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« L'amitié est la similitude des âmes. »
de Alcuin

"Tu n'es pas qu'un Corellien, Gabriel. Ta mère t'a laissé un héritage que tu ne dois pas délaissé. Tu t'en rappelles ?"

Cela faisait quelques jours déjà que Shanti lui avait prononcé ces paroles, et pourtant, Gabriel avait encore du mal. Du mal à se faire à sa nouvelle condition de Maitre du Conseil. Il était l'un des douze sur lesquels reposaient le sort de beaucoup. De sa voix, il pouvait faire pencher la balance d'un coté ou d'un autre sur plusieurs questions. Et même si l'on peut s’accommoder d'un tel poids, faire avec, il n'en demeure pas moins que la responsabilité est énorme.

Et il n'y avait rien à dire, la méditation ne suffisait pas. C'en était même bien loin. Car aussitôt que vous ouvrez votre esprit à un monde si agité que la Galaxie actuelle, vous ne pouvez qu'entrevoir difficilement l'avenir avec certitude. Vous n'approchez le calme qu'au prix de rigoureux efforts. Gabriel en était capable, mais son esprit était au final trop occupé pour y parvenir réellement.

Tel chevalier sur telle planète, une décision à prendre ; tel Maitre demandait la permission de former tel padawan, et une étude sérieuse devait s'en suivre ; tel cas devenait trop courant dans l'Ordre, et il fallait statuer sur le point... C'était... éprouvant. Et si Gabriel se donnait à fond, il n'entendait pas oublier la formation de sa Padawan, la jeune Faren. Jeune Faren qu'il avait tout de même, sous les conseils d'autres Maitres du Conseil, laissé endosser une mission d'arbitrage en solitaire. Pourtant, son esprit et une partie de son datapad suivait la mission de prêt, et la jeune Miraluka savait qu'à n'importe quel moment (même en plein milieu d'une séance au Conseil), elle pourrait joindre son Mentor pour un quelconque conseil.

Et puis, à force d'avoir trop de pensées, trop de sujets présent dans votre esprit, c'est le black-out. Et pour le Corellien, ce ressenti se traduisait par une incapacité à fermer l'oeil. Son esprit restait indéfectiblement actif, et cela quoi qu'il fasse.

La main du Jedi glissa, et la porte face à lui s'ouvrit alors. A cette heure-ci, personne n'était présent dans les salles d'entrainements, ce qui faisait de l'endroit le parfait lieu, au moment le plus propice pour se concentrer. La lune, elle, brillait encore bien dans le ciel d'Ondéron. Avait-il raison de sacrifier le peut-être sommeil qu'il aurait pu avoir ? Probablement. En tout cas, cela valait la peine d'essayer, et d'encore suivre le conseil de son ancien mentor, même si le combat n'était clairement pas sa spécialité.

-"Veuillez décliner votre nom et la séquence d'entrainement choisie."

La voix robotique s'était fait entendre à l'activation de l'holoprojecteur dans la salle par le Maitre. Et alors que ce dernier enlevait les derniers pans de vetements qu'il avait sur le buste, pour être torse nu, il répondait dans le vide de la pièce :

-"Gabriel Fyelën, Maitre du Conseil. Entrainement Echani de type 4."

L'entrainement Echani était particulier. Il ne fallait pas être un Maitre du Conseil pour s'y prêter ou y avoir accès, mais être reconnu par la base de données du Temple comme un membre de la race. C'était dû au accord avec le peuple guerrier, une façon de sceller une alliance, et qui pouvait faciliter grandement la "prise de possession" d'un enfant de leur race. A ce que Gabriel avait compris, sa mère aurait même contribué à l'amélioration du programme, mais il n'avait jamais réellement cherché à valider ces dires. Tout ça pour dire que le type 4 correspondait à un combat à mains nues, face à 4 projections de guerriers Echani qui, même holographiques, restait de redoutable adversaire.

Le premier était toujours facile à battre, surtout une fois qu'on en avait un peu l'habitude. Mais le troisième et le quatrième, qui apparaissaient ensemble lorsque le deuxième était vaincu restaient de véritables plaies, enchainant des bottes et n'hésitant pas à vous poussez dans vos retranchements. Mais le résultat était tout de même là. Sans s'en rendre compte, au fil du combat, des coups et des parades, Gabriel vidait inconsciemment son esprit d'une manière beaucoup plus aisé qu'en méditant, à la différence que du point du vue endurance, cette manière était plus éprouvante.

Trois quart d'heure après son apparition, Gabriel plaqua tout de même le quatrième au sol, dans une clé de bras efficace. Et alors que l'hologramme disparaissait du tatami sur lequel il se trouvait, le souffle du Jedi était profondément court, rapide, témoin de l'effort qu'il venait de faire pour parvenir à bout de son adversaire. Fermant les yeux un instant, Gabriel inspira alors profondément, puis expira clairement, relâchant l’entièreté de ses muscles utiles à l'exercice auquel il venait de se prêter. Puis un sourire se dessina sur son visage, avant qu'il dise, les yeux toujours fermés :

-"Toujours plus long que toi, mais j'ai abandonné l'idée de défaire ton record."

Se retournant, il n'avait pas besoin que la silhouette sort de l'ombre pour savoir qui était présente à cette heure de la nuit. Sa signature dans la Force était définitivement bien connu du Corellien, si bien qu'il ne pourrait jamais passé à coté sans la sentir.

-"Comment vas-tu ?"
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« Je vous remercie pour ces soins, Maître, et désolée pour le dérangement. »

S’inclinant profondément devant le guérisseur qui venait de s’occuper d’elle jusqu’à une heure aussi tardive, Alyria le remercia doucement, consciente de la concentration et de l’énergie que l’homme avait dépensé pour tenter de soulager un peu les douleurs qui lui prenait parfois tout l’avant-bras, depuis sa fameuse amputation. D’après les nombreux traités qu’elle avait pu lire sur le sujet, la maîtresse d’armes avait compris que ce syndrome était assez fréquent chez les individus ayant perdu un membre. C’était en quelque sorte une souffrance psychique liée à l’amputation qui se transformait en maux physiques, prouvant ainsi l’impact évident du mental sur la santé des personnes.

De toute façon, entre sa main et la large cicatrice qu’elle avait récolté sur Artorias, sans compter les multiples blessures que la trentenaire avait reçu au cours de sa vie, Alyria avait toujours été une patiente, hélas trop assidue à son goût, du centre médical d’Ondéron. Seulement, il y avait une différence entre être soigné pour plaie reçue au champ d’honneur et devoir se rendre de manière quasi hebdomadaire au centre pour prendre soin d’un membre désormais disparu. En tout cas, c’était comme cela que la jeune femme le voyait.

Maudissant une fois de plus cette partie d’elle-même qui ne semblait pas cesser de vouloir la tourmenter malgré le temps passé, Alyria se rendit compte qu’elle avait marché sans s’en rendre compte jusqu’à ses quartiers. N’ayant pas de cours ni d’activité quelconque programmée, elle se décida à pénétrer à l’intérieur de sa chambrette, dont la décoration ne manquait pas d’indiquer de manière flagrante la personnalité de sa propriétaire.

La pièce était simple, conforme à la tradition jedi, mais l’agencement des meubles et les quelques menues ornementations dénotait un goût sûr et assez fin. Dans un coin, une commode qui contenait ses affaires, ainsi que quelques souvenirs de ses trente-trois d’existence, soigneusement remisés au fond d’un des tiroirs, témoins silencieux d’une existence passée à combattre et étudier, avec quelques rares moments personnels qu’Alyria préférait garder pour elle-même, dans un recoin de sa mémoire, sans parvenir totalement à se séparer de ce qu’il lui restait de ses parents… et d’une autre personne ayant marqué sa vie à laquelle elle ne voulait pas trop penser.

S’asseyant en tailleur sur son lit, Alyria tenta de se vider la tête, mais entre ses douleurs récurrentes et ses pensées qui s’égaraient sans cesse, l’exercice se révéla rapidement futile. Elle n’arrivait pas à se concentrer pour méditer, comme au temps de son noviciat au Temple. Décidément, cette journée commençait mal. Après plusieurs minutes d’acharnement supplémentaire, la flamboyante maître jedi finit par abandonner. Parfois, il ne servait à rien de s’escrimer sur quelque chose qui ne venait pas. Et se morfondre à propos de sa situation ne servait à rien. Après tout, avec tous les récents événements, que ce soit ce qui s’était passé sur Flydon Maxima à la nomination des nouveaux membres du Conseil, en passant par les élections à la chancellerie qui approchaient… Non, Alyria n’avait pas le droit de se laisser, elle devait se remettre, et vite, afin de servir au mieux l’Ordre.

Se levant brusquement, la jeune femme se dirigea vers le seul endroit qui lui permettrait de mettre ses idées au clair en faisant ce qu’elle aimait le plus : cultiver son art du sabre laser et du combat. Il y avait une sorte d’abandon délicieux à s’entraîner jusqu’au bout de ses forces, surtout ce moment où les muscles finissent par ressentir l’adrénaline de l’effort, et alors une sorte de transe s’empare de l’athlète qui sent une vigueur presque surnaturelle l’envahir. Alyria avait entendu dire que certains grands coureurs de fond ressentaient parfois cette sensation, mais même en s’astreignant à de nombreuses heures d’exercices physiques en plein air, elle n’avait jamais réussi à atteindre ce stade de délassement par ce biais. Seul l’entraînement au sabre lui procurait ce déluge d’émotions et de ressentis physiques délicieux.
 
Une fois arrivée dans la salle d’entraînement, Alyria arrêta net ses pas précipités. Le bruit était caractéristique : une autre personne était présente malgré l’heure tardive. Il est vrai qu’elle avait rarement de la compagnie pendant ses cessions d’entraînement nocturnes, mais quand elle reconnut celui qui s’escrimait avec une telle ardeur, un sourire se dessina sur son visage marqué jusqu’alors par le doute.

Gabriel Fyelën avait à peu près le même âge, avait partagé un certain nombre de cours et d’aventures de jeunesse en tant que padawans, étaient devenus Chevaliers quasiment la même année, et avaient accédé au grade de maître récemment. En un sens, ils avaient vécu leurs ascensions quasiment en parallèle, parfois l’un devant l’autre, et réciproquement, et voilà maintenant qu’elle avait appris sa nomination au Conseil. Dire que son étonnement était des plus ténus aurait été un doux euphémisme, tant Alyria considérait son ami comme un modèle de ce qu’elle attendait d’un maître du Conseil Jedi : calme, d’une sagesse impressionnante, et avec une compréhension de la Force qui l’avait toujours fasciné même au temps de leur jeunesse. Autant dire que leurs champs d’excellence n’étaient pas vraiment les mêmes, mais peu importait : ils se complétaient à merveille.

Aussi silencieuse que possible, Alyria observa Gabriel aux prises avec ce qu’elle reconnut comme l’entraînement spécial réservé aux membres de l’Ordre ayant des origines echanies, auquel elle avait elle-même accès. Encore un point qui les avait fait se rapprocher au cours des années : deux métisses avec des origines communes, celle de cette race de guerriers fiers et agiles reconnus dans toute la galaxie pour leurs prouesses martiales.

Cependant, arrivé à battre son dernier holo-adversaire, sans même se retourner, Gabriel finit par dire qu’il l’avait reconnu. Avec un grand sourire, Alyria sortit de sa cachette dans l’ombre et, arrivant devant son vis-à-vis en sueur, elle déclara :

« Ton don pour reconnaître les gens avec la Force ne cessera jamais de m’étonner, même après toutes ces années. »

Puis elle ajouta, les yeux pétillants de malice :

« Ne me parle pas de ce maudit record, je crois que les concepteurs de cette machine ont dans l’intention de me faire trimer jusqu’à l’épuisement afin de créer l’enchaînement parfait.  Même si je suis honorée de servir de but à atteindre à un nouvel et respectable membre du Conseil.»

Cependant, la maîtresse d’armes se rembrunit après la question pourtant innocente et purement amicale de Gabriel. D’habitude, Alyria n’appréciait guère étaler ses sentiments sur la place publique, mais la présence du désormais maître du Conseil l’apaisait, et en cette nuit, elle voulait parler à quelqu’un, se débarrasser de ses doutes.

« Disons que je fais aller. Apparemment, certaines choses mettent plus longtemps que d’autres à guérir, dit-elle en montrant sa main gauche, dont l’éclat métallique perçait sous le gant pour refléter les rayons lunaires. J’ai encore passé une partie de la journée au centre médical… Joie… »
Malgré sa tentative de plaisanterie sur la fin de sa phrase, la pointe d’ironie s’entendait, et derrière la foule de sentiments contradictoires qui l’envahissait et la tourmentait : envie de guérir, agacement, tristesse…

« Je suppose qu’il me faut simplement prendre mon mal en patience et attendre que les douleurs cessent. Je sais que c’est un processus de guérison lent, mais avec tout ce qu’il se passe au dehors, je suis un peu frustrée… Tu sais, comme si je voulais tellement guérir que mon corps n’arrive pas à suivre ma volonté. C’est assez étrange comme sensation. »

« Enfin bref, ne parlons pas de moi, c’est toi le héros de la semaine ici. Quoique, franchement, je ne peux pas dire que j’ai été particulièrement surprise par ta nomination au Conseil. Après tout, il faut ton calme légendaire pour supporter les interminables réunions du Conseil, je pense. »

Pour le coup, la plaisanterie était franche, la taquinerie évidente. Reprenant son sérieux, Alyria ajouta :

« En tout cas, félicitations. Tu le mérites vraiment. »

Il était difficile de douter de la sincérité de ses paroles quand on en percevait la force de conviction. C’était dit avec force, et une franchise absolue. Cependant, pour être venu ici au bout de la nuit, Gabriel devait avoir quelque chose en tête qui le tracassait, aussi poursuivit-elle :

« Tu as déjà un problème à régler ? Pour te voir t’échiner à une heure pareille, je me dis que tu essayes de te sortir quelque chose de la tête non ? Ça va ? »


Alyria se retint d’ajouter un « comme moi » à sa deuxième phrase. Ce genre de précision n’était pas nécessaire, tant l’évidence des faits parlait d’elle-même. Attendant la réponse de son ami, la maîtresse d’armes ne put s’empêcher de penser que de toutes les personnes sur qui elle aurait pu tomber cette nuit-là, elle était contente que ce soit une figure connue, et amie.
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Le syndrome du membre fantôme, voila le nom de ce dont souffrait Alyria. Un membre qui lui avait été retiré au détour d'un duel, mais qui, aux yeux du Corellien, ne lui enlevait rien. Et c'était là l'un des quelques déssacord qui pouvaient exister entre les deux sang-mêlés, désaccord que le Jedi conservait pour lui seul.

Gabriel respectait ce qu'Alyria pensait de la perte de sa main, et pourtant, elle s'était relevée. Et malgré cette prothèse qu'elle cachait aux yeux de tous, elle avait su garder son titre et sa place de Maitre d'Armes. Malgré un membre mécanique, Gabriel n'aurait pas défiée sa consoeur en duel si ce n'est pour un entrainement amical.

-"Je n'ai rien d'un héros, tu le sais."

Impossible pour lui de le penser, mais il était de son devoir de le dire. Fausse modestie, ou réalisme mal dosé, le Corellien s'en moquait. Mais par cette phrase, Alyria avait réussi à faire mouche, rappelant avec force la raison de l'entrainement auquel Gabriel venait de se livrer. Le Conseil ? Elle était convaincue, elle aussi, qu'il était un excellent choix. Pourquoi ? Pourquoi elle ? Pourquoi tous, et pas lui ? Que voyaient-ils donc tous en lui qu'il ne pouvait pas voir lui-même ? Le problème était là pour Gabriel, car à cette question, il ne trouvait finalement aucune réponse qui pouvait lui convenir.

Faisant signe à l'Hapienne de s'asseoir, il s'assit à la place d'à coté. Et d'un signe de main suivant, il lui fit signe de montrer sa main. Il n'avait pas la prétention de faire mieux que les guérisseurs du Temple, mais il avait la motivation de participer à la guérison d'une amie. Et se libérant à la Force, il chercha à apaiser autant la douleur de ses muscles que son esprit à elle, se permettant de chasser ce qui étaient de mauvaises pensées pour réveiller quelques souvenirs de bonheur à l'esprit de sa comparse. Bien sur, ce n'était pas du contrôle de l'esprit, loin de là... Jamais Gabriel ne se serait permis. Mais il y a une différence entre susciter et réveiller le bonheur chez quelqu'un, et sonder et lire son esprit.

-"Ce n'est pas vraiment un problème que j'ai à régler. Mais je m'interroges... "

Il le savait, il n'allait pas s'en sortir avec un "je m'interroges...". Mais que dire de plus ? Comment exprimer des doutes sur une chose qu'on est le seul à ressentir ? On ne pouvait même pas dire que les premières séances s'étaient mal passées, tant Gabriel, une fois assis, s'enhardissait à remplir son rôle de la meilleure façon qu'il lui était possible.

-"En dehors du Conseil, je suis comme toi en dehors de l'infirmerie, alors que tu y penses. Dedans, je remplis mon rôle, ce que l'on attend de moi -du moins, je l'espère et je m'y attèle de toute mon âme-, mais une fois au dehors, c'est le doute qui m'envahit."

C'était là une façon parmi tant d'autres d'expliquer sa raison d'être ici. Et c'était, pensait-il, la façon dont son amie le comprendrait le mieux. Elle savait ce qu'était le combat, et ce qu'il pouvait apporter aux gens de leur race : une façon de faire le vide, et de lire la pureté des sentiments au dedans. Pour un échani, un vrai, c'était plus facile de lire un combat qu'un livre lorsqu'il souhaitait analyser quelqu'un. C'était dans leurs gênes.

-"J'ignore pourquoi, mais il n'y a que le combat qui arrive à chasser ces doutes de mon esprit. Même si je ne suis pas un grand combattant, comme nos ancêtres, cela reste dans mes gênes je suppose. Le combat : une façon d'apaiser notre esprit."

Ses yeux fixèrent alors son interlocutrice, alors qu'il terminait de tenter de l'apaiser. Y était-il parvenu ? S'était-il rendu utile pour elle ? Si oui, sa nuit ne serait pas perdu à ses yeux.
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Gabriel avait toujours été un modèle de modestie, préférant rester dans le rang alors même que ses capacités le distinguaient des autres padawans dès leur plus jeune âge. Il était évident que c’était précisément cette qualité qui l’avait fait en partie gravir les échelons de l’Ordre, jusqu’à atteindre le plus haut de tous. Mais pour une fois, Alyria sentait que derrière cette humilité de caractère se cachait un doute, quelque chose qui l’avait poussé à se lancer dans un programme de combat à mains nues éreintant à deux heures du matin, alors que sa spécialité résidait plutôt dans la méditation.

C’est pourquoi répondit doucement, sentant le besoin d’expliquer son choix de termes, mais aussi, car la phrase de Gabriel était bien plus qu’une simple dénégation sémantique, qu’à défaut d’avoir employé le mot le plus juste, elle pensait néanmoins ce qu’elle disait avec force.

« Si je m’abaissais à une véritable philosophie de comptoir, je dirais que nous sommes tous des héros, un jour ou l’autre. Mais de toute façon, nous savons toi et moi qu’on n’accède pas à certaines fonctions en se contentant de regarder passer les nuages. Chacun des maîtres de ce Temple, au Conseil ou non d’ailleurs, ont subi des épreuves au cours de leur vie. Certains plus que d’autres peut-être, nous ne sommes pas égaux devant les coups du sort. Cependant, à un moment, il faut plus que cela, plus qu’être un brillant général, un guérisseur émérite ou un diplomate de talent. Il faut être capable de savoir faire la part des choses, d’avoir cette intelligence, je dirais presque cette sagesse, pour juger et conduire notre Ordre. Comme beaucoup d’entre nous, je pense que les nouveaux membres du Conseil ont cette force si particulière. Pourtant dans le fond, ce que nous pensons n’a pas d’importance, bien qu’il soit toujours rassurant de savoir que des dirigeants sont appréciés de ceux qu’ils vont tenter de guider, surtout en des temps aussi troublés. Ce qui compte maintenant, c’est ce que tu penses. »
 
Après cette petite tirade, Alyria se tut, la gorge momentanément sèche. Elle avait toujours cette habitude des beaux discours, des phrases joliment tournées, héritage parental qui avait survécu malgré l’éloignement et les années. C’était dans son caractère de vouloir démontrer, argumenter, mais surtout en ce moment, conforter, et elle espérait y être parvenue un minimum.

Suivant l’invitation de son compagnon du soir, la maîtresse d’armes s’assit à ses côtés, et, se demandant bien ce qu’il désirait par-là, lui tendit sa main métallique. Aussitôt, une chaleur bienfaisante se diffusa dans son bras endolori, et pendant quelques minutes, Alyria se laissa aller à ce sentiment de douceur et de tranquillité qui se diffusait en elle par l’intermédiaire de son ami. Ce n’était pas forcément des soins médicaux qui calmeraient la douleur de ses nerfs endommagés par la sorcellerie sith, mais la force de l’amitié de Gabriel, de sa volonté de l’aider, semblable à la sienne un moment auparavant, l’enveloppait de cette aura agréable, qui permettait de se vider la tête.

La jeune femme comprit que son ami souhaitait apaiser également son esprit torturé par les doutes, aussi elle accepta sa présence, le laissant imprimer cette sensation de bonheur. Par association d’idées, certains souvenirs agréables lui revinrent alors en mémoire : des images furtives de son enfance, avec une gamine aux cheveux roux courant dans les couloirs du Sénat poursuivi par un homme aux favoris gris arborant un sourire bourru, une présence maternelle oubliée, son arrivée au Temple, ses discussions du soir avec ses amis, des petits padawans turbulents se chamaillant sur un centre d’entraînement, ses duels impressionnants avec Lorn, son compagnon maître d’armes maintenant, ses débats sur la Force beaucoup plus tranquilles avec Gabriel, ses premières missions avec son maître, son accession au grade de chevalier, une image qu’elle chassa bien vite de sa mémoire et représentant une très belle jeune femme, la prise en main de son propre padawan… C’était toute sa vie qui s’écoulait devant ses yeux sous la forme d’un kaléidoscope de souvenirs, ceux qu’elle gardait précieusement, qui la berçait dans les moments difficiles. Ils lui rappelaient les choix qu’elle avait dû faire, ce qu’elle avait sacrifié, mais aussi, et surtout, en retour, ce qu’elle avait gagné.

Elle murmura un léger, mais vibrant : « Merci. »

L’esprit plus clair, comme libéré d’un poids, Alyria écouta avec attention les doutes de son ami, désireuse de l’apaiser autant qu’il l’avait fait pour elle. Comprenant ce qu’il essayait de dire, tentant de deviner ce qu’il omettait, la jeune femme répondit de son habituel voix de velours grave :

« Je vois ce que tu veux dire. Après tout, pourquoi crois-tu que j’ai passé la moitié de ma vie dans cette salle d’entraînement ? »

Le ton était plaisant, taquin, mais Alyria reprit plus sérieusement :

« Je pense que quelque part, nous avons besoin tous deux de nous adapter à un nouvel environnement, à une nouvelle situation, trouver nos marques… Sans doute le temps nous le permettra. En tout cas, je l’espère ardemment. »

Se levant alors avec agilité, et une certaine grâce toute hapienne, leg maternel, elle fit quelques pas puis, se retournant vers son ami, avec son sourire en coin espiègle, elle demanda :


« Alors, célébrons nos origines mon ami, dans ce qu’elles nous ont offert de plus beau : l’amour de la belle bataille et le délassement dans l’entraînement martial. Que dirais-tu de tenter en double le redoutable niveau 5 de cette machine ? Cela nous fera du bien. »
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Merci.

Un mot, qui eut pourtant tant de conséquences à l'esprit du Corellien. Combien de fois s'était-il retenu d'agir ainsi ? Combien de fois avait-il douté de s'avancer pour tenter l'expérience ? Au final, qu'est-ce qui était différent ce soir ? Ces questions partageaient -si l'on pouvait s'exprimer ainsi- les sentiments du Maitre, car s'il était fier de s'être rendu utile, il regrettait de ne l'avoir été que si tardivement.

-"Le temps..."

Il répéta les mots, comme pour lui-même, le regard un instant vide, pensif. Le temps était une valeur absolue, une valeur sur laquelle personne ne pouvait dire qu'il en avait la maitrise. Et c'était une excellente réponse, tant le temps était souvent la solution. Quoi de mieux que de pouvoir, d'avoir le temps de, prendre du recul ? De pouvoir méditer avant de trancher ?

Du temps... c'était là un facteur clé, qui lui aurait permis d'accomplir encore plus. Étudier la Force, pour pouvoir aider plus et mieux les personnes qui l'entourait comme Alyria ; Prendre le recul nécessaire pour lire, relire et encore relire les rapports, afin de percer et de comprendre pourquoi le Chevalier Juln avait agit ainsi, et quelle était la bonne attitude à avoir face à lui ; Enseigner à Elora la sagesse et comment s'en servir ; Apprendre à ...

Son regard reprit vie alors que sa consoeur et amie se levait pour faire quelques pas, et Gabriel la suivit du regard. Et un sourire, ainsi qu'un rire muet, s'échappa du visage du Corellien. Le niveau quatre était déjà à son sens dur, et l'Echanie face à lui voulait tenter le niveau cinq. Avait-elle seulement raison ? C'était possible. Un tel effort pourrait peut-être lui faire du bien, mais il y avait une chose que Gabriel reprocherait toujours à cette machine.

-"Veuillez décliner votre nom et la séquence d'entrainement choisie."

L'ordinateur s'était réenclenché, et attendait sa réponse, que le Maitre donna, d'un ton calme, et se levant lui-même, prenant appui de ses mains sur ses genoux :

-"Gabriel Fyelën, Maitre du Conseil ... désactivation des protocoles automatiques."

Faisant lui-même quelques pas, il n'en échauffa pas moins ses poignets pour autant. Car, pour une fois, il était d'humeur à "célébrer ses origines", avec elle, d'une façon plus traditionnelle encore, plus cérémonielle.

-"Célébrons-les... toi et moi."

L'invitation était lancée, pour et par le plus grand respect de ce "lien de sang" qui pouvait exister entre les deux insomniaques de cette nuit. Il avait mit longtemps à comprendre cet "amour de la bataille", ce qui pouvait se cacher derrière. Et son Maitre avait eu du mal à le lui expliquer, alors qu'adolescent, il avait cherché à se renseigner dessus.

-"Laisses-moi lire en toi. Et lis en moi, ma soeur..."

Un salut suivit la demande, et ses mains se positionnèrent. Il parlerait peut-être pendant l'affrontement, mais ce n'était pas ce qu'il lui demandait et il savait qu'elle le comprendrait. Les Echani étaient ainsi après tout, à lire dans le combat. Et si il savait qu'en face de lui se trouvait une redoutable adversaire, bien au dessus de son propre niveau, le but n'était finalement pas de vaincre...

... Ou du moins pas sur elle.
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Alyria ne masqua pas sa surprise, qui se mua rapidement en un sourire amusé, quand elle entendit Gabriel demander la désactivation des protocoles automatiques. Pourtant, en voyant son ami se lever et préparer ses poings, la maîtresse d’armes sentit la perplexité l’envahir, avant de finalement comprendre où il voulait en venir : un duel amical. Certes, cela n’aurait pas été son premier choix, et ce pour une raison simple : dorénavant, elle avait une main mécanique, ce qui signifiait concrètement que ses attaques au poing étaient beaucoup plus puissantes, en raison de la rudesse du métal, qui pouvait facilement briser une mâchoire par accident, d’où sa réticence habituelle quand il lui fallait désormais enseigneur le combat à mains nues à de jeunes padawans. Elle savait que même en contrôlant au maximum ses mouvements, le risque zéro n’existait pas, et blesser un adolescent n’était pas dans ses méthodes d’enseignement… Même par inadvertance.

Cependant, quelque chose lui disait que si Gabriel avait choisi cet entraînement bien particulier, c’est qu’il devait avoir ses raisons. Et effectivement, tout s’éclaira quand il expliqua à demi-mot son dessein : un duel traditionnel echani. Au cours de ses lectures de jeunesse, quand Alyria avait cherché à en apprendre plus sur son héritage, et plus particulièrement sur ce qu’il avait à lui offrir en matière martiale, elle avait été amenée à se documenter sur les mœurs de ses ancêtres paternels, et avait ainsi découvert cette tradition particulière du duel dit de la « connaissance de l’autre. » Les echanis purs, pas les sang-mêlée comme elle-même et Gabriel, était souvent difficilement discernables les uns des autres durant l’enfance, en raison de traits raciaux prononcés. Le combat à main nue était donc une manière de se différencier, avec la croyance que le contact physique et l’analyse du style de l’autre était le seul et véritable moyen de connaître le caractère d’autrui. D’une certaine façon, sans le savoir à l’origine, la trentenaire avait toujours considéré dans sa jeunesse les différentes formes de combat au sabre laser comme représentatifs de leurs utilisateurs, alors pourquoi la lutte n’aurait-elle pas la même signification ?


Hésitant un moment, mais pensant que ce serait plus conforme à la tradition, Alyria retira ses gants, laissant apparaître sa prothèse métallique sous la lumière lunaire, qu’elle reflétait avec un éclat brillant. Les déposant sur le banc, elle revint se positionner en face de son adversaire, ou plutôt de son partenaire de duel, et se mit en garde d’une manière typique de sa vision du combat : légèrement de profil, sa main droite devant, le poing courbé, le bras gauche le long du corps, mais dont la terminaison inclinée vers l’avant ne laissait guère de doute quant à son but : en cas de parade, ce positionnement serait un atout. C’était donc une position plutôt défensive, qui privilégiait l’esquive agile et le placement précis des coups à la défense, tout en maintenant une sorte d’élégance féline : en somme, elle représentait autant Alyria qu’une fiche d’état civil.

S’inclinant légèrement, elle déclara :

« Que ce combat soit une occasion de nous connaître suivant la tradition de nos ancêtres, mon frère. En tant que demandeur du duel, je te laisse porter l’estocade en premier. »

La solennité de la phrase était voulue : c’était une salutation rituelle, de même que la volonté de laisser celui qui procédait à la demande frapper le premier. Tant qu’à organiser un combat traditionnel, autant le faire dans les règles.


Elle attendit donc, tout à sa maîtrise, prenant garde à laisser son poing métallique en arrière, avant de déployer toute sa science de l’esquive, et non de la parade dans un premier temps. Peu importait la fatigue, ou encore que quelques coups viennent la heurter : le but n’était pas de vaincre, mais de se découvrir dans un combat à la signification autrement plus profond qu’un simple échange de coups brutaux dans une cantina entre deux brutes avinées, soit l’avatar le plus communément représenté de la lutte à mains nues : non, ici il s’agissait autant d’un rite que d’une manière de s’apaiser mutuellement, et surtout à travers ce rappel à des origines communes, le moyen de renforcer une amitié autrement que par une discussion nocturne. Les deux avaient leurs avantages, mais Alyria devait reconnaître que ses origines echanies autant que son propre tempérament lui faisait apprécier avec une délectation toute esthétique l’option voulue par Gabriel : quoi de mieux, pour contenter une amatrice de l’art de la guerre sous sa forme la plus épurée, la plus noble, qu’un duel à mains nues dans la tradition du peuple ayant élevé cette forme au rang d’art, peuple auquel elle appartenait par un côté de sa famille, et dont le sang coulait dans ses veines ? 

Les premières minutes passées, Alyria estima souhaitable de partir à son tour à l’attaque, et se mit à enchaîner quelques figures acrobatiques autour de Gabriel, tentant par-là de trouver une ouverture dans sa garde, et d’un mouvement souple de son poignet droit, décocha un crochet rapide. Après tout, elle devait se comporter comme dans la vie, et son style la portait autant à l’attaque rapide qu’à l’esquive.
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Le combat, sous quelques formes que ce soit, n'était pas l'art de prédilection de Gabriel, même si depuis son apprentissage auprès de son Maitre, il avait fait de réels progrès par rapport à ce qu'il avait pu être. Pourtant, il fallait reconnaitre qu'il savait, dans certains cas, y prendre un certain plaisir. Et comment nier l'évidence ? Cet art, si particulier, parvenait à lui vider l'esprit.

Ce combat en était un. Les coups s'enchainaient, mais à travers eux, ce n'était pas la violence qui se lisait. Que du contraire. Chaque mouvement, exécuté l'un après l'autre sans pour autant un ordre précis, purifiait l'âme de son porteur et permettait, aussi étrange que cela puisse paraitre, de lire "l'adversaire". Telle était la doctrine de leur origine commune, celle des Echanis : dans le combat, le mensonge était impossible. Les sentiments ressortaient à leur état brut, pur, et lisible pour qui savait en déchiffrer les pas. Un mouvement n'était pas l'autre, et il en était de même pour sa façon d'être exécuter.

Vider l'esprit était peut-être dès lors le mauvais terme, car un esprit vide n'aurait engendrait que le néant... Le combat échani, c'était une expression de ce qui traversait l'esprit de son exécuteur, au moment où celui-ci se faisait. Et vous l'aurez compris, à esprit surchargé, il ne pouvait y avoir que de nombreux mouvements. L'inconvénient était qu'ils pouvaient dès lors être désordonné.

Quand à Alyria, Gabriel comprenait pourquoi elle était une Maitre d'Armes. Mais il ne comprenait pas pourquoi on la nommait Main brisée en ce moment. Son efficacité, il lui semblait, n'avait en rien perdue, si ce n'est un détail, qu'il finit par souligner à son opposante en la parant et la renvoyant d'une tappe énergique dans le dos :

-"Tu ne donnes pas ton maximum."

La crainte, la prévenance. C'était là ce qu'il lisait dans les mouvements de sa "soeur de sang". Sa main, celle mécanique, restait en arrière, utile pour la défense mais jamais prisée pour l'attaque. Le Maitre pouvait comprendre la logique, mais connaissait aussi son amie. Pourtant, il y avait là face à face deux Maitres. Ce n'était plus le Gabriel enfant qu'Alyria avait en face d'elle. Et Gabriel tenta de le lui rappeler par cette réplique, presque offensante. Tout deux avait grandi, muri, progressé.

Le combat ne s'arrêta pas pour autant, le Corellien cherchant à libérer son esprit autant qu'à apaiser la rousse en face de lui, et laissa alors ses émotions sortirent. Elle était loin, cette phrase du Code qu'il avait si souvent brandi à son ancien Padawan : "Il n'y a pas d'émotions, il n'y a que la paix", très loin. Combien de temps cela faisait-il ?

~ Gabriel ~

La parade du mouvement d'Alyria lorsque son nom résonna dans sa tête fut bonne, bien exécutée, mais trahissant un sentiment profond, enfoui dans l'esprit du Jedi depuis longtemps. Mais si cette parade fut bonne, la sensation que Gabriel ressentit le "paralysa", et ce fut lamentablement qu'il fut projeter à terre par le coup suivant de son adversaire.

A quatre pattes sur le sol, Gabriel prit le temps de se remettre et du coup qui venait de lui être porté, et de ce qu'il venait de ressentir. Ses yeux, entouré par ses cheveux mi-longs qui venaient les cacher, s'étaient un instant perdus dans le vague de son esprit. Déglutissant, respirant, il finit par fermer les yeux, crachant un filet de sang à terre.

Avait-elle lu dans ses mouvements ? Son amie de longue date comprendrait-elle ? Impossible à dire.

-"Tu as... toujours une sacrée droite."

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Alyria aimait le combat pour la beauté de l’art, l’adrénaline qui coulait dans ses veines comme du feu liquide quand elle se laisser porter par cette ivresse si caractéristique des echanis soumis à l’épreuve martiale. Mais plus que cela, au-delà de ces considérations, c’était aussi un moyen d’expression brut, un mode de vie à adopter, une façon de penser à façonner, et qui façonnait le combattant en retour. Dans ces phases de délassement guerrier, tout une partie de son héritage prenait le dessus, et elle devait avouer qu’avec l’âge et l’expérience, elle laissait plus volontiers ces sensations s’emparer de son corps et de son esprit, plutôt que d’essayer de les contrôler. Elles faisaient partie de son sang, de son être, et apprécier la justesse d’un coup bien placé, l’esthétisme d’une parade finement exécutée ne signifiait pas prendre plaisir à la violence déchaînée. On ne pouvait espérer devenir Maître d’armes sans appréhender ni comprendre cette subtilité capitale dans l’art martial.

Souriant doucement à la remarque de son vis-à-vis, n’en prenant nullement ombrage, Alyria ne changea pas pour autant de positionnement, se contenter d’accélérer le mouvement et sa danse hypnotique, ses pieds se mouvant presque sans son assentiment, dans une ronde gracieuse et qui, en d’autres circonstances, eut pu être mortelle. Enchaînant ripostes aériennes et attaques basses, dans une trajectoire latérale rapide et précise, qui ondoyait au fur et à mesure des parade sans jamais s’arrêter totalement. Esquivant une attaque en se baissant, Alyria déclara dans un souffle :

« Je n’ai pas besoin d’utiliser une arme inégale dans un combat d’honneur pour me donner à fond. J’aime trop le balancement entre l’offensif et le défensif dans la vie pour contrevenir à ce principe dans un duel echani. Je combats comme je suis, n’en doute pas. »

C’était la pure vérité, Alyria se positionnait comme elle l’aurait fait au sabre, et d’une manière qui rappelait finalement la façon dont elle avait mené sa vie, et son caractère tout en dualité entre sa partie diplomate et le sang guerrier qui sommeillait en elle. Son esprit aimait les paradoxes, les nœuds intellectuels, et sa vie était un équilibre entre diverses contradictions, qu’elle avait appris à sublimer peu à peu pour atteindre son propre équilibre actuellement, en combat et dans sa manière d’appréhender la philosophie jedi. C’était cela sa vérité, et elle essayait de la faire comprendre à travers sa manière de se battre, constamment dans une dichotomie attaque/défense qui formait pourtant à l’œil un combo tout à fait harmonieux.

Gabriel se figea soudainement, encaissant un robuste crochet du droit qui l’envoya momentanément au tapis. Alyria le laissa se relever, tentant de comprendre ce qui avait pu se passer à ce moment précis. Pour lui laisser le temps de reprendre ses esprits, elle dit doucement, non sans une pointe d’humour désormais sans doute familière à son interlocuteur :

« Et encore, tu n’as pas vu la gauche, elle enverrait voler un wompa. Mais je préfère la réserver à d’autres tâches. »

Puis, respirant profondément, elle déclara ce qu’elle pensait avoir lu dans les mouvements de son partenaire de duel :

« Je ne sais pas pourquoi, mais tu doutes. Sinon, tu n’essayeras pas de te jeter à ce point à corps perdu à l’attaque. Je sens que tu fais passer tes émotions dans le combat, mais parfois, il faut les verbaliser, au moins mentalement, personnellement, pour les canaliser à travers un combat. Sinon, on se perd en oubliant ses défenses. »

Sa dernière phrase était autant factuelle que métaphoriques, car on pouvait la comprendre dans bien des sens, et Alyria ne jugea pas nécessaire d’expliciter son propos. Elle continua, déterminée à faire comprendre à son ami que parfois, la parole était nécessaire, car le corps et l’esprit étaient si profondément que le désordre de l’un menait inévitablement au désordre de l’autre. Elle savait, pour l’avoir testé plus que de raison, que se perdre dans les entraînements n’apaisait qu’un temps. Il fallait comprendre ses tourments, puis les accepter, avant de les canaliser dans le combat. Et la trentenaire n’était qu’au début de ce processus elle-même.

« Je ressens un trouble en toi, et j'aimerais t'aider, de la même manière que tu l'as fait pour moi auparavant. »


Alyria désirait comprendre, par les mots ou le combat, et elle laissait Gabriel décider de la suite des événements, mais savait que pour elle, une bonne discussion ne pourrait que l’aider, tout en poursuivant cette lutte pour lui permettre de se vider l’esprit et de se focaliser sur l’important.
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~ Gabriel ~

Il doutait ? C'était tout du moins ce que la sang-mêlé venait de lui dire. Elle le voyait se battre avec ses émotions, lui qui était si attaché au Code et à ses vers. Combien avait pu arriver à une telle conclusion ? Un Maitre par le passé, un Maitre d'armes aujourd'hui et l'origine de cette voix qui réveillait ces "sentiments" à l'esprit du Maitre du Conseil. Se relevant en prenant appui sur ses genoux, Gabriel regarda Alyria, puis soupira. Elle était Echani. C'était dans ses veines autant que ça l'était dans celle du demi-Corellien. Et il reprit un enchainement, qui était un qu'elle lui avait appris jadis, et cela sans même s'en rendre compte. Malgré les années, elle était toujours vivace dans son esprit visiblement.

L'enchainement était rapide, et donc éprouvant. Forcer l'ennemi à se défendre, à ne faire que ça, mais sans réellement attaquer. La véritable attaque venait après : une balayette agrémentée d'une poussée du plat de la main pour faire perdre son équilibre à l'adversaire. Une poussée qui se voulait traditionnellement au centre du buste, mais que Gabriel exécuta mal, frappant l'épaule gauche d'Alyria. Ainsi, la Maitresse d'Armes ne serait pas propulsé à terre, mais juste déséquilibrée et quelque peu éloignée de la portée de main. Un moment bref, mais permettant de reprendre un peu son souffle au Consulaire.

Levant les yeux vers elle, son regard émeraude dénotant toujours une expression de calme et de détermination à toutes épreuves, il était contraint d'admettre qu'elle avait raison. Et était-ce étonnant ? Fallait-il s'étonner que même un Maitre comme lui doute ?

-"Ce n'est pas parce que tu te donnes sans mesure dans une chose que tu la réussis..."

Un sourire se dessina sur son visage, tant cette phrase pouvait être le reflet de cet enchainement qu'il venait de réaliser, autant d'ailleurs que la métaphore précédente de son homologue, mais aussi de la raison à sa propre présence ici. Depuis son entrée au Conseil, Gabriel en avait plusieurs -des doutes- et devait y faire face. Chaque décision était comme une fleur de cette immense plante que pouvait être l'incertitude, et par ses choix, l'on attendait du Corellien que l'avenir soit meilleur, et que les choix soient éclairés par une certaine sagesse.

Pourtant un mot restait dans l'esprit du Maitre, un mot que son amie avait employé : trouble. Et elle avait employé ce mot au singulier, comme si une seule chose pouvait être la cause de tout cela. Si près, mais pas forcément juste de l'avis du Jedi. Plus qu'être la cause, ce "trouble" était un catalyseur. Un catalyseur qui se refermerait bientôt, alors qu'un anniversaire prendrait fin.

-"Tu m'as aidé, et tu m'aides encore aujourd'hui..."

Il l'a salua, montrant son intention de mettre un terme à ce duel, au moins le temps de souffler. Comprenant l'autre sens de la métaphore de son amie, il se demandait s'il devait oui ou non répondre à celle-ci, utiliser les mots pour décrire ce qu'il avait en tête.

-"Ton amitié, c'est une aide aussi précieuse que la Force Alyria. Parce que je sais qu'où que je sois, je peux compter sur toi et l'inverse également. Et cela vaut pour d'autres personnes ici, même si avec elles, je ne partage pas un lien aussi fort que celui de nos origines communes et de notre histoire si proche l'une de l'autre. Mais à mon sens, parfois, l'Amitié est une arme plus puissante que la Force."

Elle était douée, et le Jedi le savait. Autant dans l'art martial que dans l'art du choix des mots. Comprendrait-elle qu'il n’insinuait pas ici de trahir le code, ni de s'inspirer de l'idéologie des Sith ? Que pour lui, il s'agissait d'autre chose ?

-"Lorsque celle-ci devient le moteur de nos actions, l'on est après tout surpris de voir de quoi nous sommes capables. Parfois en bien, parfois de manière plus égoïste. Et parfois plus que l'amitié, il existe une autre forme de Force, de pouvoir-moteur. Plus pure, mais qui laisse toujours des traces..."

Le regard du Jedi se porta alors, indirectement, vers le coeur de son homologue, parfaitement conscient qu'elle comprendrait ce qu'il voulait dire et qu'elle saurait de quoi il parlait à ce moment précis.
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Plutôt que de lui répondre immédiatement, Gabriel préféra continuer le combat dans un premier temps, se jetant à l’attaque et contraignant Alyria à rester sur la défensive. Certes, en utilisant ses deux mains, peut-être aurait-elle pu le contrer et reprendre la main, mais elle s’était astreinte à une règle de sécurité, et la respecterait, peu importait les conséquences, qui de toute manière ne seraient pas bien graves. Un bon direct, cela laissait quelques marques sur la peau pendant deux ou trois jours, mais après tout, au vu de sa position, elle en avait connu d’autres. A vrai dire, s’il fallait être honnête, rien que les entraînements personnels qu’elle mettait en place lui offraient bien plus de fatigue et parfois de blessures légères que les véritables duels qu’elle pouvait mener. Quand on était maître d’armes, généralement, on finissait souvent par développer une certaine immunité à la douleur.

Évitant souplement la balayette, la trentenaire ne put en revanche esquiver la poussée sur son épaule gauche, comme l’avait sans doute prévu Gabriel, tant l’enchaînement semblait calibré. La maîtresse d’armes recula promptement avant de perdre l’équilibre, souriant malgré elle face à la justesse d’une telle série de coups, dont elle ne pouvait qu’apprécier la vivacité en critique éclairée. Peut-être la fin n’était-elle pas celle escomptée, mais en tout cas, Alyria le jugeait agréable à l’œil, à défaut évidemment d’être agréable à recevoir. Bah, ça lui ferait sans doute un léger bleu à cet endroit, soit pas grand-chose en somme.

La remarque de Gabriel l’arrêta cependant net dans sa volonté de reprendre les devants. Elle se demandait à quoi il faisait référence : à leur combat ? A autre chose ? Si oui, laquelle ? Préférant ne pas se perdre en conjectures hypothétiques, Alyria répondit prudemment, pondérant un moment les mots dans sa tête avant de les prononcer avec douceur :

« En quelque sorte. Se donner à fond pour de mauvaises raisons, parce qu’on cherche à oublier quelque chose, ne peut que donner des résultats approximatifs, car la raison manque alors. »

Cette phrase s’appliquait aisément à tout, quand Alyria y pensait : la diplomatie, la manipulation de force, le combat… Et même tout ce qui touchait à des domaines plus variés, plus intimes. C’était presque une règle de vie, qui concernait tous les jedis, du plus humble au plus puissant.

Apparemment, Gabriel désirait faire une pause dans leur combat, et Alyria en profita pour souffler un instant, l’heure avancée commençant évidemment à prélever son dû, sans compter cette débauche d’énergie nocturne. Le réveil au matin allait être rude, pour peu qu’il y ait réveil tout court, car au rythme où allait les choses, la sang-mêlée ne put s’empêcher de penser qu’elle allait finir sa nuit dans cette salle d’entraînement, au moins elle serait en avance pour ses premiers cours dispensés aux initiés. Mais au fond, ne pas dormir lui avait permis de penser à autre chose qu’à ses propres problèmes, et elle pouvait largement faire l’économie d’une nuit pour échanger avec son ami.

Ce dernier la remercia, même si, à vrai dire, elle n’avait pas eu l’impression de faire grand-chose. Aussi elle répondit en le saluant à son tour :

« De rien, mais la réciproque est vraie également. »

La suite la surprit légèrement : elle venait d’avoir le droit à une véritable déclaration d’amitié, ce qui était évidemment tout à fait agréable, mais un peu étonnant. Alyria comprenait où Gabriel voulait en venir : on pouvait puiser du réconfort, de la force dans les liens positifs avec autrui, cela motivait, et sans forcément mener au côté obscur : tout était une question de tempérance. Sans compter qu’il aurait été illusoire de penser que des personnes en contact pendant presque toutes leurs vies ne puissent jamais développer de relations amicales profondes…

« Nous formons tous des liens forts au Temple, certains plus que d’autres, à cause d’affinités proches ou d’origines communes, c’est sain, à mon sens. Il faut tirer parti de ces relations à autrui, car, comme tu le dis, elles nous offrent de quoi surmonter certaines épreuves. L’amitié est une force positive. »

La suite de son explication ne manqua cependant pas d’intriguer Alyria, le geste que fit Gabriel rendant encore plus explicite ce qu’il voulait dire. L’amour, voilà de quelle force il parlait. Sujet au combien difficile chez les jedis, tant les conceptions millénaires pouvaient se heurter à la réalité ou tout simplement à d’autres écoles de pensées. Sujet délicat pour la trentenaire elle-même, au vu de son expérience propre en la matière, mais qui, paradoxalement, l’avait sans doute amenée à affiner son jugement, le rendant sans doute moins péremptoire que d’autres, mais aussi plus perçant.

D’une voix pensive, elle entreprit de répondre à Gabriel du mieux qu’elle pouvait :

« Toute forme de relation, de sentiment pour autrui, laisse des traces, nous marque profondément, car ces liens font partie de nous à jamais. Que ce soit l’amour, l’amitié, la rivalité… Ne sommes-nous pas façonnés par nos expériences, et nos interactions avec les autres ? Je ne sais pas si l’amour est une forme plus pure de l’amitié… On peut concevoir l’amitié comme une forme d’amour, après tout. Les deux peuvent prendre des aspects très purs, ou au contraire entraîner des émotions négatives. Comme toute chose, c’est une question de tempérance. Du moins à mon sens. »

Alyria ne disait évidemment pas que l’amour était sans danger. Elle pointait simplement que toute forme d’attachement représentait autant une force qu’un problème potentiel, et que l’harmonie était nécessaire. Cela ne signifiait donc pas que les relations étaient impossibles entre jedis. Certes, ce n’était pas exactement ce que pouvait penser certains autres maîtres, mais la vie lui avait appris à nuancer ses pensées sur ce genre de sujet. Elle en connaissait les facettes noires, comme les côtés heureux, et avait en tête la complexité que cela représentait. En de telles matières, l’absolu n’était pas la solution.

Cependant, un point titillait la curiosité d’Alyria, qui se demandait bien ou Gabriel voulait en venir. Aussi elle finit par le lui demander :

« Pardonne-moi, mais… J’avoue que je vois mal le rapport entre nos conceptions des relations humaines et ce qui pourrait te troubler… A moins, que, justement, ce ne soit une de ces relations qui te pose un problème particulier ? »
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-"Ce n'est pas exactement ce qui me trouble... Enfin, c'est ce qui m'a valu ta droite bien placé tout de même." Commença à répondre le Corellien à son homologue, pour finir sur ce rappel, sa main se portant à sa mâchoire encore un peu endolorie.

"Elle" l'avait troublé, revenant des bribes de sa mémoire pendant l'affrontement, et il n'avait pas eu à y penser depuis un sérieux laps de temps ainsi -ce qui pouvait être alors qualifié de troublant- mais elle avait toujours était synonyme de calme, d'instant de paix et de sérénité -ce qui était loin, en règle général, de favoriser un quelconque trouble-. Le mot "trouble" était donc en lui-même, d'avis du sang-mêlé, peu adapté. Il valait mieux parler au final de surprise quand à cette résurgence du passé.

-"Pendant le combat que nous venons de partager..."

Gabriel fut traversé, alors qu'il prononçait ces mots, d'une sensation bizarre. Il n'avait au final jamais parlé de cette relation qu'il avait eu à personne, tant il n'en avait jamais éprouvé le besoin ni même l'intérêt. Et se "mettre à table", dévoiler une telle partie de lui ainsi, n'était pas dans ses habitudes, et savait dès lors ébranler quelque peu le roc de calme qu'il pouvait sembler être parfois.

-"... j'ai revu le visage d'une amie très proche, avec qui j'ai partagé il y a de cela des années, certains moments d'intimités."

D'une part, Gabriel était heureux de partager cette information, d'autre part, il était ravi que ce soit avec Alyria. Depuis l'arrivée au Temple de celle-ci, elle avait été une amie, et ce "secret", si bien conservé et maitrisé, elle méritait de par son rôle affectif pour le Corellien de le connaître ce soir, cette nuit. Cela faisait d'elle, d'ailleurs, la première au courant, où alors c'est que les deux amants passés ne s'étaient eux-mêmes rendu compte de rien.

-"Ce n'est pas ce qui m'a amené ici, mais ce combat m'a permis de m'en rappeler."

Bien sur, le Corellien n'avait jamais oublié son souvenir, et ce n'était pas ce que la phrase sous-entendait. Mais il avait un instant oublié l'apaisement que son âme pouvait ressentir à ses cotés, ou même à son contact. Un apaisement toujours et encore inégalé à ses sens. La vérité était là : ce combat venait de le mettre à nu -au sens émotionnel du terme- et de lui rappeler avec force ce détail sur lequel il omettait de méditer depuis son entrée au Conseil.

-"Merci..."

Il y avait une touche, presque étonnante et pourtant si facile à mettre derrière ce mot. Si peu habituel dans la bouche du Corellien, il ne pouvait que la mettre en ce moment précis à l'encontre de sa "soeur" de sang.

-"Quand j'y repense avec le recul, les conséquences de cette soirée aurait pu être très sombre pour moi. J'étais... tiraillé dans ces histoires de Conseil, nouvelles pour moi, dans ses choix que je dois prendre, dans mon propre rôle de Maitre Jedi que j'en oubliais ce détail. Et le vide que cet oubli créait..."

Il fixa alors Alyria, dans les yeux, et termina :

-"...aurait pu m'amener à de sombres extrémités."

Un sentiment de manque, allié à une profonde frustration, n'aurait été que néfaste, Gabriel le savait, au plus profond de lui. Se rendait-elle compte de ce qu'elle venait de faire ? De lui apportait ? Au final, cela pouvait se résumer en ceci, propre à Gabriel : le secret de sa sérénité.
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Pendant un long moment, Alyria ne dit rien. Tentant de masquer sa surprise de son mieux, elle préféra garder la bouche fermée, essayant d’assimiler les conséquences de ce que Gabriel venait de lui révéler. En effet, généralement, les « affaires privées », comme certains jedis un peu guindés les nommaient ne faisaient pas leur apparition dans la conversation. Rencontres passagères, d’une ou de quelques nuits, attachements sincères voir, le moins accepté, passion amoureuse, ces expériences faisaient l’objet de murmures à l’âge de l’adolescence, et par la suite, à mesure que l’âge venait, n’était que très rarement abordées sous un angle autre que celui du code. Autant dire que la sang-mêlée mesurait la confiance que son ami lui accordait en lui confiant ce secret.

Se creusant la tête, Alyria chercha un moment dans la vie de son ami qui aurait pu correspondre à une liaison, mais n’en trouva pas. Cependant, ce n’était pas surprenant, son ami et son amante ayant dû faire preuve d’une grande discrétion, surtout s’ils étaient restés au Temple pendant tout ce temps.

Un autre jedi aurait pu mal réagir face à une telle révélation, surtout de la part d’un membre du Conseil juste nominé, ou commencer un sermon. Ce n’était pas le cas d’Alyria. A son avis, Gabriel résumait à cet instant précis, à lui seul, tout le problème des directives bien trop strictes de l’Ordre à ce sujet, qui n’était même pas forcément inscrites dans leur code ni dans leurs préceptes fondateurs. Ainsi, elle finit par répondre, avec une touche évidente de compréhension dans la voie, se rapprochant instinctivement de son compagnon :

« Gabriel, de rien, je suis honorée de ta confiance. Après, tant mieux si ce petit intermède nocturne t’a permis de t’en rappeler. Il n’est pas nécessaire de tout le temps penser à nos expériences passées, quelles qu’elles soient, mais à mon sens, il ne faut surtout pas les rayer de notre mémoire d’un trait. C’est cela qui crée ce sentiment de vide dont tu parles, cette volonté d’oublier ce que nous croyons ne pas correspondre à un idéal que nous nous sommes fixés. Peut-être est-ce là l’équilibre à atteindre. »

La phrase « il n’y a pas d’émotions, il n’y a que la paix » ne signifiait pas, aux yeux d’Alyria, que les jedis ne pouvaient, ni ne devaient, ressentir aucune émotion. Simplement, il fallait savoir dans ces circonstances garder la tête froide, et savoir faire usage de la raison en toutes circonstances, bref être capable de se distancer de ses émotions, même des plus fortes. Dans cette logique, avoir une aventure, profonde ou non, n’avait pas forcément d’importance, tant qu’elle n’impactait pas sur la mission du jedi. C’était un équilibre délicat, qu’elle n’avait pas su atteindre étant plus jeune, car ce genre de conscience ne venait malheureusement qu’avec l’âge et l’expérience. Pour autant, cela lui permettait de voir les relations autrement, sans jugement absolu. Et ce, peu importe leur teneur.

« Après tout, déclara-t-elle avec un sourire légèrement malicieux, les relations intimes ne sont pas interdites au sein du Temple…  Je ne sais pas la réelle teneur de ce qui s’est passé, mais ce n’est pas grave, parce que ça ne t’a pas empêché de devenir un grand maître. Le danger vient de l’emportement, de la passion mal contrôlée. Un lien, quel qu’il soit, amical ou amoureux, de rivalité ou simplement d’affection, tant qu’il est mature, stable et contrôlé, peut s’épanouir et devenir un vecteur de force, et non de tentation. Evidemment, il est plus aisé de réussir cela avec une relation amicale qu’avec un véritable amour, c’est sûr. »

Alyria se demandait depuis des années si, avec le recul, elle aurait réagi de la même manière au meurtre d’Yrine. La réponse était, hélas, sans doute positive. Elle avait aimé trop vite, trop fort, dans un tourbillon passionné, sans se poser de questions, sans s’interroger sur la pertinence d’une telle relation après leur première nuit ensemble. C’était cela, sans doute, son erreur : s’être engagé en écoutant uniquement son cœur, et non sa raison. L’eut-elle fait, peut-être aurait-elle réagi différemment. Mais elle ne pouvait défaire le passé, simplement y réfléchir et faire preuve de la sagesse qui lui avait manqué étant plus jeune. Cependant, elle se refusait à regretter cette relation : elle faisait partie d’elle, l’avait façonné, et lui avait offert une compréhension de la Force et des choix individuels que peu de ses compagnons jedis avaient, sans compter de véritables moments de bonheur qu’elle conservait précieusement dans un recoin de sa mémoire.

Plongée dans ses souvenirs et dans ses réflexions, elle laissait un silence confortable s’installer. Enfin, elle finit par plonger son regard vert dans les yeux de Gabriel, et finit par dire, avec humour :

« Sans doute que la Force aime organiser des rencontres nocturnes mêlant pugilat et confessions. »
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-"Là-dessus, nous ne pouvons que tomber d'accord."

Il en avait été ainsi pour le Maitre qu'était maintenant Gabriel. Était-ce de la fausse modestie de sa part ? Non. Du moins pas pour lui. Chaque nuit qu'il avait passé aux cotés de cette personne, il n'avait jamais oublié la voie qu'il avait choisie, et elle non plus. Surtout elle, même.

-"Même si en tant que Membre du Conseil, je me dois de désapprouver ce genre de conduite, je t'avoue que je ne la regrettes pas."

Il le devait, de part le Code, et l'impact que cette attitude aurait pu avoir sur d'autres. Car au final, la raison était là à son sens : l'impact. Si lui pouvait se dire n'avoir jamais été tenté par l'obscurité, et ça même à cette époque -dans ces moments-, d'autres n'avaient peut-être pas cette "facilité". Et alors l'attachement pouvait engendrer la passion, une passion à la fois dévorante et dangereuse.

Mais voila que le silence régnait à nouveau dans l'espace d'entrainement. Un silence qui n'était cependant pas froid, mais plus -pour ce qu'en ressentait Gabriel- mémoriel. Et avisant son amie de longue date, le Corellien se tût, lui laissant à elle aussi cette occasion de se souvenir. Ami de toujours, il l'avait parfois observé, analyser ; mais scruter une Echani n'était jamais facile. Pourtant...

-"Je ne t'ai jamais posé la question, mais... y a-t-il quelque chose dont tu voudrais parler ?"

Elle avait elle-même rompu le silence, suggérant des confessions nocturnes, termes auxquels Gabriel pouvait s'identifier ce soir, mais il y avait toujours cette chose. Un détail chez son amie qu'il n'avait jamais su expliquer, uniquement supposer, et qui était lié à ce bras. Un détail qu'il n'avait jamais abordé de lui-même, étant présent pour elle si elle estimait en avoir besoin, mais muet sur la nature de ce dégât.

-"Je me rappelle de la première fois que j'ai tenté de t'apaiser cette douleur."

Ce disant, il regarda la prothèse de "la Main brisée", l'espace d'un instant.

-"Je crois que je me rappellerais toujours de ma sensation à l'époque. Une impression d'imperfection. Comme si je laissais, une fois terminé, un travail inachevé. Les Maitres disaient que c'était normal. Qu'il te fallait du temps, car la blessure n'était probablement pas que physique."

Une blessure profonde, ancrée dans un être là où guérir est difficile. Peu de choses pouvait expliquer ce genre de blessure aux yeux de Gabriel maintenant, mais il n'avait pourtant jamais abordé ce point avec Alyria, si ce n'est ce soir, en se confiant lui-même à elle.
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En entendant Gabriel approuver ses dires, Alyria ne put empêcher un sourire discret de fleurir sur ses lèvres. Il était amusant de constater que deux personnalités a priori si différentes, tant leurs places au sein du Temple avait souvent été éloignées, puissent finalement être en réalité proches. L’un se réclamait souvent de l’utopie, la deuxième avait toujours clamé son attachement à une certaine forme de pragmatisme, y compris lors des discussions entre les maîtres comme celle qui avait pris place quelques mois plus tôt à propos des mesures à prendre éventuellement face au nouvel Empire sith. Et pourtant, sur certains points, les deux sang-mêlés incarnaient à leur façon une certaine voie au sein du Temple, celle que l’on aurait pu parfois qualifier de modérés face aux plus conservateurs. Leur manière de faire variait, mais leurs conclusions se rejoignaient plus qu’elles ne s’affrontaient. Les façons de réfléchir pouvaient être différentes, et pourtant la fin identique, et cela, beaucoup de jedis l’oubliaient parfois, persuadés que l’un des corps avait une méthode meilleure que l’autre. Ignorance que cela, tous œuvraient vers le même but, seulement avec des méthodes qui variaient.

Ne pouvant s’empêcher de faire part de son observation à voix haute, la bretteuse souffla :

« Toujours sur la même longueur d’ondes après toutes ces années, hein ? Comme quoi, peu importe les voies tout à fait différentes que nous avons choisi, certaines choses ne changent pas. Du moins pas totalement. »

Cependant, la phrase suivante de Gabriel la replongea bien vite dans ses pensées, et là encore, elle ne put s’empêcher d’y trouver une ironie prononcée : longtemps, la gardienne s’était demandée si c’était le passage des années qui rendait les personnes plus sages, ou si la montée en grade au sein d’une organisation faisait adopter à chaque individu le comportement qu’il croyait qu’on attendait de lui. Peut-être était-ce un peu des deux, mais il n’en demeurait pas moins que parfois, entendre ce type de propos ne manquait pas de la faire sourire. Aussi elle décida de répondre, cette fois-ci sur un ton volontairement très neutre :

« Je me suis toujours interrogée sur les raisons qui nous poussent à tenter de réviser notre jugement sur des actes ou des pensées qu’on a pu avoir avant d’accéder à certaines fonctions. Est-ce le fait d’être soudain appelé à devenir une voix importante qui nous fait réfléchir à nos actions passées et en tirer d’autres conclusions, ou bien est-ce que nous tentons inconsciemment de nous fondre dans un moule afin de mieux habiter ce nouveau rôle ? »

Y avait-il un peu de reproche dans cette question ? Pas forcément, mais plutôt une volonté de comprendre, de savoir si Gabriel tenait à avoir une position parce qu’elle était la sienne, ou parce qu’il pensait que c’était ce qu’on attendait de lui en tant que maître du Conseil. Or, pour Alyria, la différence était loin d’être sans importance. N’avait-il pas parlé d’un rôle à tenir en évoquant sa nouvelle position ? Finalement, on en revenait aux mêmes questions, encore et toujours, au gré des digressions. Il semblait bien que leurs préoccupations premières en venant tard dans cette salle d’entraînement ne veuillent pas s’en aller, simplement la manière de les aborder changeait à mesure que l’heure avançait.

Et cette impression allait se révéler parfaitement exacte au vu de la suite de la conversation. Alyria n’avait pas réellement tant de squelettes dans son placard à révéler, son seul secret, elle le gardait à distance, dans un recoin de sa mémoire, presque plus par pudeur envers son ancienne amante que par volonté profonde d’intimité. Personne n’avait jamais su, elles se l’étaient juré, et pour le moment, la trentenaire avait toujours tenu sa promesse. Ce n’était pas tellement qu’elle ne faisait pas confiance à Gabriel, loin de là, bien évidemment, mais elle avait enfoui cette partie de sa vie dans un passé révolu, dont elle était la seule gardienne, et par respect envers quelqu’un qu’elle avait aimé passionnément, elle préférait garder la chose pour elle. Peut-être qu’un jour, elle romprait son silence, mais pas maintenant, pas ce soir. Elle n’était pas prête à le faire, les conditions n’étaient pas réunies selon elle.

Se demandant comment répondre, la maîtresse d’armes fut quelque peu soulagée, bien qu’elle n’en laissât rien transparaître, quand son ami orienta la conversation sur sa main. Enfin soulagée… C’était un bien grand mot : à vrai dire, entre les deux événements les plus tragiques de sa vie, Gabriel avait simplement choisi celui dont elle pouvait parler. Tout du moins essayer de parler, car c’était un moment de son existence qui lui donnait encore du fil à retordre en terme d’analyse personnelle, même si elle commençait à y voir un peu plus clair avec le temps.
Quand bien même, expliquer son cheminement de l’époque à Gabriel revenait ni plus ni moins à tenter une sonde psychologique de sa propre psyché, autant dire que ce n’était pas l’entreprise la plus aisée, surtout quand on ignorait encore une partie des conséquences de sa blessure, ou plus exactement qu’on ne désirait pas se les avouer. D’ordinaire, Alyria n’avait jamais grand peine à verbaliser ses idées, peu importe leur teneur, mais là, c’était une situation bien différente, qui lui demandait une réflexion beaucoup plus profonde.

Elle resta donc longtemps sans rien dire, passant sa main valide sur son visage comme pour tenter de se donner une contenance, puis se mit à tourner sur place, faisant de grandes enjambées, s’arrêtant par moment pour essayer de dire quelque chose, puis elle repartait, incapable de formuler un exposé cohérent. Finalement, Alyria finit par se laisser tomber sur un des bancs sur le côté de la salle, et leva les yeux, ses prunelles vertes fixant un point invisible devant elle, et la duelliste murmura d’une voix sourde :

« Quand j’ai perdu ma main, j’ai perdu non seulement une partie de moi, mais quelque part, soudainement, un bout de mon identité, de l’idée que je me faisais de moi-même venait de disparaître. Toute ma vie au Temple, j’ai travaillé dans un but : devenir maître d’armes, me perfectionner au mieux dans la voie que j’avais choisi. Et brutalement, ce vœu de perfection n’était plus atteignable. J’ai passé mon existence dans cette salle, étudié sans arrêt toutes les ficelles du combat au sabre, voulu élever cette discipline au rang d’art : je savais que plus rien ne serait comme avant. Alors oui, la chair a guéri, les plaies se sont refermées. Mais d’autres choses de perdues ne reviendraient pas. Et il eut été illusoire de penser autrement, de se donner de faux espoirs puis de sombrer car ils étaient simplement ça : de la fumée entretenue par une espérance futile. Je me suis acharnée, j’ai lutté pour retrouver ma place. Et je l’ai retrouvée. Pourtant, il manquera toujours quelque chose qui m’empêchera d’aller plus haut. C’est ainsi.

L’accepter est dur. Voir le rêve de sa vie se briser suffit à réduire en poussière un esprit faible. Alors, j’ai cherché d’autres défis à relever. Je continue à en chercher certains, et finalement, ce qui m’avait toujours intéressé en dehors de la salle d’entraînement, soudainement, j’ai pu m’y adonner pleinement. Je ne regrette pas ce que je suis devenue depuis quatre ans. Je suis moi, et en même temps, différente. La Force m’a guidée sur une autre voie, semblable, mais alternative. Ce n’est pas un mal, mais s’en rendre compte prend du temps. »

Voilà, elle avait tout dit, tout expliqué, du mieux qu’elle le pouvait, dans un torrent de mots qui sortaient de sa bouche sans s’arrêter, comme retenu par une digue qui venait de craquer. Ce qu’Alyria venait de peindre, c’était son portrait mental, avec ces fêlures et la manière dont elle s’était relevée. Oui, elle restait une combattante redoutable, un porte-étendard pour l’Ordre. Mais son idéal, lui, avait été tranché en même temps que sa main. Alors, elle était entière, cependant, la bretteuse savait qu’une part d’elle avait irrémédiablement disparu sur Roon. 
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Était-ce étonnant qu'ils le soient ? Toujours sur la même longueur d'ondes, malgré les années. Mais les années, bien qu'un facteur pour beaucoup, n'effaçait pas de l'avis du Corellien le vécut. Gabriel avait grandit en passant une partie de son enfance avec Alyria, créant avec elle une amitié qui avait durée et perdurée même malgré les aléas de la vie d'un Jedi. Ce genre de lien ne disparaissait pas, tout comme ce qu'il en ressortait alors.

L'espace d'un instant, alors qu'Alyria prononçait ces mots, c'est l'image de deux enfants, courant presque dans les couloirs pour arriver à l'entrainement suivant qui se dessina à l'esprit du Jedi. Une vision romanesque, nostalgique et réconfortante à son esprit surchargé de la soirée, souvenir d'un passé qui fût et qui resterait cher à son cœur.

-"Je ne comptes pas être différent parce que je suis au Conseil. Pourtant, certains le penseront."

Était-ce une réponse ? S'attendait-elle à une réponse ? Gabriel n'aurait su le dire, mais il ne pouvait pas rester tacite non plus devant la réponse qu'elle avait formulée. La vérité était qu'il avait une charge de plus, et dans cet optique, que ses décisions en tant que Maitre du Conseil influerait sur le choix de beaucoup, décisions qui dès lors avaient un tout autre impact. Mais force était de reconnaitre qu'avant sa nomination, il ne devait pas prendre ce genre de décisions. Dès lors, son attitude semblerait peut-être différente. Mais la vérité était là : des variables étaient modifiées, et donc la finalité tout autre. C'était ainsi, et qui connaissait le sang-mêlé aussi bien que son amie d'enfance le savait.

Quant à la réponse qu'Aly' apporta ensuite, Gabriel la regarda. S'il est un temps pour se taire et un temps pour parler, le moment qui se dessinait était celui de l'écoute, et le Corellien le comprit, laissant à son homologue la parole, à sa convenance. Parfois des silences, mais finalement elle continuait, expliquant la raison de ce mal-être qu'elle ressentait depuis tout ce temps. Celle que l'on appelait "la Main Brisée"... Ce surnom sonna alors si faux aux oreilles de Gabriel. Si faux, et pourtant si proche. Le Rêve Brisé, voila qui aurait été plus concordant. La main était si lié au rêve de la Maitresse d'armes que la déduction en était logique. Et le Jedi qu'était Gabriel n'avait omis cette possibilité que parce qu'il avait vu, soutenu, et admiré la force avec laquelle Alyria s'était à son sens relevé, la volonté dont elle avait fait preuve.

-"Je comprends..."

Sur le ton d'un soupir, audible cela dit, la réponse était -certains la qualifierait ainsi- simple. Une marque d'empathie et de compassion, sincère et fidèle, que pourtant d'autres auraient pu remettre en question. Car évidemment, pouvait-il réellement comprendre ce que l'on pouvait ressentir à la perte d'une "partie de son identité", comme le définissait si bien Alyria ? Lui n'avait pas perdu un symbole si fort de ses ambitions, si ce n'était un être cher. Pourtant, il pensait profondément ses paroles.

-"C'est pourtant étrange que tu te définisses ainsi. Aujourd'hui, je ne connais personne pour te tenir tête, et tu restes celle en qui je remettrais ma vie avec le plus de confiance. De regard extérieur, tu es... l'exemple même de la ténacité. Mais je comprends ce que tu ressens."

Comment le dire autrement ? C'était impossible. C'était impossible de trouver des mots appropriés à cette situation, tant chacun d'eux pouvaient être si mal compris, sonner si faux à l'oreille même la plus aiguisée et empreinte de sagesse.

-"A mon sens, c'est un avis, cette étape de ta vie, cette conséquence est un défi que tu as relevé, et que tu continues de relever encore aujourd'hui. Et en cela, à mes yeux, tu n'es pas différente de la jeune rousse dont mon esprit est empreint de souvenir."

Un sourire aux lèvres, et le regard déterminé, Gabriel alla s'asseoir près de sa comparse.

-"Je regrette juste de ne pas l'avoir compris plus tôt. Peut-être... que j'aurais été présent autrement. En cela, maintenant, je te présente mes excuses."
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Comprendre… Comment un simple mot pouvait-il recouvrir des couches d’appréhension tellement différentes, des degrés de signification si divergents ? On pouvait comprendre une parole brute, c’était le premier stade. On pouvait comprendre les sous-entendus derrière cette même parole brute, c’était le deuxième stade. On pouvait tenter de percer les intentions cachées, non révélées, même dans l’expression orale… Mais était-il possible de réussir à réellement savoir ce que l’interlocuteur avait pu ne pas exprimer, car lui-même avait du mal à se comprendre lui-même ? Peut-être que cet obstacle sur lequel avait buté tous ses amis résidait dans ce dernier, cet ultime étape de la compréhension ? Réussir à se rendre compte de quelque chose qu’Alyria avait elle-même eu tant de mal à s’avouer, et à verbaliser.

Pourtant, la maîtresse d’armes avait la conviction que son ami avait compris, en effet, ce qu’elle avait voulu exprimer à cet instant, du moins dans le carcan imposé par son propre entendement. Après tout, sa vision de l’art martial était toute personnelle, comme son rapport presque mystique à l’entraînement physique, à la coordination parfaite, pure, entre le corps, l’esprit, et par extension, la Force. C’était un état d’esprit, et non une simple vue de l’esprit, aurait-elle pu dire sans mauvais jeu de mot.

Voilà ce qui avait rendu cette amputation si douloureuse, si dramatique. Oui, les prothèses existaient, oui, physiquement elle s’en était remise, et comme Gabriel venait de le pointer, elle restait une bretteuse d’exception. Elle le savait, et faisait tout pour cela. Cependant, ce rêve, cette envie brûlante de perfection, de lien fusionnel entre les arts jedis et son être pour sublimer sa connexion avec la Force avait été détruit ce jour-là. Après, était-ce pour lui faire ouvrir les yeux sur de nouvelles voies ? Seul l’avenir le dirait.

Mais cet extérieur si fort, si déterminé était une façade bien rôdée, un mur de calme glacé construit par le temps et la souffrance pour éloigner ses doutes, son mal-être. Cette armure de froideur ne se fendillait qu’auprès de ses amis, et en de très rares occasions, avec eux, elle laissait apercevoir la réelle Alyria derrière le maître jedi, cette Alyria qui en effet, pouvait avoir une ressemblance troublant avec l’enfant qu’elle avait été, malgré les évolutions normales de caractère dues à la maturité.

Aussi elle offrit un sourire un peu flottant à son ami, le regard toujours fixé devant elle, avant de dire :

« J’espère tout de même avoir un peu plus de sagesse que cette petite rousse dont tu parles… »

Ah, enfant, elle avait été parfois une tornade de curiosité, prompte à saouler les maîtres les plus patients de questions, à rechercher sans cesse un nouveau moyen d’améliorer sa technique au sabre… Elle avait été une initiée plutôt calme, dans le sens où elle ne cherchait pas franchement les ennuis, mais débordante d’énergie en même temps, et avide surtout de ressembler à ces grands bretteurs qu’elle observait avec les yeux émerveillés de l’ambition enfantine…

Etait-elle si différente maintenant ?

Oui et non. Parfois, elle regrettait cet éloignement progressif dû à l’abandon de cette candeur qui illumine les visages des jeunes padawans face à la découverte d’un nouveau mystère de la Force, ce paradis perdu de l’enfance. D’autres fois, elle ne pouvait s’empêcher de penser que c’était dans l’ordre des choses, et que c’est en devenant cette guerrière impassible à l’esprit analytique qu’elle avait pu atteindre cette maîtrise des arcanes jedis jusqu’à parvenir au rang de maître.

Il était temps de faire la synthèse entre ces deux parties de son existence, de combler ce fossé entre ce qu’elle désignait avant comme l’avant et l’après, avec au milieu, comme mur de séparation, cet événement qui avait tranché dans sa chair et dans son esprit. Alors seulement, éventuellement, elle pourrait, à défaut d’être ce dont elle avait rêvé immédiatement, devenir le reflet de cette ambition, et y accéder par un autre moyen, ou alors tout simplement se muer autrement en cette personne inspirante pour les générations futures. Car finalement, n’était-ce pas cela, son véritable rêve ?

« Mais en un sens, je serais toujours cette Alyria de ton souvenir… Tout en étant différent. Tout comme tu es le Gabriel que j’ai connu enfant, sans se résumer à cela. »

Parce qu’il n’était plus ces petits padawans avides de grandir. Justement, ils avaient grandi, ils avaient mûri, et parfois, leur vie avait pris un tournant qu’ils n’attendaient pas, qu’ils avaient pu redouter, qu’ils avaient surmonté.

« Et tant que je pourrais honorer mon rang, je resterais maître d’armes, avec tout ce que cela implique. Le reste… n’est qu’un détail. Qu’une vision personnelle à adapter. »

Enfin, elle tourna la tête pour faire face à son interlocuteur, et ce fut avec une voix à nouveau sereine, avec cette voix grave qui lui était habituelle, qu’elle reprit la parole :

« Tu n’as pas à t’excuser. Vous m’avez tous soutenu, et vous ne pouviez faire plus, parce que c’est quelque chose que je devais régler avec moi-même. Et je pense que ce soir, grâce à toi, j’ai encore un peu plus avancé sur le chemin de l’acceptation, et surtout du dépassement. Au contraire, je devrais te remercier. »

Un très faible rayon de lumière éclaira alors la pièce : le soleil commençait à se lever, et déjà la nuit laissait la place à l’aube. Absorbés dans leur duel puis dans cette conversation riche en enseignements, les deux jedis n’avaient pas vu le temps passer. Quelque part, la symbolique de cette lumière venant les envelopper au moment où tous deux avaient enfin réussi à mettre des mots sur leurs tourments secrets respectifs n’échappa pas à la trentenaire, et c’est avec une expression apaisée, douce, qu’elle se leva et déclara :

« Allons-nous coucher avant d’avoir définitivement passé une nuit blanche, il doit nous rester deux heures de sommeil avant de devoir retourner à nos occupations respectives. Un maître du Conseil qui pique du nez et une maîtresse d’armes qui s’endort sur son sabre, ça ne ferait pas sérieux. »

L’humour était revenu, mais il n’avait pas cette pointe d’amertume, cette volonté de cacher la réalité sous le velours attrayant des bons mots, non il était sincère, sans complexe, libre. Comme ce qu’Alyria essayerait elle-même d’être à l’avenir, malgré la douleur qui ne cesserait pas de la ronger.

C’était un premier pas. A elle de trouver le moyen d’en faire d’autres. 
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