A bord de l'Agonie d'Ardos, yacht privé du Sénateur de Bakura, Ragda Rejliidic

« Sortie de l'hyperespace dans ... 3... 2... 1... »

La voix du pilote mourait dans le haut-parleur, tandis que le kaléidoscope hypnotique de l'hyperespace fut progressivement remplacé par l'habituelle trame de fond galactique constellées d'une myriade d'étoiles plus ou moins lumineuses. Ragda détourna les yeux de ce spectacle qu'il jugeait monotone, puisque vu et revu, afin de se concentrer sur le datapad qu'il serrait entre ses petites mains.

« Déviation enregistrée inférieure à moins d'un pour cent... »

Devait-il féliciter le pilote pour avoir su réaliser un saut quasi-parfait ? Le Hutt secoua mécaniquement la tête de gauche à droite à cette pensée. Le salaire faramineux qu'il recevait pour son silence n'était-il pas suffisant ? D'autant plus que les véritables responsables de cette prouesse astrophysique n'étaient autres que les ordinateurs de navigation... Le pilote ne faisait que tirer sur une manette pour lancer l'hyperpropulsion.

« Il va falloir se rapprocher, je ne capte rien d'ici... » pesta simplement Ragda, les yeux rivés sur les données qui s'affichaient sur l'écran tactile de son datapad. « Je parie qu'elle est encore hors-service... Saloperie d'espace profond... »

Si, depuis l'intérieur du yatch, au travers des hublots, tout semblait habituel, il n'en était rien. Une obscurité des plus totale nimbait le vaisseau. Sans instruments, il aurait été totalement impossible de distinguer le moindre objet, même à quelques mètres seulement du transparacier du cockpit. Et pour cause : aucune lumière naturelle ne parvenait à éclairer quoi que ce soit dans cette région de l'espace, distante de millions de kilomètres du plus proche soleil. L'espace profond... Cette zone qui séparait les systèmes, habités ou non. Il n'y avait rien, sauf parfois, peut-être, un corps céleste en pleine dérive. Personne ne s'arrêtait jamais ici. Personne sauf Ragda... Enfin, plutôt Fantôme pour l'occasion... Puisque cette escale entre Coruscant et Bakura n'avait pour objectif rien de bien légal, ni même de Républicain.

« Les batteries doivent être déchargées, une fois de plus... » Et oui : sans lumière, aucun moyen d'alimenter en énergie les appareils électroniques dépourvu de carburants consommables. Les quelques panneaux solaires qui équipaient la balise ne captaient rien du tout... Un sacré inconvénient, mais il fallait faire avec pour garder profil bas.

« Utilise le faisceau pour la tracteur jusqu'à la soute... On va le faire à l'ancienne. Je descends. » ordonna le Hutt, avant de se laisser glisser hors de sa banquette luxueuse qui occupait la majeure partie de ses quartiers privés. Toujours son datapad à la main, il s'installa sur son chariot répulseur, avant d'en activer les commandes pour le diriger vers le monte charge menant aux autres zones du yatcht. Celui-ci descendit lentement jusqu'à son terminus : la soude. Minuscule, elle permettait à peine de stocker vivres et carburants pour les longs trajets. Ce n'était vraiment pas le but premier de Ragda. Ce navire de luxe lui servait uniquement à relier un point A à un point B le plus rapidement possible. Il n'était ni question de tourisme, ni de voyage de plaisance. D'autant plus que le personnel de bord se réduisait à une seule personne la plupart du temps : son pilote. Bref, cette soute convenait parfaitement. Sauf dans des situations comme celle-ci.

Arrive à destination, la double porte du monte-charge s'ouvrit, révélant au Hutt un spectacle qu'il connaissait déjà par cœur, pour s'être arrêté ici des dizaines et des dizaines de fois. La rampe de la soute, ouverte, offrait une vue impressionnante sur l'espace. Le champs de force qui retenait l'air et la pression atmosphérique vibrait légèrement, comme le bourdonnement d'un insecte, mais en plus grave. La balise, treuillée par le faisceau tracteur, s'était littéralement empalée dans l'ouverture. La moitié supérieur se trouvait à l'intérieur de la soute, tandis que le reste dépassait du « cul » du vaisseau. Compte tenu de ses dimensions, il n'était pas possible de faire mieux.

Sans perdre une seule seconde inutile en observations futiles, Ragda s'approcha afin de brancher manuellement son chariot à l'un des orifices de la tête de la balise destinées à ce genre d'interface rudimentaire. Ainsi pu commencer la vampirisation électrique visant à rechercher ses batteries. Après quelques instants, le datapad afficha de nouvelles données.

« C'est bon... J'ai un signal... » murmura le Hutt, concentré, entre ses lèvres mi-closes. « Transmission lancée... » Un large sourire lui barrait son visage déjà difforme. Dans quelques heures, Fantôme aurait beaucoup d'« amis ».

En réalité, cette balise holonet n'en était pas vraiment une. Cet appareil ne portait pas de nom précis, puisque Ragda en avait subtilisé les plans avant que son ingénieux concepteur, un Bakurien condamnée à l'anonymat, n'ait pu lui en trouver un.

Pour faire simple, celle-ci se connectait d'elle même au réseau holonet, grâce à une batterie de senseurs qui parvenaient à capter les flux de données échangées dans les systèmes à proximité. Elle pouvait ensuite balancer, sous formes d'impulsions, des signaux parasites, qui se greffaient aux paquets de données échangés afin de migrer jusqu'aux balises holonets plus classiques. Là, les signaux se dupliquaient afin de se répandre... Et ainsi de suite...

En quelques heures, Fantôme pouvait ainsi envoyer un message qui traverserait toute la galaxie, passant par de multiples relais et balises, le rendant quasi-intraçable. D'autant plus que ces messages, d'une durée de vie programmée, s'autodétruisaient avant de se dupliquer... Un vrai casse-tête pour qui aurait tenté de localiser l’émission initiale. Ce type d'appareil pouvait avoir bien d'autres applications... Dans les mains d'une armée, il permettait de saturer les communications adverses, de les paralyser... Mais, opportunité oblige, Fantôme avait été contraint de dérober les plans avant que ceux-ci ne soient terminés. Il lui avait ensuite fallu dépenser une énergie folle pour réunir les composants nécessaires à cette réalisation. Mais ces litres de sueurs valaient leur pesant d'or. Sans ce relais, Fantôme n'aurait jamais pu devenir ce qu'il était aujourd'hui... Ragda venait ici chaque fois qu'il souhaitait contacter, de manière discrète, une personne en particulier... Aujourd'hui, il en contactait des dizaines... Ses « contacts ».

Définitivement, le Hutt jubilait... C'était son heure de gloire, celle de son alter-égo, Fantôme, le trafiquant d'informations. Ses contacts, ne manqueraient pas de décrypter le message, qu'ils transmettraient à leurs contacts, qui retransmettraient aux leurs... Et ainsi de suite, jusqu'à ce que toutes les organisations criminelles de la galaxie soient au courant...

Fantôme avait quelque chose de volumineux à vendre... Une station spatiale...

Flydon Maxima.

Malgré, l'incident récent, celle-ci restait pour le moment le lieu de rencontre privilégié entre les diplomates de l'Empire et de la République... Posséder les codes de sécurité de cette station, c'était comme en prendre possession... Donner le pouvoir à son détenteur d'écouter les conversations, de les enregistrer... Et même de faire échouer les négociations en jouant avec la programmation des droïdes ou des systèmes de défense... Un grand pouvoir, qui valait des dizaines de millions de crédit, au bas mot.

Pendant les longues heures, lors de son retour sur Coruscant avec la flotte plénipotentiaire sauvée par la Ligue des Mondes Périphériques, Ragda avait hésité. Garderait-il Flydon Maxima pour lui seul ? Ou valait-il mieux vendre ces accès ? Après voir pesé le pour et le contre, il s'était décidé. Seul, puisque c'était sa manière de travailler, il n'aurait jamais eu les moyens de tout surveiller... D'autant plus qu'il n'aurait appris que peu de choses vu qu'il siégeait au gouvernement de la République et que les diplomates leur envoyait régulièrement des rapports sur leurs échanges.

Vendre donc...

Dans quelques heures, ce serait fait... Au plus offrant évidemment.

« Je retiens deux... Plus huit millions... Moins la taxe de... Mais si je rapporte au prorata de... Et les cotisations sociales... Hmmm... Oui... » marmonnait le Hutt, à voix basse, presque inintelligible, tandis qu'il vérifiait les comptes de son Casino, installé confortablement sur les coussins écarlates de son chariot répulseur. Quelle utilité de refaire tous ces calculs ? De tête de surcroîts ? Aucune, strictement aucune... Ragda, et son armée de comptables, disposaient d'une batterie hallucinante de logiciels plus ou moins perfectionnés capables de calculer en temps réels les bénéfices net de l'établissement. Pourtant, la limace s'obstinait à les refaire... Et tout cela simplement parce qu'il adorait cela. Il adorait les chiffres, les règles étranges et compliquées de la finance républicaine. Il adorait se faire des nœuds au cerveau. Et puis... Il avait une confiance limitée en ses subordonnés. Très limitée même. Un proverbe bien connu disait que l'erreur étant humaine... Et c'était bien pour cela qu'il fallait un Hutt pour s'assurer qu'il n'en restait plus.

En réalité une troisième raison primait sur les deux autres... Celle-ci justifiant largement cette masturbation cérébrale proche du masochisme : les activités illégales de Ragda, sous son pseudonyme « Fantôme ». Le trafic d'informations sensibles demandait parfois des investissements colossaux, avant de générer des gains prodigieux. Acheter, vendre... Vendre, acheter... Et lorsque la situation le permettait, il allait jusqu'à commanditer des actes parfois sanglants. De tels mouvements de capitaux, sur ses comptes privés, auraient pu éveiller des soupçons, surtout qu'il était plus ou moins surveillé par les services du Renseignement depuis cette sordide histoire de trahison. Ragda devait donc utiliser les comptes de son établissement pour dissimuler ses transactions frauduleuses... Et ce n'était pas jeu d'enfant, loin de là !

Le Hutt soupira, soudainement las. Malgré l’excitation générée par ces successions de chiffres aux nombre de zéros impressionnant, le Hutt accusait une terrible fatigue, celle là même qui le poursuivait depuis qu'il avait, fut un temps, endossé les plus hautes responsabilités en l'absence du Chancelier. La naissance d'Alan n'avait pas arrangé son état... Tout lui semblait si lointain, et pourtant si récent... Ragda ne dormait pratiquement plus. Sans l'aide des stimulants intellectuels, il serait probablement devenu végétatif. Il en usait et en abusait à tel point que leurs effets s'estompaient avec le temps. Tel un junkie, le Hutt devait constamment augmenter ses doses, ou réduire les intervalles entre deux piqures. Alors qu'il y a un an et demi, il tournait à un stimulant par jour, généralement pour lui donner un coup de fouet avec une réunion importante, aujourd'hui il s'en injectait toutes les heures...

D'ailleurs, c'était l'heure. Ragda s'empara de l’étui qu'il conservait précautionneusement dans la poche intérieur de son poncho bleu ciel aux dentelles rouge sang. A l'intérieur de celui-ci se trouvait, alignées en rangs d'oignons, ses doses, capsules cylindriques munies de seringues jetables. Il s'en empara d'une, la main tremblotante, avant de se planter l'aiguille dans le gras du bide. Il fallut à peine quelques secondes pour que le produit agissent, transformant les fluides vitaux du Hutt en un torrent de flammes purificatrices qui eurent vite fait de dissiper ses idées noires. De nouveau, son cerveau turbinait à plein régime !

Heureuse coïncidence, puisque c'est exactement à cet instant qu'un voyant discret s'illumina sur le panneau de contrôle intégré au bureau massif qui occupait le centre de ses quartiers privés, au sommet du gratte-ciel pyramidal qui abritait son casino. Ce signal ne s'allumait qu'en de conditions extrêmement particulières... Aussitôt, son esprit s'extirpa des formules mathématiques pour se concentrer sur ce qui allait suivre. De quelques manipulations sur l'écran tactile de son datapad, le Hutt activa la communication sonore.

« 6T1 ? J'espère que c'est important... » Grommela le Hutt, comme par principe, même si rien ne justifiait ce ton agacé et sec. L'astrodroïde, de multiple fois modifié afin d'intégrer des fonctionnalités diverses et variées, dont un module de communication en basique, répondit immédiatement, depuis l'intérieur du repère secret sous les fondations de l'immeuble :

« Oui Monsieur ! Nous avons une réponse ! Pour votre... Annonce... »

« Enfin une bonne nouvelle ! J'arrive ! »

Aussitôt dit, aussitôt fait. Ragda actionna les commandes directionnelles de son chariot afin de se placer face à l'énorme statue qui le représentait dans toute sa superbe. Celle-ci dissimulait un turbo ascenseur permettant de rejoindre son repère. En moins d'une minute il fut donc sur place.

La pièce rectangulaire vibrait aux rythmes chaotiques des centaines d'ordinateurs reliés entre eux par un amoncellement de câbles de toute sorte. Bien que celle-ci ne fut équipée d'aucun système d'éclairage, il y régnait une ambiance bleutée apaisante, distillée par la lueur fantomatique des deux écrans géants en mode veille. Dans ce temple de la piraterie informatique se trouvait des millions de téraoctets d'informations diverses et variés. Stockée, classée, prêt à être utilisées le moment venu. Ragda conservait presque tout. En ce lieu, il avait l'impression de tout contrôler, de disposer d'une puissance illimitée. D'un simple geste, il pouvait faire tomber des puissants... Révélations sur leur passé sulfureux, rumeurs, mensonges... Ahhh... Mais ce n'était pas le moment de penser à tous ces petits plaisirs. Il avait une station à vendre après tout !

« 6T1, montre moi ce que tu as. » demanda Ragda, sans perdre de temps. Il redoutait un offre manquant de sérieux. Son petit message avait fait rapidement le tour du milieu, véhiculé de bouche à oreilles, presque comme l'on raconte une légende urbaine. Pour cette raison, certaines organisations manquant sincèrement de crédibilité avaient voulu tester la véracité de cette rumeur. Ragda ne s'était même pas donné la peine de leur répondre.

« Qui ça va être cette fois... » lâcha-t-il dans un murmure alors que le droide l'informait du contenu des premiers échanges formels.

« L'Astre bleuté ! » répéta le Hutt, agréablement surpris. « Ils existent encore ceux là ? Hmmm... Garderaient-ils profil bas pour une raison bien précise ? J'aime les secrets ! Raison de plus pour leur répondre ! »

Tout en parlant, Ragda s'affairait sur l'une de ses consoles. Il passa rapidement au crible le message entrant, celui qui annonçait la communication imminente. Il y nota rien de particulier. L'Astre, bien évidemment, utilisait des mesures de cryptage proche des siennes. Dans le cas contraire, il lui aurait fallut des heures, voir des jours, pour craquer le code et décrypter le contenu de l'holotransmission... Ce qui aurait été stupide. Toutefois, rien ne permettait, de prime abord, de tracer l’émetteur. Cette conclusion ne frustra pas le Hutt, il aimait les challenges. Plus qu'un challenge, c'était même une sorte de jeu... Le jeu du chat et de la souris : Lorsque la communication holographique commencerait, chacun des deux partis tenterait certainement de remonter le signal le plus vite possible, et tout cela dans l'espoir d'en apprendre un peu plus sur l'autre. Très amusant.

« 6T1, prépare les contre-mesures habituelles. Niveau de sécurité sigma. Tu vas router nos émissions vers plusieurs balises afin qu'elles le réplique. Ils recevront notre réponse sur plusieurs fréquences simultanément, depuis les quatre coin de la galaxie... Je leur souhaite bonne chance pour démêler ce nœud... »

Alors qu'ils s’apprêtait à accepter l'holotransmission, le Hutt s'enfonça plus profondément dans les coussins de son chariots. D'une pression de l'index sur l'un de ses datapad, il fit allumer les deux écrans géants. Aussitôt, une vive lumière lui brouilla la vue. Une gène qui ne dura qu'une poignée de secondes. Lorsqu'il échangeait sur des sujets aussi important, Ragda appréciait avoir quelque chose sur lequel focaliser son esprit. Cette technique lui permettait de conserver de la distance, de rester froid et concentré.

Sur l'écran à sa gauche s'affichait une trentaine d'images en mosaïques. Celles-ci montraient tantôt des paysages, des visages, des données... Il s'agissait des signaux sortants de Bakura. Bakura, petit monde éloigné du centre de la galaxie. Si le Hutt avait jeté son dévolu sur ce monde pour y édifier son repère ce n'était pas par hasard. A cause de son isolement, et de sa population assez faible, ce monde n'était relié au réseau holonet galactique que par une unique balise orbitale. Celles-ci irradiait ensuite ses données vers les satellites et autres dispositifs de réception flottant dans la haute atmosphère. Et bien évidemment, Ragda avait vérolé ladite balise à l'aide d'un mouchard informatique qui lui retransmettait en direct toutes les données qu'elle captait.

Il s'agissait avant tout d'un système de défense. Si par malheur, un jour, il devait être découvert par les autorités Républicaines, le moindre message le concernant serait immédiatement intercepté, et il aurait le temps nécessaire pour trouver un échappatoire acceptable.

Sur l'écran de gauche, les signaux sortants donc. Et sur l'écran de droite, les signaux entrants. Bref, tout ce qui entrait ou sortait de l'holonet via cette balise se retrouvait enregistré temporairement dans ses serveurs. Des programmes sophistiqués classaient ensuite les données, supprimant les totalement inutiles, et affichant sur l'écran les plus intéressantes... C'était pour cette raison que la mosaïque changeait sans cesse.

Après ces quelques secondes d'observation, qui lui firent un bien fou pour se vider l'esprit, Ragda accepta la transmission.

-Cher Fantôme.. L'Astre s’intéresse grandement à ce que vous avez à offrir.. Et je suis certaine de pouvoir vous intéresser au délai de toute concurrence..

Alors.. Ou en sont les négociations.. ?


Le Hutt observa le visage masqué, sans grande surprise. Aria. L'être qui dirigeait l'Astre, ou tout du moins c'était la rumeur. Personne ne connaissait sa véritable identité. Cette réflexion lui fit sourire. Qui sait ? Peut-être se trouvait-il un autre Hutt de l'autre coté ! En tout cas, le fait d'être contacté par Aria en personne lui flatta l'ego. Au moins, ils le prenaient au sérieux. De son coté, il activa le programme qui générait le visage numérique de fantôme. Ragda n'avait plus qu'à parler. Automatiquement ses paroles seraient déformées, et les lèvres factices de l'hologramme adopteraient les mouvements requis.

// Mes respects à l'Astre Bleuté. // répondit-il simplement. Avant de continuer, sur son éternel ton monocorde. Fantôme n'avait rien de vivant. Il était froid et sec... Presque cassant. // Vous faites mentir les pronostiques... Ceux qui vous font passer votre organisation pour morte. Tout du moins je l'espère. Mon nouveau petit bijou vaut son pesant de crédits... Et je ne suis pas réputé pour faire la charité aux organisations criminelles avide de recouvrer leur gloire passée. //

Alors qu'il allait ajouter une nouvelle phrase, elle aussi légèrement cassante, le Hutt plissa du front, découvrant le visage de Fantôme sur l'écran géant affichant les signaux entrants planétaires. Il désactiva la commande vocale de son pantin numérique pour s'adresser à son droïde :

« 6T1 ! Putain tu fou quoi ?! T'es en train d’émettre en direction de Bakura... Arrête ça tout de suite ! Les autorité locales risquent de capter quelque chose...»

« Monsieur ! Ce n'est pas moi ! Je suis le protocole... Mais... »

« Mais quoi ?! Putain, je le répéterait pas : arrêta ça tout de suite, ou je promet de te jeter démonter jusqu'au dernier boulon avant de te jeter dans un trou noir ! »

« Je n'y peux rien ! Le signal revient systématiquement sur Bakura. Il n'y a qu'une seule explication... »

Le sang du Hutt ne fit qu'un tour alors qu'il coupait la parole au droïde pour répondre à sa place :

« ... Aria est sur Bakura ! »

Instant de panique. Le sang de Ragda ne fit qu'un tour, tandis que ses tripes se crispèrent.

« Putain de merde ! Ça veut dire qu'une chose ! Ils savent que je suis là, pas loin ! Merde ! Comment ils ont fait... Merde ! »

Son premier réflexe fut de couper immédiatement la communication et de faire le mort... Geste qu'il parvint de justesse à réfreiner. Son intellect reprenait le dessus sur son instinct. Oui, l'Astre devait savoir des choses... Mais pas sa position exacte. Dans le cas contraire, ils seraient probablement venu frapper directement à sa porte. Et s'ils ne savaient pas... Il chercheraient donc à le pister. Et bien... Qu'ils essayent. Autant profiter de la situation pour leur couper l'herbe sous le pied. Toujours cette histoire d'arroseur arrosé.

« 6T1 » lança t'il, surexcité. « Continue à transmettre, mais à partir d'un relais de secours, celui du Spatioport par exemple. Oui le Spatioport, excellent idée ! S'ils me cherchent réellement, ils ne manqueront pas de mordre à l'hameçon, entouré d'une multitude de caméra de vidéo-surveillance civile. » Il pouffa, d'un rire nerveux libérateur. « Affiche moi ça sur l'écran de gauche, 6T1, je ne veux rater aucune seconde... »

Ces quelques images volées ne lui apprendrait probablement rien de nouveau. Mais qui sait... L'Astre se montrait si discret... Peut-être arriverait-il à faire fructifier ces quelques octets de données numériques !

Rapidement, Ragda repris les rennes de sa marionnette. Celle-ci était restée muette prêt d'une demi-minute. Comment Aria interpréterait t-elle ce blanc ? Il le saurait bien assez tôt. L'air de rien, il repris donc :

// Si vous disposez réellement des moyens, trêve de mondanités. Mes secondes sont précieuses. Combien êtes-vous prêt à mettre pour posséder Flydon Maxima ? Si votre offre me semble intéressante, alors nous pourrons passer aux choses sérieuses. //

.

//Si vous doutez de mes compétences, ce n'est pas le cas de vos concurrents. Alors soit vous arrêtez de me faire perdre mon temps avec vos états d'âme qui m’infèrent, ou j’interromps cette conversation. Il n'y a qu'une seule chose qui m'intéresse : les chiffres. // répondit le visage numérique, de sa voix froide et sans intonations.

Derrière cette voix sans âme, générée par son logiciel de synthèse vocal, le Hutt bouillait. Il n'avait guère apprécié la pique. Et pour cause : Aria avait raison. Depuis qu'il occupait de multiples fonctions officielles au sein de la République, Ragda avait été contraint de ralentir ses activités illégales. En apparence, son réseau semblait toujours aussi actif. En apparence seulement. Il devait quotidiennement faire usage de stratagèmes de plus en plus alambiqués pour pouvoir se connecter à ses serveurs afin de consulter les informations filtrées par son armada de droïdes qui épluchaient l'holonet sous toutes ses coutures. Alors qu'il y a quelques années, il se considérait comme le cerveau incontestable de sa petite organisation, Ragda aujourd'hui se voyait plus comme un gestionnaire, occupé à régler le plus urgent, laissant passer des informations de moins grande importance, faute de temps. Pour cette même raison, c'était à présent ses ordinateurs et droïdes qui géraient les affaires quotidiennes, les échanges avec ses informateurs, les transactions courantes... Il fallait regarder la vérité en face : son réseau survivait, mais pour combien de temps encore ?

« 6T1 ? Toujours rien sur les holocaméras ? » demanda le Hutt qui reçut une réponse négative en retour. Il fronça les deux bourrelets qui lui servaient de sourcils, dubitatif. Difficile de se concentrer à la fois sur la conversation avec Aria, et ses tentatives pour la piéger. A force de tirer sur la corde, prenant de plus en plus de risques pour se glisser dans la peau de Fantôme, Ragda venait peut-être d'atteindre le point de non retour : le jour où il serait démasqué. Déjà, que l'Astre ait choisi Bakura pour le contacter le prouvait. Soit ils étaient au courant de sa localisation... Soit il le découvrirait bien vite, tout comme lui l'avait fait pour localiser l’origine de leur signal. Dans un cas comme dans l'autre, ils étaient à deux doigts de remonter jusqu'à lui. Pourtant, ils ne semblaient pas vouloir mordre à l'hameçon lancé. Son piège, imaginé à la va-vite, manquait-il de subtilité ? Clairement oui. Mais pour autant, l'Astre aurait du, par acquis de conscience, aller jeter un coup d’œil à son relais secours, celui vers lequel se redirigeaient tous les paquets de données de cette conversation holographique. Pourquoi n'intervenaient-ils pas ? Il n'avait pas le temps d'y penser dans l'immédiat.

// Cinq millions ? // répondit-il à la femme masquée. // Il va falloir revoir sérieusement votre offre. Il semblerait que vous n'ayez pas compris... Pour une simple station spatiale, ce prix aurait été tout à fait appréciable. Mais là, nous ne parlons pas simplement de tôles. Je ne fais pas dans le ferraillage jusqu'à preuve du contraire... Ce que je vends, ce n'est pas simplement Flydon Maxima, mais tout ce qui s'y trouve. Malgré les derniers événements, les deux grandes nations de cette galaxie, faute d'autres options, ont choisi de continuer à l'utiliser pour leurs échanges diplomatiques... Ce que je vends, très chère Aria, c'est un accès total et illimité à ces informations. Celui qui possédera Flydon Maxima aura des yeux et des oreilles à tous les niveaux. Il pourra à la fois espionner l'Empire et la République... Et même... Influencer leurs ententes, ou mésententes... // L'hologramme laissa échapper un soupire aux notes métalliques. // Et cela vaut bien plus que cinq petits millions... D'autant plus que... vos concurrents se sont déjà montrés plus généreux. //

Ragda avait une réputation à tenir. Hors de question de transformer cette transaction en vente aux enchères. Mais pour autant, il ne souhaitait pas écarter complètement l'Astre bleuté dont les activités lui avait échappé ces derniers temps. Au moins, la tirade acerbe de leur leader prouvait que leur apparent silence n'était qu'un leurre. Ils préparaient quelque chose... Ou se cachait de quelque chose. Si certains petits groupuscules s'étaient vu contraint d'abandonner leurs bases d'opérations à cause des patrouilles de la LMP, ce ne devait pas être le cas d'un syndicat aussi important que l'Astre. Non, il y avait autre chose. [Seuls les administrateurs ont le droit de voir ce lien] Ragda n'appréciait pas tellement marchander avec des inconnus, surtout sur des sujets aussi sensibles. Il offrait donc à l'Astre bleuté une chance de corriger le tir. Une seule et unique chance... Et puis, de cette manière, il gagnait un peu de temps.

« Toujours rien ? » demanda-t-il à 6T1 sans trop d'espoir. Il soupira. Qu'est-ce que foutait les sbires de l'Astre ?

Le Hutt s'enfonça un peu plus dans les coussins de son chariot, l'esprit en ébullition. Son regard passait rapidement de l'hologramme représentant Aria, et l'écran sur lequel il pouvait suivre ce que filmaient les holocaméras du Spatioport. Ce relais de secours, il l'avait fait installer à l'intérieur d'un vieux cargo corellien, immatriculé dans l'une de ses sociétés écrans lui permettant de faire transiter du matériel numérique entre Bakura et le reste de la galaxie. Il se trouvait dans un coin isolé, mais ouvert au public, du Spatioport de la capitale planétaire. Sur les caméras, il était possible de voir quelques badauds passer... Mais aucun ne semblait s'approcher de manière suspect de l'appareil. Et pourtant, pour le pister ils n'avaient d'autre choix que de s'approcher : entre le relais et son QG, seule une connexion filaire permettait d'échanger des données. Plusieurs dizaines de fibres optiques qui cheminaient sous la ville, jusqu'aux sous-sols de son casino. Loués soient les grands travaux lancés, quelques années plus tôt, par les lobby de l'immobilier et de la voirie qu'il avait financé.

En conclusion, l'Astre devait forcément capter que les signaux de leurs échanges s'interrompaient à bord de cette appareil, pour filer vers une destination inconnue...

« Je ne comprends pas... » lâcha-t-il à voix basse. « Ils devraient au moins s'approcher... Voir ce qui se passe... Quitte à couper les caméras... » Il ouvrit soudain de gros yeux. « Les caméras ! » L’évidence lui sautait au visage ! L'Astre n'avait pas choisi le Spatioport au hasard... Ils devaient forcément avoir des hommes sur places. Et si, tout comme lui, ils observaient au travers des caméras de surveillance civile, nul besoin de prendre le risque de se déplacer... Que faire ? Les couper ? Pas le temps d'y réfléchir tout de suite !

//Soit Flydon vous intéresse, et vous y mettez le prix, soit la station ne vous intéresse pas. Il n'y a pas d'entre-deux. Mais ce que je peux vous dire, pour vous rassurer, c'est que Flydon Floyd, l'actuel propriétaire, n'est plus celui qui semble être. J'ai un contrôle total sur la station. Si vous décidez de réviser votre offre, je vous remettrai l'intégralité des codes de sécurités. Sous le couvert d'une nomination à un poste d'associé, vous pourrez placer l'un de vos hommes à sa tête... Puis, mon Flydon Floyd disparaîtra dans un malencontreux accident de speeder, tout ce qu'il y a de plus banal à notre époque... Vous serez alors l'unique maître à bord, vous pourrez placer vos hommes à tous les niveaux : sécurité, administratif, même la restauration si ça vous amuse... La République, l'Empire, que sais-je d'autre... Personne ne sera au courant, pas de pot de vins, rien à partager avec personne. Libre à vous d'y investir les moyens que vous voulez, et d'user des informations glanées comme vous le souhaiterez //

Il ne pouvait pas tout simplement couper les holocaméras du spatioport. Sinon, il deviendrait aussi aveugle que l'Astre... Et il était hors de question de se déplacer. Pourtant, chaque seconde qui passait donnait à l'Astre l'opportunité d'agir. Il fallait lui couper l'herbe sous le pied... Quitte à prendre encore plus de risque... Quitte à...

« 6T1... » dit-il à mi-voix, pas vraiment convaincu de ce qu'il allait demander. « Blackout est-il opérationnel ? »

La tête circulaire de l'Astrodroïde modifié tourna sur la même, son objectif faisant à présent face au Hutt... Comme si le petit être mécanique ouvrait de larges yeux, le regard fixé dans celui de son Maitre.

« Blackout ? Il est théoriquement opérationnel, Monsieur... Mais il pourrait y avoir des complications... »

« Je n'ai pas le temps de me soucier de ça. » Allait-il vraiment faire ce qu'il pensait faire ? Lâcher Blackout, ici, sur Bakura ? Même sur Flydon Maxima, il avait préféré user des bonnes vieilles méthodes. Il n'avait aucune garanti du résultat. Mais plus il y pensait... Plus il se rendait compte n'avoir d'autres choix.

« 6T1, tu vas faire exactement ce que je te dis... »



Centre du contrôle orbital, spatioport de Bakura, dix-sept secondes plus tard...

« Salut Manfred ! Çà va ? » demanda le premier, tendant la main au second.

« Comme un début de semaine... » Lui répondit-il, l'air las, en se frottant les yeux. « Il étant temps que tu arrives... »

« Quelque chose que je dois savoir ? » continua le premier, tout en posant son blouson sur le dossier du siège d'à coté, avant de s’asseoir lourdement dessus, prêt à prendre la relève.

« Non... Rien de spécial... Il ne se passe jamais rien ici, tu le sais très bien... Si seulement je pouvais être muté sur Coruscant, ou n'importe où dans le noyau... » Il soupira, revenant à la réalité : plus vite il aurait passé les consignes de poste, plus vite il pourrait rentrer chez lui. « Y'a encore sept cargos en attente en orbite basse... Et aussi une dizaine d'appareils civils au sol qui attendent notre signal pour décol... »

Il ouvrit soudain de larges yeux, tandis que tous les voyants du tableau de contrôle passèrent au vert. Tous sans exception. Prêt de vingt vaisseaux venaient de recevoir les mêmes ordres !

« C'est quoi ce bordel ? » hurla-t-il « Ils vont tous se rentrer dedans ! Merde ! Il faut... » L'homme ne termina jamais cette phrase. Sa console explosa dans une gerbe d'étincelles. Propulsé en arrière, il tomba à la renverse, les chairs du visage noircies et fumantes. Son collègue, assis juste à coté, observa la scène, bouche-bée, avant de rendre son déjeuné. Autour de lui : le chaos. Plusieurs autres consoles explosèrent. Des cris, odeur de chair brûlée et de composants fondus. Quelqu'un, derrière lui, hurla « Surtension sur tout le réseau ! » juste au moment ou les néons, au dessus de sa tête, explorent à leur tour, plongeant la pièce dans une pénombre oppressante. « Tous les systèmes sont H.S. ! C'est une catastrophe ! »


Au même instant, baie N°37,

Profitant du chaos, le vieux cargo corellien, à l'intérieur duquel émettait toujours le relais de secours de Fantôme, déclencha ses répulseurs hors d'âge. L'engin vibra, puis s'éleva de plusieurs centimètres, révélant un faisceau de fibres optiques, qui se tendit avant de rompre et de retomber lourdement sous le sol. Pour autant, la liaison holographique avec Fantôme ne fut pas coupée. Le signal fut redirigé vers un nouveau relais, situé à proximité du pôle nord de la planète... Direction que le vaisseau cargo pris immédiatement. Autour de lui s'élevait une dizaines d'autres appareils dont les pilotes automatiques répondaient aux ordres falsifiés lancés par le contrôle orbital. A leur bord, certains ne furent pas assez rapides pour reprendre la main. Deux d'entre eux entrèrent en collision, à moins de cinquante mètres du sol, retombant sur le spatioport en milliers de débris de toutes tailles...

Tout comme le vaisseau cargo, des dizaines d'autres cherchèrent à fuir ce chaos, dans la confusion la plus total.

Un rictus amusé déforma mon visage tandis que je voyais le Fantome, piqué au vif, réagir en étant acerbe. Trop simple.. Beaucoup trop. Non, ce n'était pas qu'une simple pique. Il avait mal pris la chose, et ce pour des raisons... Non, la spéculation ici ne mènerait à rien.
Mais au moins, en le faisant se mettre sur la défensive, il avait craché des infos précieuses. Et nous en savions à présent un peu plus sur l'objet de notre potentiel achat. Suffisamment pour faire monter les enchères. De deux mains, je montrais mes 10 doigts à Jagon, puis fis un geste l'air de dire « et on continue », tandis que je restais les yeux braqués sur le résultat de notre surveillance de l'Astroport.. Rien. Rien sinon des mouvements de caméra étranges.. Mais j'allais pas prendre le risque d'appeler notre homme sur place pour lui dire d'arrêter ses conneries..

// Fantôme, vous finissez enfin par savoir vendre. Et là, la marchandise intéresse. Ne montez pas sur vos grands chevaux, nous savons vous et moi que ça ne sert à rien. Vous n'impressionnerez personne, et nous ne tenons pas à vous vexer : cette vente nous intéresse.
Bref, nous sommes prêts à monter à 10 million, mais pas seulement. //

Pause dramatique, feinte de réflexion.. Bref, mise en scène calculée pour ne pas le rendre impatient, mais le tenir en haleine. C'était aussi le temps de bien prendre la mesure de ce qu'était Flydon Maxima.. Une ressource brute, un joyaux encore encastré dans sa pierre... Des investissement colossaux pour raffiner cette ressource et exploiter son potentiel.. Un potentiel réellement vendeur, le Fantôme n'exagérait pas.. Mais il y avait beaucoup de « Et si »... Et si on choisissait la guerre ? Et si on négociait ailleurs ? Et si la Station était rebootée ? Autant de soucis, plus d'autre trop complexes pour que j'y pense sur l'instant, qui pouvaient réduire cet achat à une perte colossale. Une assurance..

// Flydon Maxima comporte une zone de hasard énorme, des « et si » entachant un rendement régulier pouvant effectivement être colossale. Mais la politique est ce qu'elle est : soumise aux lubies de tel ou tel dirigeant. Voilà pourquoi j’entende rajouter à une somme directe un intérêt aux bénéfices tel que... //

Je fis un geste de la main alors qu'une première alarme perturbait le vaisseau. Il était capital que Jagon garde la conversation.. Je me jetais dans la cabine de pilotage, m'affalant sur le fauteuil que je tournais tant bien que mal, maudissant cette jambe avalée par un dragon arkanien, et les Arkaniens.

// Tel que si jamais Flydon Maxima reste au centre des intérêts politiques et/ou stratégique, bref, si Flydon Maxima est en position de rapporter, elle NOUS rapportera. A hauteur de 5 million par an sur deux ans. Et il va de soit que nous effectuerons toutes les maintenances nécessaires pour être sur que la station nous appartient entièrement et que nous avons pas acheté pour un usufruit dépendant d'un droit de regard de votre part.. //

La pègre était un milieu assez étrange... On pouvait être les pires fumiers au monde, on avait une réputation à tenir si on voulait être en vie. Lorsqu'on fait affaire avec des criminels, il faut être capable de montrer qu'on est fiable. Sinon, on finit avec une réputation pleine de tâche, et il est impossible de faire affaire à grande échelle. On finit par devoir copiner avec des raclures de la pire espèce, et on termine égorgé dans une impasse. L'Astre vivant de sa réputation autant que le Fantôme.. Si on doutait des informations et de la fiabilité de ses infos, on ruinait son fond de commerce. Nous avions tout deux interêt à ce que ces affaires se passent bien.


Raisons pour laquelle j'avais pressé comme un taré sur les déflecteur de notre transport en voyant le merdier qui caractérisait le spatioport. Immédiatement, j'avais cessé le traçage du Fantôme, et j'avais tâché de... Non. Surtout, pas bouger. Il fallait éviter la collision, et donc ne pas aller dans la circulation chaotique qui trônait au dessus de nos têtes.
Ca et là, des débris enflammés tombaient et ricochaient sans dommages sur notre bouclier, tandis que Jagon, avec une formidable capacité d'abstraction, avait continué à négocier. Je bidouillais, de mon coté, pour amortir les choc, presque rien ne devait troubler la communication.. Au final, le plus flagrant aura été l'hésitation de Jagon.. Puis quelques petite fritures. Du négligeable, en théorie... Mais pas dans une conversation Fantôme/Astre.
En voyant le cargo qui contenait le signal repéré s'éloigner, je serrais les dents. Je n'aimais pas l'idée d'avoir été enflé.. Ni les méthodes du Fantôme.

Mais il fallait remettre les choses à sa place.. Dans ce bordel, je n'étais pas plus localisable que lui.. Et s'il acceptait mon offre plus que généreuse, alors j'allais peut-être avoir une prise sur lui.. 10 millions de crédits que j'allais devoir lui transmettre, c'était autant de pistes nouvelles. Oh, l'Astre ne se cachait pas.. En fouillant bien, il pouvait trouver des bouts de tentacules, même remonter un peu.. Mais le gros du monstre, terré dans une montagne de Naboo.. Ca, il ne le trouverait pas.
Il avait gagné cette bataille, mais la guerre, je l'avais à mon avantage. Du moins le pensais-je.

Comme un affront que Jagon avait lu sur mon visage, la chef de l'Astre avait pris une pose particulièrement provocante, relevant avec une ironie amusée :

// Que dites-vous ?  //

« Putain de merde ! » lâcha le Hutt, dans un langage châtié qu'il n'usait que rarement. Habituellement, il jurait dans sa langue maternelle... Cette fois, c'était sorti tout seul... « Une collision ?! » Répéta-t-il pour la troisième fois, alors qu'ils ne pouvait plus quitter de ses yeux exorbités, les bulletins d'informations spéciales retransmis sur son écran holographique géant. « C'est Blackout qui a fait ça ?! » demanda-t-il, question rhétorique puisqu'il connaissait parfaitement la réponse... Il pesta de nouveau. Il n'avait pas prévu autant de dommages collatéraux... 6T1, lui, ne comprit pas cette subtilité linguistique, aussi, répondit-il avec sérieux :

« Oui Monsieur, la probabilité est de 99,87% pour que Blackout soit responsable de ce dysfonctionnement. La surtension a créée un faux signal sortant que les transpondeurs des vaisseaux ont interprété comme une autorisation de décollage sur un vecteur de... »

« Épargne moi les détails... » le coupa le Hutt, grimaçant. Les pertes humaines ne le dérangeaient pas outre mesure, même s'il s'évertuait à respecter une sorte de code de moralité sous les traits de Fantôme... Non, ce qui le dérangeait vraiment, c'était les conséquences à court et moyen terme. Une enquête officielle serait ouverte par les autorités Bakurienne... Blackout risquait d'être découvert et mis hors circuit avant même qu'il n'en ait eu une réelle utilité ! Des années de développement pour ça ? Il y avait de quoi être dégoutté ! Sa réputation également risquait d'en prendre un coup... Si l'Astre s'amusait à faire courir la rumeur que Fantôme sacrifiait aussi facilement des vies pour couvrir ses arrières... Il soupira. C'était toujours mieux que d'être découvert, non ?

Dépité, il reporta tout son attention sur la communication holographique en cours. D'une oreille distraite il avait écouté son interlocutrice. Seuls les chiffres avaient su véritablement retenir son attention. L'image, elle, ne semblait pas avoir bougé. S'était-il trompé en s'imaginant l'Astre bleuté dissimulé dans le spatioport ? Peut-être, peut-être pas. De toute manière, cela n'avait plus d'importance.

Le vieux cargo qui avait servi d’appât filait à toute allure vers les locaux déserts de sa société écran, Logi-bak, située prêt du pôle nord, dans une région quasi-inhabitée. Une planque qui lui permettait de faire transiter quantité de matériel informatique en toute discrétion. D'ailleurs, la transmission holographique passait à présent par un autre relais de secours, enterré sous ces entrepôts.

// Vous vous êtes enfin décidé à parler sérieusement // répondit Ragda, sous les traits de Fantôme, au leader cagoulé de l'Astre bleuté. // Vous avez donc besoin de garanties... Ce qui est tout à fait compréhensible. Plutôt que de tenter de vous rassurer par les mots, laissez-moi vous faire une contre-proposition allant dans ce sens... // D'un coté, un inconnu lui proposait quinze millions pour l'acquisition de Flydon Maxima... De l'autre L'Astre bleuté l'aguichait avec cette offre plus conséquente mais étalée sur le temps. Poireauter deux ans de plus pour doubler la mise ? Une idée intéressante, même s'il préférait disposer du cash sans délais... Surtout que l'Astre lui-même pouvait s'amuser à saboter sa présence sur Flydon Maxima pour s'épargner de lui verser les derniers millions de crédits... Mais, en même temps, s'il s'évertuait à demander une somme élevée, sans contrepartie, l'Astre ne risquait-il pas de se poser de réelles questions rentabilité de la station à plus long terme ? Au moindre pépin, ils n'hésiteraient alors pas à le faire passer pour un arnaqueur... Et la réputation dans le milieu valait tous les crédits... Aussi, Ragda jugea plus opportun de couper la poire en deux :

// J'en veux treize millions dès aujourd'hui, puis trois à la fin de la première année. Seize millions donc. Seulement un million de plus que votre présente proposition pour la même période. Avec les élections qui approchent, l'inévitable renégociation du traité d'Artorias qui nécessitera des mois et des mois de débats houleux... Croyez-vous sincèrement que Flydon Maxima perdra de son intérêt de ci-tôt ? Le risque est très faible.

A la fin de la seconde année, deux millions de plus. Un total de dix-huit millions. Si vous perdez la station à cette période, vous serez alors gagnant...

Mais, ce n'est pas tout. Pour vous prouver à quel point je suis convaincu de son intérêt, je suis prêt à m'engager sur deux années supplémentaires. Deux millions de plus à la fin de la troisième année, portant le total de vingt millions. Je vous offre donc une année supplémentaire pour me verser la même somme... Mais en contrepartie, j'exige cinq nouveau millions à la fin de la quatrième année afin de conclure définitivement notre deal. //

Fantôme n'avait jamais été réputé pour sa simplicité, bien au contraire. Cette contre-proposition apportait des garanties supplémentaires à l'Astre bleuté, mais elle leur coûterait plus cher au final...

// J'ajouterai également une condition : si la perte de contrôle de Flydon Maxima est une conséquence fâcheuse de votre propre gestion, je vous réclamerais l'intégralité de la somme.. Je vous offre un bijou, à vous d'en faire bon usage.

Affaire conclue ? //

Une part du Hutt espérait une réponse affirmative, histoire de tourner rapidement cette page, et de passer à autre chose. Pour le moment l'Astre ne semblait pas s'être lancé à la poursuite de son cargo. Mais d'un autre côté... Si Aria insistait pour le démasquer, peut-être refait-elle un faux-pas qui lui permettrait d'en apprendre plus sur elle et son organisation ? Le jeu en valait presque la chandelle... Autant il ne maitrisait que peu de paramètre dans le spatioport de la capitale planétaire... Autant, il serait chez lui, dans les entrepot de Logi-Bak... Une donne très différente.

« Fait préparer mon speeder ! » lança Ragda à son droïde. « Si jamais l'Astre fait signe de se diriger vers le pôle nord, nous les suivrons... »

« 6T1 ! As-tu repéré un véhicule suspect qui suivrait notre cargo ? » demanda Ragda, ne quittant plus des yeux l'hologramme d'Aria qui lui répondait.

« Négatif monsieur. Rien sur les vidéos d'holosurveillance du trafic terrestre, rien non plus sur les satellites qui suivent le trafic aérien et spatial... »

Avaient-ils lâché l'affaire ? S'étaient-ils contenté de venir sur Bakura dans le seul but de lui lancer un avertissement ? Ou bien peut-être pour faire pression sur les négociations en le déconcentrant ? Quelque fut la vérité, il n'y avait qu'une chose à dire : quelle belle bande d'enfoirés. Ragda se fit une promesse : celle de les traquer et les débusquer, pour se venger. L'Astre bleuté cultivait le mensonge et la discrétion. Le visage de leur leader, et même ceux de leurs membres n'étaient connues du grand public... Autant d'infos que leurs concurrents achèteraient sans hésiter des centaines de milliers de crédits.

// Ravi que nous puissions nous entendre pour faire affaire. Marché conclu donc. En ce qui concerne votre clause suspensives...

Elle est bien entendu légitime. Voyez-vous, je ne suis qu'un humble trafiquant de données. Je n'ai ni le temps ni la volonté d'espionner une station spatiale dans son ensemble pour en découvrir les moindres secrets. Ils sont totalement à vous. Fantôme n'a qu'une seule parole. La confiance, c'est mon fond de commerce. Et puis... Je compte sur vous :

Si d'aventure vous obteniez une information que vous désiriez faire fructifier... N'hésitez pas à me recontacter, je vous trouverais un acheteur en moins d'une demi journée standard. Je prends dix pourcent de commission. Pour revenir à ce qui nous concerne dans l'instant :

J'attends votre versement avant la fin de journée. Je viens de vous envoyer les coordonnées d'un compte en banque situé sur Nar Shaddaa. Dès que j'aurais confirmation du virement, je vous remettrait les maitre-codes de sécurité. Ils vous seront remis en mains propres par mon Flydon Floyd, sur Flydon Maxima. Faites en sorte d'y envoyer l'un de vos hommes de confiance pour les réceptionner.

Comme j'ai pu vous le rappeler, la confiance est mon fond de commerce. Une fois l'argent versé, vous aurez les pleins pouvoirs sur Flydon Maxima, vous n'avez pas à en douter.

Fantôme terminé. //

Ragda lâcha un soupire phénoménal... Son cerveau, toujours en ébullition, manquait de se liquéfier pour lui sortir par les trous de nez. Son cœur battait à lui rompre les côtes. Putain que c'était bon ! Se dit-il, surexcité ! Treize millions tout de suite... Une excellente vente ! Parfait ! L'Astre voulait vraiment Flydon Maxima... Que préparaient-ils ? Il y réfléchirait plus tard... Les enfoirés d'être venus ainsi sur Bakura, sur son territoire... Ils allaient payer !

« 6T1 ! » cria-t-il en se redressant d'un coup. « Je veux que tu fouilles les registres du spatioport. Retrouve toutes les immatriculations des vaisseaux qui ont... disons atterrit depuis une semaine. Tu filtreras pour ne garder que ceux qui seront reparti de Bakura dans maximum une semaine... »

« Ca représente des centaines de vaisseaux monsieur ! »

« Oui, je ratisse large... Nous serons pratiquement sûr de les avoir dans la liste. Tu vérifieras ensuite les registres. Je veux savoir d'ou ils viennent, où ils repartent. Je veux aussi que tu récupères leurs trajectoires de saut pris par les satellites de surveillances du trafic spatial. Ils pourraient déclarer aller quelque part mais sauter ailleurs... Ca fera quantité de données, mais je trierai tout cela plus tard, à tête reposée... Ah oui ! Renseigne toi aussi, au cas où l'une des immatriculation serait déclarée volée sur son monde d'origine, ca serait vraiment trop gros... Mais on ne sait jamais... »

Le Hutt se redressa complètement puis actionna son chariot. Rapidement il glissa jusqu'au turbo-lift... Direction : son bureau. Il lui fallait un bon remontant pour éliminer toute cette adrénaline qui lui brûlait encore les veines.