Emalia Kira
Emalia Kira
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Emalia avait l’air de contempler une sculpture illustrant un arbre de Kashyyyk, dont l’auteur au nom imprononçable avait été rebaptisé le « biologiste de la Bordure Médiane » selon le petit écriteau. En réalité, la souveraine regardait l’œuvre sans la voir. Elle réfléchissait, et mieux valait qu’elle ne se hâtât guère : le temps était si long dans un musée, à tel point qu’il lui semblait généralement que les heures obèses laissaient traîner leur ventre au sol d’une manière insolente.
Mais elle ferait l’effort, cette fois-ci. Elle n’afficherait pas de grimace, ne se plaindrait pas lorsque ses pieds figés étroitement dans ses escarpins délicats la feraient souffrir après de longues minutes à marcher. Elle n’aurait nul besoin de jeu de jambes, que sa robe longue couleur ocre dissimulait de toute manière. Un châle recouvrait pudiquement ses épaules et adoucissait son visage rendu sérieux par le chignon haut et volumineux qui tirait en arrière sa chevelure abondante. Le silence qui régnait autour d’elle la détendait néanmoins, et les deux banthas chargés de sa sécurité avaient eu le bon sens de la mettre en veilleuse.

L’édifice, il fallait le reconnaître était d’un charme épuré qui dotait les œuvres ici exposées une certaine classe qu’elles ne connaîtraient sûrement pas dans leurs mondes d’origine. Exceptée Ondéron, bien entendu. Sa planète natale faisait partie des mondes mis à l’honneur ce mois-ci au musée fondé par Lord Janos…
Voilà bien un homme qui l’étonnait, et plutôt deux fois qu’une. A son grand dam, elle n’avait réussi à tout à fait percer à jour le mystère de sa manœuvre pour Artorias : pourquoi héberger des réfugiés ? La notoriété gagnée par cet acte, selon la souveraine, ne pesait tout simplement pas suffisamment au regard des contraintes économiques induites. Pourtant, le parti du sénateur d’Aargau avait pris beaucoup d’importance depuis. Finalement, peut-être avait-ce été l’unique but de Lord Janos. Mais elle avait la désagréable impression qu’il y avait autre chose derrière cette manœuvre, quelque chose qu’elle n’avait pas réussi à deviner.
Et voilà que maintenant, il construisait un musée ! Avait-on idée d’être si charitable ? Aargau avait-elle de l’argent à ne plus savoir qu’en faire, ou bien le Sénateur s’ennuyait-il profondément dans ses fonctions ? Non, aucune de ces hypothèses n’étaient plausibles aux yeux d’Emalia. Là encore, il y avait quelque chose qu’elle n’avait pas su voir. Et elle mourrait d’envie de savoir quoi.

Ce n’était pourtant pas la raison qui l’avait conduite ici. Même les expositions concernant Ondéron, prétexte bien utile, ne l’intéressaient guère. La vérité, c’était que quelque chose l’avait frappée depuis sa rencontre avec le Sénateur Scalia… Les campagnes électorales étaient rudes, ici sur Coruscant. Pour accéder au pouvoir, il lui faudrait faire bien plus d’efforts qu’elle n’en avait eus à fournir pour accéder au trône d’Ondéron. Et le temps filait à une vitesse…
Il fallait donc au plus vite amasser autour de soi les alliés politiques, maîtriser les principaux sujets d’inquiétude et de discorde. Déjà des rumeurs circulaient, mais elle n’avait pas encore présenté sa candidature officielle. Elle la préparait soigneusement, en même temps qu’elle faisait durer le suspense.

Or, Lord Janos ne serait guère un client facile : il soutenait les Artoriens et par extension, il se rangerait probablement aux côtés de Valerion Scalia. Pourtant, Emalia avait bon espoir : l’artorien voulait la guerre, la mise à feu et à sang, la vengeance par la violence. Elle, elle voulait d’abord récupérer sa planète, et tenir suffisamment à l’écart les Sith en attendant. Que les Jedi s’occupent de se battre s’ils le désirent. Donc, elle tablerait certainement sa stratégie sur le fait qu’elle ne déclarerait pas une guerre dangereuse pour la République. Mais il ne fallait pas non plus qu’elle représentât le clan des couards, non ! Il faudra savoir se montrer ferme, convaincre et persuader les sénateurs et la population sur le fait qu’elle tiendrait tête à l’Empire. Or, elle se faisait confiance pour savoir se montrer intransigeante lorsque cela nécessaire. Le tout était que les autres le crût aussi…
Avec cette stratégie, donc, elle avait une chance de plaire à Lord Janos. Dans ses souvenirs, les propos du Sénateur d’Aargau avaient toujours été mesurés, même après de terribles évènements : tout portait donc à croire qu’il n’était peut-être pas aussi partisan de la guerre que pouvait l’être Scalia…

Bruits de pas et éclats de voix résonnèrent dans le hall, et la souveraine sut qu’enfin elle n’aurait plus à patienter. Elle ne put s’empêcher de vérifier son reflet sur la vitre protectrice de l’une des œuvres avant de se composer une expression et de se tourner vers l’entrée pour accueillir le Sénateur. Ou plutôt pour être accueillie par lui. Avant qu’il n’entrât, elle se mordit les lèvres et se pinça brièvement les joues, histoire de se redonner bonne mine. L’accouchement d’Ethan l’avait fatiguée, et on n’élirait certainement pas une femme au teint livide !

A peine Lord Janos entrait-il qu’elle se dirigeait vers lui à pas déterminés – ses talons quelques peu bruyants dans cet environnement habitué au calme absolu. Bah ! Ils n’avaient qu’à faire l’effort de dérouler quelques tapis comme au Sénat, aussi !

- Sénateur Janos,
s’exclama-t-elle avec un sourire rayonnant, comme si elle était presque surprise de le trouver là. Je vous ai attendu avec impatience. Coruscant m’étonne chaque jour, et j’ai hâte d’être une fois encore émerveillée !

Elle lui tendit la main pour serrer la sienne, histoire que sa main ne soit pas baisée comme elle aurait pu l’être dans la salle de son trône ou en privé. Le musée était un lieu public ; même si la foule n’affluait pas, ils pourraient être pris en holo et leurs échanges commentés par la presse. En outre, Emalia désirait instaurer entre eux deux un rapport direct d’égal à égal. Les convenances d’autrefois n’avaient plus lieu d’être : Lord Janos rencontrait non pas la souveraine sur son monde, mais une Sénatrice travailleuse en territoire étranger. En tout cas était-ce l’image qu’elle était bel et bien déterminée à montrer.

- J’espère que ma présence ne bouleverse pas votre planning, Sénateur. Comment allez-vous depuis notre dernière entrevue ?

Zut, se dit-elle intérieurement, elle avait du mal à se défaire de son habituel ton badin. Elle ne voulait tout de même pas faire comme si Flydon Maxima et compagnie n’avaient jamais existé ! Mais qu’y avait-il de mal à s’enquérir des nouvelles d’une connaissance ? Les choses sérieuses viendraient bien assez vite sur le tapis… Elle aurait tout le temps de l’interroger sur des sujets délicats pendant qu’ils regarderaient ces œuvres informes !
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Les deux battants de la lourde porte s'ouvrirent. Pas militaire, cape au vent : Lord Janos fit son entrée dans la salle des expositions thématiques.

Le Musée des Arts et Cultures n'était pas encore achevé, mais son fondateur avait exigé que toute la partie supérieure ouvrît ses portes au public de la classe dirigeante. La mesure n'était pas des plus démocratiques, mais à vrai dire, personne ne s'apercevrait de cette légère entorse idéologique. En fait, ce Musée était devenu le nouveau bureau de Janos : il y recevait ses invités, y menait ses délibérations, y fomentait ses plans ; bref, il y avait redirigé toute son activité politique. Ils étaient maintenant nombreux, les membres du Rassemblement Républicain à avoir eu l'honneur de participer à ces "avant-premières" peu désintéressées. Et par cette belle après-midi ensoleillée, Emalia Kira serait la suivante sur une liste qui ne cessait d'augmenter...

Quand le Lord aperçut la Reine, postée aux côtés d'un arbre de facture wookie, parée de ses plus belles dentelles, ornée d'une grâce toute aristocratique, il fut un instant saisi de doute. Le plan qu'il avait en tête était-il le meilleur ? Rejliidic soutiendrait Scalia lors des élections. S'il l'avait voulu, Janos aurait pu s'affilier lui aussi à son fidèle allié, tout en obtenant la faveur de son principal rival. La logique la plus basique aurait voulu qu'il appuyât la candidature de son collègue artorien. La plus basique, oui, et la plus sécuritaire, tout au moins en apparence. Mais ce projet infiniment plus retors pouvait se montrer d'autant plus efficace qu'il était élaboré.

En ce moment-même où il se dirigeait vers Emalia Kira, Lord Janos pouvait encore rebrousser chemin. En revenir à un plan moins complexe. Ensuite, les dés seraient jetés, quel que fût son choix...


«Sénatrice Kira, soyez la bienvenue dans ce Musée des Arts et Cultures, l'une des futures merveilles de cette Coruscant qui semble tant vous plaire. Et rassurez-vous : mon emploi du temps se fera une joie de vous intégrer dans ses cases.»

Il n'avait pas rebroussé chemin. Les dés étaient donc jetés...

Immédiatement, le sénateur d'Aargau put constater qu'il n'avait plus affaire à cette reine frivole qu'il avait rencontrée à la suite des événements d'Artorias. Au baise-main courtois s'était substituée une franche poignée de main, à la souveraine mondaine une politicienne coruscanti. Soumis à ce constat, Janos inclina légèrement la tête sur le côté et adressa un petit sourire complice à son hôte.


«Tout d'abord, je tiens à vous féliciter pour votre accouchement.», déclara-t-il comme son œil artificiel lui indiquait que la souveraine était mère une nouvelle fois. «Que cette heureuse venue se fasse sous les meilleurs hospices. Puissions-nous lui offrir un monde où mener une vie paisible.»

Dans son goût pour les phrases élégantes, Janos se félicita intérieurement de la formule. Comment mêler un compliment galant à une considération cynique sur la conjoncture actuelle et ses aléas dérisoires...

«Du reste, je me porte plutôt bien. Ce Musée m'a permis de m'occuper l'esprit intelligemment et de me sortir la tête de toutes ces histoires de guerre. Quant à l'intégration des Artoriens sur ma planète, elle s'est très bien passée. De la part de mon peuple, je craignais quelques réticences xénophobes, mais il s'est avéré que mes concitoyens sont bien mieux élevés que je ne le pensais.»

Nouveau sourire courtois, parfaitement contrôlé, teinté d'une légère touche d'autodérision. Cette petite pointe de préciosité ne devait servir qu'à entrer directement dans le vif du sujet. Si l'on désire offrir à l'Ordre social toute son efficacité sans pour autant le brusquer, toute forme de brutalité doit se tempérer.

«Ceci étant dit, je ne passerais pas par quatre chemins, si vous me le permettez.»

Sur Ondéron, le Lord ne se serait jamais permis de se montrer si direct ; bien au contraire, il aurait enveloppé la chose dans de belles paroles, multiplié les ornements rhétoriques, bref, comme on le dit vulgairement, tourné autour du pot. Mais ce n'était plus Ondéron ; et cette personne n'était plus l'Emalia Kira sotte et frivole que Janos avait trouvé si méprisable. Comme quoi, il faut que l'on mette des planètes entières dans des enchères diomatiques pour que les esprits prennent un peu gravité. Voilà qui était rassurant sur le compte de cette femme, en tout cas : au moins Janos avait-il fait le bon pari.

«Je ne vous ai pas fait venir ici pour parler mouvances artistiques, mais pour discuter d'un sujet qui devient de plus en plus pressant. Ce sujet, j'imagine que vous vous en doutez : nous devons parler des élections à la chancellerie, sénatrice.»

Le sourire avait disparu ; une soudaine gravité se dessina sur les traits artificiels du Lord.

«Et sachez qu'à mes yeux, si quelqu'un peut vraiment se montrer digne du titre de chancelier, c'est vous, et vous seule.»

Voilà. C'en était fait. Advienne que pourra, maintenant.
Emalia Kira
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La souveraine rendit au sénateur son sourire complice. Emalia ne s’y tromperait pourtant pas : Lord Janos avait bien plus d’expérience qu’elle dans la politique galactique. Son âge, aussi, était un atout. Sans compter une influence bien plus importante que la sienne propre… Aussi cette apparente mise sur un pied d’égalité ne pouvait être que de la courtoisie, ou de la flatterie. Mais il était visiblement disposé à prendre l’ondéronienne au sérieux, et cela suffisait amplement à Emalia pour l’instant.

Elle répondit par un hochement de tête poli à ses félicitations. Non qu’elle n’appréciait pas l’attention qu’il lui portait, mais elle avait pris la décision de laisser sa petite famille en dehors de tout cela. Ils seraient bien mieux protégés ainsi. En revanche, elle ne manqua pas l’occasion de flatter à son tour le sénateur, tant qu’il en était encore temps.

- Laissez-moi vous féliciter à mon tour pour cet édifice, Sénateur Janos. Les projets culturels et de charité deviennent de singulières réussites entre vos mains.

C’était le moins qu’on pût dire, même si Emalia ne comprendrait pas pourquoi tant de générosité dans ses actes. Peut-être n’était-ce qu’un moyen de communication, pour servir une image de représentant parfait des peuples de la République. Elle n’était pas sûre que le jeu en valût la chandelle, mais elle respecterait ses choix.

Alors qu’elle baladait distraitement son regard autour d’elle, glissant sur ces œuvres colorées, Emalia se figea brusquement et ses yeux s’arrondirent.

Avait-elle bien entendu ? Ça, pour ne pas y aller par quatre chemins il savait y faire. Elle tourna vers lui un regard perçant, comme si elle avait pu voir au-delà des pupilles énigmatiques du Sénateur. Le doute la submergea un bref instant : comment avait-il pu savoir ?! Se pouvait-il que cette remarque soit une pure coïncidence, ou bien quelqu’un dans son entourage l’espionnait-il ? Elle fronça les sourcils. Elle s’occuperait de cela plus tard, mieux valait croire en la bonne foi du sénateur pour le moment, ne serait-ce que parce qu’il se présentait d’emblée en allié.

- Voilà qui est bien surprenant,
finit-elle par déclarer en retrouvant un sourire de circonstance. Ainsi donc, mon arrivée sur Coruscant en tant que Sénatrice n’aura pas été un jeu si difficile à percer… Je me demande combien de sénateurs sont parvenus aux mêmes conclusions que vous.

S’ils étaient nombreux, elle perdrait totalement l’effet de surprise lorsqu’elle dévoilerait son programme.

- Mais êtes-vous bien sûr de ce que vous avancez, Sénateur Janos ? Contrairement à certains mouvements populistes, je n’ai pas l’intention de faire campagne pour une guerre contre l’Empire Sith.

Beaucoup de planètes, se sentant lésées comme Artorias ou en danger, comme celles proches des frontières de l’Empire Sith, alimentaient pourtant une soif de vengeance avec laquelle il serait facile de déchaîner les passions. Mais Emalia avait tendance à trouver que la République d’Arnor avait bien mérité son sort : ils ne s’étaient pas battus suffisamment, le Chancelier n’avait pas été assez ferme et ce que Darth Ynnitach avait remporté, elle l’avait presque gagné de manière « fair-play ». Le fait que ce soit une femme qui soit parvenu à faire plier la République forçait par ailleurs un certain respect supplémentaire.

- Loin de moi l’idée d’être une alliée ou un pantin de l’Empire, bien évidemment. Ce que je compte faire valoir, c’est qu’il est important que la République mène la danse. Qu’elle en ait la force et le courage… Et dans cette entreprise, je ne suis pas sûre d’être suivie par beaucoup de sénateurs.


Sous-entendu, le Sénat se caractérisait selon elle plutôt par sa faiblesse et sa couardise. Elle ne s’en cachait pas. C’était une opinion qui, à son avis, devait être partagée par bien des mondes.

- Autant vous dire que, dans ce contexte, votre soutien me serait effectivement plus que précieux…

Emalia souhaitait néanmoins bien mettre les choses au clair avant d’instaurer dans son esprit des certitudes au sujet du sénateur d’Aargau. Autant qu’il soit prévenu, d’emblée, de ses positions politiques.

- Pour autant, sachez que le sort d’Artorias ne m’est pas indifférent, ni celui, bien sûr, d’Ondéron. Je vais prôner une renégociation du traité de paix avec l’Empire. Sur le plan économique, je vais clamer que les bordures médiane et extérieure, ainsi que les colonies, disposent de ressources non assez exploitées, sur lesquelles pourront s’appuyer l’armée républicaine. Hors de question qu’elle reste la garde personnelle du Noyau, elle devrait jouer beaucoup plus pleinement son rôle, là où l’on a besoin d’elle.


La souveraine planta de nouveau un regard déterminé dans les pupilles du sénateur d’Aargau. Elle ne souriait plus – ils n’avaient tous deux plus besoin de cela pour avancer. Etait-il toujours de son côté ? Finalement, il n’y avait pas grand-chose pour lesquelles elle serait intransigeante, mais ce qu’elle venait d’énoncer en faisait partie.

- Je suis tout à fait consciente, néanmoins, que vous pourriez attendre quelque chose en retour de votre soutien. J’aimerais, de mon côté, être au fait de ces désirs dès aujourd’hui. Si c’est une place dans le gouvernement que vous espérez, cela peut tout à fait se négocier.


En réalité, elle ne voyait pas exactement ce qu’il pouvait attendre d’elle à part cela. Et tant qu’elle n’était pas chancelière, elle n’avait quasiment rien d’intéressant à lui offrir.

Autour d’eux, les quelques gardes présents étaient devenus éléments du décor. Ils étaient immobiles, dans leurs petits souliers.
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Pour sûr, l'Emalia Kira à qui Janos s'adressait n'avait plus grand chose à voir avec celle qu'il avait rencontrée jadis. Sa première impression fut donc confortée par le tour très direct qu'avait pris la conversation. Cependant, la surprise qu'elle afficha d'être ainsi découverte prouva au sénateur d'Aargau qu'elle conservait encore une certaine candeur. Mais ce genre de chose est tout naturel lorsqu'on se plonge pour la première fois dans un nid de vipère comme la Rotonde. Janos lui-même, plus jeune lorsqu'il n'était qu'un fonctionnaire dans la délégation sénatoriale de son père, avait été outré par l'hypocrisie ambiante. Une époque très lointaine que celle-là... Désormais, ses combines et autres tractations en avaient fait l'une des vipères plus sournoises de ce nid qu'il s'était tant acharné à blâmer. Mais il était différent, lui. Tout ce qu'il faisait, il le faisait au nom de l'Ordre. Ce qui transformait considérablement son rapport au pouvoir...

Janos eut un petit sourire cordial à l'attention de son interlocutrice :


«La naïveté n'est pas l'apanage des politiciens, en effet... Voyez-vous, un nouveau venu attire toujours l'attention, dans le monde qui est le nôtre. Quant aux rumeurs, il est bon de les écouter d'une oreille, tout en laissant à l'autre le soin de filtrer les informations avec tout l'esprit critique dont nous avons besoin.»

Une manière subtile de lui signifier que rien ne le surprenait, qu'il anticipait toute chose et qu'il pouvait conséquemment représenter un partenaire puissant. Ce qui n'était pas tout à fait faux, en soi : Janos lui-même n'avait-il pas déclaré à Ragda Rejliidic qu'il désirait soutenir la Reine et sénatrice d'Ondéron ? En ce sens, son intuition avait vu juste : il n'avait même pas eu besoin de la pousser à la Chancellerie pour qu'elle s'y propose d'elle-même. Du reste, en jouant les blasés, le Lord affichait clairement qu'il avait une parfaite maîtrise du terrain politique.

Et il n'avait pas encore assez de lucidité pour se l'avouer lui-même, mais cette maîtrise lui offrait une supériorité dont il tirait un malin plaisir.


«Du reste, le bellicisme que j'affiche devant les caméras n'est qu'une posture nécessaire à mon image. Vous savez, il faut savoir flatter ses électeurs, les brosser dans le sens du poil, comme on dit. Or les citoyens d'Aargau désirent qu'une guerre soit menée. D'une certaine manière, ils n'ont pas tout à fait tort : la position géopolitique de ma planète la met hors de tout conflit ; si une guerre éclate, celle-ci touchera les mondes périphériques, pas le mien. Et l'appareil militaire lancera une industrie impitoyable qui ne pourra que s'avérer bénéfique à l'économie de ma planète. Bref, Aargau pourrait bénéficier des attraits d'un conflit économiques sans être frappé sur son sol. Tel est le raisonnement de mes concitoyens.

Mais, à un certain stade, je ne crois pas qu'un sénateur doive se contenter de représenter les intérêts de son peuple. Certains ne se gênent pas pour le faire : pensez à des Ion Keyïen, à des Ragda Rejliidic... Mais ce n'est pas mon cas. J'ai conscience qu'à une échelle plus vaste, si une guerre éclate, la République tout entière n'en sera qu'affaiblie. Et si la République est affaiblie, Aargau en sera affaiblie. Mes électeurs réagissent sur un court terme - comme tout électeur - ; moi, je raisonne sur un long terme. Ceci dit, je préfère leur camoufler le fond de ma pensée, non pas par souci de démagogie, mais pour les écarter subrepticement de leurs jugements fallacieux. Je me considère comme une sorte de guide, un peu à la manière de ces maîtres de grammaire qui omettent d'expliquer une partie des règles fondamentales à leurs élèves, pour qu'ils s'en imprègnent au fil des leçons...»


On put voir à son haussement de sourcil satisfait que Janos se félicita lui-même de sa métaphore.

«J'apprécie beaucoup Valérion Scalia, voyez-vous. Nous parvenons à travailler ensemble dans l'entente et dans l'harmonie, ce qui est préférable vu la situation d'Aargau. Mais de là à le soutenir dans ses désirs bellicistes, non. Bien sûr, je préfère encore un revanchisme acerbe à une politique de l'autruche et du statu quo. Mais de loin, c'est la fermeté qui me semble l'attitude la plus pertinente. Or vous nous promettez la fermeté : je ne peux que me rallier à vous.»

À force de forger des discours de toute pièce, Janos avait parfois l'impression d'être devenu une sorte de sophiste capable de prouver tout et n'importe quoi. Auprès de ce fourbe de Rejliidic, il avait tenu tel propos ; aux côtés du sénateur Scalia tel autre ; et maintenant, devant Emalia Kira, il se faisait le défenseur d'une République très différente encore. Il était loin, le temps où le Lord ne louvoyait jamais, mais débitait ses opinions sans scrupule, sans crainte des réactions. Que s'était-il passé entre temps ? Eh bien, il avait acquis un immense pouvoir... Mais ces combines n'avaient d'autre objectif que l'idéal de l'Ordre, se répétait-il sans cesse. L'Ordre, l'Ordre, l'Ordre...

«Du reste, je ne vous cacherai pas que mon soutien ne sera pas gratuit.», déclara-t-il avec la fermeté d'un businessman en pleines tractations financières. «Je désire devenir ministre de l'industrie.»

Voilà qui était dit. Restait tout de même à se justifier : sinon, le sénateur d'Aargau serait vraiment passé pour ambitieux, et il ne le désirait nullement.

«Rassurez-vous : ce n'est pas un caprice de ma part. Je juge simplement avoir les compétences nécessaires pour assumer un tel rôle. Tout le temps de mon mandat, j'ai cherché à lutter contre les magnats de l'économie sur ma planète. Pour ce faire, il m'a fallu mener des dizaines de réformes destinées à offrir aux travailleurs les emplois qu'ils n'avaient plus. Très récemment, j'ai mené des accords économiques avec la L.M.P. pour offrir à mes concitoyens et aux nouveaux venus d'Artorias des emplois dans le domaine de l'industrie. À mes yeux, ce secteur économique est le plus apte à offrir un cadre de vie supportable aux individus : un chômeur cède bien plus facilement à l'alcool et à toute sorte de dérive qu'un travailleur. Socialement, je crois en l'Ordre que peut instaurer un système où chacun trouve sa place. C'est la raison pour laquelle j'aimerais obtenir le poste de ministre, afin d'appliquer ce type d'idée bienfaitrice à la totalité de notre système. Et il pourrait s'agir d'un tenant principal de la République forte que vous promulguez...»

Toujours connecter ses intérêts à ceux de l'intéressé... Une excellente manière de rendre un argumentaire percutant et alléchant.

Qu'aurait pensé Emalia Kira si Janos lui avait révélé que ces questions d'industrie lui étaient d'autant plus familières qu'il occupait le poste de Maître des Forges dans l'Empire Sith ? Évidemment, il ne l'aurait fait pour rien au monde. Mais plus le temps passait, plus il s'amusait à imaginer la réaction des gens s'ils découvraient les ressorts de sa duplicité... Il en tirait même une jubilation chaotique, et il avait beau se refouler, le plaisir qu'il éprouvait à l'idée de cette supériorité n'allait pas en décroissant...
Emalia Kira
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La souveraine resta songeuse devant les propos du Sénateur. Il était bien avisé, voilà qui était clair. Un allié de cette trempe pourrait fort bien faire un conseiller d'une extrême valeur. Mais il lui révélait aussi sa propre faiblesse : elle n'était pas encore assez au fait des pratiques du monde politique qui s'agitait sur Coruscant, à tel point qu'elle s'était déjà faite remarquer. Si lui avait deviné, combien d'autres ? Emalia fronça les sourcils, légèrement contrariée, en promenant son regard autour d'elle.
Une année ou deux auparavant, elle se serait fâchée que quelqu'un pût insinuer qu'elle manquait de finesse, mais aujourd'hui, elle n'avait plus ce genre de passion. Ou plutôt, ses émotions tumultueuses s'étaient tournées vers bien d'autres choses. En outre, il serait fort inutile de tempêter contre un potentiel allié. Mieux valait d'ailleurs apprendre de ce qu'il lui révélait : il lui fallait être plus prudente dans ses actes et ses déclarations, car on la surveillerait de près.

Elle commencerait par publier son programme électoral en "brossant dans le sens du poil" les électeurs, tel que Janos appelait ça. Pourtant, sur le reste, il était difficile à suivre. Il présentait une image en accord avec son peuple, maisne oeuvrait pour l'inverse de ce qu'il prônait dans les médias. C'était bien sûr une manière de tous les politiciens, mais qu'il l'affichât si clairement était plutôt surprenant. Après tout, ils ne se connaissaient guère, tous les deux. Soit il avait décidé de jouer cartes sur table, en pariant sur un coup de poker, soit il lui présentait une nouvelle image confectionnée par ses soins et qui n'avait rien à voir avec le Janos véritable. Voilà bien de quoi donner des vertiges à la Reine. Atteindrait-elle un jour ce niveau de manipulation ?

- Etrangement, s'ouvrit-elle à son tour, Valerion Scalia n'est pas tant mon opposant que cela. Je l'ai rencontré, dans ses propres quartiers où il a souhaité m'inviter. Nous partageons la même frustration suite au traité de paix. Et nous ne sommes certainement pas les seuls. Simplement, je ne pense pas non plus que réagir en étant seulement mené par le désir de vengeance pourra nous mener quelque part.

Et poutant, qu'avait-elle de plus à offrir au Sénat en dehors de sa propre frustration vis à vis des conséquences du traité envers sa planète vénérée ?

- Mais Scalia me fait l'impression de ne souhaiter la chancellerie que pour réparer les torts qui lui ont été faits. Contrairement à lui, je m'intéresse à toutes les autres questions. Notamment économiques et sociales. Cela ne m'empêche pas de me méfier de l'Empire... Pensez-vous qu'ils soient en train de préparer une nouvelle guerre, Sénateur ?


Cela faisait parti de ce qui l'empêchait de rêver trop d'une place de Chancellière : qu'arriverait-il si, dès son accès au pouvoir et avant qu'elle ait pu se familiariser avec les organes sous ses ordres, l'Empire déclarait la guerre ? Saurait-elle gérer une telle situation de crise ? Mais elle veillait à ne pas se faire submerger par ce genre de peur. Un peu plus de certitude à ce sujet ne serait pas de trop, néanmoins.

Finalement, on en venait aux choses sérieuses. Bien sûr que le Sénateur voulait une contre-partie. Le ministère de l'industrie... C'était cohérent. Que la guerre fût ou non déclarée, la République s'armerait massivement avec cet ennemi aux portes de son territoire. L'industrie ne pourrait qu'être florissante.
Pourtant, ce n'était pas cette justification que lui servait le Sénateur. A l'entendre, c'était par pur intérêt pour la République. Effectivement, il avait l'air de se penser profondément comme un guide pour son peuple, et pour le reste de la galaxie... Voilà qui dénotait d'un sacré égo. Il assenait ses certitudes avec tant de foi qu'Emalia était tentée de le croire en tous points. Après tout, il n'avait pas de raison de lui mentir, et peu lui importait ses raisons...

- Votre demande m'apparaît tout à fait raisonnable, Sénateur,
finit-elle par lui répondre avec un joli sourire de connivence. J'ai suivi quelques uns de vos travaux, et en effet, je suis persuadée que vous tiendrez ce rôle avec brio.

Encore faudrait-il qu'elle soit élue.

- Si vous m'aidez à accéder à ce poste, j'accepte. Mais dites-moi, Sénateur Janos, si vous ne pouvez pas révéler votre véritable intention à cause de votre parti, comment comptez-vous faire pour m'aider ? Voilà une énigme qui m'intrigue grandement.


Emalia avait surtout besoin d'appuis affichés. Si toute la classe politiques se ralliait à Valerion Scalia, elle aurait bien peu de place pour faire entendre sa voix... Et si Lord Janos défendait publiquement Scalia, elle voyait mal comment cela allait pouvoir l'aider. Elle préférait se méfier de quelqu'un qui prenait si peu de risque : si l'artorien l'emportait, il y gagnerait également puisqu'il le soutiendrait publiquement !

De nouveau, la souveraine fronça les sourcils, mais ne laissa rien d'autre montrer sa frustration.
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Ainsi débutèrent les complications... Janos s'y attendait et s'y était préparé : en proposant son pacte à Rejliidic, il savait quels risques il encourait de fonder toute son action politique sur la duplicité. C'était quitte ou double, au sens littéral : un succès brillant, ou une marginalisation totale. Mais dans un esprit aussi radical que celui du Lord, mieux valait perdre totalement que de gagner à moitié.

À compter de ce jour jusqu'aux élections, cette conversation ne serait que la première d'une interminable série de tractations en tout genre, compromis et autres débats acharnés. Ce n'était qu'un début, une mise en bouche, la propédeutique d'une énorme succession de complications. Dès lors, mieux valait faire valoir sa supériorité dès à présent.


«Excellente question que la vôtre, sénatrice Kira. J'allais justement y venir.»

L'anticipation de la question adverse... L'un des procédés rhétoriques les plus basiques. Mais si efficace, tout de même. Rien de mieux, lorsqu'on désirait montrer à son interlocuteur que l'on maîtrisait la conversation et son sujet.

«Vous allez sûrement penser que je suis un hypocrite. Que je me mets dans une situation confortable, pour tenter de m'octroyer une part de pouvoir quelle que soit l'issue des élections. Que je vous intègre à mes tractations, à mes "magouilles" pour reprendre le vocabulaire de certains, et que j'entends vous utiliser comme un pion dans ma carrière. Bref, que je ne suis qu'un opportuniste.»

Autre procédé rhétorique que Janos appréciait tout particulièrement : anticiper les arguments adverses, les formuler avec une violence que le parti opposé n'aurait même pas osé employer, et les parer plus violemment encore.

«Peut-être que certains de mes détracteurs vous parleront de moi en ces termes. Outre le ministre Rejliidic qui reçoit malgré tout mon respect pour sa détermination, un grand nombre de sénateurs frileux et peu portés sur le renouveau abhorrent l'audace dont je fais souvent preuve. Qu'on vous parle de moi en bien ou en mal, tous vous diront que je ne manque ni de cran, ni de courage, ni d'originalité. Mais permettez-moi de vous parler en toute sincérité...»

Le Lord prit un air légèrement attristé et s'approcha de la sénatrice Kira.

«D'aucuns vous diront que je suis un extrémiste. Il est vrai que j'ai certaines positions radicales. Mais concernant la guerre, je me trouve dans un certain embarras, en ce moment. Sur cette question, il est même possible que ma position puisse être considérée comme... modérée. En réalité, je répugne au bellicisme aveugle que semble incarner le Rassemblement Républicain - et pourtant, j'en suis le père fondateur. Valérion Scalia, votre futur opposant, n'est pas le pire : si la chose ne tenait qu'à lui, je le soutiendrais corps et âme. Mais que voulez-vous ? la compromission... Je ne sais pas si vous vous êtes déjà heurtée à cette réalité abjecte de la politique, la compromission, mais si ce n'est pas encore fait, voilà qui ne saurait tarder. Pour donner du poids à notre mouvement, nous avons dû nous allier à Ion Keyiën. Or ce dernier et ses partisans seraient prêts à plonger la République dans une guerre sans aucun scrupule. Le fait est qu'ils envisagent ce conflit du seul point de vue économique, pensant que leurs systèmes respectifs pourraient s'enrichir considérablement. Mais voyez-vous, ce type de pensée me répugne : on ne peut sacrifier des millions de vie pour le simple plaisir de faire tourner ses industries. Je ne suis pas cynique, moi. Quoi qu'on en dise, j'ai toujours agi pour le bien du peuple, de mon peuple et de mes concitoyens. Toutes les réformes sociales entreprises sur Aargau depuis que je suis sénateur vous le prouveront.»

Et maintenant, faire profil bas. Offrir à son interlocutrice une sorte de supériorité. Une supériorité qui, bien sûr, n'existe que parce qu'on se plaît à la lui conférer.

«C'est la raison pour laquelle je n'ai d'autre choix que de me tourner vers vous, sénatrice. Du temps où j'avais accordé mon soutien au Chancelier Arnor, ce dernier m'a terriblement déçu ; tous mes efforts lui ont permis d'entériner l'imposture d'Artorias, et quand je vois le résultat, je m'en veux encore d'avoir soutenu l'Union Loyaliste. Mais comme si le sort ne s'était pas repu de ma frustration, il a encore fallu que mes idéaux se heurtent à l'aveuglement de mes collègues ; et c'est maintenant le Rassemblement Républicain qui suscite ma déception.

Lorsque j'ai pris connaissance de votre programme, laissez-moi vous dire qu'il ne m'a pas inspiré un enthousiasme fou. Mais de tous, c'est celui-là qui me paraît le plus judicieux, le plus à même de satisfaire mes idéaux et de garantir aux citoyens de la République le cadre qu'il leur faut. Je crains seulement que la politique de fermeté que vous nous proposez ne devienne une manière détournée de jouer à l'autruche, et j'espère très sincèrement que ce ne sera guère le cas. Sachez que si vous faites montre d'une véritable fermeté, je vous soutiendrai corps et âme. À mes yeux, si un bellicisme borné n'amène rien de bon, la mollesse du gouvernement actuel n'est pas profitable non plus. Je recherche très sincèrement une troisième voie, et je crois que vous avez la capacité de l'incarner, cette troisième voie.»


La construction de la sincérité est une arme terriblement efficace, lorsqu'on sait en user. Janos n'y avait recours que dans les cas les plus complexes, les situations où les autres procédés rhétoriques lui paraissaient inefficaces. De fait, si l'art oratoire prend parfois l'allure d'un louvoiement sinueux, se poser comme une figure sincère nécessite une parole prétendument franche, sans détour, une parole en laquelle on peut avoir confiance. Mais à bien y réfléchir, ce mode de persuasion exige tout autant de talent, voire plus, que n'importe quel autre. Oui, un tel expédient est infiniment plus retors que les discours conventionnels : une question rhétorique est immédiatement identifiable comme telle, tandis que la sincérité, qui feint de ne pas être construite de toute pièce, a besoin de toute la sophistique imaginable pour ne pas paraître sophistique, précisément.

«Telles sont mes véritables motivations, tel est le véritable pourquoi. Quant au comment, je risque de paraître quelque peu cynique, mais quel politicien ne l'est pas ? Ne vous faites pas d'illusions : mon soutien officiel à l'attention de Valérion Scalia ne lui sera d'aucun secours pour les élections. Il pourrait lui être utile si notre régime était une démocratie directe, bien sûr. Mais ce n'est pas le cas, et ce qui se passe dans la Rotonde n'a que peu de chose à voir avec ce que nos concitoyens apprennent lorsqu'ils regardent les holonews. Bref, le peuple croira que je donne mon appui à votre rival, quand le Sénat saura que j'accorde ma faveur à votre cause. L'image est une chose, les enjeux de pouvoir en sont une autre. Toutes ces tractations sous-marines peuvent paraître assez abjectes, j'en conviens, mais il en est ainsi : la véritable vie de la République se trouve dans ce monde caché ; or c'est sur ce terrain-là que je compte me battre, sénatrice, le seul qui ait une réelle importance lorsqu'on brigue la chancellerie. Vous pouvez me faire confiance.»
Emalia Kira
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Le ton de Lord Janos s’était mué en quelque chose de vaguement professoral, mais Emalia était attentive. Elle savait pertinemment avoir beaucoup à apprendre de la politique du Noyau à cause de son inexpérience, malgré ses efforts pour paraître le contraire. Elle tentait de lire entre les lignes de discours et des échanges depuis son arrivée sur Coruscant, mais c’était un exercice beaucoup moins aisé qu’il n’y paraissait à l’œil inexercé. Elle fut donc pour le moins surprise que le Sénateur se traite lui-même d’opportuniste. Elle ne l’avait jamais tout à fait vu comme tel, même si elle s’avouait avoir entendu des commentaires similaires au sujet de Côme Janos dans la bouche d’autres Sénateurs. A ses yeux, il était plutôt un stratège mystérieux, et un tant soit peu agaçant parce qu’elle ne parvenait pas à déceler la logique de ses actes politiques. Comme le refuge offert aux Artoriens, comme l’ouverture de ce musée…

Bien que son discours soit fort centré sur lui-même, Emalia appréciait le ton sincère qu’il employait, car elle avait l’impression d’être mise dans une confidence intime. Elle se tenait silencieuse, marchant lentement à ses côtés dans les galeries somptueuses et parfois surprenantes, mais qu’elle regardait sans les voir.

Ion Keyiën… Oui, elle avait déjà abondamment entendu parler de lui, mais n’avait jamais rencontré ce fameux personnage. L’on parlait toujours de lui soit en termes élogieux, soit en termes insultants – dans tous les cas, il provoquait systématiquement des réactions extrêmes. Elle se souvenait de sa proposition de rendre Corellia indépendante… Avait-on idée de se séparer de la République en des temps si troublés ? Et presque seul ? Ce Keyiën était sans nul doute un énergumène, et Emalia admettait facilement que le Sénateur Janos ne souhaite pas se rapprocher de ce genre de créature.

- Voilà qui est sensé, Sénateur Janos,
l’approuva-t-elle d’une voix douce, pensive. Je ne connais que peu le personnage dont vous me parlez, sinon ce que l’on dit de lui à la Rotonde. Et il ne m’inspire guère de confiance, je dois vous l’avouer. Les mondes du Noyau ont si longtemps eu une supériorité économique et culturelle dans la République que ces planètes ont tendance à se considérer une élite… Qui se passerait bien des dizaines de mondes ouvriers ou agricoles des bordures et des colonies. Elles n’y gagneraient pourtant pas grand-chose, si vous voulez mon avis.

Pour autant, fallait-il s’investir dans la dimension sociale au point que Côme Janos le sous-entendait ? Ces questions-là n’étaient pas son fort, mais elle admettait qu’elles devraient faire partie de son programme. Déjà, elle imaginait le volet social prônant un équilibre des classes, des genres, des zones géographiques. Voilà qui lui ferait un si beau ramage pour ses discours électoraux… Comme la route lui semblait longue alors, une véritable voie commerciale ouverte large devant elle. Sans nul doute, le Sénateur Scalia ne saurait être si séduisant qu’elle, avec ses idées de patriarche aigri !

- Je n’ai pas l’intention de suivre la politique de l’autruche conduite par le Chancelier Arnor,
certifia-t-elle, désireuse de corriger les perceptions de son interlocuteur. Lorsque je parle de fermeté, je désire conduire des négociations franches avec l’Empire. Ce n’est pas ce qu’il s’est produit avec le traité d’Artorias : le Chancelier a accepté ce qui lui était proposé, semble-t-il, en est revenu de l’entrevue avec Darth Ynnitach sans éclat, sans communication, rien. Tout le monde a découvert par soi-même ce qui s’était produit là-bas, et les résultats pour des milliers de vie. Mieux vaut n’être jamais Chancelier que de s’humilier ainsi. Je ne suis pas prête à réaliser ce genre de politique, rassurez-vous.

Ce qu’elle ne formula pas, c’était sa crainte superstitieuse à l’égard de Darth Ynnitach. Elle qui avait toujours méprisé les Jedi et leurs croyances, le danger des Sith et de leur maîtrise de la Force apparaissait plus dérangeante. Notamment, le Chancelier avait l’air d’avoir tant changé avant et après sa rencontre avec l’Impératrice… Etait-elle à l’origine de ce changement ? Halussius Arnor avait-il été… « Ensorcelé » ?
Son esprit lui jouait probablement des tours de l’imagination, et elle préféra se raccrocher à sa raison pour poursuivre la discussion.

- Voilà un sacré pari, Lord Janos. Je dois au moins vous reconnaître cela : vous n’avez pas froid aux yeux, effectivement.


Jamais elle n’aurait osé afficher au vu et au su de tous un tel double-jeu, pour sa part. Mais la situation présente lui paraissait confortable : si Lord Janos soutenait officiellement Valerion Scalia et que l’on se rendait compte de la supercherie, il décrédibiliserait le camp de son adversaire. Si au contraire il arrivait à œuvrer de l’intérieur contre le Rassemblement Républicain, cela lui allait aussi.

La souveraine interrompit sa marche au milieu d’une allée, pour mieux pouvoir observer le visage étrange du Sénateur. Ses yeux étaient d’un bleu perçant, et presque séduisant. Comment ne pas croire à la sincérité de pareil homme ? Certainement, il devait savoir y faire et certainement, les marchés qu’il proposait devaient être parmi les plus judicieux au Sénat…

- Très bien,
conclut-elle soudain avec un sourire charmeur aux lèvres, je vous crois. Je suis prête à vous accorder ma confiance, Sénateur Janos.

Et elle lui tendit une main de nacre pour sceller le pacte.

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