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Les ors de la République avaient cet aspect à la fois fascinant et grandiloquent, le mélange parfait d’un vernis de sagesse millénaire qui cachait mal le stupre de la corruption. Le régime s’était oublié, caché derrière ses grands principes qui n’étaient plus que des mots couchés sur du papier poussiéreux et soudain, le vent du changement, de la folie, avait ébranlé tout l’édifice.

Pourtant, alors qu’Alyria traversait à grands pas les nombreux couloirs, essayant d’échapper au mieux à la meute habituelle des journalistes et sénateurs ayant désormais la fâcheuse manie de la suivre à la trace pour espérer lui tirer un commentaire sur tel ou tel fait divers accaparant pour un temps l’espace publique, force était de reconnaître que les majestueux palais républicains continuaient d’exercer leur pouvoir d’attraction sur la galaxie entière. En un sens, ils étaient un reflet de marbre de l’Etat qu’ils étaient censés représentés : un grand corps mal et resplendissant.

Sitôt la tempête passée, le Sénat s’était repeuplé, les langues s’étaient à nouveau déliées, bref, atteinte mais encore debout, la République reprenait le cours de son existence au temps long. Pour autant, la Chancelière savait pertinemment que ce calme trompeur n’était que le ressac avant la nouvelle déferlante. Les conséquences des divers événements des derniers jours se feraient sentir pendant de nombreux mois, et il était urgent de s’en occuper rapidement, ainsi que d’amorcer une transition politique qu’elle appelait de ses vœux.

De fait, à peine remise sur pied, la trentenaire avait décidé de convoquer l’ensemble des ministres, anciens et nouveaux venus, à un conseil extraordinaire afin d’évoquer la conduite des affaires de l’Etat et de débattre au sein du gouvernement des échéances de politique intérieure et extérieure. Là encore, il y avait urgence. Cette réunion avait été rendue possible par un concours de circonstances : pour la première fois depuis son accession à la direction de la République, l’ensemble des ministres du gouvernement étaient présents sur Coruscant, et une date avait été trouvée convenant à tous leurs agendas surchargés. En effet, l’autonomie dont jouissaient les membres de l’organe exécutif faisait que généralement, tous vaquaient à leurs occupations et en rendaient compte à la Chancellerie sans forcément passer par une réunion plénière, et ce particulièrement en cas de crise. Mais maintenant que les premières phases de celle-ci étaient jugulées, la maîtresse d’armes estimait qu’il était de bon ton d’organiser une conférence avec tous ceux composant son gouvernement. Il faudrait prendre des décisions, et elle ne le ferait pas seule.

Evidemment, le ballet des ministres n’avait pas échappé aux commentateurs, mais contrairement à son prédécesseur, l’actuelle occupante du bureau le plus sécurisé de la République n’avait aucun goût pour les mises en scène théâtrale, les entrées fracassantes et la meute journalistique. Pas question donc de reproduire l’ensemble pompeux auquel elle avait assisté lors de son premier Conseil des Ministres, à l’époque en tant que chargée de la Défense. Une fois arrivée dans l’antichambre où attendaient l’ensemble des ministres, elle ferma la porte sans cérémonie, les salua tous un par un, serrant les mains, adressant un mot aimable à chacun, puis les convia à entrer dans la salle attenante et à prendre place autour de l’imposante table qui servait d’appui à tout ce rituel républicain. Elle-même s’assit tranquillement à la présidence de l’Assemblée, offrant évidemment la place d’honneur à son Vice-Chancelier, Alyria ayant demandé expressément à enlever la chaise à sa droite pour permettre au fauteuil du médecin amputé de s’installer sans problème.

Une fois tout le monde en place, la jedi balaya de son regard vert l’assemblée devant elle, se demandant un bref instant ce qu’ils pouvaient bien tous penser de cette Chancelière bien jeune et qui paraissait pourtant plus âgée que ce que son acte de naissance laissait supposer, avec ses gants immaculés qui laissaient entrevoir l’éclat du métal sur son poignet gauche et son long vêtement masquant ses bras brûlés encore bandés par endroits. Impossible de le savoir réellement, mais qu’importait finalement. Ils n’auraient pas besoin de s’apprécier pour travailler conjointement, seulement de se respecter.

Un geste de main discret indiqua à tous que la Chancelière désirait s’exprimer, et le silence se fit. Inspirant profondément, Alyria pria secrètement la Force de lui donner l’inspiration nécessaire pour mener sa mission à bien, puis prit la parole :

« Mesdames, Messieurs les Ministres,

Sachez tout d’abord que je me réjouis de vous voir tous réunis autour de cette table, après les moments difficiles que nous avons tous traversés cette dernière semaine. Ce Conseil extraordinaire a été rendu possible malgré les obligations nombreuses de chacun, et je remercie l’ensemble du gouvernement de s’être rendu disponible pour cette échéance.

Il y a quelques jours, j’ai renouvelé ma confiance au sénateur Bresancion pour continuer à assurer la direction de ce gouvernement en le reconduisant au poste de Vice-Chancelier, et en nommant avec son accord chacun d’entre vous à la fonction qu’il occupe actuellement. Le but de ce gouvernement est d’assurer la transition vers un exécutif élu et de rétablir des bases saines pour notre vie politique, afin de permettre à la République de se remettre de la crise initiée par feu Darth Deinos, mais également de juguler les conséquences de cette dernière, et évidemment de s’occuper de la conduite des affaires intérieures et extérieures.

Pour ce faire, en plus des ministres déjà en place, Messieurs Seldon et Kagan ont fait leur entrée dans ce gouvernement à la Sécurité Intérieure et à l’Industrie, Madame Golmarr prenant l’Economie. Je suis persuadée que ces changements sont pour le mieux et offriront plus de lisibilité et d’efficacité à notre action. »


L’introduction était faite, les nouveaux arrivants dans l’arène présentés, la situation exposée d’emblée. Il fallait donc maintenant entrer dans le vif du sujet.

« Comme vous le savez tous, l’intervention rapide et préparée minutieusement par le Ministre Fenter notamment a permis d’écraser les partisans séditieux de Lord Janos sur Aargau, avec des pertes minimes dans notre camp, ainsi que la récolte de données corroborant les affirmations de ce dernier au sujet de ses liens avec l’Empire sith. Lors des négociations menées par Grendo S’orn et moi-même dans la capitale d’Aargau afin de diminuer autant que faire se peut l’impact négatif du blocus sur l’économie républicaine, une partie des complices des siths ont également été arrêtés, l’un d’entre eux ayant préféré se suicider en tentant d’assassiner les représentants républicains, ma personne y compris.

Je crois que le Vice-Chancelier a pu recueillir certains informations sur les plans de Darth Deinos en consultant les auditions de ce dernier, mais je pense qu’il vous expliquera cela mieux que moi. Dans le même temps, le Ministre Vorkosigan, envoyé sur Kashyyk pour sécuriser l’alliance entre ce monde et la République a dû faire face à une tentative d’invasion des forces siths arrêtées de justesse grâce à sa coordination efficace des combattants wookies. J’espère que le Ministre nous renseignera sur les travaux de reconstruction engagés sur Kashyyk et les différents projets entamés avec la participation du sénateur Rworraca. Cependant, c’est une autre victoire pour la République qu’il convient de célébrer, et de faire fructifier, mais il prouve que le modèle institutionnel en place continue d’attirer, malgré la menace de l’Empire.

Evidemment, ces faits, s’ils nous réjouissent, ne peuvent pas éclipser le triste sort de Dubrillion, et si les demandes du sénateur de Dantooine ont été entendues et les réfugiés déplacés aussi rapidement vers un teritoire pouvant les accueillir, en l’occurrence Naboo, il n’en reste pas moins que cette nouvelle attaque compromet un peu plus les espoirs de paix et de stabilité de la Bordure, et il me semble difficile de ne pas être sensibles à la détresse de ses peuples dont la neutralité n’a visiblement aucune valeur pour un Ordre sith vorace et avide de conquêtes. Je laisse là encore le Vice-Chancelier s’exprimer s’il le souhaite pour apporter des précisions quant au sort des réfugiés de Dubrillion. En tout cas, le roi Arak II a fait savoir que sa famille honorerait la dette contractée auprès des mercenaires engagés pour leur venir en aide et qu’il s’engageait, en remerciement des actes du Maître Berryl Pendragon, à dédommager les jedis pour leur venue. Quant à la LMP, étant donné que ses troupes étaient réquisitionnées par la République, il me semble normal de la dédommager à la hauteur du montant que fixeront les experts républicains, si cela vous convient à tous.

Pour le reste, je compte sur les Ministres du Travail et de la Sécurité Intérieure pour nous détailler les progrès et éventuels difficultés que poseraient l’application des lois votées dernièrement à l’initiative du gouvernement les concernant directement, à savoir le Pacte Social et la Loi Patriote, afin de recueillir leurs impressions et suggestions pour améliorer l’efficacité de ces mesures, et sur l’ensemble des présents pour faire part de leurs projets et commentaires sur la situation de la République et de leurs ministères.»

Le plan d’un premier tour de table venait d’être esquissé, il ne restait plus qu’à évoquer les affaires la concernant directement.

« Une émissaire de Darth Ynnitach a demandé à organiser une entrevue entre des représentants républicains et impériaux. Le lieu convenu est pour le moment la station Flydon Maxima, qui a été rénovée en grande partie depuis les événements d’il y a deux ans. Cependant, si les noms des envoyés siths ont été transmis –trois seigneurs des noms de Darth Calliope, Senjak et Valeras-, le contenu desdites négociations semble particulièrement flou. Je crains une énième opération destinée à mettre de la poudre aux yeux de la République en faisant miroiter un vague espoir de paix qui n’a cessé d’être mis à mal depuis la signature du Traité d’Artorias.

Pour autant, il me semble normal de demander des explications quant à l’installation d’une base militaire sur notre sol, aussi il faudra désigner à l’issue de ce Conseil les émissaires républicains qui se chargeront de représenter le gouvernement et le Sénat à cette rencontre. »


A voir qui se proposerait pour cette tâche au combien périlleuse…

« Je crains de n’avoir que trop parlé. Messieurs, Mesdames les Ministres, je vous laisse la parole. »
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Les huit ou dix derniers mois furent probablement les plus éreintant qu'ai jamais eu à vivre Leto Vorkosigan. Ces neuf dernières années, le Maitre Jedi avait toujours mené sa vie discrètement, en grande partie en raison de la perte de confiance de ses confrères suite à son triste échec avec Calef Arkness. Se reclusant au Temple Jedi pour y méditer et tenter d'apprendre de ses erreurs, il avait changé sa façon de paraître et d'agir vis à vis des autres. N'en disant pas plus qu'il ne fallait, n’émettant aucun avis ni aucune critique, ceux qui le connaissait bien savait que pendant ces années de trouble et de doute, Leto luttait contre sa nature profonde. Car c'était un homme de valeur, avec des convictions si puissantes qu'elles guidaient sans mal son existence et façonnaient ses choix. Et se murer dans le silence où jamais il ne faisait valoir ses principes était contraire au Leto Vorkosigan qui avait sut être si solide et si imperturbable auparavant. Bras armé de l'Ordre Jedi, support indéfectible de la République, inexpugnable sujet de la Force. Aujourd'hui Ministre respecté et une des figures de prou du gouvernement républicain, ayant regagné la confiance de ses pairs et s'étant fait des alliés aux quatre coins de la galaxie, Leto était redevenu l'homme que les Jedi de sa génération et d'un autre temps avait tant admirés. Courageux, volontaire et pugnace, qui n'hésite pas à s'opposer à l'adversité, armé de son sabre-laser ou de son don de la parole à faire pâlir un marchand d'épice Toydarien. Et tanpi pour ceux qui préférait de lui sa discrétion de ses longues années de réclusion au Temple Jedi, tanpi pour ceux qui aurait apprécié qu'il garde ses doutes et sa culpabilité pour réprimer ses convictions, tanpi pour ceux qui se sentait inexorablement écrasé par sa présence. Leto le savait, il ne servait pas les égos des un et des autres, il n'avait que faire du petit confort de ceux qui s'opposait à lui. Il luttait pour la paix, l'équilibre et l'ordre dans la République et pour le peuple, rien de plus.

Il n'empêche que ces huit ou dix derniers mois furent probablement les plus éreintant qu'ai jamais eu à vivre Leto Vorkosigan. C'était prêt d'une semaine après avoir quitté la planète Kashyyyk, où les troupes républicaines s'étaient organisés pour fournir aide logistique, médicale et militaire au peuple Wookie sous l'impulsion du Jedi. La situation aurait put être euphorique pour un négociateur de son rang si seulement la réalité ne l'avait pas rattrapé si vite. Car il avait fait des promesses aux Wookies, des promesses qu'il tenait plus que tout à tenir et dont les obligations s'étaient déjà présenté à lui. Des actions étaient en train d'être montées, des plans échafaudés, des opérations minutieusement préparées, des collaborations multiples interministérielles et des accords passés entre bon nombre d'opérateur de tout rang et de tout rôle au sein de l’exécutif républicain pour mener les projets de Vorkosigan jusqu'au bout. Une véritable petit machine s'était ébranlée sous ses ordres. Une machine impressionnante que le Jedi ne permettrait en aucun cas d'être freinée par des considérations politiques artificieuses ou des combines malhonnêtes. Rien ni personne, et surtout pas le système bancal et la corruption ne pourrait faire s'arrêter le poing de la justice que son garant le plus implacable avait lancé pour faire son devoir. Et il comptait bien exposer cela au conseil des ministres auquel il était convié ce jour.

Leto fut discret, un des premiers arrivé, il avait terminé de dispenser un cour d'histoire et de géo-politique à Kalen par holocommunication avant de pénétrer dans le bureau de la chancellerie. Ayant souhaité la bienvenue aux nouveaux Ministres qu'ils savaient pertinemment bien plus dignes de confiance que ceux qu'il avait déjà vu défiler dans ce bureau au même poste, il finit par s'installer. Alyria Von prit la parole, et lorsque cette dernière lui eu lancé un regard entendu, le Falleen décroisa ses mains qu'il tenait devant son menton d'un air réfléchi pour à son tour se faire entendre.

- « Votre Excellence, chers collègues, merci. Débutât-il. Comme l'a évoqué madame la Chancelière, les efforts de soutien sur Kashyyyk ont quasiment atteint leur apogée, le temps d'organiser et de peaufiner un plan d'action un peu plus efficace et nous seront en mesure de déployer de grands moyens pour aider Kashyyyk à affronter l'avenir. Avec la participation des Ministère de la Défense, des Affaires Sociales et de la Sécurité Intérieure, j'ai bon espoir que Kashyyyk puisse se relever très vite de l'assaut subit.

- Des accords ont déjà été conclus, quatre avant-poste de l'armée républicaine seront installés durablement sur Kashyyyk d'ici la fin du mois de Nelona. Confirma rapidement le Ministre Fenter avant de hocher la tête en direction de Leto.

- Madame Zari s'occupera des accords commerciaux avec les Wookies et de la redéfinition de la voix spatiale commerciale de Trellen qui est désormais sous contrôle républicain. Les Wookies ont déjà fait savoir qu'ils étaient favorables à l'échange de matières premières comme le bois de luxe de Kashyyyk si des quotas intéressants étaient respectés. Zari et Vorkosigan échangèrent un geste de la tête, cette dernière ayant parfaitement comprit de quoi il en retournait. En ce qui concerne ma juridiction, un gros travail a là aussi déjà été amorcé. C'était un des termes de la négociation avec le peuple Wookie et dés mon entré en fonction à ce ministère, j'ai mis en place plusieurs opérations qui aujourd'hui portent leurs fruits. Ont déjà été mis en examen six membres du conseil exécutif de la Corporation Czerka ainsi que dix sept cadres et dirigeants de cette même société pour corruption, exploitation abusive, esclavagisme, fraudes de diverses natures et … un tas d'autre crimes et délits. Souffla le Falleen, presque las de devoir énumérer une liste de méfait longue comme la tentacule d'un Sarlacc en évoquant les membres dirigeant de la Czerka. L'enquête menée sur ces individus nous ont fait basculer sur d'autres suspects appartenant à des guildes de chasses Trandoshan. Ma marge de manœuvre est ici un peu moins confortable mais je peux déjà garantir que nous obtiendront des résultats satisfaisants. En ayant contempler tour à tour les Ministres concernés et présent autour de cette table, Leto conclut par une tirade lourde de sens. Sans vouloir manquer de respect à mes prédécesseurs, j'estime que la République est en mesure de changer les choses, elle ne doit plus rester figée dans ce laxisme permanent et une bonne fois pour toute rendre la justice là où cela est nécessaire. Il inspira, laissant le temps à son auditoire d'absorber toutes les informations distillées avant de conclure. Par ailleurs, le fils d'un des chefs de clans Wookie, Fulgore, est lié à moi par une dette de vie, une coutume locale. Je lui ai proposé de souscrire au programme officiel de formation d'agent républicain, ainsi, il pourra m'accompagner lors de mes diverses missions de façon officielle et servir la République de la meilleures des façons.


Emalia Kira
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- Non, non, non et non ! Je vous ai toujours dit d’attendre le visa du chef du service presse avant de faire des déclarations officielles enfin !

Une chose était certaine : être une reine lui avait appris à se faire obéir. Ou du moins, à se mettre en colère quand l’un de ses subordonnés essayait de jouer des coudes pour se faire remarquer par la Chancellerie. S’il pensait qu’Alyria Von en avait grand-chose à faire, de son discours passionné sur la taxe des 78 heures de travail sur Chandrila, quand l’Empire venait d’essayer de faire sauter le Noyau !

- Monsieur Shapir, vous me ferez le plaisir de ne plus vous mêler de presse pendant les semaines à venir. Je veux que vous travailliez un peu plus sur les dossiers en cours et un peu moins sur votre image de marque. Est-ce que c’est clair ? Sinon, je m’arrange pour vous faire muter à ce poste d’ambassadeur que vous convoitez tant. Vous savez, le secteur d’Anoat.

L’humain à la haute stature arbora un masque contrit et fier avant de tourner les talons et de sortir bruyamment du bureau d’Emalia. Elle soupira quand il eut disparu et laissa tomber sa pile de papier devant elle. Il était déjà difficile de se coltiner un ministère où populations comme sénateurs avaient toujours des revendications et des critiques, alors si en plus elle devait gérer une équipe aux egos surdimensionnés… Mais c’était le lot de tout politicien, elle le savait bien. Et puis, certains n’aimaient pas trop se voir donner des ordres par une plus jeune qu’elle, une femme, une humaine… et une reine. On lui entendait tour à tour des « elle n’est là que parce qu’elle est noble » et du « on lui a fait une faveur, à son âge ! » Vexée par si peu de reconnaissance envers ses compétences, Emalia redoublait néanmoins d’efforts. Penser à Jake et aux enfants lui faisait tenir le coup. Et puis, elle était soutenue par la Chancelière avec qui elle entretenait des relations certes cordiales mais non dénuées de respect et d’intérêt. Alyria avait une tare de plus qu’elle : en plus d’être une jeune femme, elle était une Jedi. Emalia y voyait là un obstacle supplémentaire à surmonter vis à vis des sénateurs qui, conservateurs, décriaient souvent la place de l’Ordre dans la Rotonde. Elle en avait fait partie, pour être honnête. Les Jedi ne lui avaient jamais rien apporté de bon.
Mais la Chancelière, c’était différent. Elle avait acquis son respect lors de leur rencontre sur Ondéron, lorsqu’il avait fallu rencontrer la prisonnière qui avait tenté le kidnapping de Milésya. La Jedi avait eu le bon sens de se passer de provocations et de sermons, ce qu’Emalia avait apprécié à sa juste valeur.

Peu de temps après, elle devenait ministre. Elle savait devoir lui en être quelque peu reconnaissante : jamais membre éminent du gouvernement ne lui avait fait une telle faveur. Elle avait honoré cette nomination en se jetant corps et âme dans son nouveau travail. Après des mois de tribulations pas toujours efficaces, elle avait finalement réussi à acquérir un rythme et une certaine confiance en elle. Elle connaissait par cœur les problématiques de travail dissimulé, de l’esclavage qu’il n’était pas si simple d’éradiquer, des contrats sociaux aux législations incompatibles d’un monde à l’autre…

Emalia poussa la pile de papier devant elle. Elle n’avait pas le temps de s’y plonger, le Conseil des Ministres débuterait d’ici quelques minutes. Elle prit une inspiration, vérifia son reflet dans la baie vitrée en se levant et vida les lieux sans réfléchir davantage.


-------Le bureau de la Chancelière n’était pas spécialement coquet. Il était grand, certes, mais plutôt dénudé. Rien ne distrayait les ministres. Cela tranchait certainement avec l’opulence qu’avaient connu les Chanceliers des mandats précédents, où les Sith et la guerre n’étaient encore que des rumeurs incertaines. Placée entre monsieur Seldon et madame Golmarr, fraîchement nommés, Emalia resta silencieuse après avoir salué ses confrères et ses consœurs. Elle ne s’était pas fait beaucoup d’amis parmi eux. Pour être honnête, elle avait peu eu le temps de socialiser, de toute manière. Elle tourna son regard noir vers la Chancelière qui prenait la parole, attentive.

Alyria Von présentait les nouveaux membres du gouvernement, et évoqua la conservation à ses côtés du premier ministre, le dénommé Bresancion. Ils formaient tous deux un bien drôle de duo. La Chancelière était toute militaire, et son apparence aujourd’hui rappelait une fois encore qu’elle était une femme sobre, d’action, déterminée. Rien ne semblait pouvoir la détourner de ses objectifs, à tel point qu’Emalia se demandait si les Jedi étaient véritablement humains. Quant à son acolyte, il était son anti-thèse : détendu, le sourire facile malgré son handicap… Et surtout, il avait le discours aussi passionné que le Chancelière s’exprimait avec froideur et sobriété. Un duo complémentaire, en quelque sorte, mais qui ne cessait de la surprendre. L’ennui, avec les surprises, c’était qu’il était difficile d’établir ses plans tranquillement.

La crise d’Aargau puis de Dubrillion fut bientôt rapidement évoquée. Emalia continua de garder le silence, son ministère subissant les conséquences de tout ceci mais ne pouvant peu agir en amont. Elle se sentait tout de même concernée, bien sûr, mais elle savait que ses axes de travail ne représentaient pas tout à fait une priorité. Pourtant, les affaires sociales s’étaient terriblement dégradées avec les évènements. Ce ne serait qu’au prix d’un labeur long et difficile que les ruptures causées se résorberaient.

A la suite, le Jedi Vorkosigan prit la parole. Elle pouvait observer le Falleen avec détail pendant qu’il parlait, puisqu’il était juste en face d’elle autour de cette table. Il s’exprimait avec un calme et une sérénité similaire que celle d’Alyria. Etrangement, pourtant, il ne parla pas de la question soulevée par la Chancelière, à savoir la rencontre avec les émissaires de l’Empire, mais évoqua seulement ses faits d’armes sur Kashyyyk. Emalia trouva les apports plutôt égocentriques : il y avait les Sith qui toquaient à la porte, et celui-là se targuait d’avoir trouvé un copain Wookie ? Ah, ces Jedi… Avec eux, le Conseil des ministres ressemblait plus à un Conseil militaire montrant les faits d’armes de chacun. Mais peut-être était-ce ce dont la République avait besoin ?

Etrangement, les déclarations du Jedi furent suivies d’un long silence, où chacun se consultait du regard. Qui allait parler ? Et surtout, qui allait parler de ce qui comptait, à savoir la rencontre avec l’Empire ? Mais personne ne prit la parole. Si le Jedi n’y allait pas, que le ministère de la Défense ne disait rien, alors qui irait rencontrer les ennemis ?

Pas elle, tout de même ! Qu’est-ce que le travail et les affaires sociales avaient à voir avec la guerre ? Oui, bon, il fallait admettre, il y avait bien le problème des réfugiés, des échanges commerciaux interrompus, des contrôles sur les employés qui s’étaient accrus, de la fragilisation des populations les plus démunies, de… Ok, il y avait quelques rapports. Mais tout de même, pourquoi pas la Sécurité Intérieure, ou encore… Et bien, qui donc ?

En même temps, une mission diplomatique de cette envergure… La réussir, ce serait clouer le bec de tous ces rustres qui déniaient ses compétences.

Emalia s’éclaircit la gorge avant de se tourner vers la Chancelière.

- Si je peux me permettre, du point de vue de mon ministère…
fit-elle pour demander la parole. Ce qui est arrivé sur Dubrillion a provoqué un désastre sanitaire d’envergure. Ponctuel, nous avons bien sûr pu nous en occuper relativement efficacement. Mais ne nous y trompons pas : nous ne serons pas en mesure d’essuyer d’autres évènements de ce genre. Les sénateurs n’accepteront pas indéfiniment de prendre de tels risques et de supporter la charge supplémentaire de populations chassées par l’Empire.

Ce qu’elle voulait dire aussi, c’était que pendant que l’on attendait, l’Empire se fortifiait grâce à l’acquisition de nouveaux mondes. Ils devenaient plus forts. Mais ça, ce n’était pas de son ressort. C’était à la défense de constituer ce genre d’analyse, aussi laissait-elle cette question au principal concerné.
Emalia fit un tour de table de son regard perçant, faisant face à ses propres peurs en y percevant parfois une indulgence complaisante, parfois une méfiance non dissimulée.

- Je sais que vous pensez tous que je ne suis pas la mieux placée pour accomplir ce genre de mission, ajouta-t-elle de sa voix cristalline. Néanmoins, je me propose pour aller rencontrer, avec un dispositif de sécurité adéquat, les émissaires de l’Empire. La raison en est que ceux-ci doivent comprendre que si nous leur accordons une discussion, c’est aussi en fonction de nos intérêts. Et d’intérêts tout à fait républicains, qu’ils se devront de respecter, à savoir la dignité et la sécurité de nos populations. L’Empire doit comprendre qu’il ne s’agit pas seulement d’une rivalité de territoires, que nous ne sommes pas là pour partager avec eux le gâteau galactique, mais qu’il s’agit bel et bien d’une république chargée de valeurs sur lesquelles nous ne transigerons pas. Du moins l’est-elle pour moi.

Elle avait ajouté cette dernière réplique à voix plus basse, comme une conclusion mettant au défi ceux qui, au contraire d’elle, souhaitait négocier avec l’Empire simplement pour qu’ils fichent la paix à la République le temps du mandat actuel.

D’un regard, Emalia s’en remit à la Chancelière. Après tout, c’était elle qui déciderait de la validité de sa candidature.
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