême, organe de justice dont était en partie responsable Leto et ce pendant toute la nuit. À vrai dire, il ne s'agissait pas de parler de changement, mais plutôt d'adaptation. Et un État qui s'adapte, c'est un État qui survie.

Le soir même, comme convenu, le Sénat était réuni, ou du moins en grande partie. À la différence du vote sur la Loi Patriote, que Leto avait déjà présentée à la Rotonde, cette fois-ci, l'occasion n'était pas aussi incontournable. Mais soit, Leto trônait sur l'estrade centrale et lorsque l'orateur sénatorial lui eut donné la parole, il s'éclaircit discrètement la voix.
Les regards se tournèrent vers lui, et il aurait été impossible de dire qu'elles étaient les réactions de chacun à cette seconde précise tant les Sénateurs étaient nombreux à se tenir attentif. Sa réputation avait nettement changer depuis la bataille qu'il avait mené à bien sur Kashyyyk, il était désormais connu comme étant l’artisan du ralliement des Wookies à la République. Bon nombre des politiciens décisionnaires de la République préféraient désormais considérer Leto, non pas forcément comme un des leurs, mais au moins comme un élément important et intéressant des forces vives de leur État plutôt que le vulgaire Jedi qu'il était encore il y a de cela quelques mois. Avec le travail conjoint de la Chancelière, les Jedi avaient finit par se faire accepter par une majorité de Sénateur, quand bien même des oppositions, et parfois même de nettes frictions entre les idéaux et les objectifs de certains étaient encore à déplorer. Pourtant, il se murmurait ça et là que Alyria et Leto allaient bientôt quitter leur fonction pour repartir au sein de leur Temple sur Ondéron, ce qui avait tendance à rassurer même ceux qui avaient montré plus de clémence et de tolérance à leur présence ces derniers temps. Nul doute que ce que Leto s’apprêtait à leur présenter contribuerait à marquer la bonne volonté des Jedi en ce qui concerne leur refus de trop se mêler de la vie politique de la Galaxie.

- « Mesdames et messieurs les Sénateurs, merci de votre présence. Le calme se fit définitivement. Comme vous l'avez constatés ces dernières semaines, voir ces derniers mois, la République a subit de grandes vagues qui ont secoué tout un système. Des séismes, des polémiques et des drames se sont succédé, ont effrités le socle de la République et ont failli faire plier ses valeurs. Mais grâce au peuple, à vous, à tous ce qui aiment la République et désire la défendre pour le bien commun, elle a sut endurer ces épreuves et n'a pas courbé l'échine bien longtemps. Elle a sut se relever et aujourd'hui se relance, comme elle l'a déjà fait maintes fois par le passé. Quelques applaudissement survinrent, relativement discrets mais sincères. Visiblement, l'introduction plein d'élan patriotique du Jedi avait plut à certain. D'autres n'en avaient cure, mais il n'empêche qu'ils se sentaient brossés dans le sens du poil, placés dans une position confortable où leur présence pour le bien de la République était reconnue comme étant indispensable. Ce qui avait pour effet de les conditionner favorablement pour la suite du discours du Ministre. Cependant, il convient de solidifier la République, afin qu'elle puisse mieux affronter les défis que l'avenir lui réserve. Solidifier quelque chose passe parfois par un gain de souplesse, dans l'idée, même si cela peut paraître contradictoire. Et par solidifier, je veux dire surtout préciser, car le fonctionnement de la République a besoin d'être précisé et affiné sur bien des points afin d'améliorer l'efficacité de nos décisions, faciliter la mise en chantier de projet et de travaux, mieux servir le peuple et maximiser la réactivité de la République face aux problèmes. Un exemple concret a été retenu récemment, et c'est la Cour Suprême qui s'est penché sur le problème afin de vous présenter la réforme constitutionnelle que je porte à votre connaissance ce soir. Réforme constitutionnelle que vous jugerez peut-être des plus mineures, mais qui a assurément son importance.

Étudiez là, et pensez qu'en adoptant les recommandations de la Cour Suprême, nous seront à même de bien mieux réagir face aux genre d'évènement qui par exemple ont obligés Alyria Von a prendre en toute hâte les commandes de la République. En prenant connaissance de cette proposition de réforme, vous comprendrez bien vite où je voulais en venir lorsque j'évoquais la notion de souplesse, qui doit s'accorder à tout règlement afin d'épouser au mieux les évènements et la réalité des choses. Surtout dans une Galaxie aussi complexe et mouvementée que la notre.
Leto voulut conclure par une accroche idéaliste. Cette réforme constitutionnelle peut être la première étape d'une nouvelle République plus au fait des problèmes du peuple, plus souple, plus réactive, plus généreuse et plus démocratique. »

Leto plaça le cristal mémoriel dans un emplacement prévu à cet effet sur la console de commande de l'estrade de l'orateur sénatorial, puis envoya les fichiers aux moniteurs de toutes les nacelles occupées par leur Sénateur respectif.

Titre III, Section 6, Article 29 :
Cessation de fonction, vacance et intérim
Le Chancelier Suprême peut décider à tout moment d’interrompre l’exercice de ses fonctions en présentant sa démission. Sauf en cas d’incapacité d’exercer le pouvoir, l’Orateur Sénatorial est tenu d’organiser les élections suivantes, auxquelles il ne peut se présenter, et exerce les fonctions de Chancelier. Aucun changement de gouvernement, à moins d’un décès ou d’une incapacité d’exercer ses fonctions, ne peut être effectué pendant ce laps de temps, et aucune décision affectant la République dans ses fondements et ses relations diplomatiques ne peut être prise. Le Chancelier démissionnaire est astreint à un devoir de réserve jusqu’à la passation effective de pouvoir. Les élections doivent avoir lieu soixante jours après l’interruption de mandat.
En cas de décès ou d’incapacité du Chancelier, l’Orateur Sénatorial exerce temporairement les fonctions administratives du Chancelier. Les dispositions s’appliquant en cas de démission du Chancelier Suprême s’appliquent également dans ce cas-là, de même que le délai légal d’organisation d’élections. Il doit s’astreindre à un devoir de réserve.
Seule la Cour Suprême, sur requête du gouvernement dans son ensemble ou des deux tiers du Sénat, peut déclarer le Chancelier Suprême en état d’incapacité à exercer le pouvoir.

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