- Encore des linges humides et chauds, Mira, encore ! Et appelle le docteur Vonz, dis-lui que le droïde médical est déjà à l'oeuvre !

Emalia entendait les cris de sa plus proche et plus vieille domestique, mais elle n'en comprenait pas le sens. Elle suffoquait, les yeux écarquillés oscillant dans leurs orbites. Ses deux mains étaient posées sur son ventre rond, mais elle n'avait plus aucune force pour aider le pauvre Ethan à sortir de son cocon ensanglanté. Dommage, sinon elle aurait certainement décoché un coup de pied au grand dadet électronique positionné entre ses jambes et dont le vocabulaire n'était visiblement constitué que de deux uniques mots :

- Soufflez... Poussez.

Comment pouvait-il être si calme, et à quoi servait-il exactement ?! Ah, il lui avait fait tout de même une piqûre sensée atténuer la douleur, mais la souveraine n'en constatait aucun effet. Il lui semblait que son bassin allait se déchirer, ou bien exploser au nez du droïde. Il l'aurait certainement mérité.

Au prix d'un effort qui lui sembla insurmontable, Emalia expira tout son souffle en gonflant ses joues, dans l'espoir qu'obéir aux injectives mécaniques permettrait d'en terminer plus vite. Et dire que cela faisait déjà deux heures ! Le matin déjà, elle s'était sentie toute... Toute chose. Elle n'avait rien dit - inutile d'inquiéter Jake - jusqu'à ce que, assise en face de son petit déjeuner, elle s'était sentie... Humide. Ah, tiens, s'était-elle tout d'abord calmement dit, les contractions de cette nuit n'étaient donc pas une fausse alerte. Elle avait retiré sa serviette de ses genoux, adressé un faible sourire à Jake avant de se tourner vers sa domestique. Et elle avait dit, elle s'en souviendrait toute sa vie ; "Je crois que c'est le moment". Calmement, paisiblement. Et puis, parce qu'Alarya fronçait niaisement les sourcils, elle avait ajouté :

JE PERDS LES EAUX BANDE DE DEMEURÉS ! JE VAIS ACCOUCHER !

Au son retentissant de sa voix sur les murs décorés et aux visages interdits de l'ensemble des occupants de la pièce, elle comprit que son calme s'était bel et bien envolé. Il était devenu inutile de sauver les apparences : elle paniquait.

Une poignée de minutes plus tard, elle se retrouvait dans le fauteuil incliné destiné à son accouchement depuis des jours. Alarya l'avait aidé à retirer ses jupes sans faire dans la dentelle - de toute façon tâchée - et c'était là que Face d'Acier était arrivé avec ses yeux ronds et jaunes. Il avait placé correctement ses jambes avant de se mettre à son fastidieux travail d'encouragement.

Emalia poussa un nouveau cri de rage. Elle avait essayé de s'en empêcher, au début, parce qu'il y avait Jake et Milésya de l'autre côté de la porte et que, si on ne les avait pas laissés entrer, il était inutile de les inquiéter outre mesure. Elle s'était dit que c'était peut-être une mauvaise idée d'insulter trop fort Face d'Acier : si le mercenaire entrait fou de rage et le décapitait, il n'y aurait plus personne pour la faire convenablement accoucher. Encore que son efficacité était encore à prouver.

- AAaaargh. ALLEZ NOM D'UN CHIEN KATH !
- Poussez... Soufflez.

Emalia serra les mâchoires pour ne pas balancer une réplique cinglante autant que pour résister à la douleur qui lui donnait un désagréable vertige. Face d'Acier, constata-t-elle, s'était dédoublé, et... Ah, il changeait de vocabulaire ?

- La tête est là. Soufflez, poussez. Je vais vous aider avec un ventouse. Soufflez, poussez.

Une vent-... Hein ? Face d'Acier retrouva sa tête unique tandis que la vue d'Emalia retrouvait son acuité. L'instant suivant, elle eut la sensation que ses entrailles toutes entières venaient de s'échapper entre ses jambes. Mais les bras métalliques s'élevèrent et devant les yeux de la souveraine apparut une toute petite chose pleine de sang et gigotant faiblement. Il poussa un cri qu'Emalia identifia être un signe de grande colère - sûrement détestait-il Face d'Acier autant qu'elle, jugea-t-elle avec fierté.
Ce fut sa dernière pensée avant que la lumière comme le son ne s'évanouissent brusquement.

♚ ♚ ♚

Lorsqu'Emalia ouvrit de nouveau les yeux, c'était une lumière naturelle qui éclairait son lit. Des voix chuchotaient près d'elle, mais elle ne s'en occupa guère. Sa première pensée fut celle que ses jambes étaient au sec, et que c'était bien agréable.

Ce fut la voix de Jake qui la tira de sa léthargie, et la souveraine se força à tourner un pâle visage vers sa droite. Un landau était auprès d'elle, et cela acheva ses dernières envies de sommeil.

- Est-ce que.. Jake ? Il va bien ? Ethan va bien ?

Elle se rendait compte en parlant que même sa poitrine lui semblait endolorie. Mais elle ne pouvait pas attendre, il fallait qu'elle voie - non, qu'elle sente le petit être près d'elle. Elle aurait aimé tendre avidement les bras mais elle manquait de force et se contenta de les lever avec mollesse. Emalia maudit sa faiblesse - quelle malchance d'être une femme ! Les pères pouvaient tournoyer avec leur enfant dans les bras sans avoir souffert ni avant, ni pendant, ni après l'accouchement. Au-delà de la douleur physique, il lui semblait en effet que l'on avait une partie d'elle - une partie de son corps, de son cœur, et de son âme - pour en faire un être à part entière... Et qui accaparait visiblement toute l'attention du mercenaire.

- Jake ! Je veux le prendre dans mes bras ! ordonna-t-elle impérieusement.

Au diable les formes. Monsieur Darinson était désormais un habitué de ses manières lunatiques. Il y avait beaucoup plus urgent que d'être polie, il avait sûrement déjà connu ça !

Jake ne cessait de faire les cents pas dans la salle d'attente situé à coté de la salle d'accouchement. Les choses s’étaient précipités quelques heures plut tôt alors qu'il enfournait une énorme tartine beurrée surmontée de gelée groseille. La nuit précédente, Lia' avait eu des contractions, rien d'étonnant, le terme approchait à grand pas, ce qui avait eu pour effet de stresser le jeune homme au plus haut point.
Et oui, le travail avait commencé en plein petit déjeuné, rien de tel pour démarrer la journée ! Alors que Jake, la tartine à moitié dans la bouche avait regardé la jeune femme qui s’était finalement mis à hurler qu'elle allait avait perdu les eaux, sa bouche s'ouvrit béatement il la laissa échapper sa tartine, celle ci tombant dans son bol de chocolat chaud -oui il aimait le chocolat chaud, c’était toujours un grand enfant- éclaboussant sa chemise immaculé de quelques taches malvenues...

Le mercenaire s'était finalement retrouvé là, tournant et retournant comme un lion en cage, ignorant si sa jolie petite reine allait bien.

''Bon sang... j’espère que tout se passe bien''

Grogna sourdement Jake devant la porte menant à la salle d'accouchement, donnant rageusement un coup de poing sur la cloison métallique qui lui arracha une grimace de douleur.
Oui, il était mort d'inquiétude... Et si cela ne se passait pas bien ? Et si elle mourrait ? Ou bien Ethan ? Ou pire, les deux ?
Non ! Non ! Non ! Émalia était une femme forte, rien ne pouvait lui arriver ! Et surtout pas maintenant...
Mais alors que Jake reprit ses incessants allez et retour dans la petite salle, la porte s'ouvrit finalement laissant apparaître un droïde.
Ni une ni deux, le mercenaire vint se saisir du droïde, le secouant frénétiquement.

''Comment vont-ils ?! Parles ou je te déboulonne!

Parcouru d'un léger spasme, les premiers mots du robot ne furent que « Poussez, soufflez, poussez, soufflez » ce qui pour le jeune homme, n'eut pour autre effet que de continuer à le secouer encore plus. Rageant devant l'absence de réponses, le mercenaire repoussa le droïde sur le coté pénétrant dans la salle ou ses yeux émeraude se posèrent rapidement sur la jeune femme allongée, portant un masque à oxygéné sur le nez. Se précipitant vers elle pour s'enquérir de son état, sa main trapue vint caresser ses cheveux et regardant avec angoisse les chiffres défiler sur les écrans des scopes.
Mais Jake n'y comprenait pas grand choses, alors qu'il se retourna vers le droïde -celui ci ayant reprit ses « esprits » venant le rejoindre.

''Comment va t-elle''

Demanda le jeune homme anxieux, caressant toujours la chevelure au boucles naturelles, trempées de sueur.

''Sa majesté est très faible mais sa vie n'est pas en danger, bziiiit poussez ! Poussez ! Nous allons la transférer dans sa chambre avec l'enfant.''

Soupirant rassuré, Jake tourna la tête alors qu'un petit cri strident se fit entendre de l'autre coté de la pièce, se relevant vivement, autant surpris que fasciné, le mercenaire s'avança vers le petit etre emmailloté dans des couvertures, gigotant. Le fixant de ses yeux verts Jake n'osa pas le toucher, se contentant d'avancer une main fébrile vers Ethan. Cependant après un instant d’hésitation, le mercenaire vint caresser la joue du bébé, venant sourire a pleine dents, alors que dans un excès d’émotion, le grand gaillard laissa échapper quelques larmes de joie qu'il essuya rapidement de ses joues.

* * *

Quelques heures plus tard, Jake avait finalement rejoint la chambre ou la reine se reposait, il avait longuement veillé sur elle, attentif à chacun des soubresauts de sa poitrine lorsqu'elle respirait, Se demandant si elle allait un jour se réveiller. Mais la sachant hors de danger le jeune homme se dirigea vers le landau au dessus duquel il se pencha pour observer ce petit être qui venait de se réveiller, ne pouvait s’empêcher de parler à son fils avec fierté venant le saisir dans ses bras avec douceur, envolé la peur.

''Oui... C'est papa... Vient dans mes bras mon grand ! Tu verras tu sera aussi fort et beau que papa ! Et aussi intelligent que maman !

Souriant, le jeune homme était aux anges ! Mais subitement interrompu dans son élan de paternité pas sa majesté qui venait finalement de se dépêtrer des bras de Morphée, s’inquiétant immédiatement de sa progéniture, et la réclamant expressément.
Riant doucement, le jeune homme s'approcha d'elle, ajoutant d'une voix malicieuse :

[colo=blue]''Ne t’inquiète pas Ethan est en pleine forme ! Détends toi, je vais pas le garder ! Quoiqu'il est plutôt mignon, t'as vu il a des cheveux noirs comme moi!''[/color]

Dans sa contemplation, le mercenaire en oublia de le deposer dans les bras de sa maman, continuant de sourire vers son fils, mais bientôt rappelé à l'ordre pas sa royale majesté.

''Ola ola ! On se calme ! Ça va tien, prends le!

Lâcha t-il dans un petit sourire à son attention. Son attitude était normale, elle l'avait porté pendant neuf moi et n'avait pas vraiment eu l'occasion de le voir.
Le jeune homme s’exécuta donc, déposant délicatement Ethan dans les bras de sa maman, souriant à cette vue alors qu'il vint s'asseoir sur le bord du lit caressant la joue de la jeune souveraine, venant finalement poser ses lèvres sur les siennes. Se redressant un peu pour la regarder Jake rajouta :

''Comment tu te sens ? J'ai eu tellement peur t'as pas idée... J'avais aucunes nouvelles... mais maintenant que je te vois me réclamer notre fils... je me dis que tu n'es pas en si mauvaise forme que ça ! En tout cas je suis vraiment heureux que tout se soit bien passé... vraiment heureux !''

Termina t-il dans un grand sourire adressé à Émalia, tournant finalement son regard vers leur fils. Jake était heureux, cet enfant et sa mère étaient avec certitude les meilleurs choses qui lui soit arrivés de sa vie.

Après avoir déposé Ethan sur le ventre de sa maman -qui semblait, soit dit en passant plus qu'heureuse- Jake restait là, assis sur un coin du lit à les contempler. Tout cela l'avait chamboulé, c'était le moins que l'on puisse dire, mais parfois l'on pouvait se retrouver chamboulé en bien, et s'était bien le cas du mercenaire.
D'un tueur au sang froid, le jeune homme originaire de Tatooine se retrouvait catapulté au rôle de papa.
Il n'y connaissait rien, tout cela était totalement inconnu pour lui. Mais il se posait un certain nombres de questions existentielles. Allait-il être à la hauteur? allait-il être un bon père? Tant d'autres questions se bousculaient dans sa tête, tant de questions sans réponse...
Mais il ferait de son mieux, pour Émalia, pour Milésya et pour Ethan, oui il ferait de son mieux pour unir toute cette petite famille qui avait gravement perdu le sens des valeurs familiales. Comme quoi, la richesse n'apportait finalement pas le plus important.
Le mercenaire avait aussi connu ça, une famille qui n'en était pas vraiment une, une famille sans amour où il n'avait pas eu sa place. Avec la naissance d'Ethan, Jake avait compris que son rôle n'était peut être pas simplement d'être père? Peut être était il là pour chambouler la vie de Lia et de Milésya? Pour les aider à enfin devenir une vrai famille? Peut être que cela serait possible ? Et puis ils seraient heureux tout les quatre ? Oui, au fond de lui, Jake ne voulait que donner de l'amour, donner l'amour qu'il lui avait simplement fait cruellement défaut par le passé.

Souriant à la remarque de sa majesté quand à la beauté de leur fils, quel ne fut pas sa surprise lorsque Jake vit arriver la jeune princesse dans la chambre. Lui souriant, il la regarda présenter ses félicitations à sa maman, mais le sourire du jeune homme disparut bien vite. Quelque chose l'interpellait dans l'attitude de la jeune fille, quelque chose n'allait pas... De ses yeux émeraude, il la regardait simplement. Était elle triste ? Triste de voir sa mère heureuse ? C’était fort probable...
Mais Jake se contenta de laisser parler Émalia, elle était probablement plus doué pour cela que lui de toutes façons...

Mais le mercenaire ne pu s’empêcher de se tendre lorsqu'elle annonça la terrible réalité de la paternité de Jake. Comment allait elle réagir ? Bien, mal ? Le jeune homme au yeux émeraude se questionnait...
Peut être était-ce le moment de lui, enfin de leur expliquer sa façon de voir la vie ? Ou du moins les choses ?

''Allez viens là, grimpe...''

Dit il doucement alors qu'il attira la petite fille sur ses genoux, avant de continuer, d'une façons assez hasardeuse, ignorant comment présenter les chose. Parler de sentiments, il n'était pas vraiment doué pour ça... mais il essaya cependant de faire un effort, car c’était le bon moment.

''Oui... ta maman à dit la vérité, je suis bien le papa d'Ethan. Mais tu sais... ça change rien, je t'aime autant que lui. J'aurai aimé que tu sois ma petite fille, mais la vie n'est pas toujours comme on voudrait... Mais l'important c'est que maintenant on soit tout les quatre ensemble, réunis comme une vrai famille. Ta maman à changé, tu l'as vu j'en suis sûr. Maintenant tu vois, elle sourit !''

Venant caresser la petite joue rose de la princesse, le mercenaire un sourire confiant accroché au lèvres, Jake continua sur sa lancée posant instinctivement poser sa mai sur celle de Lia le jeune homme avait commencé, à présent il devait terminer.

''Même si tu n'es pas ma petite fille, dans mon cœur tu l'es, car je t'aime comme MA petite fille, et tu es tout aussi importante qu'Ethan à mes yeux. Pour vous trois je serais prêt à faire n'importe quoi, je vous aime tous tellement. Avec vous dans ma vie je me sens important, et j'ai l'impression d'avoir enfin fait quelque chose de bien... Alors n'ai pas peur je ne t'oublierais pas !''

Conclut-il en venant déposer un bisous sur sa joue. Bien sur le discours qu'il venait de faire ne s'adressait pas qu'a Milésya, il s'adressait aussi à Émalia. C’était pour lui une façon de leur dire qu'il ne les laissera jamais tomber, qu'il serait toujours là pour eux trois. Il serait là pour les aimer, pour les protéger et pour veiller sur eux, comme un vrai père digne de ce nom.

Décidément, Jake savait mieux s’y prendre qu’elle avec les enfants. Il se montrait pédagogue et tendre à la fois, et Emalia réalisait combien, depuis tout ce temps, il agissait dans leur famille comme un pansement sur leurs âmes. Il était comme un élément qui avait manqué entre elle et Mylésia depuis la naissance de celle-ci. Un élément que le duc Gordon lui-même n’aurait jamais pu être. Tout se passait comme si Jake, le mercenaire bourru et charmeur, était l’unique être qui manquait au tableau depuis toujours, et qu’il était arrivé sur le tard. Mais la souveraine ne lui en voulait pas – ils avaient tous les deux eu un planning très chargé avant d’être à même de se rencontrer.

Elle ne releva pas la remarque sur son sourire et se garda bien de rétorquer qu’elle avait toujours souri – quand elle était jeune, ses soupirants lui disaient qu’elle avait le plus beau sourire d’Iziz. Mais elle devait avouer qu’elle se sentait rudement changée… Ethan frémit au creux de ses bras et elle resserra sa prise, comme si le petit être et elle pouvait à nouveau ne faire plus qu’un. La main de Jake sur la sienne était comme le lien qui les unissait au mercenaire et à Mylésia. Jamais Emalia n’avait connu une situation qui ressemblât autant aux familles des histoires pour enfant. Elle-même n’avait connu que domestiques pour la servir pendant sa croissance et une grand-mère à la fois sévère et à ses petits soins, démontrant un amour sincère mais distant à la fois. Où avaient été ses parents à elle, pendant tout ce temps ? Evincés par l’aïeule, Emalia le savait bien. Elle n’avait jamais eu aucun désir de les retrouver – s’étaient-ils tant battus que ça pour la revoir, eux ? Vu qu’elle n’en avait jamais entendu parler, il y avait fort peu de chances que ce soit le cas. Néanmoins, elle ne désirait pas réitérer les manières cachottières de sa grand-mère dans sa propre famille. Bien sûr, la politique exigeait bien des ruses et des secrets, mais elle ne souhaitait plus traiter ce qui concernait sa fille comme ce genre d’affaires. Elle avait toujours plus ou moins inconsciemment considéré Mylésia comme sa future rivale… Alors qu’elle pouvait être, au-delà d’une alliée, un proche avec qui partager le bonheur d’une famille qui existait enfin.

Finalement, la seule inconnue dans cette équation restait la volonté de Mylésia. Accepterait-elle cette situation ? Seul le temps lui apporterait une réponse véritable…

- Nous sommes une vraie famille, maintenant, dit la souveraine.

Elle essayait tant bien que mal d’appuyer les mots de Jake, même si elle ne se sentait pas si douée que lui pour les explications.

- Veux-tu prendre Ethan dans tes bras ?

Emalia souleva lentement le bébé qui avait fermé les yeux, plongé dans un sommeil mystérieux, et le tendit vers la petite princesse. Le pire qui pouvait arriver, finalement, fût qu’Ethan et Mylésia se détestassent. Comment pouvait-on éprouver de la haine pour un petit bout de chou ? Malheureusement, la souveraine savait qu’à l’âge de Mylésia, elle-même en aurait été tout à fait capable. Néanmoins, la petite princesse n’était pas aussi assoiffée de pouvoir que sa mère – pour une fois, la Reine considérait que ce n’était pas une tare mais une qualité – et ne ressentirait donc peut-être pas son petit frère comme un rival. Au moins n’y aurait-il pas de déchirement quant au trône, puisque seule une femme pourrait y prendre la place d’Emalia un jour.

La souveraine inspira et expira doucement, et cela l’aida à relativiser : tout ceci ne se produirait que dans bien des années. Pour l’instant, ils étaient des enfants et leur bonheur reposait complètement sur l’équilibre de leur famille. Elle tâcha donc de se détendre en observant, attendrie, le petit garçon dans les bras de Mylésia.

- Te voilà grande sœur en plus d’être princesse, commenta la Reine en souriant. Que de responsabilités !

Elle adressa ensuite son sourire à Jake, espérant avoir été à peu près en accord avec le comportement de son amant face à la petite fille. Maintenant qu’elle y pensait, les médias allaient poser des questions dès leur retour en Iziz. S’ils découvraient qu’un mercenaire au passé sulfureux était le père de son enfant, ils allaient s’en donner à cœur joie pendant des semaines. Rien que d’y penser, elle grimaça. Il serait pourtant difficile de garder le secret : même en présentant Jake comme le garde du corps de sa petite famille, les journalistes finiraient par se poser des questions à ce sujet. Et s’ils essayaient de prendre Mylésia au piège… Il faudrait qu’elle discute en privé de tout ceci avant leur retour en Iziz.

- Je suis épuisée, fit-elle soudain, se rendant compte qu’elle avait du mal à bouger ses membres postérieurs, lourds de courbatures. Je crois que je vais dormir un peu… Jake, voudrais-tu dire aux domestiques qu’il faut que le docteur vienne au plus vite examiner Ethan ? Je préfère être prudente… Quant à toi, Mylésia, tu peux si tu veux préparer un petit message avec Alarya, pour annoncer à tout Ondéron la naissance de ton petit frère ?

Elle espérait bien sûr que donner quelque rôle important à Mylésia l’aiderait à trouver sa place dans cette nouvelle famille. C’était un pari, et ni elle ni Jake ne savait ce qui en résulterait. Emalia ne pouvait qu’espérer, mais ses espoirs se mêlaient déjà au sommeil qui tentait de lui arracher sa conscience. Emalia posa les yeux sur le petit être dans les bras de la princesse. Le tableau lui semblait être du beauté infinie.