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Le bureau était vide. C'en était presque étonnant, si l'on comptait l'effervescence du moment qui régnait au Sénat. Les dernières heures avaient été une suite d'évènements innattendues, si bien que ce calme qui régnait dans cette pièce était apaisant. L'on avait permis à Gabriel d'attendre la nouvelle Chancelière ici, dans son bureau, pendant qu'elle terminait ses toutes premières allocutions, et Gabriel en profitait pour admirer la vue à travers l'énorme vitre en transparacier blindée.

-"Nous avons reçu une demande d'Alyria. Elle veut tenir une séance en urgence avec le Conseil. Nous nous demandons s'ils ne seraient même pas profitable que tous les Maitres y assistent."

Maître Anya Jeseladai était projeté en hologramme, assisse, depuis un holotransmetteur portable que bon nombre de Jedi possédait avec eux.

-"Je suis d'accord. J'y assisterai en holoprojection depuis le même endroit que la nouvelle Chancelière dans ce cas."

-"Bien. D'autres Maitres, comme Quom, le feront également."

Ce cher Maitre Brock. Il était inutile de préciser au Corellien pourquoi le Nautolan devrait assister à une séance du Conseil par canal interposé, le sang mêlé se doutant que le réputé Jedi était déjà en route pour l'un des vaisseaux qui formerait le blocus sur Aargau.

-"Dans ce cas, à tout à l'heure, Gabriel. Que la Force soit avec toi."

-"Et avec vous, Maitre."

L'hologramme se coupa, et le Jedi rappela dans sa main l'appareil technologique qui permettait cela, puis le rangea à sa ceinture. Et dans un soupir, le Corellien se laissa retourner à sa contemplation de la planétopole. C'était une incroyable coïncidence que sa présence sur cette planète en ce jour, mais les événements l'avaient forcé à ne pas rester là où il était. Il avait donné ordre à Elora de rentrer seule sur Ondéron, ou de se rendre au Temple de Coruscant et de le tenir informé de son choix, pendant qu'il prenait une navette pour venir au Sénat. A ce moment-là, il n'y avait eu que la sombre révélation du Lord Janos qui était sorti. Et ensuite, tout s'était précipité. Ensuite, il s'était passé une tragédie. Tragédie qui ne laisserait pas que d'infimes traces.

-"Maitre Jedi ..."

Gabriel se retourna. La voix, mécanique et reconnaissable comme celle d'un droide, éfféminé de surcroit, suivait le bruit de la porte qui se refermait derrière le passage de la porte.

-"La Chancelière Von a été avertie de votre présence. Elle se dirige en ce moment même vers ce bureau pour vous recevoir."

-"Merci beaucoup."

Comment allait-elle ? Gabriel était impatient de connaitre la réponse à cette question. Alyria était une amie de toujours après tout, qu'il avait accueilli au Temple jadis, à son arrivée. Et aujourd'hui, bien qu'il savait que le monde de la politique n'était absolument pas étranger à cette amie, le Jedi ne pouvait que redouter l'impact que de telles attributions pouvait avoir sur elle. Alyria était douée, mais le serait-elle suffisamment pour diriger cet ensemble de nations coalisées qu'était la République ?

Les minutes passèrent, semblant longues, puis une présence familière se dessina dans l'air, jusqu'à l'ouverture de la porte. Se tournant vers elle, Gabriel la regarda avant de s'incliner respectueusement et de dire, se redressant :

-"Chancelière Von. Merci de me recevoir ainsi, compte tenu des circonstances."

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Alyria marchait à une cadence presque militaire dans les couloirs la menant à son nouveau bureau, enfin à l’ancien bureau de Valérion Scalia qui était à présent le sien, même si elle ne le réalisait pas complètement encore, obligeant le malheureux Telkhar à courir sur ses talons, l’aréopage de dignitaires derrière soufflant et ahanant pour suivre la rythme infernal imposé par la Chancelière, puisque c’était à présent son titre.

C’était peu dire que la maîtresse d’armes était pressée de s’enfermer dans une pièce pour être enfin au calme, et accessoirement débarrassée pour un moment de tous ces gens qui lui demandaient son avis sur un millier de choses auxquelles elle n’avait strictement aucune réponse. La dernière en date : quelles fleurs à commander pour les obsèques de son prédécesseur… Comme si elle avait fait un doctorat en jardinage… Du coup, elle se contentait d’acquiescer à la demande puis de réorienter la personne vers un conseiller quelconque, le plus souvent d’ailleurs le malheureux secrétaire général de la Chancellerie, répondant uniquement quand elle estimait avoir une expertise quelconque dans le domaine, ce qui rimait généralement avec organisation militaire et sur les considérations d’ordre purement politique, comme les audits à demander en urgence aux différents ministres, les consultations des uns et des autres…

En parlant de consultation, c’était vers une réunion plus ou moins dirigée qu’elle allait, même si cette dernière serait bien moins formelle que toutes celles ayant eu lieu au cours des dernières heures, et avec une tête familière, ce qui commençait à lui manquer cruellement. La fatigue manqua la submerger un instant, mais déterminée, elle continua son chemin sans faire mine de ralentir l’allure, les yeux rivés devant elle, comme fixés sur un objectif imaginaire, et qui pourtant lui paraissait à cet instant bien réel, presque tangible : ne pas laisser la République sombrer dans l’abîme. Elle s’y était employée sans relâche toute la journée en négociant ralliements et absentions dans le pire des cas, afin d’unir momentanément le Sénat derrière un gouvernement disparate mais qui avait l’avantage de réunir à peu près toutes les tendances de l’organe parlementaire étatique, ce qui lui assurait une certaine tranquillité d’esprit pour mettre une politique rapide et efficace compte tenu de la situation, et ce sans recourir aux pleins pouvoirs, ce qui aurait été une catastrophe politique sans nom. A la place, elle s’était accordée un peu de répit en négociant des alliances de circonstances, et comptait sur son Vice-Chancelier pour tenir la maison et régler les derniers ajustements, notamment avec la Sénatrice d’Ondéron, le temps qu’elle s’occupe du deuxième volet des affaires en cours : le Conseil jedi.
En effet, dès que l’effroyable nouvelle de l’assassinat du Chancelier s’était répandue, et avec elle celle de son catapultage au plus haut sommet de l’Etat, deux choses lui étaient immédiatement venues à l’esprit : la première, la nécessité de faire front pour éviter des dommages irréversibles à tout l’édifice républicain, la seconde, le fait qu’elle était un maître jedi, ce qui allait rendre sa position précaire et demandait d’urgence un entretien avec le Conseil… Que la situation en général réclamait. Bref, il lui fallait s’entretenir avec les autres maîtres de l’Ordre et ce, aussi vite que possible.

C’est pourquoi l’un des premiers gestes de la Chancelière avait été de contacter le Temple jedi, qui lui avait répondu accéder à sa requête… Et qu’un des maîtres du Conseil était déjà sur Ondéron. Et pas n’importe lequel, mais une vieille connaissance, à savoir Gabriel Fyelen. Quand elle y repensait, Alyria avait l’impression que sa génération de padawan avait été l’une des plus fertiles jamais élevées au sein du Temple. Il suffisait de regarder le destin de ces quelques jeunes. Deux chanceliers, deux maîtres d’armes, deux maîtres du Conseil nommés en même temps en la personne de Gabriel et de Léonard Tianesli, plusieurs maîtres… Il n’y avait pas à dire, les trentenaires de l’Ordre, qui avait presque tous plus ou moins grandi ensemble et arrivaient à leur maturité de jedi avaient de quoi rendre leurs vieux enseignants fiers de ces parcours parfois inattendu, mais qui les avaient tous projetés au pinacle de ce que pouvait offrir l’Ordre jedi… Voir pour deux d’entre eux, la République.

Alyria accéléra la cadence, et, ses directives données, dispersa la petite troupe qui la suivait avant de pénétrer dans ce bureau. La dernière fois qu’elle était rentrée dedans, elle était Ministre de la Défense et venait chercher le Chancelier pour leur visite sur Lianna. Cette fois-ci, elle entrait en tant que Chancelière. Le contraste dans son esprit était particulièrement saisissant, évidemment, et elle hésita quelques brèves secondes avant de pénétrer dans la pièce.

En entendant Gabriel prononcer ce titre qui était le sien, la gardienne éprouva un frissonnement désagréable. Décidément elle allait avoir du mal à s’habituer à être appelée comme ça… Déjà que le « Madame le Ministre » résonnait parfois bizarrement à son oreille alors là… « Chancelière Von »… Oui non, c’était vraiment très étrange.

Néanmoins, elle répondit de manière tout aussi formelle :

« C’est parfaitement normal, Maître Fyelen, du reste, j’avais demandé une réunion avec le Conseil, donc le fait qu’un maître dudit Conseil se déplace en personne pour m’entretenir avant cette dernière rend parfaitement logique votre présence dans ce bureau. »

Puis la sang-mêlée abandonna ses habits de Chancelière et avec un sourire sincère, déclara :

« Bon, je crois que nous pouvons en rester là niveau civilité d’usage, je reconnais qu’une conversation un brin normale ne me fera pas de mal aujourd’hui. Enfin normale… Disons, avec tutoiement et prénoms, au moins. »

Puis elle fit signe à Gabriel de prendre le siège en face de celui derrière le bureau, et qui était donc à présent le sien.

« Je t’en prie, assieds-toi. »

Elle-même se cala dans le fauteuil, qui était d’ailleurs particulièrement confortable, et finit par demander après quelques instants :

« Je pensais que tu serais au Temple d’Ondéron, qu’est-ce qui t’amenais originellement sur Coruscant ? Je veux dire… Avant tout ce qui s’est passé. Ta padawan t’a accompagné ici ? Je ne l’ai pas vue en arrivant. »

Pour quelques minutes encore, faire la conversation, demander simplement des nouvelles, comme elle aurait pu le faire avant. Sauf que ce n’était pas pour cela que Gabriel était venu, et elle le savait parfaitement. Mais il n’était pas nécessaire de mettre les pieds dans le plat immédiatement et d’en venir directement à parler de la situation. Non, Alyria s’accorderait une très brève question personnelle à un vieil ami… Avant d’en venir à ce qui les préoccupait réellement. Ce qu’elle fit d’ailleurs finalement.

« Enfin, je présume que tu ne t’es pas déplacé pour une discussion uniquement amicale et personnelle, eu égard aux circonstances. Je me trompe ? »

La question avait été posée sur un ton doux, agréable, compréhensif. La jedi n’était pas dupe, et savait à quoi s’attendre. C’était un moyen simple de demander à son ami d’exposer directement les véritables raisons de ce rendez-vous. 
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Elle l'invita à s'asseoir, pourtant Gabriel n'en fit rien. D'un ton toujours aussi calme, il lui signifia :

-"Je préfère rester debout pour l'instant. Je serais suffisamment assis après."

Eu égards à ce qu'elle venait de dire, mentionnant une réunion "extra-ordinaire" de l'ensemble des Maitres Jedi disponible, le Corellien savait que son amie comprendrait l'allusion. Se tournant à nouveau pour contempler la vue à travers la vitre, Gabriel écouta la Chancelière. Il était facile pour lui d'écouter ainsi. Etrangement, l'horizon -bien que surchargé sur une planétopole comme Coruscant- était une source à la fois d'apaisement et de concentration.

Que faisait-il ici ? Où était sa Padawan ? Tant de questions, pour des réponses si évidentes. Etait-ce à nouveau les évènements qui expliquait celà, ou juste la politesse de la conversation ?

-"Elora est au Temple de Coruscant. Je l'ai laissé méditer dans la salle restaurée des milles fontaines. J'étais en mission avec elle, et sur le retour, nous nous sommes arrêtés ici. Quant à Naile, je l'ai envoyé étudier la Force pendant un mois auprès de l'Educorps, également pour une mission."

Elle avait cependant raison : elle n'avait pas vu Elora. La première raison, la plus importante, restait celle qu'il venait d'énoncer, mais il n'en demeurait pas moins une seconde : Elora était aussi liée à la politique que l'avait été Alyria à une époque. En cela, Gabriel se refusait de lui donner des contacts avec tout ce qui y touchait. Avantage aidant : la padawan semblait se diriger vers une voie où la maitrise du sabre primait sur la diplomatie.

La question suivante, par contre, engendra un moment de silence chez le sang-mêlé. A l'origine, il fallait reconnaitre qu'il s'était attendu à discuter de la raison de sa présence avec feu-Valérion Scalia, et non avec une amie de toujours qui le connaissait très bien.

-"Les discussions que j'aie avec toi sont, et seront toujours amicales. Quand au coté personnelle..."

Gabriel n'avait toujours pas oublié cette nuit qu'ils avaient tous deux partagés, tantôt combattants comme deux échanis, tantôt discutant et le Corellien se laissant aller à révéler certaines choses sur lui-même.

-"Mais non, en effet. J'ignore si je préfèrerais que les choses soient différentes, mais ce n'est pas pour ça que je suis là. D'abord, j'introduirais cette requête : puis-je me joindre à toi pour l'entrevue que tu as demandé au Conseil ? Cela m'évitera de devoir retourner au Temple."

Attendant la réponse, Gabriel enchaina.

-"Ensuite, je t'avoue que je ne me suis pas vraiment préparé à ce qui va suivre. Je pensais à l'origine que la personne qui m'accueillerait serait ton prédécesseur à la Chancellerie, alors retiens ceci : rien ici n'est formel. Tu n'es pas tenu présentement de me voir comme un Maitre du Conseil."

Elle comprendrait, il en était sur. Car ce changement de chancellerie allait entrainé des modifications dans son langage, mais aussi dans certaines de ses questions. Et ça, même le Conseil ne l'approuverait peut-être pas, qui savait ?

-"Au vu des circonstances, j'ai une question à te poser Alyria..."

Gabriel se retourna alors, et fixa la Jedi droit dans les yeux.

-"Veux-tu assumer cette tâche ? Souhaites-tu réellement être Chancelière ?"
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Entendre Gabriel évoquer ses padawans fit monter un sourire un peu mélancolique sur le visage d’Alyria. Pendant un bref instant, elle se demanda ce que son propre ancien padawan faisait en ce moment, s’il avait vu la nouvelle… Sans doute, connaissant Armod, à qui elle avait transmis son goût des affaires galactiques. Et pourtant, quelque part, elle espérait qu’il était loin, en mission afin d’échapper à tout ce tohu-bohu médiatique. Tout comme son propre maître d’ailleurs. Ranek Lond avait toujours dit qu’il avait attendu de trouver une élève spéciale pour lui enseigner, quelqu’un en qui il voyait un grand destin. La maîtresse d’armes doutait fortement que l’Ombre ait pourtant pensé que sa padawan s’élèverait aussi haut. Ce qui ne rendrait sans doute la chute que plus terrible.

C’est donc l’esprit empreint de pensées teintées d’une nostalgie un brin négative qu’Alyria écouta Gabriel lui affirmer la nature inchangée de leurs conversations. Et pourtant… Et pourtant… Oui, ils étaient toujours amis, rien ne pourrait perturber cet état de fait, mais d’un autre côté elle ne pouvait s’empêcher de penser que leur statut respectif ne ferait que les contraindre à une certaine réserve qui n’existait sans doute pas auparavant entre eux.

Quand elle n’était que maître et lui maître du Conseil, distinction déjà suffisamment éloquente au vu du très petit nombre d’élus à travers toute la galaxie, encore, il n’y avait qu’un cran protocolaire entre eux, et au fond, ils appartenaient toujours à la même sphère, celle de l’Ordre jedi. En tant que ministre, elle restait presque une fonctionnaire chargée d’un certain nombre de tâches, mais rien de plus. Sauf que maintenant, elle occupait le fauteuil de Chancelière, et ce n’était plus la même dimension. Ils étaient deux chefs, même si l’un occupait un poste collégial, d’organisations millénaires alliées et indépendantes, ne vivant pas forcément avec les mêmes buts, les mêmes règles, qui avaient à traiter en permanence pour conserver une harmonie si difficilement gagnée au cours des dernières années.

La trentenaire voulait croire son ami d’enfance, sincèrement, imaginer que rien ne changeait, quand tout avait déjà été bouleversé. Mais une part d’elle-même, sans doute celle fatiguée par les événements, et, il fallait avouer, empreinte d’amertume face à la stupidité du monde, à sa propre incapacité à prévoir des faits aussi tragiques, ne pouvait s’empêcher d’en douter. La pièce s’était jouée en trois actes : accusation, contre-accusation, mort d’un des protagonistes. On eut dit un de ces opéras dramatiques que donnaient à jouer régulièrement le célèbre Opéra de Coruscant, et où tous les plus fortunés se pressaient en nombre. Plus pour être vu que pour voir, évidemment, mais là n’était pas la question. En réalité, Alyria se demandait si la représentation était arrivée à son terme, ou si dans les coulisses se tramaient déjà la mise en place d’un ultime acte, au contenu aussi sombre que mystérieux.

Même son visage semblait refléter son était d’esprit : en une journée, la gardienne paraissait avoir vieillie de dix ans. On oubliait facilement qu’elle n’avait qu’une trentaine d’années, soit un âge particulièrement jeune comparé aux habituels cacochymes peuplant les allées du Sénat. Du précédent gouvernement, seul Alan Bresancion était de la même génération qu’elle. A présent, il était son Vice-Chancelier. A croire que les rangs de la politique galactique avaient été décimés tellement violemment que d’un seul coup, une nouvelle génération avait été portée au pouvoir. Mais à voir son visage pâle, creusé, fatiguée, il paraissait évident qu’en apparence, la différence était minime.

La première demande du Maître du Conseil eut néanmoins l’avantage de ne pas beaucoup lui demander de réflexion, puisqu’elle répondit presque immédiatement :

« Oui bien sûr. A vrai dire, pour moi, la question ne se posait même pas. »

C’était parfaitement vrai. Il eut été singulièrement stupide de faire revenir Gabriel sur ses pas pour une réunion à laquelle il ne pouvait de toute façon pas assister en personne. Sans compter la perte de temps. Or, pour la maîtresse d’armes, le plus tôt cette journée cauchemardesque finirait, mieux ce serait. Elle avait encore une montagne de paperasse à régler, un agenda bouclé pour les jours à venir à rencontrer des officiels et à planifier des réunions interminables de stratégie militaire. Le Conseil jedi aurait également du travail, sans doute en avait-il déjà. Par égard pour son ami, lui imposer une perte de temps eut été aussi inconsidéré que futile.
Comme un écho à ses premières pensées, Alyria entendit Gabriel l’assurer du caractère informel de cet entretien, et se contenta de hocher simplement la tête. Des entretiens à caractère informel, elle en avait eu toute la journée, et à vrai dire, les trois-quarts étaient à caractère très, très formel. Mais face à un ami de pas tout à fait trente ans, pouvait-elle espérer une part de vérité dans cette affirmation ? Assurément, du moins, elle se plaisait à le croire.

Puis vint la question fatidique.

Presque du tac-au-tac, parce que cette question, elle se l’était posée et on l’a lui avait posée de très nombreuses fois au cours de la journée, elle déclara :

« En vérité, la question n’est pas de savoir si je veux réellement être Chancelière… Mais si je le dois. Je n’ai jamais voulu, jamais, même dans mes cauchemars les plus fous, je n’y aurais pensé.

Sauf qu’à l’heure actuelle, de toute façon, ce que je désire ne compte pas réellement. A cause du processus constitutionnel, je me retrouve à cette place, et je suis forcée de l’assumer, sous peine de voir la République menacer de s’écrouler. »


Elle inspira profondément, laissant à Gabriel le temps d’assimiler ce qu’elle venait de dire, puis elle reprit :

« Je sais que ce n’est pas forcément ce que l’on voudrait entendre d’un dirigeant qui vient d’entrer en fonction. Mais je mentirais en disant que je le désire réellement. C’est un fait, une réalité : je ne voulais pas de ce poste, il n’est pas fait pour moi. Mais je n’ai pas d’autre choix que de l’accepter.

Peut-être est-ce pour le mieux. Je n’ai pas d’autre ambition que d’accomplir mon devoir, de servir la République, enfin ce qu’il en reste, de mon mieux. C’est tout ce que je peux affirmer, mais je le fais sincèrement. »

D’un air un peu las, elle conclut :

« C’est comme quand tu es devant un précipice, tu vois, et que tu dois avancer. Tu peux rester où tu es, et voir le sol se dérober sous toi, ou tu peux sauter. Ce n’est pas vraiment ce que tu veux, mais tu sais que tu n’as pas le choix, que tu le dois.

C’est exactement ce que je ressens. »

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La réponse d'Alyria avait été en 3 temps. Et Gabriel n'avait cherché à interrompre aucun de ses temps, aucune de ses reflexions, tant chacunes complétait les autres pour finalement amener une idée d'ensemble.

Il y avait eu le premier temps, où la Maitresse d'Armes se dévoilait sous un trait que tout le monde pouvait lui connaitre : la détermination. Le terme en lui-même n'était peut-être pas suffisament fort que pour exprimer réellement ce sentiment qui se dégageait d'elle dans ces moments où elle pouvait s'exprimer.

Puis il y avait la seconde tirade de mots, où là, il fallait un peu plus connaitre la rousse pour voir la sincérité qui se dégageait. Plus de mots étaient employés, pour décrire réellement un moi profond, un avis sincère sur la question qui avait été posée. Et là, on retrouvait la petite qui chahutait, courant dans le Temple, l'enfant curieuse à qui Gabriel avait été chargé de montrer chaque couloir, de l'accueillir et de l'aider en quelque sorte à s'intégrer au mieux.

Mais la vraie réponse, sincère, pure, était la dernière prose : un exemple. Et là, Gabriel sourit presque en l'entendant -intérieurement seulement- car celle-ci indiquait qu'il n'avait devant lui ni une ministre, ni une Chancelière, mais bien Alyria Von, Maitre Jedi et enseignante. Car les enseignants recourent bien souvent aux exemples pour illustrer leurs propos. A cette forme de réponse, une seule aurait pu être plus pure, d'avis d'Echani, et c'était celle du combat, mais ça....

-"L'avenir peut sembler inquiétant, mais souvent, c'est parce qu'on le regarde avec nos yeux..."

Pas physique. Par yeux, Gabriel entendait la perception qu'un être pensant pouvait avoir. Mais ni lui ni elle au final n'étaient de simples êtres pensants. Ils étaient des Maitres Jedi, à des niveaux différents et pourtant définitivement identiques.

-"Rien n'arrive par hasard. Au final il n'y a jamais que la Force qui nous guide."

Ordinairement, cette phrase aurait été dite à un cours pour Padawan, et ordinairement, le Corellien ne l'aurait pas "redouté" en lui-même. Pourtant, cette fois ferait exception. Cette fois-ci, il mettrait en garde, car il n'était pas sûr du bien-fondé de la nommination et du déroulement des événements.

-"Je ne te dirais pas de refuser ce poste. Ton sens du devoir est admirable. Mais je serais franc avec toi. Tout ceci... m’inquiète."

Le mot lui écorcha presque la trachée, tant le Jedi n'était pas habitué à ce ressenti, ni même à le prononcer. Pourtant, c'était sincère. Non pas qu'il avait réellement peur, mais que tout ceci allait trop vite, et que son avis même personnel était -lui semblait- trop... immature face à la situation. Il aurait aimé avoir le temps de faire du thé, s'asseoir, réfléchir avant de réellement se prononcer.

-"Nous avions pris la décision, aux dernières élections, de ne pas interférer avec celles-ci. Et déjà pendant les élections, tout ne s'est pas passé comme prévu. Ensuite, il y a eu les réformes du Chancelier... de l'ex-Chancelier Scalia, qui ont vu deux Jedi prendre un rôle important dans la vie du Sénat. Et maintenant... "

Gabriel plongea son regard dans celui de son amie d'enfance.

-"Maintenant, un nouveau Jedi s'apprête à s'asseoir dans ce fauteuil. A diriger la République."

Et ce Jedi, c'était elle. Son amie d'enfance... Gabriel connaissait la politique, il n'était pas étranger à la rotonde, il avait vu ce qu'elle avait fait à Halussius Arnor. Devait-il dés lors être rassuré pour la Maitre d'Armes ? La réponse était sans appel : NON !

-"Ni moi ni le Conseil ne jugera ta décision, et nous serons toujours là pour t'aider... Mais le Conseil ne dirigera pas tes choix en tant que Chancelière, pas plus qu'il n'a influer sur les choix d'Halussius à l'époque. Déjà ainsi, plusieurs personnes ne verront chez toi qu'une Jedi de plus."

Ce n'était pas une remontrance. Et Gabriel espérait qu'elle le comprendrait. Car au final, il fallait retenir qu'il venait de dire qu'ils seraient tous là pour la soutenir, mais pas dans cette tâche particulière. Etre Jedi, ce n'était pas être Chancelier. Et être Chancelier, ce n'était pas être Jedi. Si les deux institutions avaient des similitudes, il n'en demeurait pas moins qu'elles étaient totalement différentes.

-"Ce que tu as appris au Temple peut t'aider. Ne l'oublies jamais..."

Témoin une nuit, où sa "soeur" l'avait aidé à se rappeler ce genre de leçon...

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La Force les guidait… Possible, mais Alyria avait tendance à penser ces dernièrs temps que la Force avait un sacré sens de l’humour… Ou alors qu’elle avait décidé de lui jouer un tour pendable C’était ridicule, bien entendu. Mais cette journée avait mis la jeune femme à rude épreuve, et son esprit était empreint d’une ironie certes malvenue, mais qui ne voulait pas disparaître, phénomène s’accentuant avec l’admission même de l’inquiétude de celui qui venait de prononcer cette phrase.

Dire qu’elle partageait ses doutes était un euphémisme. Cette position lui plaisait encore moins qu’à Gabriel, et une partie d’elle exécrait ce titre dont la fatalité avait jugé bon de l’affubler. Elle n’était pas faite pour la Chancellerie, ne voulait pas de ce poste, aurait préféré de loin rester dans son Temple à enseigner, ou se préparer aux batailles qui s’annonçaient. Là était sa place, pas derrière ce bureau bien trop imposant pour sa personne.

Il était évident que l’impact sur l’Ordre risquait d’être négatif, elle comprenait la réticence du maître du Conseil. A vrai dire, le pire était qu’elle la partageait totalement. C’était trop rapidement après Halussius, dans une période d’incertitude… Pour le moment, tous faisaient fi du détail jedi sur son curriculum vitae, se serrant les coudes pour éviter que l’édifice ne s’écroule complètement. Mais une fois l’œil du cyclone passé… Que resterait-il de cette belle entente cordiale ? Sans doute pas grand-chose. Pour un peu qu’il se passe quoi que ce soit encore, ce serait non pas de sa faute, mais de celle de l’Ordre tout entier. En fait, elle pourrait sans doute tout réussir, il y en aurait encore qui trouverait un malin plaisir à critiquer le fait qu’une femme sans carrière politique, et clairement pas destinée à en faire une, ait pu accéder à la plus haute fonction de l’Etat. L’ambition battue par le manque absolu d’intérêt pour le pouvoir… Il y avait de quoi rire, non ? Enfin, un peu jaune, sans doute.

Il était temps de verbaliser tout cela, avant que Gabriel ne continue :

« Pour être franche… Je partage ce sentiment. Tout cela ne me plaît pas particulièrement, et même si je ferais de mon mieux pour limiter les conséquences sur l’Ordre, il serait … naif de penser qu’il n’y en aura aucune.

Peut-être que j’étais simplement la bonne personne au bon moment. Ou peut-être pas. Nous verrons bien ce que l’avenir et la Force en disent. »


Gabriel poursuivit en l’assurant certes du soutien du Conseil, mais également de la non-ingérence de de ce dernier dans les affaires de la République. A cela, Alyria aurait presque voulu répondre directement : encore heureux ! Déjà qu’on lui reprocherait fatalement son rang, sa vie, autant ne pas donner du grain à moudre à l’opposition qui ne tarderait pas à se former et à ressasser les vieilles rengaines populistes d’ingérence jedi. Même sans cela, la trentenaire estimait que les deux entités devaient rester séparées. Alliées certes, elle avait toujours partisane d’un resserrement des liens entre la République et l’Ordre, mais pas au prix de leur indépendance respective.

Aussi elle répondit avec sérieux et fermeté, clairement dans son rôle de chef d’Etat :

« C’est une évidence. Comme il ne me viendrait pas à l’idée de mêler le Consortium d’Hapès à la gestion des affaires internes de la République parce que j’y suis né, il est hors de question de confondre l’Ordre et la République sous prétexte que j’appartiens au premier.

Je demanderais lors de la réunion prochaine l’appui de l’Ordre pour juguler la crise d’Aargau et veiller aux frontières, conformément aux accords entre ce dernier et la République, mais ce sera en tant que Chancelière, et en raison d’une présence sith potentielle.

Je ne tiens pas particulièrement à prêter le flanc aux critiques qui viendront de toute façon. »


Oui, elle serait seulement la Chancelière jedi pour beaucoup… Même si elle espérait quelque part que certains se souviendraient d’elle pour sa gestion, et pas uniquement pour sa fonction, qui était d’ailleurs inconnue de façon exacte pour tous ceux qui la jugeraient. Certes, elle ne doutait pas que dès le lendemain, de nombreux journeaux dresseraient une biographie complète de sa personne, que les grands axes connus seraient abordés, que son surnom au sein du Temple ne manquerait pas de filtrer, qu’un certain nombre d’esprits chafouins y trouveraient un présage sinistre. Tout cela était à attendre sereinement, et non à redouter. Plus jamais elle ne serait complètement anonyme.

Mais cela ne voulait pas dire qu’elle oubliait qui elle était. Même Chancelière, Alyria restait une jedi, avec ce que cela sous-tendait d’avantages et de défauts pour occuper un tel poste. En fait, comment aurait-elle pu l’oublier ? Si elle ne se résumait pas à cela, faire partie de l’Ordre était néanmoins une part d’elle-même constitutive de son identité. Et ce n’était pas un vulgaire titre qui allait le lui faire perdre de vue.

Avec un mince sourire, elle finit par répliquer :

« Ce n’est pas un simple titre acquis par la déchéance d’autrui et sans volonté aucune qui va me faire oublier qui je suis… Ou ce que je suis.

Ce que j’ai appris au Temple sera toujours constitutif de ma personne, de ma pensée. Je ne le renierais pas. De même que les liens que j’ai pu y forger. »


Elle espérait seulement que ses amis ne seraient pas prompts à la considérer non plus comme une jedi à part entière, mais comme membre d’une entité extérieure. L’équilibre était délicat, certes, posait de nombreux questions, mais elle y tenait. Pour le reste… De toute façon, il était trop tôt pour tirer déjà des conclusions. Pour le reste…

« Y a-t-il autre chose dont tu désires parler ? Je ne sais pas quel était l’objet de ton audience avec Valérion Scalia, mais si je peux être d’une quelconque utilité… Autant reprendre les affaires en cours. »
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Ce n'était pas un poste qui lui tombait dessus par le malheur de quelqu'un qui allait lui faire oublier ce qu'elle était ? Peut-être. Mais à ce poste restait lié un Sénat entier, organe de la République qui comptait pas moins de plusieurs milliers de Sénateurs qui ne seraient jamais aisé à satisfaire. Le Sénat, c'était l'antre du compromis, et Alyria venait d'être propulsée à la pire place de cet endroit : la place la plus en vue de toutes, au centre même de la rotonde. Halussius s'y était risqué, ouvrant -ou ré-ouvrant plutôt- un rôle qui était déconseillé aux yeux du Corellien de tenir pour un Jedi. Et de quoi se souvenait-on à son sujet ? Du Chancelier qui avait été prisonnier des Sith et qui avait négocier la libération de plusieurs prisonniers ? Grand damn non ! Ce dont on se souvenait, c'était du Jedi qui avait vendu une planète pour sauver celle dont il était natif.

L'information avait cela de terrible finalement : la désinformation. L'on pouvait prendre une information, un fait, et le tordre à sa guise pour manipuler l'avis publique. Et malheureusement, médias et sénateurs étaient des maitres dans cet art. Mais la sang-mêlé n'était pas néophyte dans le milieu du Sénat. Mais pouvait-on pourtant prendre ce fait là pour acquis ? Gabriel savait que non. Pourtant, il ne changerait pas ce qu'il avait dit : que sa soeur appelle, et il répondrait. Il l'avait toujours fait, et cela depuis que la rousse avait passé l'entrée du Temple. Son optimisme -utopie disaient certains- ne rentrait pas en ligne de compte cette fois à ces yeux. Face à lui, il y avait maintenant Alyria Von, Chancelière de la République, et il donnerait son avis au Conseil, sollicitant le reste des membres de celui-ci de soutenir comme à son habitude le dirigeant de l'entité millénaire.

Son regard se releva quand "la Main brisée" lui demanda s'il y avait une autre raison à sa visite. Et le sourire de l'Echani s’effaça alors de son fasciés, dans la mesure où il n'aimait pas finalement la situation présente. En venant, il s'était préparé à faire face à un Chancelier, pas à son ami. Et la raison était "critique" au vu des circonstances. Lui qui venait de déclamer que le Conseil interférerait pas dans les affaires de la République, il allait déjà faire entorse à cette déclaration. Mais comment mentir à la rouquine ? Il ne pouvait décemment pas passer sur ce sujet au final.

-"La raison de ma venue était Lord Janos, je le crains."

Sa voix était anormalement grave. Et il était sur que pour une personne aussi proche de lui que l'était Alyria le saurait.

-"Sa révélation ne pouvait être ignorée. Qu'elle soit vraie ou fausse, des mesures doivent être prises. Des mesures à son encontre, à l'encontre de la délégation d'Aargau, de la planète elle-même... Mais aussi du Sénat."

Le Lord s'était déclaré Sith, membre d'un Conseil Noir de l'Empire. Pour Gabriel, une seule solution s'imposait à l'encontre d'une telle révélation : la remise du nouveau prisonnier aux bons soins de l'Ordre. Et si celà était impossible en l'état actuel, la garde de sa cellule pourrait au moins être assuré par une élite.

-"Tu sais ce que je vais te demander à son encontre, et il me semble que pour la révélation sur la présence d'une base affiliée à l'Empire Sith sur une planète du Noyau, tu as un état major et un rendez-vous en session extra-ordinaire avec le Conseil Jedi. Mais les autres révélations de ce Sith ne sont pas à écarter Alyria. J'aimerais... que le Sénat coopére pour que la vérité soit faite sur les différents points qui ont été abordé au sujet des différents sénateurs avec l'Ordre Jedi. Et qu'une enquête soit confiée et à l'Ordre, et au SIS quant à la délégation complète d'Aargau."

Y aller par quatre chemins avec son amie de toujours ? L'heure avançait, et Alyria avait déjà de toute façon manifestait son désir d'abréger les mondanités. Alors...
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Lord Janos, Darth Deinos… Elle avait tellement son nom, enfin ses noms qu’Alyria avait l’impression que l’ombre de l’ancien Vice-Chancelier planait sans cesse au-dessus de sa tête, comme un sinistre présage de la folie qui menaçait ceux qui grimpaient trop vite les marches du pouvoir puis aveuglés par leur propre ambition, finissait abandonnés de tous et énucléés dans une prison sombre.

Surtout, elle avait l’impression détestable qu’il ne manquerait pas d’empoisonner la République et l’Ordre par ses actes, fantasmés ou non. Le mal était fait, le cyborg fou avait rendu possible l’idée qu’un sith pouvait se hisser presque au sommet de l’Etat. Il n’aurait fallu qu’un faux pas, qu’une maladie réelle ou simulée pour qu’il parvienne à ses fins et arrache le pouvoir. Car c’était bien cela dont il s’agissait non ? Sinon, pourquoi avoir tout avoué après son échec ? Son plan ne réussirait sans doute jamais après une telle accusation. Ou pas d’ailleurs, en politique, on n’était jamais complètement mort, les multiples résurrections de Ragda Redjillic pouvaient le prouver aisément, sans parler des retours de Ion Keyien… Que des noms éclaboussés par ce même Janos d’ailleurs.

Se massant les tempes, Alyria essaya de chasser le mal de tête qui menaçait de poindre. A vrai dire, il était étonnant que la migraine ne vienne que maintenant, après la journée atroce qu’elle venait de passer. Sans doute que la maîtresse d’armes, malgré sa patience et son endurance travaillée par des années d’entraînements d’une dureté difficilement comparable, commençait à entamer ses réserves d’énergie, et fatiguait, tout simplement.

Surtout, à mesure que Gabriel s’expliquait sur les réelles motivations de sa venue, au demeurant guère surprenante, la maîtresse d’armes mesurait la complexité de maintenir leurs affirmations respectives proférées pourtant quelques minutes auparavant. Ce qu’il proposait était une ingérence forte de l’Ordre dans les affaires judiciaires de la République, au moment où une jedi était déjà à la tête de l’Etat millénaire. C’était la décision à prendre, évidemment. Pourtant, Alyria sut en un instant qu’elle allait devoir la repousser. Enfin plus exactement, la prendre à son avantage pour tricher avec les mots afin d’enquêter au mieux tout en restant aussi impartiale que possible. Les affres de la neutralité et de la raison d’Etat la rongeaient déjà.

Pendant un très bref instant, alors qu’elle s’apprêtait à formuler sa réponse, elle eut la vision de plusieurs enfants en train d’étudier dans l’imposante, et paradoxalement apaisante, bibliothèque de l’Ordre, pas loin de trois décennies auparavant. Au milieu de toutes ces têtes enfantines familières qui peuplaient ses souvenirs, avec leurs pendants adultes hantant son présent, elle revit avec une acuité troublante trois bambins d’environ huit ans discuter avec animation : Halussius, Gabriel et elle-même. Une petite rousse entourée de deux brins aux sourires francs faisait de grands gestes pour s’extasier sur le destin d’un Maître du Conseil devenu Chancelier pendant la guerre contre le Pius Dea, son voisin de droite acquiesçant tandis que le dernier restait pensif. Y avait-il de la prédestination dans cette saynète de son enfance ? Pourquoi cette dernière lui revenait soudainement en tête après toutes ces années ? Difficile de le savoir, mais la coïncidence était dérangeante.

Secouant sa tête pour chasser ses images de son passé à l’écho si particulier étant donné la situation présente, Alyria laissa son regard vert faire le tour de la pièce où elle se trouvait. Un poids terrible se trouvait sur ses épaules, et elle arrêta de justesse le soupir de lassitude qui manqua franchir ses lèvres. Finalement, elle braqua son regard d’ordinaire si expressif sur son vis-à-vis, prit une profonde inspiration, et finit par dire :

« Lord Janos était au Sénat depuis presque dix ans. Son influence délétère a pu s’étendre largement en dehors de la sphère de la délégation d’Aargau seule. La viser seule sera contre-productif, et stigmatisant, tout en risquant d’augmenter les tensions sur cette planète, à un moment où nous n’en avons pas besoin.

Les proches de Darth Deinos seront interrogés, une enquête sera menée. Mais pas par l’Ordre, ni par les Services Secrets. En vérité, Alan Bresancion, le Vice-Chancelier, a demandé la création d’un corps composé de jedis et de soldats républicains entraînés pour protéger les instances républicaines de ce genre d’intrusion, et d’enquêter sur d’éventuels soupçons en lien avec ce type d’affaires. J’y ai répondu favorablement. Ce sera la Garde Licteur.

La Rotonde collaborera plus facilement en ayant affaire à un corps qu’elle a l’illusion de contrôler au moins partiellement, afin d’éviter des accusations d’ingérence qui ne tarderont guère dans le cas contraire. J’en informerais évidemment le Conseil lors de la réunion, et leur donnerait la supervision des jedis envoyés pour fournir ses rangs, si évidemment ce dernier en accepte le principe, ce que je souhaite vivement. »


Elle s’arrêta pour reprendre son souffle, et abandonnant alors la rigidité du chef de l’Etat annonçant sa décision à un allié, elle ajouta avec plus de familiarité dans la voix :

« Je pense sincèrement que c’est la meilleure solution, et aussi l’espérance qu’à terme, les institutions de la République puissent plus … sécurisées. »

Un léger sourire en coin apparut à la commissure de ses lèvres, tandis qu’elle concluait :

« Evidemment, si quelques Ombres s’y retrouvent intégrés officieusement… Qui serais-je pour m’y opposer ? »

Alyria savait que Gabriel comprendrait son sous-entendu. Elle pouvait être jedi, elle n’en demeurait pas moins pragmatique. Et sur ce point précis, peut-être un brin machiavélique. Etait-ce cela, rentrer dans son rôle ? Peut-être. Quelque part, elle ne voulait pas réellement connaître la réponse à cette question rhétorique lourde de sens.
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La Garde Licteur ? Un corps constitué de Jedi et de non-utilisateurs de la Force ? Gabriel était pris de court quant à cette nouvelle, qui semblait en l'état proche de l'idée qu'il avait lui-même. Si sa proposition amenait deux enquêtes qui pourraient par la suite être recoupée, Alyria et sa nouvelle clique d'assistants à la Chancellerie proposée en soi un corps unie, et une seule enquête.

-"Cela semble une bonne chose, en effet..."

A ce moment précis, alors que les mots sortaient presque machinalement de sa bouche, le Maitre ne se rendit pas réellement compte de ceux-ci. La réponse, pour qui connaissait très bien le Corellien, était pourtant vague, et non représentative de son accord. Ce n'était définitivement pas la réponse qu'il aurait donné à une amie, mais bien celle destinée au Chancelier de la République ou à un autre dirigeant.

« Evidemment, si quelques Ombres s’y retrouvent intégrés officieusement… Qui serais-je pour m’y opposer ? »

Un léger rictus apparut sur le coin d'une lèvre de Gabriel. Évidemment. Mais qui était le Conseil également pour s'y opposer ? Les Ombres étaient par vocation inexistante et pourtant définitivement présente. Il n'y avait pas encore longtemps qu'une Ombre était elle-même dans le Sénat, sous couverture, infiltrant le cabinet d'une autre Sénatrice. Se levant pourtant, et s'approchant de la fenêtre, Gabriel déclara :

-"Je ne vois pas de quoi tu parles."

Il ne laisserait pas planer la possibilité de savoir que les Ombres existaient. C'était un choix personnel, car bien des gens même du commun se doutait de leur existence, mais celle-ci avait besoin d'être protégée. Et connaitre le nom, le mentionner, c'était retirer l'une de ses protections.

Avisant l'heure qui avançait, Gabriel dit de nouveau face à Alyria, déclamant l'évidence :

-"L'heure est contre nous. Chancelière, je crois qu'il est temps d'assister à cette séance du Conseil que vous avez demandée."
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C’est tout ? Une bonne chose, seulement ? Après lui avoir fait tout un bal sur la mine grave et l’aspect indispensable d’une enquête, voilà tout ce qu’elle récoltait ? Le manque d’enthousiasme flagrant lui arracha un haussement de sourcils interrogateurs. C’était déconcertant, et assez décourageant aussi, alors que la proposition permettait de répondre en tout point aux demandes de Gabriel, en offrant un couvert officiel à une éventuelle enquête ainsi qu’une possibilité pour les jedis d’enquêter plus avant dans les murs du Sénat.

Etait-ce parce que cet organisme serait une collaboration entre République et jedis, mise en œuvre par la Chancellerie que la réponse était aussi tiède ? Peut-être. Ainsi donc, l’Ordre jedi, pour toute son indépendance, préférait être le seul tributaire d’une enquête chez un allié plutôt que s’engager dans une coopération soutenue… Alyria espérait qu’elle se trompait dans son analyse, que cette prudence n’était due qu’à une volonté d’un membre du Conseil de ne pas engager l’ensemble de l’organe dirigeant de l’Ordre sur sa seule impression. Mais elle ne pouvait s’empêcher d’y voir le spectre d’autre chose, qu’elle sentait de toute façon depuis le début de cette conversation : contrairement aux affirmations du corellien, elle n’avait strictement rien d’informel, d’une simple discussion entre amis aux poids décisionnels changés.

C’était une entrevue professionnelle, diplomatique, et c’était tout, malgré les apparences de chaleur. Parce que sous ces dernières, il y avait comme un fossé de non-dits entre les deux jedis, qui se perdaient finalement dans ce qu’ils représentaient désormais, et non dans ce qu’ils étaient réellement.

Une nouvelle fois, le poids de sa charge la submergea. Et quand Gabriel fit mine de ne pas savoir de quoi elle parlait, sans même commenter l’idée, l’expression de son visage se durcit imperceptiblement. Pour la première fois, son regard vert reprit sa froideur ordinaire en sa présence, et elle le jaugea comme elle l’aurait fait pour n’importe quel politicien amené à paraître en sa présence : sans aucune familiarité, mais avec une lueur qui ne lui était guère habituelle dans le regard, celle de l’ironie.

Il n’était plus temps de jouer aux imbéciles, à garder de vieux dogmes ridicules par peur de prononcer un nom tabou. La République était au bord du gouffre, l’Ordre jedi venait d’être ridiculisé devant la galaxie entière en se montrant aveugle à la présence d’un sith en plein cœur de Coruscant, qui avait étendu les filins de sa toile délétère au nez et à la barbe de tous, et ils en étaient à faire semblant, encore et toujours ? Assez de ces futilités. Elle n’avait pas le temps pour ces dernières, et elle en était las. Si voir un sénateur parler sans ambages était un espoir chimérique, elle avait néanmoins espéré que ses confrères sénateurs lui apporteraient la franchise dont elle avait besoin. Apparemment, la maîtresse d’armes s’était lourdement trompée.

Mais surtout, le plus risible était très clairement le fait de prétendre ignorer le rôle des Ombres, de refuser d’en parler à quelqu’un qui avait eu l’un d’entre eux comme maître. Passe encore qu’on préserve les padawans les plus jeunes, même si Alyria considérait que c’était là une erreur grossière, une culture du secret dommageable à l’Ordre et qui induisait soupçons et rancœurs chez les apprentis. Sauf qu’elle était un maître, qu’elle avait été formée par un de ces jedis aux missions mystérieuses, et que Gabriel le savait parfaitement.

Elle avait deux choix : pointer cette fausseté, ou laisser couler et se concentrer sur la suite. Son caractère franc lui dictait la première option. Par dépit et lassitude, elle choisit la seconde. Sa journée avait été suffisamment harassante comme cela, pas question d’en venir à une tournure de conversation qui n’amènerait que des ennuis, et de la défiance. Elle était lâche au fond, à cet instant, et aussi hypocrite que son vis-à-vis, car consciente que se mettre en porte à faux d’un des membres du Conseil alors qu’elle s’apprêtait à convoquer les maîtres de l’Ordre dans leur ensemble était une erreur stratégique.

Alors ses lèvres s’étirèrent en un sourire douloureux, et elle souffla d’une voix morne, sans aucune intonation, si éloignée de sa coloration normale:

« Soit. Comme vous voulez… »

Elle s’arrêta, et l’émeraude rencontre l’émeraude, mais pas comme deux pupilles sœurs. Non, elles se jaugèrent comme deux pierres étrangères.

« … Maître Fyelen. »

Alyria était seule. Seule au milieu d’une foule de méfiance et de prudence excessive. Etait-ce donc cela, la solitude du pouvoir ? La sensation de n’être qu’un point balloté au gré du courant des destinées contraires, à se battre pour avancer pendant que les autres, insensibles, voguaient en sens inverse ?

C’était en tout cas son sentiment, et ce dernier ne manquerait pas de se renforcer avec le temps.
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