Ragda Rejliidic
Ragda Rejliidic
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22h37 TSG – Aile Ouest du bâtiment du Sénat.

Si le lieu de rendez-vous avait arraché un léger sourire au Hutt, quelques minutes plus tôt, il n'en était plus rien. Ragda, toujours monté sur son chariot répulseur, pratiquait une activité que les espèces humanoïdes qualifieraient de « cent pas ». Un concept que la limace peinait à saisir. Cette attitude trahissait sa nervosité. Sous son crâne se déchaînait une véritable tempête qui manquait d'emporter jusqu'à ses dernières onces de raison. Tel un stratège au bord de la crise d'épilepsie, il tentait d'imaginer toutes les issues possible d'une telle rencontre. Que pourrait bien lui rétorquer le cyborg psychorigide ? Comment allait-il réagir ? Quels mots, quelles attitudes faudrait-il lui opposer pour garder la main sur cette entrevue ? Ragda cherchait à tout anticiper, même l'inattendu. Il se projetait mentalement des milliers de scénarios possibles. Il était prêt à tout.

Le Hutt soupira, puis s'arrêta... Il laissa quelques instants son regard parcourir la salle de réunion flambant neuve. Le sourire lui revint aux lèvres. Que de souvenirs. C'était d'ici, un an plus tôt, alors que l'aile était en réfection, qu'il avait tenté de pirater les serveurs de la Chancellerie... Avant de se faire démasquer par E.V.A... L'Intelligence Artificielle... Une rencontre inoubliable. Conséquence de la terrible excitation qu'il avait ressenti à la vue d'une forme de cybernétique aussi évoluée : il s'était déclenché son processus d'auto-fécondation. En bref, cette EVA était plus ou moins la mère de son limaçon...

Il secoua la tête pour chasser ces pensées parasites. Il faudrait tout de même qu'il trouve le temps un jour de lui dire. Plus tard, quand le tourbillon infernal des suspicions qui planait au dessus de sa tête serait définitivement dissipé. Et pour cela, il allait devoir pactiser avec son Némésis... Même si cette simple pensée lui donnait la nausée.

De quelques mouvements agiles de ses petits doigts boudinés, Ragda pianota sur l'écran tactile de son datapad. Il passa en revue une dernière fois ses notes, puis s'attarda, pour tuer cette attente interminable, sur le message qu'il avait envoyé, la veille, à Lord Côme Janos :

// Lord Janos,

J'ai en ma possession des enregistrements de votre prétendu entretien avec l'impératrice des Sith, sur Flydon Maxima.

Nous avons des choses à nous dire...

Venez me retrouver dans l'aile ouest, à 22h45, salle de réunion YB-223, celle là même qui aurait du être nommée « Artorias » si ce monde avait rejoint notre belle République comme prévu.

Je ne pense pas avoir besoin de préciser que tout ceci doit rester discret. Je veillerai à faire couper les caméras de cette aile à l'heure prévue. //


Après avoir relu ces quelques mots électroniques, Ragda consulta l'horloge holographique du son datapad. 22h41. Janos répondrait-il à ce message aussi énigmatique que directif ? Certainement. Ne serait-ce que pour observer de ses yeux bioniques la réaction du Hutt face à son petit montage qui ne l'avait pas dupé une seule seconde. Même si Ynnitach pouvait se montrer la pire des alliées, parce qu'imprévisible et perfide, elle n'aurait jamais pu tenir ces propos... Attaquer la République en passant par Bakura... Stupide. Malgré tout cet enregistrement l'énervait vraiment.

Finalement, il reposa la tablette sur le tableau de bord de son chariot, avant de s'affaler profondément dans les coussins. Il se frotta les mains. Avec un peu de chance, et surtout beaucoup d'habileté, peut-être que cet enregistrement « malencontreux » pourrait devenir un atout majeur pour la suite des événements le concernant. Cette idée lui arracha un nouveau sourire, malsain celui-ci.

Sur ces pensées, Ragda réajusta le col « Mao » de son Poncho vert, imitation camouflage militaire. Mentalement, il comptait à rebours... Connaissant le Sénateur d'Aargau, celui-ci passerait le pas de porte à l'heure exacte, à la seconde prêt...

3... 2... 1... 22h45 !
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Ce fut la toute première fois de son existence que Lord Côme Janos, sénateur d'Aargau, sous-secrétaire général du Rassemblement Républicain, arriva en retard à un rendez-vous.

Depuis l'attentat de Flydon Maxima, la vie de Janos avait sombré dans le chaos le plus total. Pourtant, tout avait été parfaitement agencé par ses soins... À la suite de son entretien holographique avec Maître Berryl, il avait su simuler un malaise, lequel malaise avait permis de faire venir à bord du croiseur républicain l'équipe chirurgicale spécialisée en cynernétique, qui s'occupait personnellement de son corps artificiel. Outre les diverses unités médicales, Mademoiselle Evans avait reçu l'autorisation de rejoindre son supérieur pour aider les droïdes dans leur tâche et superviser leurs actions (cette prérogative lui avait été accordée officiellement par les instances républicaines elles-mêmes ; aussi sa présence fut-elle acceptée de bon gré). La jeune femme profita aussitôt de son implication pour laver totalement les données enregistrées dans la mémoire numérique de l'homme-machine, effaçant autant d'images compromettantes que son combat au sabre contre l'apprentie de la Dame Noire, son allégeance à cette dernière ou sa nomination au titre de Maître des Forges dans l'Empire Sith. Janos s'en voulut même de ne pas avoir supprimé de telles informations plus tôt : si par malheur un officier de l'armée républicaine avait eu la judicieuse idée de fouiller dans son unité centrale interne, Janos aurait fini enfermé dans les mines de Kessel pour haute trahison envers la République. Et l'Ordre aurait perdu son seul héraut digne de ce nom. Au final, les experts qui s'étaient penché sur la fameuse réplique de l'Impératrice n'avaient encore rien su prouver : le Lord sentait bien qu'ils le traitaient avec un certain scepticisme, mais l'absence d'élément déterminant paralysait totalement leurs conclusions. Une chance, donc, que Gabrÿelle Evans eût reçu la permission de rendre visite à son supérieur, car la preuve ultime de falsification se trouvait là, à portée de main, dans sa mémoire.

Un plan proche de la perfection, donc. À ceci près que, désormais, Janos n'avait plus d'autre choix que de se reposer sur seule mémoire organique ; et à vrai dire, il en souffrait atrocement. Après toutes ces années, il avait pris l'habitude d'utiliser l'immense banque de données dont disposait son corps semi-mécanique pour savoir quel sénateur se trouvait digne d'être éliminé, quel politicien devait subir un attentat surprise, quel journaliste avait á mourir accidentellement... Désormais, tout ce qui lui restait en tête (ou plutôt, dans le cœur, car c'est là qu'on avait installé le siège de sa mémoire artificielle) n'avait plus grand intérêt : la Constitution Républicaine, une Encyclopédie de la Galaxie, une liste des noms de chaque sénateur et politicien et un guide des meilleurs crus de l'Univers, triés par année et par système. Désormais, toute action illégale devait être aussitôt supprimée de ses archives ; le voilà contraint à ne plus se reposer que sur sa "vraie" mémoire, celle-là même qu'il avait fini par négliger avec le temps.

En l'occurrence, l'entrevue nocturne qu'avait exigé de lui ce scélérat de Rejliidic ne figurait pas parmi les données de son emploi du temps interne. Et pour tout avouer, si Mademoiselle Evans n'avait pas eu le génie de rappeler à Janos qu'à l'heure qu'il était - 22h46 -, celui-ci devrait déjà se trouver depuis une minute face à l'ex-Ministre Spécial d'État, le Hutt aurait pu attendre encore longuement...

Il fallait près de vingt minutes pour aller de la suite Janos jusqu'au Sénat. Jadis, le Lord connaissait le temps exact que prenait le trajet à la seconde près, mais celui-ci aussi avait été effacé, car les informations qui lui étaient connectes n'avaient pas droit de cité (la mort planifiée de Ion Keyiën faisait notamment partie de ces fichiers que la République ne devrait jamais connaître). Eh bien, tant pis pour le Hutt ! Il attendrait. Somme toute, il n'était pas non plus désagréable de se faire désirer : quoi de mieux pour asseoir sa supériorité ?

Seul dans sa limousine, Janos ruminait le message que lui avait envoyé Rejliidic.


«Nous avons des choses à nous dire...»

Bien évidemment, le Ministre du Trésor savait pertinemment que l'enregistrement était un faux. Celui-ci n'avait probablement tramé aucun plan avec la Dame Noire, n'avait eu aucune relation avec elle autre que diplomatique, et n'avait, au fond, rien à se reprocher. Janos aurait voulu voir la réaction de son rival quand celui-ci avait pris connaissance du document, et cette idée lui donna un certain plaisir. Accusé à tort, alors qu'il était innocent... Le pauvre, tout de même ! Après tout, le sénateur d'Aargau s'était montré bien cruel à son égard. Un peu trop, peut-être. L'espace d'une seconde, une question terrifiante traversa l'esprit du Lord :

*Et si de nous deux, c'était moi, le pire des scélérats ?*

Somme toute, Rejliidic n'avait jamais nui à Janos. Certes, il y avait eu cette soirée où il l'avait sermonné comme un mauvais écolier, mais mis à part cet épisode, le Hutt n'avait jamais rien fait qui pût entraver son confrère.

*Certes. Mais Rejliidic n'est qu'un ambitieux sans foi ni loi. Son attitude, son action politique font un grand tort à la République. Et surtout, il ne croit pas en l'idéal de l'Ordre : il ferait tout pour le détruire, pourvu que son ascension personnelle en soit la grande gagnante.*

Contrairement à Arnor ou à Scalia, d'ailleurs. Des hommes respectables qui, sans s'en apercevoir, s'approchaient de l'idéal de l'Ordre avec une compétence hors du commun...

De toutes façons, de tels scrupules n'avaient pas lieu d'être : maintenant que Janos s'était engouffré sur ce chemin sinueux, il n'était plus question de faire demi-tour. Et l'attitude qu'il observerait durant cette prochaine entrevue était déjà toute tracée dans son esprit - son esprit organique, s'entend.

Il était 23h07 quand le sénateur d'Aargau pénétra dans la salle de réunion où l'attendait son collègue et rival. Janos arborait son éternelle sévérité, ne laissant rien transparaître des troubles qui l'animaient depuis quelques temps. Il s'inclina poliment devant le Hutt tout en prenant soin de bien conserver sa hauteur.


«Monsieur le Ministre, bonsoir. Veuillez me pardonner ce léger retard. Des problèmes de santé m'ont retenu dans mes quartiers.»

Le Lord ne voulait pas paraître déplacé. Aussi poussa-t-il la courtoisie jusqu'à souhaiter l'insouhaitable à son interlocuteur :

«Et... avant que nous n'entamions cette conversation, laissez-moi vous féliciter pour votre accouchement... Monsieur le Ministre...»
Ragda Rejliidic
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« Oui... Oui... Mon accouchement... » lâcha le Hutt, s'armant de tout son self-control pour ne pas balancer sa tablette tactile au visage de son interlocuteur. Il grogna avant de le fixer droit dans les yeux. Cette attente interminable l'avait irrité au plus haut point. Par trois fois, il avait failli quitter les lieux, persuadé que le Sénateur d'Aargau ne répondrait plus à son appel. Mais la persévérance avait payée une fois de plus. Le Lord Janos en retard ? Une première... A quoi jouait-il ? En tout cas, ce n'était plus l'heure pour les vains échanges de mondanités sans intérêt.

« Sénateur Janos. » déclara-t-il après ces quelques secondes de silence. « Votre attitude est plus que déplacée... Quelle arrogance. Quelle désinvolture. Soit vous jouez à l'imbécile, soit vous ne mesurez pas l'ampleur des troubles dans lesquels vous vous êtes vous-même fourrés... Alors permettez moi de vous résumer la situation... De mon point de vue.»

Il reprit son souffle, sans avoir une seul seconde quitté le cyborg de ses yeux globuleux. Celui-ci, visiblement aussi froid qu'une machine, ne semblait animé d'aucune émotion, ce qui rendait la lecture de son visage et de son expression corporelle encore plus difficile.

« Côme Janos... Le Sénateur pro-Arnor, fervent défenseur de l'Ordre et de la République. Que de souvenirs... Il y a quoi ? Un an ? Un an et demi ? Vous affirmiez sans hésiter soutenir notre Chancelier, au nom de vos beaux et grands principes. Quel beau discours vous nous aviez tenu sur votre vaisseau. De bien belles paroles. Je me souviens de vos trois piliers : Ordre, Harmonie, Paix... Je me souviens de la manière dont vous décriviez le Chancelier Arnor : un garant de l'intégrité Républicaine...

Des paroles encore plus creuses que je ne l'avais imaginé à l'époque, lorsque l'on voit aujourd'hui avec qui vous vous alliez. Vous avez plus que retourné votre veste pour pactiser avec le Sénateur Keyïen, celui-là même qui alimentait le spectre de la scission il y a peu de temps. »


Il soupira.

« Vous prétendez défendre la Paix, mais vous prônez la guerre face aux Sith. Vous prétendez défendre l'Ordre, mais vous vous alliez avec l'un des Sénateurs qui a causé le plus de Chaos au cœur de la rotonde... Vous prétendez défendre l'Harmonie, mais vous semblez changer de camps comme de ponchos, au gré de vos intérêts personnels, puisqu'il s'agit bien de cela. Je ne suis pas dupe. Vous n'avez jamais abandonné votre projet de réforme constitutionnelle, et vous être prêt à vous allier avec n'importe qui pour parvenir à vos fins. » Ragda frappait fort, volontairement. Après cette tirade des plus acerbe, ton qu'il n'eut pas besoin de feindre compte tenu de l'état psychologique dans lequel l'avait mis l'attente interminable, il soupira de plus belle, de dépit cette fois, tout en hochant lentement son énorme tête, de gauche à droite. Il repris, sur un ton plus calme et plus léger :

« Alors oui, c'est vrai, il arrive fréquemment qu'un homme politique change de camp. Les choix et les décisions d'Halussius vous ont déçus, déplus, et finalement, vous avez décidé de poursuivre votre route politique avec de nouveaux partenaires, partageant pleinement vos idéaux. Sauf que vous avez commis deux erreurs de parcours qui pourraient mettre à mal votre carrière, vos projets, et même votre crédibilité. »

Son regard se fit encore plus dur.

« Tout d'abord, chose que je n'ai pas eu l'occasion de vous dire en personne... Toutes mes félicitations pour le rôle majeur que vous avez tenu dans la réhabilitation de notre Chancelier à ses plus hautes fonctions après sa libération. » dit-il tout en agrémentant son discours que quelques applaudissements. « Je me suis toujours demandé pourquoi vous teniez tant à faire revenir aussi vite le Chancelier... Excès de zèle ? Peur de moi ? Je comprends mieux maintenant... » continua-il tout en ricanant. « Vous saviez très bien qu'Halussius aurait des séquelles, qu'il ne serait plus le même... Vous avez joué un coup triple, je dois reconnaître que c'était habile : gagner l'estime de ses fidèles, me mettre plus bas que terre, tout en vous assurant que l'attitude instable du Chancelier vous permettrait de promouvoir vos idées réformistes le moment venu... Si je ne suis pas dupe, d'autre ne le sont pas non plus Sénateur Janos. » Il marquait une pause, pour reprendre son souffle, avant de repasser à l'offensive :

« Seconde erreur. Flydon Maxima. Pourquoi vous rendre par vos propres moyens sur place ? Rien que cette question pourrait en soulever d'autres plus gênantes... Surtout que j'ai, avec moi, la preuve que vous vous êtes entretenu en tête à tête avec la Dame Noire des Sith... Vous vous rendez compte ? Vous venez de faire exactement la même chose que celle qui va me conduire derrière les tribunaux pour haute-trahison !

Alors, si en plus, on ajoute le fait que vous l'ayez enregistrée sans son consentement... Déjà que cela constitue un délit en soit, surtout lors de négociations diplomatiques alors imaginez ce qu'en penserait un tribunal maintenant que les deux puissances sont liées par un traité de paix... Vous cherchez quoi ? A me rejoindre sur le banc des accusés pour finir dans une cellule pour le reste de votre vie ? Vous êtes plutôt bien parti. »


Il fronça des sourcils, faussement pensif. Puis reprit, un index accusateur pointé vers son interlocuteur :

« Voilà ce que j'en pense : Vous avez cherché, comme à votre habitude, à profiter d'une situation chaotique pour servir vos intérêts. Sauf que cette fois, vous êtes allé trop loin. Si tout ceci devait devenir public, qu'en penserait la République ? Vous vous êtes retrouvé en tête à tête, sans aucun contrôle, avec l'une des Sith les plus puissantes de sa génération... Vous savez, dans mon malheur, j'ai de la chance : Je suis Hutt. Même si on remet en doute mes motivations, personne n'ira prétendre que les Sith se sont amusés avec mon esprit. Alors que vous. Qui sait ? Peut-être êtes vous devenu, sans même le savoir, une sorte d'agent double, un espion, un agent dormant, dont le cerveau a été lavé, manipulé par les pouvoirs obscurs de la Force ? Si tout ceci devait devenir public, vous perdiez la confiance de vos alliés politiques, et vous auriez les Services du Renseignement sur le dos jusqu'à la fin de vos jours, guettant le moindre de vos faits et gestes. »

Silence de quelques secondes. La limace souriait tout en bombant le torse, plutôt fier de son laïus. Il continua ensuite, sur un ton plus amical, tout en manipulant les commandes de son chariot répulseur afin d'atteindre la table circulaire située au centre de la pièce, celle-là même qui séparait les deux ennemis de plusieurs mètres.

« Ce qu'il y a de bien avec ces nouvelles salles de réunion, c'est qu'elles sont à la pointe de la technologique. Vous voyez ce voyant là, sur le pupitre prêt de l'holoprojecteur ? Si les capteurs noyés dans les murs et le plafond détectent la signature du moindre appareil d'écoute, audio ou vidéo, il s'allume. Regardez... » dit-il tout en appuyant fugitivement de son pouce sur la paume de sa main factice. Immédiatement, le témoin vira au rouge. « Vous voyez ? Dans ces conditions, je propose que, pour une fois, nous jouions cartes sur table. » Tout en tenant ces propos, le Hutt fit une chose qu'il n'avait jamais fait devant une tierce personne. D'un geste vif, de sa main valide, il déboîta sa prothèse et la déposa sur la table, devant lui... Puis, tout aussi improbable, il fait de même avec la moité de son visage artificiel, lui même bourré de capteurs et de disques durs, certes bien moins évolués que ceux du cyborg. L'espace d'un instant, Ragda se senti vulnérable, nu comme un ver. Ainsi, il ressemblait à un infirme. Aussitôt, le voyant s'éteignit.

« Tout ce qui va se dire à partir de maintenant restera entre nous Sénateur Janos.

D'une certaine manière, nous sommes à présent dans le même vaisseau. Même si je risque de sombrer bien plus vite que vous compte tenu de l'avancement des procédures d'accusation me concernant. Et bien... Je propose que, pour une fois, nous nous serions les coudes.

Je vous propose un marché...

Très prochainement aura lieu une commission spéciale. S'en suivra en toute logique un vote de confiance. Étant donné le rôle que vous avez joué dans les derniers rebondissements politiques, je ne doute pas que vous serez contacté pour y prendre part... Et bien... Je compte sur vous pour m'accorder votre vote, à bulletin secret évidemment, je ne vous demande pas de m'approuver devant la galaxie... Continuez à faire votre « Janos », seul votre vote compte en définitive.

En contrepartie ?

Et bien... Si je conserve la confiance de la commission, je m'engage à faire disparaître les preuves de votre entretien avec Darth Ynnitach. De surcroît, je m'engage également à ne pas vous mettre des bâtons dans les roues concernant vos projets de réformes constitutionnelles, sauf pour tout ce qui risquerait de menacer la LMP. Bien sur vous m'entendrez vous contredire... Mais au final, mon vote vous sera acquis lors des scrutins au Sénat.

Qu'en dites vous ? »




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Janos écouta le Hutt parler sans chercher à l'interrompre : il désirait savoir ce que ce dernier lui voulait et ne fit rien pour l'empêcher de l'accuser. Cependant, il ne laissa transparaître aucune réaction, ne remua pas même un cil, se montrant moins expressif encore qu'une statue ou un droïde inanimé. Quand le Ministre eut terminé son sermon, le Lord attendit quelques secondes avant de lui répondre : une idée germait lentement dans son esprit, mais encore fallait-il la formuler décemment pour lui donner tout son poids.

«Vous me décevez, Rejliidic. Vous me décevez profondément.»

Janos inclina légèrement la tête sur le côté. Un an et demi plus tôt, le Hutt l'avait pris de haut à la suite d'un discours plus audacieux que de coutume prononcé devant une fosse pleine à craquer de pro-Arnor. Mais quand bien même le Ministre continuait de jouer les dominants, il semblait que les rôles se fussent inversés. Et voilà qui n'était pas pour déplaire au sénateur d'Aargau, d'ailleurs.

«Je m'attendais, comme d'habitude, à me heurter à votre inexpugnable surplomb, à affronter le grand Ragda Rejliidic, fondateur de la Ligue des Mondes Périphériques, Ministre du Trésor et ex-Ministre Spécial d'État dans toute sa splendeur, m'enjoignant de m'écraser dans un coin du Sénat, et de respecter ses ordres, exactement comme vous l'aviez fait à bord de mon cargo.

Eh bien non ! Rien de tout ceci ! Mais que vois-je à la place ? Un Hutt tremblant de peur à l'idée de perdre son misérable pouvoir. Un Hutt qui sent son empire s'effondrer pièce par pièce, tellement apeuré qu'il en est venu à convoquer son pire ennemi politique en huis-clos pour jouer la carte de la compromission. Le pire, somme toute, c'est que vous tentez encore de vous faire passer pour invincible ; vous croyez encore qu'à simuler l'innocente victime du monstre que je suis, vous saurez imposer vos vues sur moi... Quel toupet, Rejliidic, n'avez-vous pas honte ?

Mais cette fois, je suis navré, ça ne prend pas. Vous savez pertinemment que m'associer à Keyiën n'était pas une erreur politique. Cessez donc de passer pour plus bête que vous ne l'êtes.»


Janos eut un certain plaisir à prononcer cette dernière phrase. Pour l'avoir observé à de nombreuses reprises, le Hutt raffolait de ce type d'injonction qui - de manière assez subtile, avouons-le - lui permettait de faire passer ses adversaires pour des idiots, tout en leur ordonnant de se montrer intelligent.

«Oui, je suis déçu que vous en soyez réduit à utiliser ce genre de sophisme pour espérer me déstabiliser. Au cas où vous ne seriez pas au courant de l'actualité, la République a manqué de rentrer en guerre, Rejliidic. Consultez n'importe quel holo-journal de politologie : tous vous diront que la partition pro-Arnor / anti-Arnor n'a plus aucune valeur au Sénat. La Rotonde subit maintenant une nouvelle césure entre les pro-paix et les anti-paix. Quant à notre pauvre chancelier, au milieu de tout cela, il semble qu'il ait définitivement lâché prise sur la situation.

Dès lors, les anciennes querelles n'ont plus droit de cité et les antagonismes se sont totalement remaniés. Prenez les membres du Rassemblement Républicain : leur trajectoire politique suffit à comprendre la conjoncture actuelle. Il y a un an, sans aucun doute, aucun de ces sénateurs n'aurait accepté de se rallier à Keyiën et encore moins à vous - j'en fais partie. Une guerre manque d'éclater, la République se sent en danger, et aussitôt, certains signent avec vous les Axes fondateurs de la Ligue des Mondes Périphériques, quand d'autres, à mes côtés, n'hésitent plus à serrer la main de ce même Keyiën qui les répugnait tant auparavant. Au final, Arnor n'est plus rien du tout, et la Rotonde l'a déjà enterré. Bien bête celui qui raisonnerait encore avec les anciennes divisions.»


Janos marqua une petite pause pour reprendre son souffle et songer un instant aux propos qu'il tiendrait ensuite.

«Quant à ma participation à la destitution d'Arnor, je vois que vous vous montrez bien meilleur analyste qu'au sujet du Rassemblement Républicain... Eh bien, oui, vous l'avez dit vous-même, je comptais affaiblir la République en le réhabilitant. Et, en tant qu'ancien Jedi, je sais parfaitement quelle peut être l'ampleur du Côté obscur sur un esprit, quand bien même ce dernier s'exercerait à la Force depuis sa plus tendre enfance. Mais je ne comprends vraiment pas pourquoi vous m'accusez. 

Somme toute, vous aussi, vous avez profité de cette sorte de vacance du pouvoir. Comment auriez-vous pu fonder votre parti des planètes marginales si notre pauvre chancelier disposait de sa force d'antan ?»


Bien décidé à agacer le Hutt, le Lord prit un malin plaisir à paraphraser la Ligue des Mondes Périphériques en un avatar nettement moins politiquement correct : le parti des planètes marginales.

«Je suis donc déçu, Rejliidic. Déçu que vous ne cherchiez pas à regarder plus loin que votre nez.»

Ici encore, Janos utilisa une expression très appréciée de son rival politique, d'autant plus incongrue d'ailleurs que le Ministre n'avait pas de nez...

«Vous-même, vous passez votre temps à nous répéter qu'il faut envisager les choses sur un long terme. Et vous pourriez utiliser ces enregistrements sur un très, très long terme, si vous vous montriez un peu plus audacieux. Mais pour une fois, je constate que vous cédez à la panique et tentez de sauver les meubles d'un navire que j'ai contribué à couler.

Bref, vous avez décider de jouer cartes sur table, mais vous n'employez pas assez vos atouts. Laissez-moi donc doubler la mise.»


Le passage de la métaphore navale à celle du jeu de carte eut une résonnance peu commune, mais l'enchaînement avait le mérite d'être clair.

«Vous croyez faire pression sur mon humble personne en employant ce fameux enregistrement. Et vous avez raison pour ce qui relève des instances républicaines : le service de renseignement risque de m'avoir dans le collimateur.

Cependant, je peux retourner cet outil contre vous, si je le désire. Vous me dites avoir connaissance du dossier : vous n'ignorez donc pas que le fichier a été piraté par la sphère journalistique et que certains membres de la presse en ont connaissance. J'ai su, par mes propres moyens, découvrir quel holo-journal s'est emparé de l'enregistrement et en empêcher les journalistes de diffuser l'information. Corruption, vous me direz... Certes, mais je ne suis pas le premier sénateur à agir ainsi, et je ne serai pas non plus le dernier.»


Dans les faits, les choses ne s'étaient pas tout à fait déroulées ainsi, et Janos avait conscience qu'il commettait ce que les instances juridiques appellent un mensonge par omission. En fait, c'est le Lord lui-même qui avait livré le fichier à une gazette, feignant, au vu et au su de Maître Berryl, un piratage de ses propres circuits. Immédiatement après l'attentat de Flydon Maxima, il avait offert une somme substantielle audit journal pour éviter d'ébruiter l'information. Ce faisant, il avait toute la liberté d'en faire ce qu'il désirait.

«Or vous savez comme moi que le peuple n'a jamais cherché à connaître la Vérité avec un grand V. Pourvu qu'on lui offre ce qu'il veut entendre, il ajoute une foi sans frein ni limite à toute information que la presse daigne lui livrer.

Imaginons donc que l'enregistrement soit connu du grand nombre... Moi, je risque effectivement de perdre ma place et d'affronter un procès tenu par une commission sénatoriale, si ce n'est par la Cour Suprême elle-même. Mais vous, Rejliidic, vous perdrez toute crédibilité aux yeux de nos concitoyens ; la masse vous taxera de traîtrise, votre peuple lui-même sur Bakura vous accablera d'injures... Vous imaginez le scénario.

Et croyez-moi, en matière de réaction populaire, je ne me trompe jamais : après tout, les sénateurs ont beau me faire passer pour un aristocrate idéaliste, mon parti a été élu par la petite gens ; c'est grâce à une bourgeoisie déçue, c'est par le vote de pauvres travailleurs que je me tiens devant vous, à arborer mon titre de sénateur. Et croyez-moi, Rejliidic, aux yeux de tous ces citoyens, vous incarnez la corruption dans ce qu'elle a de plus infâme, la compromission et l'opportunisme dans ce qu'ils ont de plus abject. Daignè-je leur prouver de surcroît que vous êtes un traître, et me voilà à la tête d'une immense coalition contre vous.»


Janos esquissa un petit sourire cynique.

«Bref, mon cher, nous disposons tous deux du moyen de porter sur l'autre le coup de grâce. Dans ce combat à mort, nous pouvons nous entre-tuer sans laisser de survivant. Ce que, d'ailleurs, la presse républicaine n'a pas manqué de saisir... Le lisais récemment un article intitulé "Le Hutt et le Lord : les meilleurs ennemis du monde". Le journaliste qui en est l'auteur y fait un récapitulatif de nos récents antagonismes, et je dois bien avouer qu'il est parfaitement renseigné sur la question. Au final, si nous continuons ainsi, Rejliidic, nous nous discréditerons mutuellement aux yeux de tous.

Qu'est-ce à dire ? Eh bien, il faut que nous utilisions cet enregistrement pour sceller un contrat, un pacte qui nous permettra de nous renforcer l'un l'autre plutôt que de nous nuire. Vous êtes le secrétaire général de la Ligue des Mondes Périphériques, moi le sous-secrétaire du Rassemblement Républicain, dont je suis en réalité l'initiateur - voilà qui n'échappe à personne. À nous deux, nous pouvons remporter une majorité sénatoriale sans aucun souci : outre les membres de nos partis respectifs, il se trouve nombre de sympathisants qui, sans s'afficher ostensiblement, iront dans le sens de chacun de nos mouvements. Dés lors, pourquoi ne pas jouer la carte de la solidarité, Rejliidic ? Pourquoi ne pas nous associer pour conquérir à deux le gouvernement ? Dans un an auront lieu les élections à la chancellerie : tentons le tout pour le tout. Vous chancelier, moi ministre de l'industrie, par exemple... Et si, par malheur, l'un d'entre nous en venait à trahir l'autre, alors le membre lésé pourra utiliser les enregistrements contre le traître. Ce faisant, nous disposons tous deux d'une épée de Damoclès, suspendue au dessus du visage de l'autre.»


Janos s'interrompit un instant, cherchant une formule finale.

«Ne vous méprenez pas, Rejliidic : nous sommes de la même espèce, vous et moi. Deux bêtes de pouvoir, deux conquérants. Il y a quelques temps, l'un pouvait encore espérer l'emporter sur l'autre, mais au stade où nous en sommes, il n'en est plus rien : soit nous nous envolerons à deux vers la domination de la République, soit l'un précipitera, en tombant, la chute de l'autre, et notre perte sera sans retour...»
Ragda Rejliidic
Ragda Rejliidic
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Eclats Kyber : 25
« Quelle arrogance, quelle arrogance... » laissa glisser le Hutt entre ses lèvres, pouvant enfin en placer une. Son sang bouillait, mais fort heureusement, il parvenait à se contenir, tout comme il parvenait à garder un faciès inexpressif. Seuls sa pupille intacte s'était dilatée et rétractée aux rythmes endiablés des remarques acerbes de son adversaire politique. Même né de la dernière pluie, il aurait pu comprendre où celui-ci voulait en venir : le faire sortir de ses gonds. Manifestement, Janos cherchait à appuyer sur le plus de cordes sensibles afin de lui faire perdre ses moyens. Le pire, c'est qu'il fut à deux doigts d'y parvenir. Le parti des planètes marginales... Quelle enflure ! Mais ce Sénateur, comme à son habitude, aimait à s'écouter parler... Il en faisait des tonnes, alignait les mots comme si ce fut leur nombre qui comptait plus que leur sens. Bien que le Hutt écoutait attentivement, encaissant en silence, il avait eu tout le temps de calmer ses nerfs afin de préparer sa réponse. Il ne pouvait rien laisser passer, par principe, aussi décida t'il de lui répondre du tac-o-tac, feignant d'ignorer, dans un premier temps, les propositions étonnantes de son adversaire :

« Quelle arrogance... Le Parti des planètes marginales... J'aurais vraiment tout entendu. A la fois déplacé et complètement hors de propos. Au moins votre attitude me rassure : face à des hommes tels que vous, quantité de mondes n'hésiteront pas à se joindre à moi s'il ne leur reste plus qu'à choisir entre vous et moi. Alors d'après vous je suis le symbole de la corruption ? » Il soupira, levant son oeil valide au ciel. « Que dire de vous ? Vous êtes l'avatar de ce que l'autre moitié de la galaxie déteste le plus : un être inhumain, rigide, froid, qui n'attire aucune sympathie, qui donne l'impression de toujours tout calculer, de considérer ses acolytes comme des pions. D'autant plus que vous venez d'un monde aisé, de l'un de ces mondes financiers, ceux là même qui sont les responsables des abus du système économique. » Cette fois, le visage du Hutt laissa échapper un mince sourire, un sourire amusé plus que de satisfaction.

« Je pourrais finalement dire la même chose de vous : si cet enregistrement devait devenir public, vous passeriez pour un menteur, un fourbe, et tout ce que vous avez construit autour de votre prétendue Harmonie s'effondrerait comme un château de cartes. Vos ennuis d'ordre juridiques seraient peut-être moins pesant que les miens... Mais votre projet politique, celui-là même que vous suivez depuis des décennies serait annihilé. C'est bien votre problème : A force de rabâcher vos mêmes dogmes : Ordre, Paix, et j'en passe, personne ne vous pardonnera le moindre écart...»

Tous ces mots, le Hutt les avaient prononcé avec un calme olympien. Étrangement, sa colère s'était muée en une sorte d'euphorie. Oui, il détestait ce cyborg... Pour tout ce qu'il représentait, et même ce qu'il ne représentait pas. Mais, il devait l'avouer, il appréciait particulièrement leurs échanges. Peu de Sénateurs réagissaient comme Janos. Un adversaire un vrai, pas de la trempe d'un Keyiën qui se dégonflait comme un ballon de baudruche à la moindre attaque portée.

« Epargnez-moi donc vos laïus faussement moralisateurs. Vous êtes encore plus masochiste que je ne l'imaginais. Je vais finir par croire que la part de machine en vous a pris l'avantage sur l'humain.

Détrompez-vous, Sénateur Janos, je ne suis pas comme vous. Je ne vais pas m'auto-flageller au nom de grands principes. Je n'ai pas votre rigidité cadavérique. Oui, je suis dans la merde, à cause de tous ces quiproquo autour de ma rencontre avec la Dame Noire, et vous y avez bien aidé. Je pensais que ça passerait rapidement, l'actualité aidant. Ce fut presque le cas. Mais après la traîtrise sur Flydon Maxima, la paranoïa générale s'est réveillée et voici revenue la suspicion la plus malsaine. Si je cherche à pactiser avec vous, ce n'est ni par peur, ni par désespoir... C'est simplement parce que j'en ai foutrement marre de cette situation branlante, et que je suis prêt à beaucoup de concession pour y mettre un terme le plus rapidement possible. Je suis las de dépenser temps et énergie dans cette chasse aux sorcières qui me détourne de mes grands projets.

Le long terme ? J'y pense voyez-vous. Et pour le construire, il faut déjà que j'élimine les parasites qui gravitent autour de mon avenir à court-terme. Et pour y parvenir, je suis également prêt à user de toutes les cartes qui sont entre mes mains. »
Ragda agrémenta cette dernière phrase d'un hochement de tête, de gauche à droite, dépité. « Ça se voit que vous n'êtes pas un joueur Sénateur Janos. Ma position actuelle, dans le monde politique, est similaire à celle d'un joueur de Sabaac qui, par un affreux coup du sort, vient de perdre une grosse parti de sa mise. Dans ce cas, il vaut mieux poser le jeu, et miser avec prudence. Se coucher lorsque l'on a le moindre doute, et utiliser sa main dès que l'on estime que c'est gagné. Il ne sert plus à rien de bluffer. Il faut grappiller les petits gains afin de se remettre dans la course aux plus gros... Mais je ne m'attendais pas à ce que vous compreniez. A vrai dire, je m'en fou royalement, pensez ce que vous voulez.»

Le Hutt soupira une nouvelle fois. Puis, d'une pression de sa main valide sur le tableau de bord de son chariot répulseur, il fit flotter l'engin jusqu'à la fenêtre qui offrait aux yeux des deux Sénateurs, un panorama impressionnant sur le ciel nocturne de Coruscant. En réalité, il n'y avait que peu de différence entre le jour et la nuit. Toutes ces lumières, cette activité. Cette planète baignait dans une luminosité quasi-constante. Machinalement, il se massa le moignon. Celui-ci, s'irritait aisément à l'air libre. Il grimaça, repensant à ce coup de blaster qui lui avait arraché la moitié du visage en plus de ce membre précieux. Depuis cette époque, il avait tellement changé. Il était bien plus intelligent, calculateur, malin. Janos n'arriverait pas à le faire douter. Mais il devait cependant avouer que le cyborg ne manquait pas de ressources, et qu'il avait marqué des points ce soir, en mettant le doigt sur une réalité qu'il s'était contenté d'ignorer jusqu'à présent.

« A vrai dire, je suis d'accord avec vous sur un point. » déclara-t-il sans quitter ce spectacle des yeux, montrant son dos pustuleux à son adversaire. « Nous avons besoin l'un de l'autre. Avant que vous ne l'énonciez avec tant de clarté, je me refusais à la croire.

Notre haine mutuelle, si elle fait régulièrement les gros titres des journaux, est aussi ce qui soude nos alliés derrière nous. Regardez votre rassemblement. Un ramassis d'idéalistes égocentriques... Ce Keyiën qui pense bien plus à son monde qu'au reste de la galaxie, ce Scalia qui serait prêt à mettre la galaxie à feu et à sang pour accomplir sa vengeance... Cet abruti de Rannis qui serait prêt à toutes les compromissions pour faire oublier qu'il fut l'un des plus fidèles soutiens d'Arnor. Au moindre problème, à la moindre tension ou désaccord, votre mouvement explosera de l'intérieur. S'il survit jusque là, ce seront ces élections qui le feront voler en éclat. Vous avez besoin de moi. Vous avez besoin, Sénateur Janos, d'un ennemi visible, palpable, derrière lequel liguer les membres de votre nouveau rassemblement.

Tout comme moi, j'ai... également... Besoin de vous, besoin de ce que vous représentez : l'implacable Sénateur des mondes riches. Grâce à vous, et à l'antipathie que vous générez, bien d'autres se joindront à ma Ligue. Un sentiment exacerbé par le fait que les mondes ayant rejoint votre alliance sont majoritairement localisés au centre de la galaxie, loin de ceux que vous appelez les marginaux.

Si la République devait devenir bipolaire, nous en serions les deux pôles. »
dit-il en ce tournant vers Janos. Ragda plongea son regard globuleux dans celui du Lord. « C'est pourquoi nous allons conclure ce petit marché, quelque soient les amabilités que nous nous lançons au visage, alors à quoi sert de gaspiller notre salive ?

Vous voulez continuer à tirer les ficelles de votre rassemblent ? Et bien vous allez devoir me sauver la mise. Je veux continuer à faire prospérer la Ligue ? Et bien, je vais devoir m'assurer que vous restiez au somment des institutions politiques.»


Le chariot repris son mouvement, amorçant un demi-tour serré, afin de se repositionner à proximité de la table occupant le centre de la salle de réunion. D'un geste vif, le Hutt récupéra ses prothèses, qu'il entrepris immédiatement de repositionner, tout en continuant à parler :

« Malgré tout, je continue de penser que nous ne sommes pas de la même espèce Janos, mais de deux espèces interdépendantes. Il existe entre nous une forme de symbiose politiques, un peu comme cette opposition qui lie le bien au mal, le moral à l'immoral, le blanc au noir. L'un ne va pas sans l'autre. Si l'un disparaît, l'autre n'a plus de raison d'exister. Si nous voulons continuer à rester les êtres dominants de nos deux mouvements, nous devons nous assurer que chacun d'entre nous conservera une influence équivalente. Ce qu'à l'antiquité technologique nos ancêtres appelaient l'équilibre des puissance, assurée par cette dissuasion nucléaire. Ce faux enregistrement sera notre arme de destruction massive.

Je ne pensais pas en arriver là ce soir... Et bien soit, cette idée me plaît en réalité.

Tels sont donc les termes de l'accord que je vous propose :

Lors de la commission sénatoriale, vous voterez votre confiance. Je ne demande que votre voix. En échange ? Et bien... Dans un premier temps, je m'occuperai de faire grossir, par tous les moyens possibles, la Ligue, politiquement et militairement, afin que vous puissiez surfer sur la crainte qu'elle générera dans le noyau. De cette manière vous pourrez sans efforts de tenir les rênes de votre rassemblement, et manipuler les fortes têtes qui vous accompagnent.

Et dans un second temps, si vous êtes assez compétent pour survivre jusque là, nous nous arrangerons pour les futurs élections. Avant tout, il nous faudra trouver le candidat idéal. Après cet épisode, je ne suis pas convaincu que mettre un Hutt à la tête du gouvernement soit la meilleure idée. La situation pourrait nous échapper, nous pourrions trouver des opposants à nos idées dans nos propres camps. Non... Il nous faudrait plutôt un Chancelier neutre, un pion manipulable, une marionette que nous pourrions tirer les ficelles. Nous allons devoir créer un Chancelier de toute pièce, cela va demander beaucoup d'énergie et de temps... Le plus difficile sera de trouver cet indispensable candidat idéal. Une idée peut-être ? »


Ragda aurait pu s'arrêter sur cette question, mais, malicieusement, il lâcha une dernière remarque, lancée nonchalamment, avec une légèreté étonnante :

« Ah, au fait, vous deviez sérieusement vous méfiez du Sénateur Scalia. Un simple conseil de votre nouvel ange gardien... »

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Décidément, cette manie qu'avait le Hutt d'employer des termes grossiers et des tournures familières ne laissait pas d'irriter les oreilles de Janos. Comme à chacune de leurs rencontres, dirons-nous. Mais le sénateur avait beau le savoir, il se demandait vraiment comment le peuple d'une planète entière avait pu élire un être aussi répugnant, aussi mal élevé que ce scélérat de Rejliidic. Même à huis clos, certaines choses ne se faisaient pas : il incombait à un dirigeant de s'exprimer correctement, fût-il le plus corrompu de la Galaxie. L'ambition et la compromission étaient une chose, mais encore fallait-il y entretenir une certaine élégance, y employer les bons termes, s'y adonner avec art. Et ce n'était pas bête hypocrisie que de respecter une certaine mondanité : la beauté du verbe avait le mérite d'introduire une forme d'Ordre dans le chaos de négociations aussi viles que celles-ci. Mais de toute évidence, cette brute de décoffrage n'entendait rien à de tels préceptes.

Un instant, un très court instant, le Lord se frotta les yeux d'un air fatigué. Avec son lavage de mémoire, tout un univers s'était effondré d'un coup. À vrai dire, il lui faudrait un certain temps pour recouvrer ce qu'il y avait perdu. Aussi son esprit ne déroula-t-il pas la suite des opérations avec l'aisance quasi-mécanique qui était la sienne en temps normal. Il arrivait souvent que Janos désirât obtenir la spontanéité que les scénaristes prêtent à leur personnage, dans les holofilms d'action ou dans les jeux vidéo. Il s'imaginait bien comme un fin manipulateur à la tête d'une organisation secrète, assis sur un siège à bord d'un immense vaisseau qui surplomberait un soleil en constante ébullition. Les jambes croisées et la tête inclinée, une cigarette dans une main et un verre d'alcool dans l'autre, il dominerait tout le scénario prévu par les concepteurs, délivrant ses ordres depuis un bureau obscur entouré d'hologrammes. Mais la vie n'avait pas la platitude d'un jeu de rôle, hélas, et malgré tout ce qu'on pût en dire, Janos n'était qu'un humain, un simple humain qui avait eu le malheur de vouloir transformer l'Univers. En l'occurrence, il était hors de question de laisser transparaître une once d'hésitation. Pas ce soir. Pas face à Rejliidic.

La seule option dont il disposait, c'était de faire durer la conversation en gardant le maintien assuré qu'il s'était composé depuis le début de cette improbable conversation. Tout en parlant, il pourrait ainsi déterminer la meilleure réponse digne d'être offerte à la proposition que lui avait fait le Hutt.


«Cessez de me faire passer pour un geignard doublé d'un hypocrite, je vous prie. Ne vous en déplaise, je n'ai jamais dérogé à mes principes. Quand j'ai plaidé en faveur de la guerre, c'est une République forte et unie face au danger que j'ai proclamée. L'Union sacrée me paraissait infiniment plus enviable que la politique de l'autruche à laquelle nous menait inéluctablement l'aveuglement général qui est le nôtre en ce moment. Avouez que sur ce point, je n'ai pas eu tort : jetez un coup d'œil à la Rotonde ; ce ne sont que des moutons bêlant de peur face à la possibilité d'un conflit. Un digne défenseur de l'Ordre et de l'Harmonie ne se placerait jamais dans le camp de ces pleurnichards, vous en conviendrez.

Quant au Rassemblement Républicain, il s'agit d'un excellent tremplin pour mes vues politiques. J'imagine que la relation entre mes chères réformes constitutionnelles et l'acte fondateur de ce parti n'a pas échappé à votre perspicacité légendaire... Et de ce point de vue, j'ai trouvé en le sénateur Scalia un allié de poids.»


Scalia, Scalia, Scalia... Pourquoi le Hutt l'avait-il mis en garde contre Scalia ? Voulait-il que le sénateur d'Artorias leur servît de marionnette au poste de Chancelier Suprême ? Si tel était le cas, l'idée ne plaisait que relativement à Janos : le politicien qu'il avait accueilli sur Aargau avait la tempe d'un général en chef à la limite du revanchisme ; cet homme était bien trop martial, bien trop charismatique pour se laisser aisément manipuler. Non, Scalia n'était pas le meilleur choix qui fût...

«Et j'ai beau ne pas être un joueur, contrairement à un patron de casino comme vous, vous avouerez tout de même que ma situation n'a rien à envier à celle dans laquelle vous vous enlisez en ce moment. Mis à part le léger embarras suscité par cet enregistrement, ma situation n'est pas aussi critique que la vôtre. Moi, au moins, je ne me suis pas attiré la suspicion générale. Alors cessez de jouer à plus compétent que vous ne l'êtes : j'ai mieux parié que vous, et mes gains l'emportent largement sur les vôtres. Il y a deux ans, je n'étais rien. Me voilà sous-secrétaire général d'un parti aussi puissant que votre L.M.P. Pouvez-vous en dire autant ? Non. Si quelqu'un est en position de force, ici, c'est moi.»

Certes, parler d'un "léger embarras" relevait tout de même d'une mauvaise foi à peine camouflée. Mais l'expression avait échappé à Janos, alors qu'il déroulait dans son esprit les différents sénateurs qu'il connaissait assez pour servir de personnage passe-partout au poste chancelier. Le reste de ses propos correspondait tellement à ses discours habituels qu'ils n'avaient presque aucun poids, tout au moins face à un être comme Rejliidic. Sinon, pour s'attribuer le rôle du dominant dans le rapport de force qui l'opposait constamment au Hutt.

Mais le Lord ne regretta pas ce petit tour rhétorique : ce faisant, il s'était aménagé suffisamment d'espace pour songer à une personnalité politique digne d'introduire un équilibre à l'échelle républicaine.


«Enfin bref. Inutile de m'étaler davantage sur un sujet où nous ne serons jamais d'accord. Que nous soyons de la même espèce ou de deux espèces interdépendantes ne change rien au problème. Nous pourrons jouer sur les mots autant que nous le voudrons pour justifier notre lutte intestine. Mais, dans les faits, un équilibre des forces me semble la meilleure des solutions...»

Le sénateur d'Aargau laissa traîner cette dernière phrase pour se demander une toute dernière fois si son idée serait la bonne. Ce léger mouvement d'hésitation lui permit de reprendre haleine, et surtout, de se relancer avec d'autant plus de force au cœur de cette conversation qui avait tout d'une joute verbale.

«Si vous pensez que Scalia pourrait assumer la fonction de chancelier suprême, je ne vous suivrai qu'en posant une condition au préalable. Cet homme est bien trop virulent pour introduire un équilibre. Tout au moins, dans son faciès actuel... Comme vous l'avez dit vous-même, l'attitude revancharde qu'il entretient en ce moment sèmerait la zizanie dans nos rangs. Votre L.M.P. aurait tout à perdre d'un chancelier pareil - ce qui en soi ne me dérange guère -, mais mon Rassemblement Républicain pourrait lui aussi en pâtir...»

"Votre L.M.P."... "Mon Rassemblement Républicain"... Janos avait finement choisi ses adjectifs pour bien insister sur la place que chacun occupait. Coup de bluff ? Possible... Le sénateur d'Aargau n'avait pas tout à fait la main-mise sur ce Rassemblement qu'il prétendait sien. Mais Rejliidic avait beau dire : Lord Janos était d'abord et avant tout un parieur.

«Cependant, notre homme n'est pas sans qualités : sa rigueur et son respect des valeurs républicaines sont autant d'atouts qui pourraient jouer en sa faveur. Il nous faudrait l'aider à redorer son blason en le projetant dans une campagne politique efficace. En soi, rien d'impossible, mais il s'agirait de se montrer habile, très habile. À mon avis, c'est son statut de victime qui représente le principal atout dans ses cartes : un sénateur venu d'un monde opprimé, plus républicain que les républicains les plus traditionnels, novateur sans non plus déroger aux principes phares de notre régime... Oui. Ôtez-lui son revanchisme, incitez-le à tempérer ses ardeurs, et vous obtiendrez un candidat idéal à la Chancellerie. Ensuite, une fois sur le trône, le véritable enjeu consistera à garder la main-mise sur sa volonté, ce qui me semble plus ardu, quoiqu'envisageable. Je connais notre homme : il n'est pas aussi indocile qu'il n'y paraît. En utilisant les bons mots, nous pourrions en tirer beaucoup, vous comme moi...

Voici ma condition. Si vous désirez mettre Scalia aux rênes de notre régime, libre à vous. Je ne m'y opposerai pas. Mais dans ce cas, j'aurai une exigence à laquelle je ne dérogerai pas : que le programme défini par le Rassemblement Républicain soit appliqué. Que la Constitution soit amendée.»


Ces dernières paroles avaient été prononcées avec bien plus de force que le reste. C'était la toute première fois que Janos donnait un ordre en bonne et due forme à Rejliidic, et à vrai dire, cette inversion des rôles n'était pas pour lui déplaire, d'autant qu'elle faisait revenir un sujet de querelle ancien : le fameux amendement de la Constitution. Mais l'heure n'était pas aux délectations pour le peu chaotiques. Non. L'idée que le Lord commençait à concevoir lentement mais sûrement exigeait de lui toute la froideur dont il pouvait disposer.

«Une victime, oui.», reprit-il non sans un certain cynisme. «La République aime les victimes. En cette heure où règne la peur, celles-ci sont à la mode, si j'ose dire. Elles ont le vent en poupe. Et en matière de victime, il en est une autre qui pourrait constituer une marionnette infiniment plus docile, aisément plus manipulable que Scalia. Une marionnette qui ne s'est pas discréditée lors d'un discours un peu trop revanchard au goût de nos collègues de la Rotonde...»

Janos avait consulté les sondages et écouté dans les couloirs du Sénat : si Valérion Scalia avait jamais commis une imprudence, c'était lors de son tout premier discours, avant les évènements de Flydon Maxima. Son bellicisme lui avait attiré nombre d'ennemis parmi les plus frileux et les moins audacieux. À ce sujet, le Lord savait pertinemment que Rejliidic comprendrait son allusion ; aussi ne chercha-t-il pas à l'expliciter outre mesure et en profita-t-il pour embrayer :

«Oui. J'ai un candidat qui me semble encore plus idéal que Scalia, si vous désirez mon avis. Un candidat tout frais, irréprochable, propre à susciter son lot de polémiques constructives, tout en vous redonnant de l'éclat, à vous comme moi.»

Lord Janos s'interrompit, laissa couler trois secondes minutieusement calculées, avant de déclarer, d'un ton ferme et inébranlable :

«Notre candidat est plutôt une candidate, à proprement parler. Il s'agit d'Emalia Kira. Oui, vous m'avez bien compris, Rejliidic : Emalia Kira, la reine d'Ondéron.»
Ragda Rejliidic
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Un grognement : voilà tout ce que le Hutt laissa échapper aux premiers mots de son interlocuteur. Cette fois il ne cherchait plus dissimuler le fond de ses pensées derrière un visage de marbre. Il leva les yeux au ciel, complètement dépité. Sacré Janos pensa-t-il. Fallait-il voir l'expression d'un complexe de supériorité derrière cette manière de toujours vouloir décrocher le dernier mot ? En tout cas, les quelques doutes qu'avait pu ressentir le Hutt volèrent en éclats. Oui, ce soir, Janos avait su lui ouvrir les yeux sur d'autres éventualités que celles qu'il s'était imaginé en l'invitant à cette entrevue. Mais cela ne réduisait en rien ses propres mérites et compétences. Hors de question de se laisser marcher dessus, comme il arrivait parfois à ses congénères face à des contrebandiers un peu trop surs d'eux.

« Oui...Oui... Oui... Sénateur Janos... Vos « fameux » grands principes... Vous savez très bien ce que j'en pense. S'il vous plaît de croire que vous pourrez sans cesse vous cacher derrière, à votre guise. Mais à vouloir me démontrer une n-ième fois votre logique, vous me prouvez que j'ai touché une corde sensible ! A force de vous entendre vous justifier, j'ai l'impression que vous cherchez plutôt à vous convaincre vous même... Serait-ce le doute qui germerait derrière votre carapace de métal ? » déclara-t-il en esquissant un sourire quelque peu amusé. « Vous avez toutefois entière raison : le Rassemblement Républicain est pour vous un excellent tremplin... Mais le problème des tremplins, c'est qu'une fois emprunté, la descente est inévitable. Attention à l’atterrissage Sénateur Janos. Avec une telle arrogance, je doute que beaucoup de mains se lèvent pour vous aider, et encore moins ceux de votre camps qui seraient trop heureux de pouvoir jouer du fruit de vos idées. »

Il soupira une nouvelle fois. Il n'avait pas prévu de dévoiler plus de cartes en cette soirée. Mais il ne lui restait d'autre choix s'il voilait un tant soit peu rabattre son caquet à ce mégalomane psychorigide. Son « Si quelqu'un est en position de force, ici, c'est moi. » l'ulcérait au plus haut point. Depuis le début, il laissait Janos mener la danse. Il était temps de lui faire comprendre qu'il n'était pas intouchable, et donc pas dans une position si confortable qu'il n'osait l'affirmer :

« Il y a une chose de bien lorsque l'on devient persona non grata. Ne plus être invité aux soirées mondaines laisse beaucoup de place aux temps libres, et à la réflexion. J'ai un passe temps : observer et analyser. Je vous ai beaucoup observé ces derniers temps Janos. Et, chose étrange, j'ai noté que vous vous déplaciez de plus en plus souvent. J'ai trouvé nulle part trace de missions officielles, ou de votre passage sur des mondes Républicains. Vous gardez profil pas... Pourquoi ? » Après quelques secondes de silence pour laisser le temps à son interlocuteur d'accuser le coup, il reprit, sur un ton ferme : « Ne me forcez pas à creuser. Je n'ai ni le temps ni l'envie d'aller fouiner dans votre vie, ni même votre passé de Jedi pour en déterrer des cadavres douteux. Parce que des cadavres, il en a quand même un certain nombre qui gravitent autour de vous, et de votre Cosmos. Et ce n'est même pas dans mon intérêt dans l'immédiat. Pourtant, si vous continuez à user d'un tel ton avec moi, je n'hésiterai pas. Je suis persuadé qu'en cherchant méticuleusement je pourrais vous causer bien plus d'embarras que vous ne le pensez. Je serai cuit ? Et alors, j'ai encore des centaines d'années devant moi pour remonter la pente ! Alors que votre corps ne sera plus que poussières, je serai toujours dans la force de l'âge, à pratiquer ce que j'aime le plus : la politique.

Si je vous ai convoqué ce soir, c'est parce que je ne dispose pas d'assez de patience pour attendre que cette affaire se tasse. Alors soit nous passons définitivement au sujet qui nous concerne : cet accord entre nous. Soit je vous jure que je n'aurai d'autre cesses que de vous pourrir la vie, jusqu'à votre dernier souffle. »


Il grogna bruyamment. Ces derniers mots, il les avait prononcés avec une pointe de colère qu'il n'avait senti venir. Oui, Janos l'exaspérait, l'agaçait. Il aurait voulu lui crier « Je te conchie ! » en lui jetant des excréments au visage ! Cela n'avait rien à avoir avec sa prétendue position « de force »... Non... C'était physique, psychologique, psychique même. Tout en cet être le révulsait. Avait-il fait une erreur d'organiser cette entrevue ? Manifestement non, car malgré leurs différents et leur incompatibilité, ils étaient sur le point de trouver un arrangement mutuellement avantageux. Si toutefois leurs piques ne parasitaient pas le fond du sujet au point de faire avorter leurs échanges. Le Hutt prit sur lui de se calmer. Il était idiot de s'énerver ainsi. C'était plus fort que lui. Et dire qu'il lui suffisait d'une pression de son index sur l'écran tactile pour déclencher la propulsion de son chariot et lui passer dessus comme un animal égaré au bord d'un caniveau. Cette idée lui démangea l'esprit quelques secondes tout de même.... Mais il aurait été stupide d'ajouter « tentative d'assassinat » à son pedigree de criminel passant bientôt en procès pour suspicion de haute trahison. Il se repris donc. Avec une sérénité recouvrée, il passa à la suite :

« Si je vous ai parlé du Sénateur Scalia, c'est parce que j'ai encore en tête l'une de vos petites phrases. Nous étions en tête à tête, sur votre vaisseau, et vous m'avez dit : « Bref, pour mille ennemis, je me ferai un allié, fût-ce un sénateur, fût-ce un simple téléspectateur. Mais je sais que cet allié-là ne me plantera pas de couteau dans le dos dès que je l'aurai tourné. » Vous souvenez-vous ?

Et vous vous êtes allié avec Scalia ? Erreur de casting. Il vous poignardera, c'est inévitable. Vous le savez tout autant que moi. Et c'est exactement pour cela qu'il ferait un parfait Chancelier : nous pourrions aisément le garder à l’œil, sous la lumière des projecteurs. Encore faudrait-il réussir à dompter son caractère revanchard... »


Il marqua une pause pour réfléchir à la proposition de Janos. Emalia ? Quelle drôle d'idée... Lorsqu'il répondit enfin, sa voix ne parvenait pas à dissimuler cette surprise aux accents condescendants qu'il éprouvait :

« Mettre Emalia Kira, la reine d'Ondéron, à la tête de la République ?! Alors là, il va falloir m'expliquer ! Elle n'est même pas Sénatrice ! Il faudrait déjà qu'elle représente sa planète au Sénat ! Il faudrait qu'elle fasse ses preuves ! Alors oui, nos collègues de la rotonde sont de vrais moutons, mais pas des idiots pour autant. Sur quel argumentaire baserez-vous sa campagne ? Elle aussi une victime du conflit avec les Sith ? Sa planète est loin d'être vendue ! Personne ne croit à cet échange avec Ondéron, surtout dans tant d'années... D'ici là la sphère géopolitique aura tellement évoluée... Non, elle ne jouira définitivement pas de la même aura qu'un Scalia...

Et puis, que savons-nous d'elle ? De ses convictions politiques ? De ses points forts, de ses points faibles ? Pratiquement rien puisqu'elle cultive le secret et la retenue. C'est à peine si elle s'est exprimée après la rédaction du traité de paix. Qui nous dit qu'elle sera malléable ? Faute de bien la connaître, saurons nous agir sur les bon leviers pour lui faire suivre un cap dicté à l'avance, à son insu ?

Avec Scalia tout serait plus facile. Sa colère, sa haine, sa frustration... Tous ces sentiments le rendent vulnérable et manipulable. Il y a un risque oui, il pourrait nous exploser au visage et faire sombrer la République dans une vindicte prématurée. Mais, fin stratège comme il est, je suis persuadé que nous pourrions le contraindre à suivre une ligne de conduite beaucoup plus prudente. Après tout, nous ne savons rien des Sith, n'est-ce pas ? Qui est cette Ynnitach ? Qui sont ses lieutenants ? Quels sont leurs plans ? Quel est l’inventaire de leurs forces militaires ? Nous ne connaissons même pas les coordonnées de leur monde capital ! Tant que nous n'aurons pas toutes ces réponses, je pense que nous serons en mesure de ré-freiner les ardeurs guerrières de notre Artorien. Et si jamais il devait devenir incontrôlable...

... Nous pourrions user du peu qui lui reste pour le forcer à marcher au pas : sa fille et son peuple.

La Reine Emalia ne nous apportera jamais autant de garanties. »


Il venait de démonter tout l’intérêt d'un Scalia comparé à une Emalia, même si le candidat n'avait rien d'idéal. C'était le moins pire des deux. Mais il restait un point à élucider, et surtout un quiproquo à dissiper :

« Pour ce qui est de votre condition, laissez-moi vous dire que je ne me suis jamais, personnellement, opposé à vos idées de réformes constitutionnelles. Dans le fond, je pourrais même dire qu'elles sont compatibles avec mes opinions politiques, pour la plupart d'entre elles en tout cas. Si, sur votre vaisseau, je vous ai demandé de les oublier, c'est seulement parce que de telles propositions risquaient de faire perdre au Chancelier Arnor ses maigres soutiens de l'époque.

J'ai une condition à imposer à votre condition, à laquelle je ne dérogerais pas non plus. Pour mettre Scalia à la tête de la République, je suis prêt à aller dans le sens des vos réformes... Ou tout du moins, de ne pas m'y opposer... Mais à la condition express que vous abandonniez l'idée de faire passer la défense et le commerce intérieur dans les compétences fédérales exclusives. En résumé, il est hors de question que je sacrifie les raisons d'être de la LMP sur l'autel de vos idées.

Réfléchissez bien Sénateur Janos. Je vous donne l'opportunité de faire passer la quasi totalité de vos propositions de réformes... »


Invité
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Accélération du rythme cardiaque... Poussée du taux d'adrénaline... Tous les systèmes de mesure qui paramétraient le corps artificiel du Lord purent enregistrer en même temps ce que l'on nomme communément une montée de stress. Lorsque de tels chiffres atteignaient un seuil trop important, son organisme avait été ainsi prévu qu'il injectait automatiquement une dose d'antalgiques dans son sang. Le jour où Janos avait demandé à ses médecins de lui offrir cette possibilité, ces derniers s'y étaient opposés formellement, considérant qu'un tel expédient risquait de nuire gravement à sa santé sur le long terme, de générer une addiction, voire de stimuler des infections. Mais quand se trouvait constamment confronté à une pression terrible de la part de son emploi du temps, des autorités et de ses opposants politiques, ce petit tour de passe-passe nano-chirurgical pouvait être le bienvenu. Surtout lorsqu'on avait appris dans le Temple Jedi à contrôler ses émotions...

Ces deux facteurs conjugués - la maîtrise de la Force doublée d'une bonne dose d'antalgiques - permirent au sénateur de ne pas laisser transparaître le moindre trouble lorsque Rejliidic énonça ses menaces. Mais bien qu'il parût impassible, une véritable ébullition se mit à foisonner dans son esprit. Dans quelle mesure le Hutt avait-il connaissance des tractations que menait le tout nouveau Maître des Forges en ce moment ? Que savait-il de sa double identité ? De ses relations avec l'Empire Sith ? Pourtant, ce n'était pas faute d'avoir pris des myriades de précautions : Janos ne s'était rendu qu'à deux reprises sur Korriban et une seule fois seulement dans l'Atramentar, le vaisseau prison du système impérial. Du reste, il menait toutes ses négociations par voie holographique, fidèlement épaulé par son tout nouveau droïde intendant. Pour un homme qui cumulait le mandat de sénateur et de Maître des Forges, on ne pouvait se montrer plus prudent.

Un instant, Janos s'imagina que c'est la Dame Noire qui avait insufflé l'idée à ce scélérat de Rejliidic. De fait, les fameux enregistrements ne reposaient pas tout à fait sur du vent : l'Impératrice avait effectivement sous-entendu qu'une relation la connectait au Hutt. Tous deux étaient suffisamment retors pour parvenir à un accord entre eux. Si tel était le cas, il fallait en tirer deux conséquences : premièrement, Janos était devenu une cible commune, et ses ennemis utiliseraient la moindre de ses erreurs pour le faire tomber ; deuxièmement, il avait tout intérêt à les éliminer l'un comme l'autre, de quelque manière que ce fût.

Mais peut-être se faisait-il tout simplement des idées : Rejliidic était-il assez corrompu pour lui aussi coopérer avec l'Empire ? Cet individu nageait très certainement dans des affaires sordides, mais de là à être dépourvu de tout scrupule... Difficile à dire, en fait : somme toute, le Hutt véhiculait une certaine idée de la République, et bien que son idéalisme s'avérât bien plus malléable que celui du Lord, il ne s'en détachait jamais tout à fait. Paradoxalement, Janos avait conscience que sa soumission à l'Ordre pouvait le rendre bien plus impitoyable encore qu'un arriviste comme Rejliidic : convaincu que ses actes correspondaient à une dialectique imparable, il n'avait pas hésité un seul instant à trahir la République pour mieux la servir. Le Hutt, de son côté, disposait-il d'une telle force ? Décidément, le sénateur d'Aargau peinait à y croire.

Toutes ces considérations amenèrent ce dernier à éviter de répondre aux invectives que lui avait craché le Ministre. De toutes manières, ce débat, commencé deux ans plus tôt, pourrait s'éterniser encore et encore sans jamais trouver de moyen terme. L'idéalisme forcené contre la compromission cynique... Cet antagonisme devait probablement exister depuis que les espèces intelligentes s'étaient associées pour s'organiser en société. Oui, ce débat existait tout simplement depuis que la politique existait. Mais quoi qu'on pût en dire, Janos tirait une fierté inébranlable de se trouver du côté de l'idéalisme forcené.


«Vous prétendiez vous montrer prudent dans votre jeu, Rejliidic, mais je constate qu'une fois encore vous redoublez la mise sans prendre de gants. Soit vous êtes bien plus naïf que vous ne le prétendez, soit vous n'avez vraiment rien compris à mes objectifs.»

Le sénateur avait prononcé ces mots avec une détermination qui aurait fait trembler l'un de ses sous-fifres les plus zélés. Mais hélas, le Hutt n'était pas un sous-fifre.

«À votre avis, pourquoi avoir fondé le Rassemblement Républicain ? Pourquoi, sinon pour contrebalancer tout le pouvoir que vous avez donné à votre front des planètes marginales ? Vous avez dit que mon parti était bien trop hétéroclite pour perdurer. Sur ce point, vous n'avez pas tort : le choc des volontés peut constituer l'une de nos faiblesses. Mais nous sommes tout de même rassemblés sous une enseigne commune : la crainte que suscite votre Ligue.

Notre ambition réelle est de limiter votre puissance militaire. Je n'ai aucun scrupule à parler sans détour : voilà qui ne relève pas du secret d'État. Même les politologues les moins perspicaces en sont venus à ce diagnostic. Votre déploiement de force pour contrer ces fameux rebelles Sith, et en ce moment pour endiguer la piraterie, n'est pas digne d'un système républicain. Ou alors vous avez une bien piètre vision de la République.»


Cette fois, Janos éclata de rire. D'un grand rire cynique et condescendant, bien que rigoureusement contrôlé et parfaitement inséré dans sa rhétorique.

«Ah-ah ! N'est-ce pas paradoxal, Rejliidic ? Vous aimez m'accuser de fascisme, vous ne seriez même pas surpris si je marchais sur Coruscant à la tête d'une armée ! Mais en réalité, c'est vous, le fasciste. C'est vous, qui jouez au généralissime paranoïaque. Et ce, sous couvert de garantir la liberté à de pauvres petits mondes opprimés par de méchants pirates. À d'autres, Rejliidic. À d'autres !

Et vous croyez encore qu'en me brandissant sous le nez mes propres principes, vous parviendrez à obtenir mon consentement ? Comme quoi j'aurai l'occasion de construire la République dont je rêve depuis toujours, mais à une seule et minuscule condition : que vous conserviez votre armée ? Allons ! Que serait cette République harmonieuse si chaque système peut à souhait y mener sa petite guéguerre en toute impunité ? Autant ne rien modifier du tout, dans ce cas !»


Le sénateur d'Aargau avait conscience qu'à ce stade, tous deux risquaient de ne jamais trouver un point de cohésion. Par conséquent, la conversation ne pouvait plus se dérouler autour de la figure de Scalia. C'est la raison pour laquelle Janos décida de revenir sur la question de la Reine d'Ondéron. Mais il s'y prit subrepticement.

«D'ailleurs, le sénateur Scalia lui-même n'accepterait jamais de faire l'impasse sur la défense et le commerce intérieur. Si vous désirez réellement en faire un Chancelier, il vous faudra oublier les motivations militaires et économiques de votre L.M.P. Je ne sais pas ce que vous tramez au sujet du sénateur d'Artorias, mais je crains que nous ne soyons incapables de nous mettre d'accord à son sujet, tant que vous tenterez de conserver le pouvoir quasi-autarcique que vous vous êtes attribué.

Voilà pourquoi je vous parlais d'Emalia Kira. Sa neutralité par rapport à nos antagonismes nous permettrait de dessiner entre nous un terrain infiniment plus neutre que ne le ferait Scalia si nous le propulsions à la tête de la République.»


La transition parut judicieuse au sénateur, d'autant que les sous-entendus formulés par son rival le mettaient de moins en moins à l'aise au sujet de son hôte artorien. Il embraya aussitôt et tenta de réfuter Rejliidic point par point :

«Premièrement, vous me dites que notre Reine n'est pas sénatrice, mais laissez-moi vous réfuter, je vous prie. Elle n'est pas encore sénatrice, nuance... Si vous prêtiez un petit peu plus l'oreille à ce qui se dit dans les couloirs de la Rotonde, notre chère Emalia s'apprête à devenir représentante de sa planète. Je l'ai également lu dans un article d'holo-tabloïde, "Ici Iziz", je crois. Or en la matière, ces paparazzi et leurs sbires peuvent représenter une source utile, même pour des politiciens aussi sérieux que nous.

Deuxièmement, je suis d'accord avec vous sur un point : son statut de victime ne durera pas éternellement. Mais d'ici les prochaines élections, le vent qu'elle pourrait avoir en poupe n'aura pas encore cessé de souffler. Qu'importe la géopolitique sur du long terme : je vous parle de la Chancellerie, moi, et la Chancellerie sera élue dans un an. Pas plus.

Troisièmement, le mystère qu'elle fait peser sur sa personnalité ne doit pas nous leurrer. Si l'on se contente des apparences, on pourrait croire que notre Reine cache bien son jeu, qu'elle est prudente, discrète, qu'elle vit de faux semblants. Mais en réalité, Rejliidic, elle n'a tout simplement pas de jeu.»


S'il désirait poursuivre son argumentaire, Janos n'avait désormais plus le choix. Il lui fallait dévoiler une nouvelle carte à son opposant. Mais il n'hésita qu'une petite seconde, car il se doutait bien que Rejliidic n'était pas dupe à ce sujet...

«Vous me demanderez sûrement comment je sais tout cela. Eh bien, la réponse est simple : il est de notoriété publique que je suis moi-même sensible à la Force, que j'ai vécu mes vingt premières années de vie dans le Temple Jedi. Et vous devinez bien que je me sers encore de certains... talents liés à cette éducation.

Je ne suis pas capable de lire dans tous les esprits. Le vôtre, par exemple, comme celui de tout Hutt, m'est totalement imperméable. En revanche, notre Reine ne dispose pas de votre résistance. J'ai pu lire dans son âme comme dans un livre ouvert, et j'y ai vu une absence totale d'ambitions.

Cependant, elle n'est pas dépourvue d'intelligence, et je suis certain qu'elle saurait se montrer plus charismatique qu'elle ne l'est. Si nous parvenions à la contrôler, à la modeler comme la figure du rassemblement, je suis certain que nous saurions en tirer beaucoup. Beaucoup plus que de Scalia. Imposez-lui un régime. Coachez-la de sorte qu'elle perde ce caractère exaspérant qui est l'apanage de sa noblesse. Sa vacuité est telle que nous pourrions en faire ce que nous voulons. Pourvu qu'elle se fasse le porte-parole d'un message politique fort et cohérent, il nous serait possible d'en tirer les ficelles comme d'un vulgaire pantin, sans laisser à autrui l'impression qu'elle n'est qu'une marionnette.

Voilà ce que je vous propose, Rejliidic. Nous poussons notre antagonisme jusqu'au bout, nous stimulons notre opposition. Et, à un moment donné, nous faisons surgir la Reine Emalia Kira du néant, tel un deus ex machina capable de ressouder nos partis respectifs. Son absence de passé politique la rendra infiniment plus puissante que vous, que moi, ou encore qu'un Scalia qui s'est bien assez sali les mains et s'est déjà attiré plus d'un ennemi. Utilisons sa fraîcheur pour composer une troisième voie, une alternative à nos deux mouvances, et pour attirer à elle des électeurs encore neutres. Mais en réalité, cette alternative ne sera commandité que par nos deux volontés, et, une fois qu'elle aura rallié suffisament de sénateurs aujourd'hui indépendants, votre L.M.P. et mon Rassemblement Républicain s'allieront à cette nouvelle force politique. Le reste ira de soi : un équilibre retrouvé, une harmonisation du régime, etc. Vous connaissez la chanson.

Ce faisant, nous obtiendrons une majorité absolue parmi les votants et nous aurons la force nécessaire pour composer un nouveau gouvernement. Vous, vous y conservez un Ministère. Moi, je parviens enfin à en obtenir un. Tous deux, nous renforçons notre puissance au sein de nos deux mouvances, auxquels nous aurons chacun donné une part du gâteau. Et face à une telle puissance, nous pourrons compter sur une relative unanimité au Sénat. Le plus dur, bien sûr, sera de définir un angle d'attaque à ce gouvernement composite, mais ce genre de situation s'est déjà soldé de succès. Vous-même avez bien su faire carrière sous la Chancellerie Arnor...»


Janos aurait pu s'arrêter là, mais il ne put s'empêcher de poursuivre, un léger sourire au visage.

«Comme quoi, vous aimez critiquer ma psychorigidité. Mais vous constaterez que ce compromis aboutirait à une République unanime et soudée, bref, à la République dont j'ai toujours rêvé : une République fondée sur l'Ordre, sur la Paix et sur l'Harmonie.»
Ragda Rejliidic
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Avait-il touché une corde sensible ? Difficile à dire, surtout que ses menaces se basaient sur un coup véritable de bluff. Oui, il espionnait Janos. Comme il le faisait avec tous ses adversaires politiques. Épaulé du réseau d'informateurs de « Fantôme », il pouvait aisément suivre les déplacements d'un personnage aussi connu et visible qu'un Sénateur cyborg psychorigide, qui ne laissait derrière lui nulle place à l'indifférence. Quelles informations avait-il pu compiler ? En réalité, aucune de grande valeur. Oui, Janos avait effectué plusieurs voyages discrets. Vers où ? Impossible à dire. Tout laissait supposer une destination lointaine, hors des frontières de la République, hors des limites de son réseau. Mais le Lord aurait tout aussi bien pu rendre visite à une vieille tante, que prendre un bain d'huile sur une planète de cyborg mentalement dégénérés...

Le Hutt, en abattant cette carte, avait espéré en apprendre plus, simplement en observant la réaction de son interlocuteur. Mais comme à son habitude, le Sénateur d'Aargau maîtrisait avec une méticulosité toute mécanique la moindre de ses émotions. Peut-être avait-il fantasmé sur la lueur de surprise qu'il avait pu lire dans son regard, au moment où il lui avait annoncé suivre le moindre de ses faits et gestes ? Peut-être. Peut-être pas. Quoi qu'il ne soit, ce serait bientôt au tour de Janos d'apprendre à vivre avec ce que l'on appelait parfois le paradoxe de la notoriété. Plus il se pavanerait sous le feu des projecteurs, plus il deviendrait une cible facile à pister... Cette terrible vérité, Ragda l'avait lui-même apprit à ses dépends, quelques temps plus tôt... Mais à présent qu'il jouait de nouveau avec les ombres, il jouissait d'une liberté d'action perdue depuis longtemps. Enfin... Si l'on excluait les quelques membres des Services du Renseignement toujours chargés de le suivre de prêt. Ceux-ci ne représentaient pour le moment qu'une gêne tout à fait gérable. Pour le moment.

Écoutant attentivement la réponse de son interlocuteur, le Hutt s'affala confortablement dans les coussins cramoisis de son chariot répulseur. Que penser du manque de réaction du Sénateur ? Janos n'avait même pas cherché à répliquer. Soit il jugeait la menace totalement absurde... Soit il avait véritablement quelque chose à cacher, et éludait donc la conversation. Toutefois... Comme cet insupportable personnage n'était habituellement pas du genre à passer sous silence la moindre occasion de fouler du pied ses spéculations, le Hutt misait tout d'un coup sur la seconde solution. Il lui faudrait dont creuser, à l'avenir, cette histoire... Mais avant de parler d'avenir, il lui fallait se préoccuper du présent.

« Vous avez tout faux, Sénateur Janos... » répondit-il, sur un ton monocorde, plus comme une pensée énoncée à haute voix. « Plus cette conversation avance, plus je me dis que nos visions sont incompatibles... Je vois que vous n'avez strictement rien compris aux motivations des mondes qui rejoignent notre République... L’alternative que vous proposez avec votre Rassemblement n'est qu'une porte ouverte au dirigisme. Avant de me lancer toutes ces insanités au visage, vous feriez mieux de vous poser les bonnes questions. Les premiers principes Républicain, sont la liberté, la souveraineté. Il n'a jamais été question de forcer les mondes membres à entrer de gré ou de force dans un pseudo moule aussi rigide que votre intellect ! Vous ne pouvez leur imposer de tirer un trait sur leurs armées, ni sur leurs choix de partenaires commerciaux... La République n'est pas la dictature d'un pouvoir central décidant de tout !

Traitez-moi de ce que vous voulez, targuez moi de tous les maux de cette galaxie si ça vous amuse, mais cela ne changera rien à cette vérité fondamentale. Après la débâcle d'Artorias, croyez bien que quantité de mondes préféreraient quitter la République plutôt que de se passer d'une armée capable de les défendre. C'est vous, et vous seul, qui jouez avec le feu, et menacez de faire imploser notre système en essayant de supprimer ces libertés ! »


Ragda souffla, puis leva les yeux au ciel, tout en continuant :

« Et laissez la LMP en dehors de tout ça... Vos accusations, vos sous-entendus... Votre façon même de vous moquer des mondes la constituant ne prouve que votre manque de lucidité. Arrêtez de jouer avec les craintes stupides d'une population déjà traumatisée par les récents événements politiques... Et attaquez-vous aux vrais problèmes ! Ouvrez-les yeux ! La périphérie de la République est en pleine ébullition, jamais la République n'avait connu une telle crise de confiance. Des mondes ont été vendus aux Sith, d'autres doivent gérer un flot sans précédent de réfugiés fuyant l'Empire. L'armée Républicaine a connu sa plus grave déculottée depuis l'époque des guerres mandaloriennes... Les réformes entreprises par Halussius sont au point mort...

Sénateur Janos, il n'existe que deux manières de diriger les peuples : par la terreur, ou en inspirant l'espoir... Et c'est exactement ce que fait la LMP : Elle donne de l'espoir à ceux mondes éloignés, qui ont le sentiment d'avoir été mis de cotés, abandonnés, vendus, trahis... La LMP donne l'occasion à ces mondes de participer à des projets concrets, d'être les acteurs de leurs propre réussite, plutôt que d'être dilués dans une République dont ils ne comprenne plus les décisions. La LMP est une soupape de sécurité ! Elle canalise la frustration et la colère, et la transforme en une énergie positive... »
déclara-t-il, les yeux brillants, le verbe fort et débordant d'une conviction sans faille. « Supprimez la LMP, et je vous jure que vous aurez à gérer la plus grosse crise que la République n'aura jamais connue... La périphérie ne comprendrait pas... Vous approfondirez un fossé déjà creusé par les conséquences de ce traités. La République pourrait ne pas y survivre... » Sa voix mourut dans un soupire dépité. Ragda ne s'attendait pas vraiment à ce que Janos comprenne tout ceci tant leur perception du monde semblaient aux antipodes. Chacun était convaincu de ses méthodes, et voyait en l'autre l'avatar du chaos.

Après quelques secondes d'un lourd silence, le Hutt se redressa, hésitant. Il pris une profonde inspiration, le regard dans le vague, puis repris, d'une voix grave, profonde, comme sorti du plus profond de ses tripes. Son ton avait quelque chose de presque... prophétique :

« Je vais vous avouer quelque chose que je n'ai encore jamais dit à personne... » dit-il, avant de reprendre très rapidement, visiblement perdu dans ses souvenirs « Après la libération d'Halussius, alors que toutes les suspicions pesaient sur moi... Alors que je me retrouvais seul, face au reste de la République... J'ai... J'ai eu une sorte de vision... C'est difficile à expliquer, et encore plus à décrire. J'ai vu la République en cendre, détruite, anéantie. C'était comme un rêve éveillé, réaliste... Je pouvais presque sentir les flammes me dévorer les chairs... Alors j'ai compris : compris que j'avais un rôle essentiel à jouer pour sauver notre système... Traitez-moi de fou si cela vous amuse... » laissa-t-il en suspens tout en replantant son regard globuleux dans celui de son interlocuteur. « … Mais je suis convaincu, au plus profond de mes tripes, c'est que la LMP qui sauvera la République ! Oui ! Elle sauvera la République ! Elle l'a déjà prouvée, en tirant le Chancelier Arnor des griffes des rebelles Sith ! Et c'est pour cette raison que je ne laisserai personne remettre en question son existence ! C'est pour cette raison qu'elle perdura, même si pour cela je dois bafouer toutes les lois et les règles ! »

Alors qu'il achevait ce laïus enflammé, exalté, Ragda leva deux poings rageurs, bien haut... Et étrangement, alors que les commandes tactiles lui étaient inaccessibles, le chariot répulseur se mit à dériver lentement, décrivant un arc de cercle autour du Sénateur Janos... Comme animé de sa propre volonté. Peut-être celui-ci, formé jadis par les Jedi, ressentirait-il cette infime perturbation dans la Force à l'origine d'un tel prodige ? En tout cas Ragda, visiblement gonflé d'une profonde colère née des frustrations subies ces derniers mois, ne remarqua rien. Il se senti seulement très las tout d'un coup, tandis qu'Alan, dans sa proche ventrale gigotait, surexcité. Il soupira, cligna des yeux, puis se racla la gorge, un peu désorienté, gêné par cette franchise inattendue. Janos allait vraiment le prendre pour un taré maintenant... Au moins ils seraient deux.

Le Hutt se ré-affala dans ses coussins, puis repris, beaucoup plus calme, comme pour changer de sujet et faire oublier ses derniers mots :

« Je reste convaincu que Scalia ferait un meilleur Chancelier que la Reine Kira... J'ai effectivement entendu les mêmes rumeurs que vous... Mais contrairement à vous, je ne base pas ma stratégie sur des on-dit. Même si votre logique ne manque pas de sens, j'ai bien peur que vous n'arriviez pas à me convaincre... Tout comme je ne parviendrai sans doute pas à vous faire changer d'avis.

Voilà ce que, moi, je vous propose Sénateur Janos. Ne simulons rien de notre antagoniste. Ne ne sommes visiblement pas prêt pour coopérer, alors autant ne pas se forcer... Aucun de nous deux n'est aujourd'hui capable de mettre sa fierté de coté pour revenir sur ces choix politiques. Soutenons donc chacun notre candidat fétiche. Vous Emalia, moi Valérion. Et que le meilleur gagne. Il en résultera un rapport de force naturel, indispensable pour que l'un de nous lâche un peu de lest, et accepter quelques... concessions. »


Le Hutt laissa traîner cette dernière phrase quelques instants, avant de poser sa fatidique question, le regard fatigué mais malicieux :

« A moins qu'une partie de ce qui nous oppose aujourd'hui ne soit que le résultat d'un quiproquo... A votre tour de faire preuve d'un peu de franchise : puisqu'il semble que ce soit l'un des points qui vous dérange tant, qu'avez-vous concrètement contre la Ligue des Mondes Périphériques ? »
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Se pouvait-il que Rejliidic fût une sorte mystique ? Pris dans les tournoiements peu rassurants de ce chariot répulseur, Janos fut traversé d'une nouvelle vague de perplexité. Une perplexité moins grande qu'au moment où il s'était senti démasqué, où son rival avait sous-entendu qu'il en savait beaucoup. Mais une certaine perplexité, tout de même. Il faut parfois se laisser surprendre...

Peut-être que toute cette mise en scène répondait à une stratégie spécifique, ceci dit. Par exemple pour mettre à l'épreuve la sensibilité du Lord à la Force. Avec ce fourbe de Rejliidic, on pouvait s'attendre à tout. Et Janos lui-même venait de lui avouer qu'il utilisait parfois ses pouvoirs lorsqu'il se confrontait à ses adversaires politiques.

Mais cette fois, il semblait que le Hutt se montrait sincère. Le sénateur d'Aargau n'aurait pas pu donner la raison de cette vague impression, mais elle lui semblait pertinente. Et pourtant, il se fiait assez peu aux émotions, y compris aux siennes, qu'il jugeait tout aussi chaotiques que celles d'autrui.


«Rassurez-vous, Rejliidic, je suis suffisamment familier à la Force pour savoir que de telles... révélations sont dignes de crédit. Cependant, je les connais assez pour ne pas y accorder une foi aveugle non plus. Un signe n'est qu'un signe : encore faut-il se montrer capable de l'interpréter correctement et de mettre en œuvre les bons moyens pour qu'il se réalise. Auparavant, les peuplades de culture pré-technologique accordaient une importance bien plus grande que nous à ces indices. Jadis, on les envisageait comme des oracles ; on pensait que les dieux cherchaient à nous guider par leur biais. À nous guider, oui... mais aussi à nous tromper.»

Avec la fondation de son Musée des Arts et Cultures, Janos était devenu incollable sur de nombreuses questions anthropologiques. S'il avait pris un certain goût pour tous ces sujets, il n'hésitait pas non plus à réemployer ce matériau dans ses discours et ses conversations.

«Enfin... De toutes façons, que votre L.M.P. prenne la tête de la République ou qu'elle s'effondre aussi vite qu'elle est apparue, vous ne modifierez rien à ma représentations des choses. Ce parti, à mes yeux, incarne la pire des illusions que puisse produire un régime comme le nôtre.

Liberté, espoir... de bien belles idées qui font parler de vous et vous donnent du crédit auprès des faibles d'esprit. Une mouvance fondée sur des fantasmes et des spots publicitaires, l'impression donnée aux citoyens qu'ils ont une chance de réaliser leurs rêves. Et un petit peu de liberté d'entreprise pour orner le tout ! Et une petite critique virulente à l'encontre des méchants systèmes du Noyau qui nous volent tous nos biens... Si vous croyez vraiment qu'une rhétorique comme celle-ci peut me convaincre, moi. Oh, je ne nie pas son efficacité : vos chers électeurs doivent être aux anges, maintenant que vous leur faites miroiter tout ce qu'ils désirent.

Mais sincèrement, Rejliidic, jusqu'où croyez-vous que votre petit jeu vous mènera ? Certes, vous fondez votre croyance personnelle sur des éléments irrationnels. Sur ce point-là, je ne vous critiquerai pas. Je sais que vous me considérez comme un cyborg antipathique, vous pensez que j'utilise mes idéaux pour récolter des suffrages, mais sachez que l'Ordre n'est pas qu'un discours politique. Je suis moi-même un métaphysicien, et j'attache une foi sans concession à un au-delà difficile à saisir pour la pensée. Mais je vous le demande : jusqu'où croyez-vous mener vos citoyens ?»


Si le Lord avait prononcé la première série de ses propos avec un certain cynisme, il mit dans cette seconde partie une sincérité qu'il exprimait assez peu en temps normale. Cela s'entendit dans sa voix, un ton moins maîtrisé, moins calculé, plus palpitant peut-être, palpitant de cette rare excitation qu'inscrivait en lui l'idéal de l'Ordre.

«Le jour où vous affichez la moindre défaillance, où vous prouvez par le moindre détail que votre parti n'est qu'un gigantesque coup de bluff, vous pouvez être certain que le peuple vous fera une guerre sans merci. Et votre capacité à jouer avec les limites, à tester les frontières de la loi sans l'outrepasser vraiment, risque de vous coûter cher, Rejliidic, très cher. Au moindre manquement, nous pouvons saisir la Cour Suprême de Justice contre la L.M.P. Au moindre manquement, l'un de vos adversaire vous mettra sur les barreaux. Et la déception de vos citoyens sera d'autant plus grande que la confiance qu'il vous ont accordée sera mise à mal. En un mot, votre ligue prétend instaurer une forme d'Ordre, mais elle ne sèmera que le chaos sur un plus ou moins long terme. À moins que vous ne tempériez votre goût pour le presque illégal...

Voilà ce que je déteste, dans tout cela : des mots, des mots, du verbiage creux, mais rien de constructif. Rien qui vaille la peine que l'on lutte. La L.M.P. répond à des idéaux de pacotille. Peut-être que vous y croyez vraiment... Peut-être, aussi, que vous utilisez ces sophismes pour vous accorder du pouvoir. Au fond, je me moque de ce que vous pensez réellement. Mais les conséquences d'un mouvement comme le vôtre pourraient mener la République au bord du gouffre, c'est vous qui risquez de nous détruire.

Alors oui, je l'assume. Je sais pertinemment que les idées fortes ont quelque chose de douteux pour des férus de démocratie libérale comme vous. Mais moi, je crois en l'autocratie. Et uniquement en l'autocratie.»


Le plus étrange, somme toute, c'est que Janos avait perdu toute l'acerbité avec laquelle il avait entamé cet entretien. Cet examen critique touchait une corde bien plus sensible de sa pensée politique. Il ne jouait plus, il ne combinait plus. Il disait clairement, avec une sincérité presque effrayante, ce qu'il pensait. Cette extrême franchise, il avait su en faire un outil rhétorique très efficace lorsqu'il s'agissait de plaire aux foules. Mais, en temps normal, c'est précisément parce qu'il pouvait l'utiliser comme un outil que le sénateur en avait retranché la véritable saveur. Là, en revanche, il y avait une sorte de gratuité dans ses propos : il savait pertinemment qu'il ne convaincrait jamais son rival, alors il s'était offert une liberté qu'il ne s'accordait jamais en d'autres circonstances.

«Rassurez-vous, je ne serai jamais cet opposant qui fera appel à la Cour Suprême de Justice contre vous. J'ai bien trop peur des conséquences socio-politiques qu'une telle saisine pourrait engendrer. Hors un cas extrême, je préfère encore vivre de cet Ordre précaire que vous faites miroiter à nos concitoyens que le chaos qu'une déception massive ne manquera pas d'engendrer. Mais j'en connais un grand nombre qui ne seraient pas traversés par de tels scrupules. Si vous désirez un conseil, un vrai conseil, soyez vigilant et évitez au possible de friser l'illégalité.»

Ce fut peut-être la première fois que Lord Janos parla à Ragda Rejliidic avec une certaine douceur, une douceur presque amicale. Étrange relation que la leur, somme toute : une thèse peut-elle exister sans son antithèse ?

«Du reste, puisque nous ne parviendrons pas à un accord plus satisfaisant, laissez-moi vous proposer un compromis. Vous soutenez le sénateur Scalia. De mon côté, je soutiens Emalia Kira. Nous ne nous entravons pas l'un l'autre, nous ne nous faisons pas obstacle dans nos projets respectifs. Tout cela se passera bien évidemment dans le plus grand secret : il ne faudra pas vous étonner, par exemple, que je serve de temps à autre de porte-parole au sénateur Scalia. La logique de parti l'exigera très certainement. Mais gardez-vous bien d'accorder la moindre importance à tous mes propos officiels, du moins à tous ceux qui toucheront au Rassemblement Républicain et à sa prétention à la Chancellerie. Qu'en dites-vous ?»

L'œil artificiel de Janos scintilla. Ce soir, bien des choses s'étaient dites, en effet...
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« Encore une fois vous vous fourvoyez. » répondit simplement le Hutt, mollement affalé dans les coussins de son chariot ayant recouvré son immobilité. Des poches se formaient presque à vue d’œil sous ses yeux, comme si une terrible fatigue lui dévorait l'âme. « Vous n'avez toujours rien compris à la Ligue. » Il soupira, prêt à se vautrer dans un nouvel élan d’honnêteté... Ragda n'appréciait pas tellement abattre ses cartes de la sorte. Mais face à un être aussi étroit d'esprit, il n'avait d'autres choix. Sinon, tout cette débauche de salive aurait été bien vaine. Le Hutt n'espérait nullement convaincre le cyborg, seulement qu'il le comprenne. Comment espérer, même dans l'ombre, esquisser la moindre coopération si ni l'un ni l'autre ne parvenait à saisir les raisons de leurs choix politiques ?

« Il est vrai : la LMP est née d'une ambition égoïste, d'un besoin vital de survie face à l'hostilité, et la méfiance, d'une classe politique déboussolée par la résurgence d'un Empire Sith. Même si ce projet a germé pendant des années, je l'ai lancé, à l'origine, dans l'unique but de détourner l'attention de mes problèmes, et de trouver d'autres boucs émissaires afin de réunir autour de moi de nouveaux alliés. Là dessus, vous n'avez pas tord... » dit-il en pointant du doigt son interlocuteur. « Mais là où vous vous trompez, c'est de croire que ce qui lie les membres de la Ligue n'est qu'un fantasme, que des idéaux de pacotille ! Si la dualité entre les mondes de la périphérie et ceux du noyau n'était qu'une chimère, personne ne m'aurait suivi ! On m'aurait même rit au nez ! Au contraire, des dizaines de Sénateurs ont décidés de s'engager, et ce malgré toutes les accusations qui pesaient, et pèsent toujours, au dessus de ma tête. Ils ne m'ont jamais suivi par ferveur, ou parce que j'usais de sophismes sophistiqués. Non, ils m'ont suivi parce que j'osais dire tout haut ce que EUX pensaient déjà. Finalement, je n'ai pas créé la LMP... J'ai seulement été le catalyseur d'une grogne naissante, qui au lieu de se transformer en sentiment de frustration, a été canalisée en esprit d'entreprise. Voilà ce qu'est la LMP. Vous devriez même me remercier pour ce que j'ai déjà fait ! » Après cette tirade, le Hutt fit une pause pour reprendre son souffle, légèrement sifflotant.

« Ne faites pas non plus l'erreur de croire que la LMP repose uniquement sur mes épaules. Si je suis le porte-parole de la Ligue au Sénat, je n'ai strictement aucune autorité sur ses flottes d'auto-défense, dirigées et commandées par un état-major composé de militaires de carrière issus de nos mondes membres. A vrai dire, j'y veille particulièrement... Ne serait-ce que pour tourner au ridicule ceux qui oseraient dire que j'essaye de me constituer une flotte privée aux objectifs obscurs. Alors ne faites pas cet amalgame qui ne rendrait définitivement pas hommage à votre intellect.

Oui, j'ai été l'élément fondateur... Mais depuis le jour de sa création la LMP a évoluée. Elle a été rejointe par de nouveaux mondes... Et croyez-vous que les citoyens de ceux-ci s'intéressent à ma personne ? Ils adhèrent à la LMP, parce que cette alliance leur donne l'opportunité de devenir les acteurs de leur réussite. Les actions concrètes sont là, ce n'est ni des mots ni du vent ! Et le pire, c'est que votre propre monde y participe activement, compte tenu des accords commerciaux le liant à la Ligue ! Si les Artoriens ont autant de travail sur votre planète, c'est aussi grâce à nous... Alors arrêtez d'user de cette mauvaise foi qui vous caractérise tant...

Les mondes membres de la Ligue se sentent mieux représentés au Sénat, plus en sécurité derrière les patrouilles des flottes d'auto-défenses, stimulés économiquement et commercialement par les projets collaboratifs. C'est un fait. Et franchement, que je sois là devant vous, ou derrière des barreaux, cela n'y changerait pas grand chose...

Si la Ligue joue avec les limites de ce qu'autorise la constitution, elle reste parfaitement légale. Et croyez moi, nous y sommes particulièrement attentifs, nous n'avons pas attendu vos conseils... Et si d'aventure quelqu'un s'amusait à modifier les lois pour lui nuire, ce ne serait certainement pas contre moi que ce tournerait la grogne des mondes de la bordure extérieur Sénateur Janos... »
reprit-il tout en ce redressant, bien conscient d'avoir mis le doigt sur un paradoxe assez amusant.

« A vrai dire, politiquement, vous êtes dans une situation bien plus périlleuse que la mienne. Je m'explique : soit vous continuez à soutenir ces idées de réformes constitutionnelles, et vous vous mettrez à dos, inévitablement, une partie de la population des mondes de la bordure... Soit vous décidez de jouer le compromis, et c'est alors dans votre propre camps que vous vous ferez des ennemis... Mais heureusement, j'ai également un conseil à vous donner :

Ignorez la LMP ! Laissez-nous tranquille !

Concentrez vous plutôt sur les maux qui frappent notre République... Car, lorsque les inégalités entre mondes du noyau et de la périphérie ne seront plus, cette alliance se dissociera d'elle même, faute d'intérêt. Vous aurez alors atteint vos objectifs, et moi les miens. Voilà pourquoi je pense que nous pouvons coopérer... Si vous daignez enfin arrêter de diaboliser la Ligue des Mondes Périphériques ! C'est votre volonté de nuire à la Ligue qui conduira la République au bord du gouffre Sénateur Janos. Si vous croyez tant en l'autocratie, pourquoi voulez-vous réduire les libertés dont disposent les mondes de la République ? »
demanda Ragda, curieux de savoir ce que lui répondrait son interlocuteur. Celui-ci, trouverait évidemment une nouvelle parade. Il jouait avec les mots, comme à son habitude, finalement peut-être plus que le Hutt... Et après il osait lui faire la morale au sujet des sophismes ? En tout cas, Ragda ne voulait cette fois rien laisser au hasard. Si le cyborg ne pouvait comprendre les arguments logiques, alors peut-être réagirait-il aux menaces à peines voilées ? A chacun son tour de menacer l'autre non ?

« En tout cas si vous ne voulez pas changer d'attitude, tant pis pour vous... Pendant que vous serez en première ligne, à combattre tantôt les membres de votre camp, tantôt ceux de la LMP au gré de vos propositions de réformes, moi, je serai tranquillement installé derrière ce fabuleux bouclier qu'est devenu la Ligue. Un bouclier derrière lequel je pourrais presque me faire oublier, puisqu'après tout, ce qui dérange tant, ce sont les flottes d'auto-défense, sur lesquelles je n'ai aucune autorité... De quoi me laisser pas mal de temps pour mettre le nez dans vos petites affaires, et continuer à courtiser l'un de vos alliés : le Sénateur Scalia. N'oubliez pas qu'une partie de votre réputation vient la manière dont vous avez su gérer la crise des réfugiés Artoriens. Si Scalia devait un jour vous renier, vous en perdriez naturellement une partie de votre aura... En soutenant Kira, vous jouez un jeu d'autant plus dangereux... »

Nouveau soupire. Ragda, jugé sur son chariot répulseur, affichait un faciès de plus en plus déconfit, comme luttant contre une fatigue viscérale. Finalement il craqua. D'un geste vif, il récupéra son fameux étui dans l'un des vides poches de son engin de transport. Celui-ci renfermait une batterie de seringues contenant des stimulants intellectuels... Qu'il s'administra sans autre forme de procès. L'espace d'un instant, le Hutt eut la sensation que son sang venait de se transformer en un torrent de lave qui lui brûlaient les chairs de l'intérieur. Une feu salvateur, qui lui revigora le corps et l'esprit. Surtout l'esprit. A ce moment, il se remémora les paroles du Sénateur psychorogide, au sujet de ses « visions ». Il s'était attendu à tout sauf à ce genre de réaction. A l'entendre, Côme semblait penser que la Force se cachait derrière celles-ci... La Force ? N'importe quoi ! Ces Jedi... Tous les mêmes... A croire que toute la galaxie tournait autour de cette entité métaphysique. Il y avait en ces croyances quantité de fantasmes bien plus dangereux que ce dont on accusait la Ligue... Toutefois, Ragda se garde bien d'énoncer tout ceci à haute voix. Il n'avait pas envie de revenir sur le sujet. Au lieu de cela, il répondit :

« Pour le reste, votre compromis me convient. Si vous vous sentez capable de laisser tranquille la LMP, au moins jusqu'à l'heure des prochaines élections. Et après celles-ci... Nous verrons bien, en fonction des résultats, n'est-ce pas ? L'un de nous aura prit l'ascendant sur l'autre, inévitablement... »

La conversion aurait presque pu s'arrêter là. Mais Ragda en décida tout autre, il reprit, un sourire malicieux sur le coin des lèvres :

« En tout cas, je me demande toujours par quel concours de circonstance vous vous êtes retrouvé l'allié du Sénateur Keyïen. C'est incroyable ! Après tous vos discours de soutient au Chancelier Arnor, voilà que vous retournez votre chemise à la première querelle. Si l'on peut m'accuser de me servir de la Ligue pour accroître mon pouvoir personnel, de jouer avec les émotions des Sénateurs de la bordure pour les fédérer... On pourrait tout autant vous accuser de faire de même avec le Rassemblement Républicain, fédérant les sénateurs déçus par les choix du gouvernement d'Arnor, toutes idéologiques confondues. Parce que franchement : qu'est-ce qui vous relie au Sénateur de Corellia mise à part ce sentiment ? Vous l'avatar de l'Ordre, lui le pire agitateur que la rotonde ait connue depuis des décennies. Vous n'avez pas des problèmes de mémoire n'est-ce pas ? Vous vous souvenez qu'il avait menacé de scinder la République en deux ? Et comme par hasard, exactement au moment où l'Empire Sith lançait son attaque sur Artorias. Si ces petites coïncidences ont été oubliées, elles pourraient ressortir un jour ou l'autre.

Finalement, votre Rassemblement Républicain n'est-il pas une sorte de... Ramassis de Revanchards ? Certainement que dans votre tête tout ce cheminement est logique... Mais croyez moi, pour beaucoup de citoyens lambda, vous avez simplement trahi le Chancelier Arnor. »


A son tour de se justifier... Puisque qu'il s'agissait apparemment de la soirée des grandes confiances, autant que cet échange ne soit pas à sens unique.
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Cette fois, Janos se sentit vraiment agressé par les accusations que Rejliidic avait porté à son encontre. Il avait tellement critiqué les langues de bois qu'il supportait mal qu'on le traitât ainsi. Aussi décida-t-il d'attaquer le Hutt plus violemment encore, sans la moindre bienséance. Tant pis s'il fallait verser dans un cynisme monstrueux. Après tout, l'issue de cette conversation pourrait avoir des conséquences d'une importance majeure, et bien sot celui qui aurait commis l'erreur stratégique de demeurer silencieux.

«Mais quand aurez-vous fini de me casser les oreilles avec votre Halussius Arnor ? Vous aimez jouer les politiciens qui vont de l'avant, vous aimez me faire passer pour un traditionaliste borné, mais il me semble que vous soyez bien plus porté sur le passé que je ne le suis moi-même. Arnor, c'est de l'histoire ancienne. Arnor est mort, Rejliidic, mort et enterré. La répartition pro-Arnor / anti-Arnor n'a plus aucune validité. Si vous persistez à jouer les obtus, il se pourrait bien qu'un jour le temps se charge de vous. Vous risquez de ne pas avoir assez de présence d'esprit pour vous adapter à une situation nouvelle... Ce serait un comble pour un Hutt, n'est-ce pas, très cher ?»

Le sarcasme en valait la chandelle. Et non, ce soir-là, après son lavage de mémoire, Janos n'avait décidément pas le courage de se montrer poli. Surtout pas auprès de son pire rival... Cependant, il s'effraya lui-même en prononçant cette terrible phrase : «Arnor est mort et enterré.» S'il s'était vu déclarer une chose pareille, quelques années plus tôt... Aurait-il eu la fierté de pouvoir parler franchement, ou le dégoût de s'être trahi soi-même ? De ce point de vue, le Hutt n'avait pas tout à fait tort, en réalité... Mais pour rien au monde le Lord ne le lui aurait avoué.

«Du reste, ne soyez pas réducteur, Rejliidic, je vous en prie. Vous passez votre temps à prétendre que je vous stigmatise, mais vous ne valez guère mieux. Ion Keyiën, un séditieux, dites-vous ? Certes... Du temps où le Chancelier Arnor gouvernait vraiment, ce cher Keyiën menaçait effectivement la République. Mais c'est ce que je m'acharne à vous répéter, encore et encore : du temps d'Arnor ! Plus maintenant ! Dans quelle langue faut-il vous le dire ? Depuis, les choses ont changé : j'ai dû me perdre en négociations pour y parvenir, mais je l'ai fait. Relisez donc les Axes fondateurs du Rassemblement Républicain, je vous prie, et vous constaterez que j'ai réellement réussi à fédérer notre mouvement. Bien plus que vous ne vous plaisez à le croire...»

Comme il aimait le faire, Janos activa son œil artificiel pour faire apparaître une projection holographique au cœur de la salle. Il s'amusa même à rapprocher l'hologramme juste en face du visage du Hutt, comme s'il lui avait jeté l'information en pleine figure.

«Axe Deuxième : Pour des Transformations Institutionnelles. Mais allez-y : lisez. Lisez donc, je vous en prie...»


Un article de la Constitution stipulera que toute velléité séparatiste sera interdite ; en cas de sécession, les systèmes membres concernés s'exposeront à des sanctions prises par la Cour Suprême.

Janos toisa son rival du regard, un petit sourire autosatisfait sur les lèvres.

«Eh bien ? Un mouvement sans harmonie, dites-vous ? Vous avouerez tout de même qu'un séparatiste - un vrai séparatiste, s'entend - n'aurait jamais accepté de mettre son nom dans la case des signatures après un engagement pareil. En fait, il me semble que vous vous montrez bien plus naïf encore qu'il n'y paraît. Du temps où Ion Keyiën désirait se détacher de la République - du temps d'Arnor, cette époque que vous aimez tant... -, cette velléité de sécession n'était qu'un gigantesque coup de bluff pour vous tirer les vers du nez. Ce qui a parfaitement fonctionné, d'ailleurs : Corellia n'a-t-elle pas obtenu certains traitements de faveur de la part du Ministre du Trésor ?»

Le sénateur d'Aargau conserva une distance quasi-mécanique en posant cette question rhétorique. Mais intérieurement, il jubilait : il venait de prouver au Hutt que lui aussi savait appuyer sur les abcès les plus purulents, et en faire sortir la vérité dans ce qu'elle pouvait avoir de plus immonde.

«Je n'ai donc trahi personne. Je me suis adapté à la situation, et un grand nombre de citoyens en ont tout à fait conscience. Toute une frange des habitants d'Aargau voyait le séparatisme de Keyiën d'un bon œil, vous savez : en m'associant à lui, j'ai gagné plusieurs points dans les sondages. En réalité, j'ai su rendre aux mondes du Noyau une unité qu'il avait perdu à cause de ces discours sécessionnistes, tout en faisant rentrer dans la danse le sénateur Scalia. Me voici devenu le véritable leader de cette puissance nouvelle ; j'en suis la figure conciliatrice. Ma côte de popularité n'a jamais été aussi grande dans le cœur de la République, et quand bien même vos planètes frontalières me prennent pour un psychorigide intransigeant, mon ascension n'a pas connu de véritable frein depuis les deux dernières années.»

Un nouveau sourire se dessina sur les lèvres semi-artificielles du Lord. Un sourire glacial, presque cruel.

«D'ailleurs, si une guerre éclate enfin, ce sont les marges que nous devrons sacrifier, ces systèmes-là qui composent la L.M.P. Et quand la République ne sera plus composée que du Noyau, qui de nous deux aura le dessus ? Ce n'est qu'une question théorique, bien sûr...»

Il n'aurait jamais prononcé ce genre de phrase si la conversation avait été sous écoute. Mais pour une fois qu'il n'était pas espionné, Janos n'avait aucune raison de se censurer. Et une fois encore, il fut choqué par son propre cynisme : son esprit semblait se dédoubler de ce que ses lèvres formulaient, comme s'il était devenu le spectateur de sa propre déchéance morale. Il tenta, comme toujours, de se réfugier dans l'idéal de l'Ordre - toute action de sa part y était subsumée -, mais l'Ordre demeura cruellement silencieux, cette fois-ci...

«Mais laissons-là cette conversation. Nous aurons beau faire : de ce point de vue, nous sommes inconciliables, et nous tournons en rond. Voici donc ce que nous allons faire, puisque vous vous acharnez à défendre Valérion...»

Valérion... Janos n'appelait jamais le sénateur Scalia par son prénom (il ne le faisait avec personne, en réalité, pas même avec sa secrétaire qu'il s'obstinait à nommer "Mademoiselle Evans", et encore moins avec lui-même, détestant cet affreux "Côme" dont l'avait affublé son père). C'était là un choix conscient : en laissant sous-entendre à Rejliidic qu'il entretenait une certaine intimité avec le sénateur d'Artorias, Janos ramenait ce dernier à lui et excluait le Hutt d'une relation qu'il faisait passer pour privilégiée.

«Moi, de mon côté, je soutiens Emalia Kira, parce que je n'ai pas confiance en mon collègue, pas assez en tout cas pour le propulser au devant de la scène. Tout cela se fera dans l'ombre, bien sûr : je suis tenu par le Rassemblement Républicain de ne pas paraître dissident. Ce faisant, je vous laisse Valérion ; il est à vous. En inversant les rapports, je pense que nous pourrions parvenir à un équilibre profitable à la République. Si Emalia Kira l'emporte, votre L.M.P. saura tirer son épingle du jeu, en faisant valoir ses droits auprès de la sénatrice d'Ondéron : celle-ci a déjà montré sa sympathie pour votre parti. Et moi, je pourrais briguer une place dans le gouvernement. Mais si c'est Valérion qui gagne ces élections, le soutien que vous lui aurez accordé vous permettra de conserver votre pouvoir ; et moi, lié au nouveau Chancelier par le Rassemblement Républicain, je saurais me tirer d'affaire.

Dans tous les cas, aucun de nous ne pourra nuire à l'autre. Autrement dit, dans tous les cas, je gagne, et vous gagnez. De fait, comme vous l'avez suggéré vous-même, restera juste à savoir qui de nous deux aura la plus grosse part du gâteau. Alors nous aviserons en fonction de l'issue. Qu'en dites-vous, Rejliidic ?»
Ragda Rejliidic
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Tel fut la succession de sons qui accueillit le laïus du Sénateur cyborg, une fois qu'il eut refermé son exaspérante bouche : les applaudissements du Hutt. Le visage de celui-ci arborait un très large sourire, ses deux énormes yeux globuleux fixés sur son interlocuteur.

« Quelle fougue ! Quelle énergie ! » lui répondit-il, sur un ton aux notes moqueuses. « Et dire que je commençais sincèrement à croire que sous l'épaisse carapace de métal qui vous sert de corps ne se trouvait qu'un esprit logique, dépourvu de la moindre émotion, réglé comme un pendule numérique, si prévisible, si... » Il ricana « Mais voici fait la preuve que toutes ces prothèses n'ont pas totalement détruites votre humanité ! Je désespérais de parvenir à vous faire sortir de vos gonds un jour... Me voilà rassuré ! » Il marqua une pause, observant silencieusement Côme Janos d'un œil nouveau. Avec du recul, et ce malgré leurs incessantes querelles à la Rotonde, Ragda devait reconnaître qu'il ne connaissait presque rien de son adversaire. Le cyborg présentait au monde une image pré-fabriquée, un faciès savamment étudié, un caractère paramétré... Qui façonnaient sa personne publique, Le Sénateur, celui qui tel l'arbre cachant la forêt, dissimulait le vrai Côme.

Qui pouvait se vanter de savoir ce qui se tramait sous ce crane enrobé de métal et de peau synthétique ? Personne... Même pas sa propre mère l'aurait parié le Hutt. En tout cas, cette soudaine honneteté ne manquait pas de le satisfaire, comme s'il venait d'atteindre un objectif qu'il s'était fixé depuis bien longtemps... Et qu'il avait presque oublié depuis. Pour enfoncer le clou Ragda s'autorisa une petite boutade :

« Mais n'en faites pas une habitude pour autant, la colère conduit vers le coté obscur... Et nous avons bien assez de problèmes avec les Sith comme ça ! » déclara-t-il, malicieux, faisant référence au passé Jedi de son interlocuteur. Un trait d'humour faussement anodin. Le Hutt avait déjà réfléchi à la manière de détourner ce passé pour discriditer son adversaire. Les Jedi n'avaient pas vraiment le vent en poupe ces derniers temps, surtout ceux potentiellement corrompus après une entrevue avec la Dame Noire, en face à face.

« Je comprends à présent un peu mieux votre raisonnement... » dit-il, calmement, froidement même, prenant sur lui de ne pas relever les piques et attaques lancées par son adversaire. Il ne voulait pas entrer dans son jeu, pas maintenant. Enfin... Sauf sur ce point qui semblait l'agacer tant :

«... Mais vous avez tout faux. Oui, Halussius est mort. Mais pas son œuvre, ses réformes, ses choix politiques, et les conséquences que ceux-là ont et auront dans le jeu des chaises musicales qui s’annoncent. Dans d'autres bouches, une telle naïveté aurait peut-être quelque chose d'attendrissant... Dans la votre, c'est seulement pathétique, tellement... vous. » Il soupira, dépité, presque désolé. Une attitude qui n'avait rien de feinte tant sa propre logique lui semblait supérieure, comme une vérité absolue que seul un idiot ne pouvait comprendre. « Il faut être naïf pour croire que les anciennes alliances et prises de positions ne signifient plus rien. Halussius a fait voter des réformes, il est le père de ce traité qui fait couler tant d'encre électronique. Croyez-vous qu'un Ion Keyën se range à votre coté simplement parce qu'il approuve vos propositions de réformes constitutionnelles ? Croyez-vous qu'il s'oppose au traité parce que l'idée de faire la paix avec les Sith le révulse tant ? Bien-sur que non. Il prend ces positions dans le seul but d'être une figure d'opposition, contre Arnor, contre son œuvre politique. Je pourrais parier qu'il jubile tous les soirs, en allant se coucher, d'avoir su attirer à lui d'anciens alliés de son adversaire.

Vous pensez tirer les ficelles ? Je pense que c'est lui qui vous manipule. Il se sert de vous. Et il en va de même pour tous les opposants à la politique d'Arnor, qui ont choisi de s'opposer à la paix par principe, et non par conviction. Je vous l'accorde, il semble que Keyën ne menace plus aujourd'hui l'intégrité de la République... Mais il s'agit là encore d'une posture. Si demain cela devait lui être politiquement bénéfique, il serait le premier à brandir à nouveau le sceptre de la sécession... Et vous ? Bah, je suppose que vous retourneriez encore votre chemise... »
dit-il, l'air moqueur. Ragda n'épouvrait aucun besoin de se forcer pour lancer ces petites phrases. Une preuve de l'estime qu'il portait au Sénateur d'Aargau : il le considérait comme un opportuniste, égoïste, bien plus concerné par sa propre personne et la diffusion de ses propres idées que par le destin de la République.

« Même sans être candidat, Arnor s'invitera dans les débats. Nos deux poulains souffriront d'une manière ou d'une autre de la comparaison avec leur prédécesseur. Les média ne manqueront pas de faire des parallèles idiots mais révélateurs... Kira sera t-elle dans la lignée réformatrice du précédent Chancelier ? Scalia est-il l'anti-Arnor, celui qui reviendra sur toutes les réformes et fera tomber ce traité ? Il est clair que le spectre d'Halussius planera au dessus de cette campagne, que vous le vouliez ou non... Vous ne devriez pas sous-estimer le nombre de sénateur-montons qui se rangeront derrière un candidat par ce qu'il représentera une continuité, ou au contraire une rupture, par rapport au mandat précédent...

Alors oui, je le réaffirme : même si les clivages ont en apparence évolué, que les cartes ont été redistribuées, il en va toujours de la même rengaine, maintenant, et jusqu'au moment des élections... D'un coté ceux qui voudront continuer l’œuvre d'Arnor, traité de paix compris, et de l'autre, ceux qui voudront la faire tomber. A quelques nuances prêt, évidemment. Tout serait trop simple sinon. »
termina-t-il, très sérieux, avant de se parer d'un sourire amusé, et de reprendre, sur un ton plus léger :

« Et ce qui est vraiment ironique dans cette histoire, c'est que vous, le néo-anti-arnor, allez soutenir probablement la candidate la plus proche de sa ligne politique, alors que moi, le plus fidèle d'entre les fidèles vais m'allier avec ses plus virulents adversaires. Cette situation promet d'être intéressante... » D'une pression de l'index, il fit graviter son chariot répulseur afin de s'éloigner de son interlocuteur. Il pivota, lui tournant le dos, afin d'admirer la vue panoramique de la ville-planète qui ne dort jamais. Il soupira, de lassitude cette fois. Il se sentait usé, fatigué. Cette discussion avait pris des tournants inattendus... Très inattendus. Mais à présent, il voyait clair, oui. Une nouvelle ligne s'était tracée, devant lui, conduisant jusqu'au jour des élections. En rajouter, encore et encore, n'aurait été qu'une perte de temps.

« Je suis très las » avoua-t-il, à bout de force, malgré l'injection de stimulants. « Vous avez raison : Il ne sert à rien de poursuivre ce débat, nous ne serons jamais d'accord de toute façon. A plus long terme, vous aurez nécessairement raison, Halussius disparaîtra dans les méandres de l'histoire galactique... Je ne critique pas votre vision à plus long terme... Mais pour l'heure, il est toujours là, et son spectre planera au dessus de nous encore quelques temps. Il n'y a d'ailleurs pas un dicton Jedi qui dit qu'il ne faut pas chercher à regarder l'avenir au détriment du présent ? Vous devriez remettre le nez dans vos vieux manuels... Conseil d'ami. » dit-il, insistant bien sur ce dernier mot. Nouveau sourire moqueur. Décidemment les petites phrases fusaient toutes seules. Pourtant, il devrait reconnaitre, cette fois, n'éprouver aucune allégresse à l'idée de moucher son adversaire de toujours. Il était trop fatigué pour ça... Et puis, son esprit s'était déjà tourné vers des considérations bien plus pratiques :

« Pour ma part, j’annoncerai à Scalia mon soutien. A lui de le rendre public ou non. J'en assumerai les remous politiques. Je sais déjà comment justifier cet apparent volte-face... Tandis que vous... Je me demande comment vous allez faire... D'un coté vous allez soutenir Scalia face au grand public, logique de parti...etc... Mais dans son dos vous ferez les yeux doux à la Reine ? Celle-ci ne risque pas de s'offusquer de ne pas avoir votre soutien face aux média ? Comment le prendra votre parti s'il apprend vos magouilles ? Vous allez jouer avec un feu ardent, Côme, et je ne compte rater aucune de vos péripéties... Mais rien ne m'étonne plus venant de vous. Vous êtes un bol de contradictions : vous soutenez Arnor, puis le lâcher pour fustiger le traité de paix, vous vous alliez avec les plus belliqueux des sénateurs, mais préférez leur tourner le dos, dans leur dos, pour soutenir une candidate plus modérée...» Dit comme ça... Forcément, les raccourçis aidaient à peindre ce tableau étonnant. La stratégie étant annoncée, Ragda aurait pu en rester là. Mais pourtant, l'une des remarques de Janos lui était resté au travers de l'estomac... Et maintenant que la conversation touchait à son terme, il se refusait de le quitter sans y répondre, sur le ce même ton ; celui de la confidence, du secret :

« Sachez que la guerre ne profite pas toujours à ceux que l'on pense... Voilà ce qui se passera si la guerre éclate à nouveau et que la République fait preuve de faiblesse : La LMP ouvrira ses frontières. Les Sith auront alors la voie libre jusqu'au cœur de la galaxie, une vraie autoroute... S'il l'Empire avait le choix entre piller quelques mondes éparpillés ou vos précieux mondes du noyau, que ferait-il ? C'est n'est qu'une question rhétorique bien-sur...

Réfléchissez-y : plus la LMP gagnera en prestige, plus la République nous consentira à nous sous-traiter la protection de ses frontières... »


Manipulant à nouveau les commandes de son chariot répulseur, il s'approcha du Sénateur d'Aargau.

« Nous ne serons jamais d'accord... Mais nous avons un pacte... Que le meilleur gagne... » Il lévita jusqu'à la porte, avant de passer la main devant la commande d'ouverture et d'ajouter, en guise de conclusion :

« Je vais détruire votre candidate, faites moi confiance... Et vous regretterez de m'avoir tenu tête toutes ces années. »


Ragda quitta la pièce.
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