Travis Torn
Travis Torn
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"...je me suis toujours demandé comment un Jedi pouvait comprendre la détresse d’autrui s'il devait s'abstraire de la plupart de ses émotions négatives.", claironna la voix de Stavi entre le bruissement des feuillus namana et le chant des Geejaw.

"..."

Dans la tranquillité apaisante du parc, deux silhouettes feutrées se déplaçaient fugacement, admirant le couché de soleil d'Onderon qui disparaissait peu à peu sous les reliefs chatoyants de la cité d'Iziz, dans le lointain. La première était un jeune hapien élancé au visage androgyne. Ses yeux avaient la couleur bistre de l'écorce wroshyr et ses fines mèches solaires étaient tirées en arrière, dégageant une tresse de padawan plus longue qu'à l'accoutumé, qui lui coulait presque jusqu'aux reins, sous l’épaule droite. Son regard était vif et son expression, avenante, presque débonnaire. L'autre jurait totalement avec l'impression soyeuse qui se dégageait de son compagnon. Ses vêtements, phraséologiques et purement Jedi, avaient la couleur de la nuit. Il n'y avait aucune fioriture ni aucune fantaisie dans son accoutrement. Grand et ténébreux, il se déplaçait avec la grâce des Gardiens, et son regard, d'un bleu éblouissant, reflétait un subtil mélange de plénitude arctique et d'acier protocolaire. Il était beau avec ses traits délicats et sa chevelure aux mèches rétives, d'un noir d'obsidienne, mais il y avait quelque chose de déroutant dans son attitude crépusculaire. Un détail innommable...
...dur et farouche...
...doux et serein.
Contradictoire.
Impénétrable.

Dans un silence presque religieux, Travis Torn se profilait à travers les allées boisées, les bras croisés sous sa bure de padawan, calquant son pas sur la démarche de Stavi, son ami.
Les deux garçons avaient assisté à une séance d'étude sur les préceptes Jedi, dans l'après-midi...et certains détails restaient encore à décortiquer.
Stavi avait été le premier à contredire les aspects inflexibles des dogmes du temple sur la coercition des Jedi à s'amputer d'une partie de leurs émotions. Et leur promptitude un peu trop forte à vouloir préserver la pureté de leur intégrité.


"Pas étonnant si la plupart des badauds trouvent tellement matière à nous stigmatiser...franchement Travis, en quoi serions-nous différents d'une bande de droïds armés de sabre laser si nous n'acceptions pas pleinement notre nature et nos émotions ? Jetant aux orties tout ce qui fait de nous des êtres sensibles au profit d'une droiture presque...presque mécanique. Comment pouvons-nous espérer aider les autres si nous ne sommes pas à même de commettre, nous aussi, des erreurs par colère...par souffrance...par passion ? Comment sommes-nous supposé comprendre leurs peines si on ne s'est jamais permis de les expérimenter nous-même ? Cela me dépasse...", il soupira. "...j'ai l'impression que les Grands Maîtres ont parfois un peu trop tendance à lever les sourcilles à la moindre petite manifestation du Côté Obscure."

"Et qui te dit qu'il ne nous est pas permis, justement, de faire des erreurs ?", s'éleva doucement la voix de basse de Travis Torn.

"Qu'est-ce que tu veux dire ?"

"Aussi rigoureux et inflexibles qu'ils soient, je pense que les préceptes Jedi ne sont qu'une base sur laquelle un padawan va fonder sa propre vision des choses. Si tu regardes bien, sous le voile des apparences, chaque Chevalier, chaque Maître, adopte des raisonnements très divergents. Certains suivront le code à la lettre, d'autres se permettront d'aimer, tandis que d'autres encore, seront moins indulgents dans leur manière d'aborder les choses. Pour moi, un Jedi ne refoule pas ses émotions, il les contrôle. Il trouve le juste milieu pour les empêcher de prendre le pas sur sa raison. C'est ce qui nous distingue des Sith, passionnés et sans limites. Ce qui nous sépare des Jedi Gris, plus arbitraires. Mais ça...", un pâle sourire vint radoucir les lignes graves de son fin minois. "...ce n'est qu'un avis parmi tant d'autres."

"Il y a dès fois où je me demande si tu n'aurais pas mieux fait de manier le verbe plutôt que le sabre laser.", rétorqua Stavi en lui décochant une œillade éloquente. "...tu n'as jamais envisager une carrière de Consulaire mon vieux ?"

"Pour dépérir entre quatre murs, au milieu d'une bande de déclamateurs vieillissants et radotants ?"

"Ça t'assurerait pourtant un avenir confortable, prend exemple sur Halussius."

"Je préfère l'action...et j'aime me tenir loin de la politique. À mes yeux l'idée d'asseoir un Jedi sur les hauteurs du 500 Republica était très...audacieuse. Nous sommes censés suivre les courants de la Force, pas la tendance actuelle. Ce choix pourrait bien se retourner contre nous un beau jour, et peut être inspirer les Sith à suivre un exemple similaire."

"Tu n'es pas sérieux...il pleuvera sur Tatooine le jour ou un Sith occupera les suites de la Chancellerie."

"Qui sait...", murmura Travis, ses iris océaniques se perdant au loin, sur le soleil mourant. "...seul l'avenir nous le dira."

Et tandis qu'il prononçait ces mots, une image, un flash, se superposa au paysage d'Onderon dans son esprit ; un petit humanoïde vert, virevoltant dans le chaos d'une gigantesque salle circulaire, sabre d'émeraude à la main, affrontant une ombre qui obscurcirait le soleil lui-même.
Elle portait une lame écarlate.

Le jeune homme chassa la pensée de son esprit.
Il lui arrivait encore d'effleurer inconsciemment les courants de la Force quand il gambergeait, et sa conscience lui jouait parfois des tours.
Enfin c'était sans importance...


"Je pense que tu débordes d'imagination...", rétorqua son ami hapien en levant les yeux vers le temple...et accessoirement la cantina qui ne tarderait pas à être bondé. "...et je pense également qu'on aurait intérêt à se dépêcher si on veut encore trouver une place pour manger à l'aise. Tu viens ?"

"Dans un instant.", lui répondit Travis. "...j'aimerais profiter de la fraîcheur du parc. J'ai passé un peu trop de temps sur Kashyyyk, Onderon m'a beaucoup manqué. Je te rejoindrais après le couché de soleil."

"C'est comme tu le sens...", murmura Stavi en s'éloignant. "...enfin ne tarde pas trop."

Et après un dernier clin d'oeil, il s'éloigna, laissant Travis seul avec ses pensées...
...ou presque.
À peine eu t'il fait quelque pas qu'une autre présence s'imposa à lui dans la Force. Intense et lumineuse, comme une fenêtre ouverte sur une prairie ensoleillée.
Et elle était puissante.
Très puissante...

Instinctivement, le jeune homme jeta un coup d'oeil par-dessus son épaule.
À l'ombre d'un arbre namana se trouvait un banc, à moitié dissimulé sous le couvert des branches. Et sur le banc, il y avait une silhouette paisible et solitaire qui semblait, elle aussi, profiter du crépuscule éphémère de la planète.
De toute évidence quelqu'un d’autre avait assisté à leur aparté. Mais Travis et Stavi avaient été trop distrais pour s'en rendre compte.
Saï Don
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Le vent s'était levé sur le parc du Temple, et l'après-midi touchait à sa fin. Depuis la Chambre du Conseil, le vieillard aux cheveux d'un blanc presque translucide observait de ses yeux bleus perçant les cimes des arbres de la jungle se plier lentement aux forces de la Nature. Les holos de ses confrères s'étaient tous éteints, chacun retournant vaquer à ses occupation. Quant à ceux qui étaient physiquement présents, ils se saluèrent avant de se disperser. Maître Waray prit le temps d'approcher lentement dans le dos du vieillard.

- J'ai parlé à Soltice, murmura-t-elle sobrement.

Enigmatique, le silence se poursuivit quelques secondes. Le vieux Maître était toujours interloqué par ce qui s'était produit lors de son retour, probablement Maître Waray pouvait-elle le ressentir, conclut-il. Il la laissa poursuivre sans grand espoir.

- Elle a affirmé avoir uniquement formulé des hypothèses tout à fait plausibles. Sur le point du professionnalisme, on ne peut pas lui enlever cela.

Maître Don soupira, détachant à regret ses yeux du spectacle donné par la flore ondéronienne. Il se tourna vers sa consoeur. Il était rare qu'il voie en elle cette compassion. Les épreuves d'Artorias, assurément, avaient ouvert de nouvelles portes, de nouvelles possibilités.

- Je la crois tout à fait, finit-il par répondre d'une voix sans émotion. Solstice est une libre penseuse, et elle a eu raison de formuler ses craintes. Peut-être auriez-vous eu raison de l'écouter. Ne serait-ce que par pure conscience professionnelle.
- Oh, ne croyez pas qu'elle a été la seule à avoir cette idée, Maître Don. Je vous ai eu à l'oeil bien avant...

Maître Waray eut un sourire malicieux, mais le vieillard savait qu'il y avait un fond de vérité. Il lui rendit sa mimique complice avec un petit rire. Leurs visages étaient baignées de la lumière du soir et le vieux Maître décida qu'il était entre de bonnes mains, perturbé par les agissements des Sith ou non. Il avait besoin de se vider la tête, d'oublier quelques instants son identité, ses responsabilités. Le temps de reprendre pied dans cette vie tempêtueuse dans laquelle il jetait d'ailleurs son fragile padawan.


***

Il y avait un endroit où Maître Don avait toujours trouvé le repos. La sérénité lui était toujours rendu au pied de cet arbre gigantesque. Enfant, adolescent, chevalier... Tous les étapes de sa vie avaient été marqué par cet instant de recueillement, à cet endroit précis. Dans la joie avec Kaïen, puis dans la douleur sans lui. Plus âgé, c'était devenu un foyer pour l'esprit, les branches de l'arbre le protégeant du monde et les feuilles bruissant apaisant ses sens.
Un jour, quelqu'un avait fait mettre un banc à cet endroit précis. Peut-être avait-on jugé que le vieil homme pouvait mériter un peu plus de confort. Peut-être est-ce que cela n'avait rien à voir avec lui. Au début, à cause de ce banc, il s'était senti moins invisible, mais ses genoux étaient moins douloureux. Et il fallait avouer que cela lui donnait un meilleure poste d'observation sur ce qui se passait dans le vaste parc.

- ... au milieu d'une bande de déclamateurs vieillissants et radotants ?


Ah, la jeunesse, songea-t-il avec un sourire. Lui non plus, à l'âge de ces jeunes gens, il n'aurait jamais envisagé un avenir tel que celui-ci. Ce serait pourtant faire preuve de sagesse que de s'y résigner, se morigéna-t-il avant de changer de nouveau d'avis : il était utile là où la Force l'emmenait, et il lui faisait confiance pour cela.

Les padawans étaient âgés, et auraient pu être confondus avec des Chevaliers. Seules leurs tresses et le vague empressement immature de l'un rappelaient leur rang. De là où il était, le vieil homme ne pouvait voir que des silhouettes, et ce ne fut que lorsqu'ils se séparèrent qu'il parvint à identifier l'un d'eux. Celui qui était vêtu de sombre, cette allure et ce regard... Le padawan jeta un coup d'oeil par-dessus son épaule, dans sa direction. Le vieux Maître resta immobile en rencontrant son regard.

Travis Torn. Oui, voilà son nom. Il s'en souvenait parfaitement en raison de l'histoire tortueuse du jeune homme. La dernière fois qu'il l'avait vu, c'était lors de la cérémonie funéraire conduite en l'honneur de Maître Ighelm. Le Zabrak émérite avait perdu la vie sur Telos quelques temps auparavant. La peine que Maître Don avait ressenti à cette époque, celle d'avoir perdu un confrère de nouveau, n'était rien en comparaison à ce qu'avait dû ressentir le jeune homme. Il avait été affecté dans un camp agricole à sa demande et ici, les évènements s'étaient si vite enchaînés que le vieil homme, comme le reste du Conseil, n'avaient plus eu le temps de s'intéresser à son cas. Mais ainsi donc, il était de retour.

Le vieillard resta silencieux comme le jeune homme. Sa mine était sombre - ou bien était-ce simplement la lumière qui déclinait qui lui donnait cette impression ? - mais son aura dans la Force n'était pas agitée. L'adolescence des Jedi n'étaient pas toujours facile, songeait Maître Don, surtout lorsque leur professeur choisissait ce moment pour trouver la mort. Travis, qui plus était, avait assisté à la fin de son Maître. Les séquelles étaient inévitables, et le Conseil avait d'ailleurs formulé une crainte à son égard. Celle de voir le padawan sombrer dans le côté obscur, en raison de la douleur.

Finalement, le vieillard se décida à faire un signe au padawan. Il se contenta d'un bref sourire bienveillant et d'un signe de la main pour lui dire d'approcher.
Le parc s'était vidé de la vie - l'heure du dîner - et des cris des padawans joueurs. Seuls le bruissement des herbes accompagna le déplacement du padawan, dont les yeux bleus du vieux Maître ne manquait pas un mouvement.

- Je dois te souhaiter un bon retour parmi nous, je me trompe ?
dit-il lorsque le padawan fut à sa portée.

Il était grand, campé sur deux jambes fortes, songea le vieillard avant de se rendre compte à quel point cette valeur n'avait pas eu de sens pendant sa propre jeunesse.

Maître Don leva de nouveau son regard vers le visage fin du padawan, comme si les traits du jeune homme recelaient d'indices que lui seul saurait lire.
Travis Torn
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Le smalt bleuté de ses iris resta un instant figé sur la silhouette paisible du Maître Jedi, et, sans hâte ni rudesse, Travis Torn s'ouvrit à la Force ; comme une fleur de ladhia s'épanouissant sous les timides rayons d'un soleil matinal. Il éprouva la présence du vieil homme, effleurant doucement les volutes insondables qui en émanaient, prenant lentement conscience du caractère irréductible de cette présence impartiale qui vibrait à travers le flux bariolé d'Onderon comme une immense gemme d'agrocite. Sa signature ressemblait beaucoup à celle de Luke Kayan, mais avec plus de fractures, nota Travis...conséquences d'une existence tout entière à endurer les eurythmie de la Force sans jamais vraiment y succomber. Car sous l'apparente fragilité du patriarche vibraient les échos d'un grand chant ; inaltéré, impérissable et opiniâtre.
Une euphonie façonnée par les mains cauteleuses d'un géant dans la Force.

*Un géant fatigué.*, murmura cette même Force dans l'esprit inflexible de Travis Torn, tandis que les crevasses, les poches sous les yeux, et les taches de vieillesse lui apparaissaient plus nettement à son approche. Pourtant, si le visage était âgé, le regard, lui, ne l'était pas.
Il brillait comme du zircon sur la nacre poudreuse de ses cornées ; vif, rusé, et attentif au moindre détail, reflétant subtilement la grande contradiction qu'était cet homme.
Et à travers les reflets miroitants qui ondoyaient sur l'océan infini de ce regard, le jeune homme ne décela aucun point de rupture. Du moins pas concrètement...
À plus de quatre-vingts ans, le vieil homme était simplement devenu un virtuose dans l'art de masquer ses failles.

...et accessoirement les combler ?


"Votre intuition voit juste, Maître Don."

Énonça la voix profonde de Travis en réponse à la question du Grand Maître.
Le padawan s'inclina avec déférence devant la silhouette immobile puis s'installa à ses côtés, sur le banc en bois de gimer. Il ne semblait ni troublé ni incombé par la présence du doyen, seulement intrigué.


"Je suppose qu'on ne doit pas vous voir tous les jours ici-bas.", murmura t'il, ses yeux pales et abyssaux rivés sur le soleil mourant, loin derrière la superstructure crénelée de dômes et de pics d'Iziz, la mégalopole. "Non que la perspective d'admirer un crépuscule ne soit pas pour me déplaire à moi aussi."

Il sourit faiblement, plus par politesse que par circonstance, comme en attesta la dureté métallique de son regard, mais il fallait dire qu'il connaissait peu Maître Don. En revanche il se souvenait clairement de leur première rencontre, le jour où il était entré pour la première fois dans la chambre du Conseil, à l'aube de ses neuf ans. Il s'était tenu au milieu d'un cercle de Maître Jedi réunis pour décider de son destin. Il se rappelait également comment le regard bleu de Saï Don avait vu, au fond de son coeur, le ver froid de la terreur qui le dévorait, malgré tous ses efforts pour le nier ; sa terrible peur de ne plus jamais revoir sa mère, les souvenirs des colères d'Anson, le visage écoeurant de Dredan, penché au-dessus du sien la nuit, la souffrance dans les bas-fonds de Nar Shaddaa...
...des esquilles à même de le conduire sur les sentiers du Côté Obscure, car ses aînés avaient d'abord été réfractaires à sa formation.
Pourtant, Travis avait su dompter cette obscurité avec le temps ; l'acceptant comme une part de lui-même en tant qu'homme, la dominant et l'entravant en tant que Jedi.
Aujourd'hui il se contentait d'acquiescer aux morasses tumultueuses que la Force dressait sur son chemin...
...en parti.

Certains détails restant hélas indélébiles.

Le silence s'installa entre les deux hommes, mais aucune tension n'en dépeignit, au contraire, le calme et l'ataraxie qui en résultait couvaient comme du velours dans les effluves de la Force, et Travis se surpris à savourer ce moment de quiétude qui éclairci, un court instant, la part de pénombre semi présente dans son aura.

C'était étrange...
Saï Don
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La présence dans la Force du jeune Travis faisait penser à un délicat équilibre. Il était difficile de dire si cette stabilité était ou non fragile, mais elle était pour le moins authentique et révélatrice de la maîtrise de soi que possédait le padawan. Lorsqu’il fut plus près du vieillard, ce dernier put discerner plus précisément les iris bleus du jeune homme – qui ne semblaient pas ciller. Pourtant, s’adresser à un membre du Conseil générait parfois un stress visible chez les jeunes recrues, même si Maître Don n’était guère l’un des plus agressifs ou des plus impressionnants. Avec l’âge, il semblait même avoir perdu quelques centimètres, s’exprimer moins fort et moins souvent. Il était néanmoins difficile de savoir si c’était une faiblesse ou le simple fait qu’il n’avait plus besoin de hausser la voix pour être écouté et entendu comme un aîné.

La voix du padawan était tout aussi équilibrée, nota le vieillard. Elle n’exprimait ni crainte, ni excès de curiosité. Travis se comportait déjà comme un Chevalier. A première vue, son épisode en camp agricole lui avait été bénéfique… Mais il ne fallait guère se fier aux apparences. Ce n’était pas à un vieux momong que l’on apprenait à faire la grimace.

- C’est exact. Je m’étais pourtant toujours imaginé passer mes vieux jours à contempler ce spectacle. C’est donc qu’il me reste encore quelque rôle à jouer dans cette galaxie, déclara-t-il avec un sourire énigmatique.

A l’âge de Travis, le jeune Saï ne s’imaginait même pas atteindre ce grand âge. Il aurait imaginé avoir rejoint la Force au cours d’une mission plus dangereuse que les autres. Et puis, lorsqu’il avait rejoint le Conseil, il avait caressé le doux rêve de passer ici ses vieux jours, à distribuer ses souvenirs et son expérience comme le dernier don dont il serait capable.

Mais la Force n’en avait pas décidé ainsi. Elle s’était éveillée, et les Sith avec elle avaient secoué une République fébrile que les Jedi étaient en devoir de soutenir. Adieu la retraite paisible dont il avait rêvé.

Le soleil achevait sa course lentement, le croissant de lumière disparaissant au-delà des cimes de la jungle d’Ondéron. Des senteurs s’élevaient des herbes fraîches autour d’eux, enveloppant les deux hommes d’une nature protectrice. Au loin, quelques padawans retardataires fuyaient les derniers rayons de clarté, emportant avec eux des cris enthousiastes. Qu’elle était loin, sa propre vie d’enfant… C’était une bien triste histoire que celle de Travis fut aussi brusquement brisée. Mais il ne semblait pas en être effondré.

Maître Don reprit la parole sans quitter des yeux l'horizon flamboyant.

- Quelque chose en particulier t'a décidé à revenir, Travis ? Ou bien te sentais-tu tout simplement prêt ?

Il fallait l'admettre, il était rare de voir revenir d'anciennes recrues ayant laissé leur formation de côté. Tout se passait comme si après avoir décroché, les Jedi ne connaissaient plus le chemin du retour. Certains d'entre eux, néanmoins, revenaient naturellement, comme poussés par une conviction intérieure, tandis que d'autres réapparaissaient parce qu'ils ne savaient tout simplement pas où pouvait conduire leur vie... si ce n'était à ce Temple au milieu de la jungle.
Du point de vue du vieil homme, toutefois, le retour de plusieurs Jedi de tous âges était une bénédiction en ces temps troublés : ils avaient besoin de toutes leurs forces pour résister au jeu pernicieux des Sith, et le Maître ne doutait pas que la Force lui envoyait plus ou moins des renforts... Ou des pièges ? L'Ordre avait aussi connu des périodes où il avait recruté en masse pour faire face à une menace particulière, et le résultat en avait été des jeunes gens mal formés, fragiles ou aux intentions douteuses.

Etrangement, il ne ressentait pas au sujet de Travis ce genre de possibilité. Pas ce soir, du moins. Mais il était curieux de savoir ce qui avait poussé le jeune homme à revenir vers eux, malgré la position délicate de l'Ordre.

- Sais-tu que tu seras très vite mis à contribution ? J'ai bien peur que tu n'aies que peu de temps à te réhabituer à ces lieux, tout comme moi. Aussi apaisante qu'en est cette planète moussue, le repos n'est plus vraiment à l'ordre du jour. Te sens-tu prêt à reprendre si vite du service ?


Cette fois, la courbe du soleil avait tout à fait disparue derrière les cimes de la jungle, et l'obscurité reprenait ses droits autour du Temple. Dxun apparaissait, énorme dans un ciel orange, comme si elle avait souhaité écraser de son envergure les petits êtres insignifiants qu'ils étaient.

Maître Don ferma les yeux quelques instants. Le vent jouait dans les herbes hautes autour d'eux, sifflait doucement dans les branches au-dessus de leur tête, les invitant à communier avec la nature. Travis ne savait pas à quel point ce repos était pour le vieil homme exceptionnel ; le lendemain déjà, il serait amené à quitter les yeux. Encore. Mais avait-il le choix, alors que le Sénat était si fébrile ? Il fallait préparer le lendemain de Luke, celui de Travis, celui de tous jeunes nouveaux venus qu'il avait rencontré aujourd'hui dans la Chambre du Conseil. Si possible, préparer un lendemain d'accalmie... Il aurait besoin d'aide, toutefois. Et de chance, beaucoup de chance.
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