Invité
Anonymous
Le souffle du vent caressait les feuilles de gigantesques arbres et les épines de sapins charnus, que fendaient les pâles rayons du soleil. La nature offrait beauté et fraîcheur dans ce cadre clos, cette petite clairière parsemée de buissons, fougères et fourrés en tout genre. Quelques papillons blancs traçaient un parcours incertain, tournoyant les uns autour des autres pour ensuite se séparer. En levant la tête vers les feuillages traversés de lignes d'or, on apercevait parmi les branches quelques huttes constituées de rondins et de nœuds grossiers. Stimulée par le bruit de tam-tam et de hurlements enfantins, l'imagination n'avait plus qu'à laisser libre à cours à ses rêveries : elle pouvait presque voir, dans ces habitations sommaires, quelques Ewoks passer de tronc en tronc, suspendus à des lianes.

Janos était allongé dans les hautes herbes d'Endor, les yeux rivés sur les rayons de soleil et le vert moutonnement des feuilles. Cette clairière lui inspirait un sentiment de calme, de tranquillité, comme il n'en avait pas joui depuis bien longtemps. L'attentat de Flydon Maxima, la fondation du Rassemblement Républicain, sa nomination au titre de Maître des Forges, son programme d'invasion de Coruscant, la construction d'une base secrète sur Aargau... L'existence qu'il menait désormais n'avait plus rien à voir avec l'idéal qu'il s'imposait : voilà qui était étrange à avouer, mais l'Ordre s'était enfui de sa vie.

Soudain, surgit entre deux troncs un homme aux habits bigarrés. Celui-ci s'approcha du sénateur et esquissa un petit sourire en le voyant allongé.


«Le concept a l'air de vous plaire, pas vrai ?»

Cette voix impromptue fit sursauter le Lord, qui ne s'était pas rendu compte de l'arrivé du personnage. Il se releva, quelque peu gêné qu'on l'eût surpris dans cette posture, mais sourit poliment.

«Effectivement, votre idée tient du génie. On en oublierait presque que nous sommes en plein cœur de Coruscant. Votre reconstitution artificielle des forêts d'Endor est absolument superbe. Je suis sûr que mon invité appréciera.»

L'invité en question n'était autre qu'Harn Carnock, le Chevalier Ewok que Janos avait rencontré peu avant les évènements de Flydon Maxima. Entretemps, le Jedi s'était rendu sur sa lune natale, où il avait accompagné le groupes d'ethnologues et de scientifiques que le sénateur y avait envoyé. Une expédition destinée à agrémenter les fonds de ce Musée des Arts et Cultures que l'on terminait de remplir, au centre-même de Coruscant. Globalement, le sénateur avait eu d'excellents retours de ce voyage : tout s'était passé comme prévu ; le contact avec les autochtones n'avait pas généré de problème majeur, et la médiation assurée par le Chevalier Carnock s'était avérée on-ne-pouvait-plus bénéfique.

«Tant mieux, alors. C'est agréable, de savoir qu'on a fait du bon boulot.»

Janos adressa un petit sourire compréhensif à son homme. Il s'agissait du scénographe qu'il avait engagé pour offrir un cadre original aux expositions de son futur Musée.

«Il n'est rien de tel, en effet, qu'une conscience satisfaite de son œuvre.», admit-il. «Mais maintenant que j'ai éprouvé les lieux, pouvez-vous m'installer deux chaises discrètes entre les arbres, je vous prie ? Je ne voudrais pas pousser la sauvagerie jusqu'à accueillir mon hôte par terre...»

Le trait d'esprit amusa le scénographe, qui fit venir un droïde de protocole et lui demanda de tout préparer pour l'arrivé du Chevalier Carnock. Une fois que tout fut en ordre, le Lord prit place sur l'un des deux sièges disposés au cœur de la forêt artificielle et s'enquit auprès de la machine si les rafraîchissements qu'il avait souhaités étaient prêts.

Janos concentra son attention sur l'écran interne à sa pupille gauche. Il avait connecté ses circuits aux caméras de surveillance du Musée. Aussi, dès qu'un vaisseau se posa sur la plate-forme d'atterrissage, il put voir l'image en direct. Alors, doté de cette toute puissance que seul peut tirer un démiurge à contempler ses créatures parcourir les contrées dont il est le divin auteur, il regarda le petit être traverser l'immense couloir central, être accueilli par un droïde de protocole, emmené jusque dans les cieux à l'aide d'un magnifique ascenseur de verre, pour finalement apparaître sous ses propres yeux.

Contrairement à son habitude, le sénateur ne prononça pas un mot. Il attendait de voir quelle serait la réaction de cet Ewok qui, sans s'y attendre le moins du monde, se trouvait soudain propulsé au cœur de son environnement naturel...
Invité
Anonymous
La nature n’est pas ce que certains cherchent à faire croire aux travers de leurs holodocumentaires idiots : une sorte d’idéal pur et beau sans cesse opposé à la diabolique civilisation qui corrompt tout. La nature n’est ni bonne, ni mauvaise. Mais c’est une force puissante. Elle peut créer et détruire. Elle peut émerveiller et terrifier. Là où elle s’exprime avec violence, elle est impérieuse. Aucun bouclier déflecteur, aucun blindage, aucune protection moderne ne serait tenir tête à l’explosion d’une super nova. Les trous noirs ont raisons même de la lumière, ils peuvent réduire un monde en une simple bille comprimée.

Ho bien sûr, en retournant sur Andor, Harn n’assista pas à de tels phénomènes. Il trouva une forêt luxuriante et un peuple primitif. Cela ne l’empêcha pas de ressentir cette force, plus que partout ailleurs. Pour le bien de la mission qui l’avait conduit ici, tout autant que pour assouvir sa curiosité, il sut écouter cette force qui depuis son premier jour l’avait imprégné, mais qu’il n’avait eu de cesse de nier. Enfermé dans l’écrin de la technologie et de la modération, il vivait en cage. Sa lune natale fut la clé pour en ouvrir la porte.

Les préceptes Jedi interdisent de s’abandonner à ses sensations. Toujours être calme comme l’eau d’un lac, toujours être lisse. Pas d’émotion, pas d’impulsion. Est-ce cela vivre ? Le chevalier Carnock, durant son séjour, accompagna ses semblables à la chasse. Aussi nu qu’eux, il n’avait conserver que son sabre laser. Grisante fut la sensation du sol sous les pieds, de l’air dans le pelage, des parfums dans la truffe, des sons dans les oreilles... Exaltation des sens, joie ! Pour la première fois, il se sentit libre, vraiment libre ! Pour la première fois, il écouta son corps ! Pour la première fois, il perçut la Force autrement, plus vive, plus capricieuse. Le lac s’était mué en torrent. En était-elle plus obscur pour autant ?

Il y aurait tant à dire sur ce voyage. Déjà il était terminé... et Harn avait changé. Pas tant que cela en fin de compte. Il n’était pas méconnaissable. Ce qui était au fond de lui remontait juste à la surface. La prison s’était fissurée. Les racines d’Ajasim lui échappaient. Suspendu dans le vide brumeux, il n’y tenait plus que par une griffe. Mais en baissant les yeux, il distinguait un autre tronc. L’arbre avait deux cimes et ses racines n’en était que le milieu. Si la partie haute dépérissait, celle du bas en revanche débordait de vitalité.


« Stupéfiant. »

L’Ewok venait de découvrir la clairière reconstituée du musée. Ses yeux pétillèrent d’admiration et sa voix n’en était également pas dépourvue.

« Sénateur, j’ignorais que les travaux en étaient arrivés à ce stade. Le résultat est à couper le souffle et, plus important encore, très fidèle à la réalité. »

Il s’avança d’un pas assuré vers Lord Janos. Il était mieux dans sa peau, moins taciturne et aussi, plus expressif. Au niveau de l’apparence, il était comme lors du premier entretien, avec son grand manteau beige. Seule divergence, il était déchaussé. Petit souvenir d’Andor... Il fallait l’avouer, avec son physique, ce n’était pas choquant.
Invité
Anonymous
En voyant l'Ewok s'enthousiasmer de cette mise en scène à vrai dire exceptionnelle, Lord Janos esquissa un petit sourire compréhensif. Cet être portait en lui de nobles valeurs, et on ne pouvait que l'en louer. Il devait être agréable de définir son identité par rapport à un monde aussi préservé qu'Endor, cette petite lune forestière quasi-utopique où les traditions avaient droit de cité. Aux côtés d'une telle force, Janos avait l'impression que toute définition qu'il pouvait donner de soi n'était que vacuité : originaire d'une planète au cœur des transactions républicaines, élevé sur Ondéron dans un Ordre Jedi qui n'était pas sa véritable famille, récupéré ensuite par une famille qui ne voulait pas de lui et dont l'arrogance aristocratique le répugnait... Somme toute, sans son idéal, il ne serait rien, absolument rien, un simple Jedi lambda, d'une conformité à donner la nausée. Certes, il ne se serait pas pour autant félicité d'avoir perdu son corps naturel, mais somme toute, sans l'attentat, il n'aurait jamais pu accomplir ses projets les plus fabuleux...

«Ravi que mes petites illusions vous plaisent.», déclara le sénateur d'un ton presque amical. «Mais je vous en prie, asseyez-vous.»

Le Lord lui tendait la chaise discrète qu'il avait à ses côtés. Il adressa un discret signe de tête à un buisson, et aussitôt, un droïde de protocole surgit de la forêt.

«Désirez-vous une collation, Chevalier Carnock ? Un rafraîchissement ne saurait nous faire de mal.»

Sur ces mots, il commanda lui-même un brandy assandran à l'être de métal, qui s'inclina respectueusement et prit congé de son supérieur.

«Tout d'abord, pardonnez-moi ma fatigue, Chevalier. Depuis votre départ, comme vous le savez très certainement, la conjoncture est comme qui dirait... agitée. Je n'ai pas beaucoup dormi ces derniers temps, et mes idées ne sont pas des plus claires...»

Le droïde refit surface, un plateau en mains. Il offrit à chacun la boisson demandée et se retira. Janos croisa les jambes et prit son verre de la main droite. Humant le parfum boisé de cet alcool qu'il appréciait tant, il le leva à l'attention de son hôte.

«Mais peu importe : dans un tel cadre, je serais prêt à oublier tous ces tourments politiques. À notre projet, mon cher !»
Invité
Anonymous
« Vodka », déclara Harn au droïde, tout en s’assaillant.

La dernière fois, il s’était borné à une boisson peu alcoolisée. Mais la dernière fois, c’était avant Andor. Terminé l’ourson taciturne et stressé. L’Ewok qui prenait place était plein d’énergie. Le regard brillant, la mine affirmé, maintenant on pouvait deviner qu’il était encore assez jeune. Etant petit par rapport à la chaise, il se mit en tailleur dessus. Il écouta sans mot dire le sénateur, récupéra son verre sitôt celui-ci disponible, puis il trinqua avec entrain.


« A nos projets ! »

Il but plusieurs gorgées avant de reprendre la parole.

« Ne vous en faites pas, je comprends. Je n’ose imaginer à quel point votre métier est éreintant. Et si en plus la conjoncture est agitée... Toutefois, il me faut bien l’admettre, j’ignore totalement ce qui se passe en ce moment. Je suis, pour ainsi dire, déconnecté des affaires de la galaxie. Ce voyage de plusieurs semaines sur la lune forestière... c’était quelque chose, vraiment. Un autre monde, une autre époque. Difficile à concevoir avant d’y goûter. »

Surtout qu’il y avait goûté en respectant les règles du jeu. Sitôt la prise de contact avec une tribu locale accomplie, Carnock s’était coupé de la technologie et donc coupé de l’univers. Immersion complète. L’équipe d’ethnologues avait installé son camp non loin du village. Mais très vite, c’était dans le village lui-même qu’Harn s’était établi. A sa propre surprise, il avait réassimilé les rudiments de sa langue natale en un temps record. On l’avait assuré que c’était tout à fait normal. Réapprendre était plus facile qu’apprendre. Tant de choses qu’il était persuadé d’avoir oublié s’était réveillées. Il avait donc pu assurer efficacement le lien entre les tribaux et les scientifiques. Le reste du temps, il avait vécu comme un Ewok. Pas facile au début. Ils étaient tellement primitifs. A la fin, ce qui n’avait pas été facile, c’était de partir.

« Pas de politique. Pas d’argent. Pas d’holonet. Pas de prise de tête. Là-bas, on danse, on chante, on chasse, on cueille, on dort... on apprend à être, à sentir, à ressentir, à voir et écouter le présent. L’école de la vie, la vraie. J’en viens à me demander si dans nos systèmes si modernes, on sait vivre. »

Il vida un peu plus son verre.

« Enfin. Vous avez certainement lu tous les rapports. Je ne dois rien vous apprendre. Depuis mon retour, je me remets doucement à jour. »

Doucement, effectivement, comme en témoignait ses pieds nus. Il n’était pas fait pour porter des chaussures. On ne sentait plus le sol. On perdait en discrétion. On grimpait moins bien. Il faudrait quand même s’y remettre tôt ou tard.

« J’ai toutefois entendu des rumeurs sur un attenta d’importance. Des histoires avec l’empire Sith semble-t-il. »


Invité
Anonymous
En voyant l'entrain avec lequel le Chevalier s'introduisit dans cette jungle artificielle et parla de son périple, Janos ne put s'empêcher d'esquisser un petit sourire. Et sincère, ce sourire - un fait très rare sur ce visage qu'il avait modelé jusque dans les moindres détails pour satisfaire aux convenances de la diplomatie.

«Vous me donnez envie d'organiser un autre voyage avec un allé simple.», déclara-t-il en adressant un petit clin d'œil compréhensif à son interlocuteur.

À côté de ce périple chatoyant, celui qu'avait connu Janos sur Flydon Maxima prenait l'allure d'une plongée en plein chaos. En resongeant à l'anxiété qu'il avait eu de rencontrer la Dame Noire, aux images terrifiantes de l'explosion, de la mort et de la désolation, il fronça de nouveau les sourcils et reprit l'air sévère qu'il arborait généralement - sévère, mais bien plus contrarié que de coutume.


«Je suis navré de vous accueillir dans un univers nettement moins agréable que votre monde natal, mais la Galaxie a manqué de basculer, durant votre absence...»

Et encore eût-il mieux valu qu'elle basculât, plutôt que de s'enliser dans cette compromission stérile. Mais le sénateur se garda bien d'exprimer cette pensée.

«Les accords programmés par la République n'ont pu se dérouler comme prévu. La station Flydon Maxima, qui devait accueillir les pourparlers, a subi un attentat avant même que le Chancelier n'ait le temps d'atterrir.»

L'explosion... Puis la mécanique impitoyable mise en place par le Sith pour tenter de retourner l'évènement en un avantage.

«J'étais sur place, quand la bombe a explosé. En tant qu'ancien leader de l'Union loyaliste, l'on m'avait convié à prendre par aux accords. C'est que j'ai permis au Chancelier Arnor de reprendre ses prérogatives après la crise d'Artorias ; d'où ma place toute légitime là-bas.»

Pour qui connaissait la vérité, la notion de leader n'était pas la plus adéquate. L'Union loyaliste avait été fondée par Bail Rannis, et le sénateur d'Aargau en avait été le tout dernier signataire. Mais lorsqu'il avait fallu passer à l'action, c'est Janos qui avait guidé les autres politiciens à la Cour Suprême de Justice, c'est Janos qui avait obtenu la réhabilitation du Chancelier, et c'est surtout Janos qui avait privé Rejliidic des prérogatives que lui offrait sa dictature provisoire sur la République. Suite à cette superbe ascension, il avait été aisé de prendre part aux pourparlers avec l'Empire Sith. Cependant, les choses ne s'étaient pas exactement passé comme il le souhaitait...

«Je me trouvais dans la même salle que la Dame Noire, lorsqu'une partie de la station a explosé. Nous attendions silencieusement que les haut dignitaires arrivent. Et laissez-moi vous avouer sans détour que l'Impératrice représente un véritable danger pour la Galaxie. Les Jedi eux-mêmes n'ont peut-être pas conscience des forces occultes qu'ils doivent combattre.»

Janos prononça cette dernière affirmation d'un ton sec et déterminé.

«Prétendument, l'attentat a été perpétré par des rebelles Sith, mais je n'y crois pas une seconde. La République et l'Ordre Jedi ont l'air de se satisfaire de cette explication ; ils en sont même venus à l'applaudir, à la louer comme un moyen désespéré de protéger une paix toujours plus vacillante. En réalité, nous menons tous la politique de l'autruche : la mécanique mise en place par l'Empire est impitoyable. Chaque seconde passée à ne pas combattre ce monstre le rend encore plus puissant. En un mot, la République et les Jedis avaient le choix entre l'honneur et la paix : ils ont choisi le déshonneur ; mais ils obtiendront la guerre.»

À vrai dire, la formule avait son charme. Pour une fois, Janos n'en était pas l'auteur : il l'avait vue dans un holo-livre d'histoire, qui retranscrivait les différents discours prononcés par des politiciens et généraux éminents d'Aargau. C'était un sous-lieutenant qui l'avait prononcée, s'il se le rappelait bien, mais elle était parfaitement adaptée à la présente situation.

«Ce faisant, mon cher Carnock, je dois avouer que je me questionne de plus en plus sur la légitimité de nos institutions. Si la République et l'Ordre Jedi se montrent incapables de combattre la menace Sith, peut-être faudrait-il envisager une troisième voie...»

Janos s'interrompit comme pour marquer une certaine hésitation. En réalité, l'objectif était de mettre en valeur ce dernier concept.

«Une troisième voie, oui... Une nouvelle forme de la Force, une nouvelle manière d'envisager la politique, un nouvel idéal... Je n'ai pas d'idée précise, mais je m'interroge sérieusement sur cette alternative.»

Il croisa les jambes et s'enfonça dans son fauteuil.

«Vous qui avez encore le nez dans les affaires du Temple, si j'ose dire, qu'en pensez-vous, Chevalier Carnock ?»
Revenir en haut
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
skin made by
© jawn