Ragda Rejliidic
Ragda Rejliidic
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Le Tyrena Plaza Resort, aussi surnommée la Dune de Diamant.

Cet immense complexe hôtelier, l'un des trois plus luxueux de Corellia, devait ce surnom à ses formes arrondies, presque sensuelles, tout droit sorties de l'esprit débridé d'un architecte fantaisiste. Alors que ce bâtiment aurait pu se fondre dans le paysage sauvage des Plages d'Or, parmi les changeants massifs sableux, le directeur des lieux adopta une autre approche : celle du tape à l’œil. Entièrement recouvert d'un revêtement réfléchissant aux teintes aussi pures que celles d'un diamant, l'édifice brillait de mille feux. Autant dire qu'il était impossible de le rater, même à plusieurs kilomètres.

Et pourtant, bien peu de badauds s'en approchaient véritablement. Des hectares de terrains, aménagés en jardins paradisiaques ceinturaient l'établissement. Ils foisonnaient de fleurs et d'essences végétales aussi plaisantes à l’œil qu'à l'odorat. Parmi la tranquille pénombre des arbres s'étendaient des piscines extérieures, aux formes diverses, tantôt chauffées, tantôt frémissantes de douces bulles. Aux limites du domaine, un haut mur de pierres protégeait les lieux des intrusions et des regards indiscrets.

De toute manière, il suffisait de regarder les tarifs pratiqués pour perdre l'envie de s'en approcher. Pour le commun des mortels, chaque nuit passée dans l'une des suites luxueuses équivalait à plusieurs mois d'un salaire durement gagné.

Et c'était justement pour toutes ces raisons que Ragda Rejliidic avait jeté son dévolu sur le Tyrena Plaza Resort. Un palace renommé, lieu de villégiature de riches industriels, politiciens, hommes d'affaires... Autant dire que les employés mettaient un point d'honneur à satisfaire cette clientèle exigeante... Exigences parmi lesquels figurait le plus strict respect de l'intimité.

Dans la suite numéro cent quarante sept « la rose des sables », au premier étage, une petit brise fraîche et revigorante caressait les larges joues verdâtres du Hutt depuis son entrée, quelques minutes plus tôt. Malgré lui, un sourire naquit sur sa bouche dépourvue de lèvre. Il adorait cet établissement, à chaque séjour, il ressentait cette même euphorie, cette même sensation de plénitude, comme si le poids de ses tracas s'évaporait de ses épaules. Il resta là quelques instants, au milieu de la chambre, le regard dans le vide, l'esprit en paix, avant de glisser lentement vers l'immense baie vitrée. Le service d'étage l'avait laissée entre-ouverte afin d'aérer les lieux. Ragda la referma, espérant conserver la relative fraîcheur de la matinée à l'intérieur des murs tandis que la température extérieure commençait déjà à monter. En cette saison, il arrivait fréquemment que le mercure atteigne des niveaux difficilement supportable pour un être couvert à quatre vingt pour cent de gras et de graisse.

Toutefois, la fermeture de la porte coulissante sonna comme un glas dans l'esprit de la limasse. Le claquement des ferrures lui rappelèrent soudainement les raisons de sa présence en ces lieux. Il était ici pour affaire, certes des affaires « personnelles »... Mais non pour le loisir et la détente. De nouveau conscient des enjeux qui allaient se tramer dans les minutes à venir, Ragda quitta le panorama offert par sa suite orientée sur l'océan. Il se dirigea avec bien plus de vivacité vers ses effets, entreposés dans un placard mural savamment intégré au décors baroques de la pièce. Malgré le professionnalisme du service de chambres, le Hutt vérifia qu'aucune de ses valises et mallettes n'avaient été ouvertes. Satisfait, il s'empara d'une boite métallique, rectangulaire. Il s'agissait d'un petit coffre fort portatif, blindé, et théoriquement inviolable grâce à l'association d'un métal à la température de fusion extrêmement élevé, et d'une serrure électronique dernière génération. Cette dernière ne se déverrouillait qu'après la lecture de ses empruntes digitales, et l'analyse chimique du mucus sécrété par la paume de sa main.

A l'intérieur, Ragda récupéra son plus précieux datapad : celui qui contenait toutes les données sensibles dont il avait besoin pour mener à bien la réunion qui allait bientôt commencer. Ainsi équipé, le Hutt quitta la chambre de cinquante mètres carrés, pour rejoindre le salon attenant, deux fois plus spacieux. Là, il s'installa confortablement dans l'un des grands canapés aux drapés de soies rouge et violet, prêt de la cheminée ornementale aux dimensions démesurées.

D'une pression du doigt, il activa la tablette, puis commença, en guise d’apéritif intellectuel, à passer en revue les dernières informations qu'il avait pu glaner sur la Corporation Symbiosys, et son représentant officiel : Noval Ortyss.

Concernant la société en elle même, rien ne sortait vraiment de l'ordinaire. Numéro deux dans le secteur de la biomécanique et de l’ingénieure génétique, Symbiosys, Corporation Arkanienne, luttait aux coudes à coudes avec sa principale concurrente, Adascorp, afin de grappiller le maximum de part de ce juteux marché à forte valeur ajoutée. Malgré la quantité d'informations et de chiffres qu'il avait pu trouver, Ragda ne s'attarda pas sur ceux-ci. Il ne doutait pas que son représentant se ferait un plaisir de lui résumer tout cela, de vive voix. Non, ce qui l'interpellait le plus, c'était la pauvreté des informations qu'il avait pu trouver sur ce dernier. A part son nom : Noval Ortyss, et le fait qu'il occupait ce poste depuis un an, Ragda n'avait rien. D'abord surpris, il avait passé des heures, à approfondir ses recherches, en vain. Puis un détail, qui n'en était finalement pas un, lui sauta aux yeux, éclairant cette carence d'informations sous un nouvel angle. Noval Ortyss n'était autre que le fils du directeur général de Symbiosys : Narral Ortyss. Cette simple constatation suffisait à expliquer bien des choses... Notamment comment un parfait inconnu avait su se glisser à un poste aussi important. Tout se résumait au mot « piston », voilà tout.

Mais que fallait-il en conclure ? Ce Noval était il un homme compétent ? Où bien était-il un « fils à papa » catapulté à un poste qui le dépassait totalement ? Ragda allait bientôt le savoir.

Cette réunion n'était qu'un premier contact, suite au mail qu'il avait envoyé aux responsables de la communication extérieure de Symbiosys. Tout en y repensant, Ragda pianota sur l'écran de son datapad, jusqu'à retrouver ce fameux message :

//
Temps Standard Galactique (TSG) : 14h29
Expéditeur : Sénateur Ragda Rejliidic
Destinataires en copie : Aucun


Object : Rendez-vous pour prise de contact

Madame, Monsieur,

Travaillant actuellement à la concrétisation d'un ambitieux projet personnel, je souhaiterais convenir d'un rendez-vous avec un représentant de votre société, afin d'étudier les possibilités d'un financement de ce projet.

Je serais la semaine prochaine sur Corellia, au Tyrena Plaza Resort, où il sera tout à fait possible de convenir d'un lieu de rencontre.

N'hésitez pas à consulter mes références. Vous comprendrez rapidement que je dispose des liquidités nécessaires à la réalisation d'un tel partenariat.

En l'absence de réponse de votre part dans les deux jours, je me tournerai vers l'un de vos concurrents.
Veuillez, Madame, Monsieur, agréer l'expression de mes salutations distinguées.

Sénateur Rejliidic.
//

Précis, concis et direct, comme à son habitude. La réponse ne s'était pas fait attendre longtemps, avec une date, une heure... Et surtout le nom du fameux représentant « pistonné »... Ragda regarda l'heure sur son datapad : 11h47. Il devait retrouver M. Ortyss à midi, au restaurant du Tyrena Plaza. Il avait réservé une table en terrasse. Lier l'utile à l'agréable, le plaisir au travail n'était pas de ses habitudes... Mais pour une fois... Et puis, ce n'était qu'une première prise de contact, l'heure n'était pas encore aux négociations commerciales... Encore fallait-il que Symbiosys fasse l'affaire. Et pour cela, il fallait que son représentant sache le convaincre.

L'esprit déjà focalisé sur les propos qu'il allait devoir tenir – ou taire – Ragda quitta sa chambre, non sans avoir pris le temps d'enfiler un poncho aux couleurs dorées, parfaitement en accord avec son humeur de la journée.

Quelques minutes plus tard, légèrement en avance, il se présenta à la réception du restaurant, où un aimable serveur Mirialan le conduisit jusqu'à sa table. Et comme ce genre d'établissement de luxe ne laissait jamais rien au hasard, l'une des chaises avait été troquée contre une large banquette, parfaitement adaptée à la morphologie d'un Hutt.

Ragda s'y installa. Puis il se laissa aller à ses pensées, tout en sirotant l'apéritif sans alcool offert par la maison...
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Depuis les pépins médicaux qui lui coûtèrent un séjour prolongé au centre médical d’Iziz, cela faisait quelques mois que le père de Noval s’était complètement remis sur pied, sans mauvais jeu de mot. Suite à son rapatriement d’Ondéron jusqu’à Arkania, et dès que son état de santé avait été stabilisé, les chirurgiens étaient parvenu, ô miracle, à le convaincre que la greffe d’une prothèse de la jambe serait la solution la plus adéquate à ses récentes complications de santé. L’opération se déroula sans le moindre accroc, mais le fait d’avoir retrouvé une pleine autonomie de mouvement ne changea en rien le caractère froid, distant et entêté de Narral. Loin de là, même. Tenant serrée les rennes de la Corporation Symbiosys, l’ainé des Ortyss donnait l’impression de vouloir tenir ferme la barre, avec Noval à ses côtés… Mais nullement à sa place. On aurait dit qu’un souffle nouveau animait ses faits et gestes, ses intempestives sautes d’humeur aussi, en bref, qu’une vigueur de jouvenceau coulait dans ses veines de cinquantenaire, si bien que son fils se demanda s’il n’avait pas commis une erreur de le laisser en vie. Plus d’une fois, lorsqu’il était à son chevet, l’envie brûlante de lui comprimer lentement le cœur l’avait effleuré, en ayant pris soin de débrancher les appareillages de contrôle, cela va de soi. Plongé dans le coma, il ne serait même pas senti partir. Peut-on imaginer mort plus douce que celle-là ? Mais non, quelque chose avait retenu sa main de porter la délicate sentence. Rien qui ne fut de l’ordre du pathos : Noval ne ressentait aucune forme d’affliction particulière en le voyant alité, inconscient, bardés de tubes et de capteurs des pieds à la tête. Quoi alors ? Le fait qu’il ignorait si l’héritage familial tomberait dans son escarcelle suite au décès du seul membre fondateur encore en vie ? En effet, ce doute rentrait bien en ligne de compte : il était hors de question de voir l’empire Symbiosys tomber en ruines sous la houlette d’actionnaires obnubilés par le taux de rentabilité de leurs capitaux. Pourtant, ce prétexte à lui seul n’expliquait pas non plus pourquoi le seigneur Sith s’était montré si précautionneux vis-à-vis de son père. Il n’y avait plus qu’à admettre l’inexpliqué : l’étrange et obsédante intuition qu’il ne devait pas mourir ainsi, que sa fin se jouerait ailleurs, en d’autres temps. Maintenant qu’il s’en souvient, Araya s’était fait la remarque qu’il lui faudrait prendre le temps de méditer sur ces espèces de pressentiments qu’il lui arrive de ressentir, histoire de savoir s’ils sont liés à la Force d’une quelconque manière, ou alors un pur effet de son imagination…

La scène était presque récurrente, ces derniers jours. Ortyss, père et fils, face à face, de part et d’autre d’un bureau impeccablement ordonné et d’une proportion démesurée, ne pipaient mot, croisant leurs regards préoccupés. Ils venaient d’assister à un conseil d’administration, aussi soporifique qu’ennuyeux, si ce n’est que le responsable du budget, en toute discrétion, leur avait fait passer une note concernant le récent transfert de capitaux opéré le mois précédent. Sans rien laisser transparaitre, Narral s’était simplement contenté de glisser ledit rapport sous une pile de dossiers, faisant bien comprendre à l’intéressé que ce sujet ne serait pas à l’ordre du jour. Si Narral décida de passer sous silence cette affaire, c’est parce qu’il savait que les fonds propres de la Symbiosys suffiraient à couvrir la fluctuation de capitaux à destination de la souveraine d’Ondéron. Certes, il faudrait un tant soit peu maquiller la réalité. Opportuniste, Noval avait sauté sur l’occasion pour proposer que cette perte sèche soit répercutée sur les comptes liés aux investissements, histoire de noyer le poisson, en laissant penser, quand le moment serait venu, que ces dépenses seraient des plus rentables à court terme. Après tout, les équipements et le personnel nécessaires à des futures prospections minières sont fort coûteux, comme chacun sait. Après les installations déployées sur Ambria, celles sur Nam Chorios suivraient dans peu de temps, développant la colonie de l’Empire Sith comme il se doit. La menace hégémonique de la Guilde Minière sur l’économie arkanienne suffirait à faire passer la pilule vis-à-vis des directeurs des services financiers, quitte à les en persuader par des moyens détournés, plus obscurs. Grace à la ratification, chèrement acquise, de la commission d’enquête sénatoriale par la Reine Emalia, les Ortyss avaient fait un pas important pour parvenir à leur fin : contrecarrer les ambitions de la Guilde, et partant, celles d’Adascorp, visant à asseoir définitivement sa supériorité en matière de recherche scientifique et de réussite financière.

Sirotant un verre de brandy Luranien, le silence s'interrompit lorsque l’intercom intégré au bureau bipa soudainement, faisant basculer Narral de son fauteuil afin de presser une touche.


« Monsieur, je tiens à vous informer que nous venons de recevoir un message urgent de la part du Sénateur Rejliidic, je pense que vous devriez le consulter sur le champ. »

« Très bien. Toujours aucune nouvelle, j’imagine ? »

« Aucune, pour le moment. »

La curiosité piquée à vif, Noval se contenta d’observer son père, l’air intrigué, manipulant le datapad à la coque chromé qu’il venait d’allumer. Il en était sûr, l’auteur du message ne figurait pas sur la liste des sénateurs contactés en vue d’une rencontre diplomatique, et qui n’avaient pas encore daignés leur répondre. Rejliidic Rejliidic… Ce nom ne lui était pas étranger, il l’avait déjà entendu ou vu mentionné quelque part, sans pouvoir se rappeler où et quand précisément. C’est là qu’il surprit Narral affiché une expression d’étonnement qu’il ne lui connaissait pas, restant sans voix un moment, les yeux rivés sur l’écran de lumière scintillante, avant de faire glisser le bloc de données vers son fils. L’envoi était plutôt concis, presque expéditif dans la forme, preuve que l’expéditeur souhaitait une réponse toute aussi directe et rapide. Ragda Rejliidic, Sénateur de Bakura, sollicitait une entrevue officielle afin de discuter d’un projet qui lui tenait à cœur. Un flash cisailla l’esprit de Noval. Il venait de se rappeler que ce sénateur n’occupait pas seulement des fonctions de représentant politique, mais qu’il avait récemment été nommé en charge du ministère de l’économie ! L’aubaine était trop belle pour la laisser filer ! S’ils parvenaient à trouver un terrain d’entente avec ce Rejliidic, tous les espoirs seraient permis concernant la résolution du hiatus avec la Guilde Minière et Adascorp. La voix grave de Narral le ramena d’emblée à la réalité :

« Avant que tu ne te précipites sur Corellia, je te conseille de te renseigner sur cet individu. Je me fais sans doute des idées, mais qu’une si belle occasion de régler tous nos problèmes se présente d’elle-même n’est peut-être pas une coïncidence… Reste sur tes gardes, le peu que je sais du personnage ne m’a pas tellement inspiré, c’est bien pour ça que son nom ne fait pas partie de la liste. »

« Vous avez raison, mais je veux croire que c’est l’opportunité que nous attendions pour mettre un terme à toute cette histoire. On ne peut pas laisser passer cette chance. Je vais tâcher de me renseigner à son sujet, histoire de mieux cerner le bonhomme. »

« Ne te donne pas cette peine, tu trouveras toutes ces informations dans ce datapad, qui ne sort pas d’ici d’ailleurs… Je te ressers ? » répondit-il avant d’avaler une gorgée de … en vidant son verre d’une traite. « Inutile de te préciser que je compte sur toi pour me tenir au courant de la situation. »

« Cela va de soi. » répliqua Noval en se rasseyant, tendant son verre qu’il reposa dès que celui-ci fut à moitié rempli, avant de consulter les données compilées au sujet de l’homme… Rectification, du Hutt qu’il allait rencontrer. Son ascension avait été des plus fulgurante dans le milieu de la politique, à en croire les holo-articles rédigés à son endroit, même si certains journaleux se demandaient si toute la lumière avait été faite concernant ses agissements durant les élections sur Bakura. Quoi qu’il en soit, il dispose de moyens conséquents, tant financiers que relationnels. Apprécié par nombre de ses homologues, il semble être l’un des sénateurs en vogue du moment, et l’un des proches conseillers du Chancelier Arnor. De toute évidence, l’entrevue serait placée sous le sceau de la confidentialité, sinon pourquoi choisir un tel lieu de rendez-vous, loin de l’agitation et des messes basses de la Rotonde… Afin de minimiser son séjour sur Corellia, Noval décida de retarder son voyage jusqu’au dernier moment, et de faire soigneusement le tour des documents relatifs à la situation personnelle de ce Ragda Rejliidic.

48 HEURES APRES

« Bienvenue au Tyrena Plaza Resort, à votre service, comment puis-vous aider ? » Tout sourire, une Twi’leck aux formes sculpturales venait de s’adresser au visiteur dont le teint cadavérique tranchait avec la peau délicatement rosée de l’employée.

« J'en suis sûr... Je vous serai gré de bien vouloir m’indiquer la direction du restaurant. » répliqua sèchement le visiteur, glissant quelques crédits dans la paume de l’hôtesse d’accueil.

« Le restaurant, bien sûr, premier niveau, sur votre droite, vous ne pouvez pas le rater ! Y a-t-il autre chose que je puisse faire pour vous... ou avec vous ? » susurra la créature au décolleté vertigineux, sur un ton qui ne prêta à aucune confusion.

L’Arkanien ne prit pas la peine de répondre, ni de remercier l’hôtesse autrement qu’en la saluant d’un léger mouvement de tête, s’éloignant pour rejoindre l’escalier, franchissant les portiques de sécurité sans même ralentir le pas. Gravissant les marches recouvertes d’épaisses tentures brodées de motifs dorés, Noval en profita pour réajuster le col et l’emmanchure de son costume, avant d’arriver devant l’entrée du restaurant, où le même protocole qu’auparavant se répéta... Le charme en moins. Le Mirialan chargé de la réception l’enjoint à le suivre, et l’accompagna jusqu’à une table où, prélassé sur une méridienne parfaitement adaptée à sa morphologie si atypique, Ragda Rejliidic l’attendait, un cocktail à la main, l’air parfaitement décontracté. Attendant que le garçon s’éloigne d’eux, Noval fit mine de sourire à son invité en s’installant face à lui :

« Monsieur Rejliidic, c’est un plaisir de faire votre connaissance. Noval Ortyss, bras-droit du directeur de la Corporation Symbiosys. Etant donné que je suis pile à l’heure, je suppose que je n’aie pas mis votre patience trop à contribution, du moins je l’espère. Je vois que vous et moi avons un goût certain pour le raffinement et le luxe, cet endroit est des plus fastueux. » dit-il en sortant de l’intérieur de sa veste un petit boitier noir (l'objet, aisément reconnaissable, est un émetteur d'interférences, capable de brouiller les signaux de tout appareil d'enregistrement dans un rayon de vingt mètres) qu’il posa bien en évidence sur le table. « Simple précaution d’usage, n’y voyez rien de personnel, sénateur, je me suis laissé dire que les oreilles indiscrètes ne seraient pas les bienvenues. Qu’est-ce que vous buvez ? » demanda-t-il, la mine faussement détendue, en reluquant, avec un air presque interloqué dans le regard, l'étrange composition multicolore de la coupe que le Hutt tenait en main.
Ragda Rejliidic
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« Monsieur Ortyss, tout le plaisir est pour moi ! Soyez rassuré, je...

La voix de Ragda mourut l'espace d'une seconde, alors qu'il observait de ses deux yeux ronds, le boitier noir que son interlocuteur révélait.

Un brouilleur !

... viens moi-même tout juste d'arriver... Ma patience est donc sauve. »

Intérieurement, Ragda tempêta... Il fit mine d'approcher sa main de l'objet de toutes ses attentions :

« Je ne crois pas que vous ayez besoin de... »

Puis il se ravisa. Protester contre une telle pratique ne pourrait que le faire paraître suspect. Car, bien évidemment, ce Noval Ortyss ne pouvait pas savoir qu'il disposait d'un dictaphone dissimulé dans sa main prothèse, elle même pratiquement invisible sous cette peau factice. Tout comme il n'avait pu deviner qu'au moment même où Ragda l'avait aperçu du coin de l’œil, il lui avait suffit d'une pression du pouce sur sa paume pour l'activer. Hmm... Situation embarrassante à vrai dire. Le Hutt enregistrait toutes ses conversations, absolument toutes... Une simple mesure de sécurité qui s'était mué en une habitude tenace.

Mais ici, et surtout maintenant : que risquait-il ? Il s’agissait seulement d'une première prise de contact... Ils allaient probablement se jauger l'un l'autre, pour n'en rester qu'aux mondanités, alors, une nouvelle fois, que risquait-il ? Ni sa vie, ni de perdre des informations vitales à revendre plus tard... Donc autant jouer le jeu.

« ... cette précaution. Mais, sachez que j'apprécie votre intention. Elle prouve que vous êtes un homme prudent, et donc potentiellement digne de confiance.

Je suis ravi que ce lieu vous plaise. Ce n'est pas la première fois que je viens au Tyrena Plaza, et à chaque fois j'en suis reparti comblé de satisfaction. Cet établissement est comme... une drogue... Lorsque vous y gouttez, vous finissez toujours par y revenir. »


Du coin de l'oeil, Ragda repéra le serveur s'approcher de la table, un plateau à la main. Il posa ensuite son regard sur le verre à demi vide :

« Une sorte de cocktail de bienvenue. C'est nouveau...

Savez vous ce que j'ai eu le plus de mal à comprendre chez les humains ? L'attraction qu'ils portent aux fruits... Ils en mettent partout ! Dans la nourriture, dans les boissons... Et même dans l'alcool ! J'ai pourtant peine à imaginer ce qui a poussé le premier être humain à croquer dans une pomme... Une proie, ça court, c'est vivant, on sait que ça se mange... Mais une pomme, c'est inerte et c'est trop coloré pour être honnête ! »


Tout en parlant, il porta son cocktail aux couleurs affriolantes juste devant ses yeux.

« Et croyez moi... Ce n'est pas parce que c'est gratuit que c'est meilleur. C'est bien pour cela que je vous ai évité cette peine. »

A l'exact instant où le Hutt referma sa large bouche, le serveur accosta la table :

« Vos deux Whisky Corelliens messieurs, cuvée Whyren, grande réserve, quarante ans d'age »

Tandis que le Mirialan annonçait la commande, Ragda allongea le bras pour déverser le contenu de sa coupe dans une plante verte, juste à coté de la table. Puis il la posa sur le plateau.

« Votre cocktail est dégueulasse, merci d'en prendre note... »

Mais comme le serveur ne déguerpissait pas, il enchaîna, sur un ton encore plus sec :

« Allez, oust ! Nous commanderons plus tard, nous avons à parler entre gens importants ! » Puis en tournant la tête vers Noval :

« C'est pas croyable ! Tout se perds ! Je suis désolé pour le service déplorable... A croire qu'une mouche les a piqué aujourd'hui !

Bon, revenons au sujet de notre présence ici. Déjà, je veux écarter tout quiproquo, tout amalgame. Si je vous ai contacté, c'est pour des raisons personnelles. Je suis ici en simple citoyen, et non vêtu de mes habits de Sénateur, ou de Ministre. Tout ce que je pourrais dire, ne concerne que moi. Sommes nous clair ?

Très bien. J'ai de l'argent, j'ai un projet. Vous avez un savoir faire, j'en ai besoin. Mais avant toute chose, ôtez moi d'un doute. Comment dois-je prendre votre promptitude à me répondre ? Parce que, vu de l'extérieur, cela ressemblerait presque à du désespoir, comme si vous sautiez sur le premier client venu depuis longtemps... Je vais investir des sommes colossales dans ce projet, j'ai besoin d'un allié fort et digne de confiance... Pas d'une société qui est au bord du gouffre.

Alors, que répondez-vous ? Ai-je eu raison de vous contacter ?»


Ragda croisa ses petits bras sur sa grosse bedaine, plongeant son regard dans celui de Noval. Une approche franche et directe, comme il en usait et en abusait. C'était toujours intéressant de voir comment les gens réagissaient dans ces moments. Le stress, la surprise, l'inquiétude, autant de clés qui déverrouillaient les masques derrière lesquels on cachait ses véritables émotions...
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Sûrement à cause de la myriade d’idées versatiles qui fusaient et s’entrechoquaient sous sa calotte crânienne en ébullition, Araya délaissa sciemment l’une d’elles, la jugeant sans grand intérêt : il n’avait jamais eu l’occasion de croiser le chemin d’un représentant Hutt de toute sa vie, jusqu’à maintenant. Preuve était faite que savoir n’est pas voir, et réciproquement. Car dès qu’il se retrouva en tête à tête avec le dénommé Ragda Rejliidic, le gigantisme de cette espèce, ses caractéristiques physiques si particulières rehaussées par l’apparat exubérant de ce spécimen le laissèrent médusé de stupeur, sans compter la morphologie de son visage qui autorisait, en dépit de ses proportions démesurées, un vaste panel d’expressions, chose toute aussi surprenante, à bien y regarder. Bien sûr, le Proche-Humain fit en sorte de ne rien laisser transpirer de cette attitude pantoise, aussi soudaine qu’inconfortable, les traits invariablement figés, habitué à rester stoïque en toute circonstance, pour ne pas dire indifférent vis-à-vis de ce mastodonte charismatique avec qui il semblait partager les attraits du luxe et du raffinement. Voilà pourquoi l’Arkanien fit mine de ne pas prêter attention au soupçon de stupeur de son interlocuteur, traduit par le resserrement de ses paupières conférant à son regard un côté hypnotique, lorsqu’il déposa l’objet à leurs côtés. Un simple coup d’œil lui avait suffi pour reconnaitre de quoi il s’agissait, en dépit du fait que ce genre de dispositif soit très commun, surtout chez les négociateurs et les hommes d’affaires de tout bord. Fort heureusement, Ragda ne s’en offusqua pas, saluant la précaution prise par son invité comme un gage de sérieux. Et comme pour détourner son attention vers la seule chose susceptible de rivaliser avec l’exotisme de ce personnage, à savoir le contenu de la coupe qu’il finissait de porter à ses lèvres inexistantes, Noval n’avait rien trouvé d’autre que de lui demander la nature exacte du liquide ingurgité. Information dont il se moquait éperdument d’ailleurs, allant de pair avec le dédain affiché par le Hutt pour ladite boisson.

Bien décidé à ne pas perdre une miette de ces remarques, l’Arkanien prit une pause détendue, ne souhaitant pas paraitre trop formel face à la truculence des réflexions que Ragda fit sur tel et tel sujet, et auxquelles l’auditeur ne trouvait rien à répondre de but en blanc, se contentant de quelques sourires en coin en guise d’acquiescement, se surprenant même à apprécier ses manières, son franc-parler, sa façon cavalière de traiter les gens de haut à la moindre opportunité, même s’il ne s’agissait que d’un serveur docile et complaisant. Succédant au cocktail tant décrié, deux verres de whisky corellien trônaient à présent sur la table, et Noval d’espérer qu’ils serviront à porter un toast à la future entente conclue entre eux deux, et dont les relations en viendraient, un jour peut-être, à déborder du cadre strictement professionnel. Pour le moment, il s’agissait de trouver les mots justes face aux propos tenus par le Hutt, et qui ne manquaient pas d’un certain piquant. A vrai dire, l’Arkanien s’était retenu de ricaner en pensant au Hutt ainsi vêtu se promenant dans les hautes sphères du Sénat, taquinant ses homologues tel un touriste de passage qui raconterait ses dernières vacances passées à se faire dorer la pilule à coup de cocktails, finissant invariablement de la même façon, au grand damne des serveurs exaspérés. Si bien qu'à la première question que Ragda lui posa, Noval se contenta d'opiner du chef pour éviter d'avoir à ouvrir la bouche. Ce qu'il ne tarda pas de faire, peu après :


«
Comme vous y allez, monsieur Rejliidic ! La promptitude de ma venue n’a rien à voir avec la situation passablement complexe que connait Symbiosys actuellement. Rien qui ne pourra être réglé en temps et en heure, d’ailleurs… » lança-t-il froidement, approchant le verre de son visage pour humer le parfum du breuvage ambré, avant de le reposer. « Je ne vous apprends rien en vous disant que la politique et l’économie sont si étroitement liées qu’il faut avoir une vision d’ensemble pour régler les problèmes s’y attenant. Et vous n’êtes pas non plus sans savoir que la concurrence est rude dans le domaine du génie biomédical, surtout entre les firmes dominantes. Rien à voir avec le business des casinos, si vous voyez où je veux en venir... Alors quand une proposition aussi alléchante et intrigante que la vôtre tombe sur nos écrans, nous faisons en sorte de l’écouter, préférant ne rien laisser au hasard, au risque de voir nos rivaux aux dents longues se frotter les mains devant une telle aubaine... Rien à voir avec de la précipitation, juste de la prévoyance… J’imagine que le sujet que vous allez aborder est si sensible qu’il ne pouvait être évoqué que de vive voix, je me trompe ? » ajouta Noval avant d’avaler une gorgée de whisky cul sec, soutenant sans vergogne le petit air de suffisance affiché par Ragda Rejliidic, tâtant le terrain dans le but de savoir jusqu'à quel point il pouvait repousser Noval dans ses retranchements.
Ragda Rejliidic
Ragda Rejliidic
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Le liquide ambré, aux arôme de vieux bois, glissa dans la gorge du Hutt, par petites gorgées. A vrai dire, il n'affectionnait pas particulièrement celui-ci, mais son prix, exorbitant, méritait que l'on s'y intéresse. Il s'agissait, soi-disant, du meilleur breuvage de cette planète, mais Ragda devait avouer que ses papilles gustatives ne permettaient pas d'en apprécier son goût à sa juste valeur. Tant pis.

Toutefois, même si son goût s'en trouvait altéré, son effet lui restait entier. Ragda senti la chaleur de l'alcool s'approprier son estomac, puis rapidement le reste de son système digestif... Ah, que cette sensation était agréable, douce et revigorante à la fois... Presque autant que celle provoquée par ses régulières injections de stimulants, presque seulement.

Malgré cela, le Hutt resta parfaitement concentré, écoutant attentivement chaque parole, décortiquant chaque phrase, analysant chaque sous-entendu. Il dandinait du chef, de gauche à droite, feignant de s’intéresser au contenu de la réponse. En réalité il jugeait plus la forme que le fond. Après le doute, vint la satisfaction. Même si cet homme n'était autre que le fils du directeur général de Symbiosys, il n'en semblait pas moins compétent. Sa mesquine attaque ne l'avait pas touché outre mesure, et sa réponse dénotait un cinglant sens de la répartie... Le Hutt appréciait cela, car, en affaire, il préférait parler d'égal à égal.

Il fallait l'avouer, Noval disposait d'une intuition étonnante . Peut-être malgré lui, il venait de taper dans le mille.

« Je ne peux qu'acquiescer, les affaires industrielles, et celles des loisirs n'ont que peu de valeurs en commun. Les unes cherchent à créer le besoin, tandis que les autres tentent de assouvir... Mais il n'empêche que nous poursuivons la même quête : celle du profit... Sinon, nous nous serions tourné vers l'humanitaire, n'est-ce pas ? »

Il ricana. Puis hésita un instant. Devait-il entrer dans le vif du sujet ? Habituellement il détestait tourner autour du pot... Mais il n'avait d'autre choix de que tester ton interlocuteur, s'il voulait être certain de frapper à la bonne porte. Après tout, son projet personnel n'avait rien... d'habituel, ni même de véritablement légal.

« Il est amusant que vous parliez de mon casino. Savez-vous qu'il suffit de disposer d'une seule qualité pour réussir dans ce milieu ? Celle de percer les mystères de l'esprit... Car pour qu'un tel établissement puisse survive, il faut savoir le capter, le capturer, et le rendre... dépendant au jeu. Bon nombre de personnes se croient au dessus des mécaniques primitifs qui nous gouvernent pourtant tous... Un stimuli, un réflexe... Il suffit d'agiter le bon appât pour attirer le genre de client que l'on souhaite. Et en cela j'excelle, comme semble le prouve, justement, votre promptitude à me répondre. Comme vous vous en doutez, si je vous ai contacté, c'est parce que je me suis déjà bien renseigné sur vos activités, sur vos chiffres. Sinon, je n'aurais pas gaspillé mon précieux temps de « loisir ».

Et vous, M. Ortyss, chez Symbiosys, que savez-vous finalement de l'esprit humain ? Ne travaillez-vous pas exclusivement sur des cellules cultivées dans des boites de pétri, ou bien avec des solutions en pipettes ? Sur quelques animaux peut-être... Mais l'humain... Ne s'agit-il pas d'une vaste inconnue pour les scientifiques de votre espèce ? »

Enfin il se tut, laissant naître un sourire amusé sur son large faciès disgracieux. De la provocation oui... Mais une saine provocation. Après tout, il ne faisait que répondre aux attaques. Noval ne venait-il pas de lui conseiller de s'occuper de ce qu'il maîtrisait vraiment ? Et de laisser ses insinuations sur Symbiosys aux personnes compétentes ?

Bien qu'il attendait avec une impatience de plus en plus difficile à dissimuler, la suite de cette petite joute verbale, le Hutt fit un signe de la main, demandant à son interlocuteur de ne pas répondre immédiatement. Au lieu de cela, il leva les deux bras puis claqua de ses paumes, pour attirer l'attention du pauvre serveur Mirialan qui n'osait plus approcher de la table. Puis le Hutt continua, cette fois sur un ton beaucoup plus amical :

« Mais je manque à tous mes devoirs. Après tout, c'est moi qui vous invite... J'ai certainement du bousculer votre emploi du temps, alors laissez moi me faire pardonner en vous offrant ce repas. Puisse cette nourriture partagée être les prémices d'une relation fructueuse... »

Le serveur apporta deux cartes des menus.

« Je ne saurais que trop vous conseiller les fruits de mers et les poissons. Ces derniers sont péchés au large des Plages d'Or, impossible de faire plus frais ! N'est-ce pas ? » Lança t'il en posant sur le Mirialan un regard assassin. Ce dernier répondit, hésitant :

«Heu... Oui Monsieur ! »

Puis il s'esquiva rapidement.

« Mais avant de commander, répondez donc à ma question... Alors, l'esprit humain ? »

Une nouvelle fois, un sourire amusé illuminait les traits hideux de la montagne de graisse. L'appel du serveur, les conseils culinaires, tout cela n'avait été qu'un subterfuge pour laisser à Noval le temps de ruminer la question... Car cette réponse, celle-ci, était réellement la plus importante, celle qui scellerait la suite de leur relation...
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Déjà, l’homme d’affaires et son convive partaient d’un bon pied : le premier, Ragda Rejliidic, ne s’était pas offusqué une seule seconde quant aux propos tenus par le second, Noval Ortyss, dont la teneur avait par moments frisé l’outrecuidance, laquelle était entièrement volontaire et pleinement assumée, comme toujours chez lui. Il ne faisait aucun doute que le retour de bâton de cet orateur avisé allait être cinglant, compte tenu de son aisance à trouver spontanément les mots juste pour formuler d’amères réparties à retourner à l’envoyeur, empreintes d’un humour noir dénotant un sens aiguisé des réalités. Tranchant avec l’image consensuelle du sénateur à la conversation plate et pompeuse, nul besoin d’être fin psychologue pour s’apercevoir que le Hutt appréciait l’opulence et le confort de sa condition nantie, déployant sûrement les efforts nécessaires pour accroitre la somme des privilèges dus à la stature de son assise sociale. Avec un peu d’imagination, Noval devinait qu’un tel personnage devait faire des curieux au sein des sphères cotonneuses du gouvernement galactique, sans compter les jaloux et le convoiteurs à l’affût de la moindre faille à exploiter, par-delà cette épaisse cuirasse de chair aux formes disproportionnées. Et si la première question posée par ce charmant trublion n’appelait pas vraiment de réponse, l’Arkanien salua l’effet de pure allégation rhétorique en y répondant par un sourire timide, laissant ses yeux trainer de-ci de-là sur des détails complètement anodins, comme la taille maladroite et inégale des plantes aux couleurs exubérantes, formant des parterres assez rehaussés pour créer une barrière naturelle entres les tables disposées le long de la terrasse du restaurant, qu’une lumière baignait de ses rayons tièdes.

Ce n’est que par la suite que Ragda Rejliidic rendit la monnaie de sa pièce en termes de remarques désobligeantes à souhait. Et il savait y faire, le bougre ! Comme il venait de prononcer un étrange laïus sur les opportunités et les avantages offerts par la connaissance des mécanismes de régulation de l’esprit, en un mot, leurs marchandisations, le voilà qu’il prit à parti son invité, de manière pour le moins arbitraire. Et d’une, il commença par insinuer que la présence de Noval en ces lieux ne résultait que d’une réaction hautement prédictible compte tenu de l’attrait alléchant suscité par sa proposition et vers laquelle il s’était goulument précipité. Cause et effet, offre et demande, l’expression d’un simple réflexe conditionné issu d’un cobaye, pour le dire autrement. Et de deux, voilà que cette grande… bouche poursuivit en alléguant à demi-mots que les chercheurs de la Symbiosys ne valaient pas mieux qu’une bande de scientifiques d’arrière-gardes, ne tentant et n'étudiant rien d’innovant hormis faire joujou à coup d’éprouvettes destinées à des expériences sans envergure, confinées dans l’enceinte stérile de laboratoires désuets. Charmant…

Comme pour éteindre le feu par le feu, Noval siffla le reste du whisky contenu dans son verre, qu’il reposa tout aussi sobrement, la gosier en feu, prêt à cracher de torrents de flammes, au propre comme au figuré. Alors qu’il passait la main dans la poche intérieure de son costume sur mesure de chez Stark&Sons afin d’en retirer un petit étui en cuir, il vit le geste de son interlocuteur l’incitant à patienter, tandis qu’il retirait un cigare de la pochette avant de l’allumer, crapotant à l’envie pour adoucir son palais dudit breuvage aux vertus incendiaires, pour passer le temps aussi. Jamais il ne se lasserait d’observer les volutes chaotiques de fumée tourbillonner face à lui, s’évaporant aussi vite qu’elles étaient apparues.


« Et un cendrier, je vous prie. » ajouta-t-il à l’adresse du serveur avant qu’il ne s’éclipse, la tête basse et la mine renfermée de ceux qui manquent d’assurance, et qui se laisse troubler pour un rien. * Sans doute qu’il n’est pas du métier... * pensa-t-il, scrutant à nouveau le regard amusé du Hutt qui venait de vanter les mérites gastronomiques de l’établissement en matière de fruits de mer. Tout un programme de festivités gustatives, à n’en pas douter. Mais pour l’heure, les deux individus en étaient aux hors d’œuvre, et comme pour se mettre en appétit, Radga l’incita à prendre la parole afin d'expliciter ses vues concernant un concept dès plus déroutant d’imprécision : l’esprit.


«
Un sujet aussi vaste qu’il est fascinant, vous en conviendrez… » prononça-t-il posément tout en croisant les bras, tandis que l’employé glissa subrepticement une soucoupe nacrée een forme de coquillage sur la table, et repartit aussitôt à ses occupations. « Si je ne m’abuse, les recherches les plus récentes en matière de chimie du cerveau traitaient des différents processus mémoriels et de leur évolution dans le temps, autrement plus complexes que l’observation et l’interaction des stimuli que vous avez mentionné et qui ont été identifiés, étudiés et synthétisés depuis belle lurette… Des neurotoxines aux neurostimulants en tout genre, je suis désolé de vous décevoir monsieur Rejliidic, mais tout cela n’est guère novateur. » lâcha-t-il d’un ton monocorde, un mouvement de sourcils des plus hautains ponctuant son constat. « Mais ôtez-moi d’un doute, Quand vous parlez de l’esprit, vous entendiez cette notion en un sens purement technique, c’est bien ça ? Car si c’est pour parler philosophie ou encore métaphysique, je crains qu’il ne vous faille vous adresser à quelqu’un d’autre ! Autant consulter un psychologue ou un psychiatre, voire même un Jedi, pourquoi pas, histoire de débattre de la nature exacte des affects véhiculés par la psyché humaine ?! » badina-t-il avec un sourire en coin, reluquant l’immense vivarium tapissant l’un des murs du restaurant. « En revanche, si votre propos concerne un nouvel angle d’étude des réactions chimiques du cerveau humain, là oui, vous avez frappé à la bonne porte ! » lança-t-il, avant de jeter un œil distrait au menu des spécialités. « Au fait, saviez-vous qu’en leur temps, nos ancêtres ont été à même de créer de nouvelles espèces à coup de mutations génétiques ? Surprenant, vous ne trouvez pas ? Ah tiens, je vais peut-être me laisser tenter par l’assortiment de crustacés… » lâcha-t-il l’air de rien, tout en continuant de détailler la carte avec une attention soutenue.
Ragda Rejliidic
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Mais pourquoi ces foutus Jedi devaient t'ils toujours s'inviter dans tous les sujets de discussion ? A croire que tout ne tournait qu'autour d'eux... Que l'on parle de politique, finance, armée, ou même de philosophie, le sujet en revenait constamment à eux... Comme si leur existence même distillait tous les problèmes de cette galaxie, tout autant qu'elle les résolvaient. Ragda s'agaça de cette remarque, mais n'en laissa rien paraître, préférant rester de marbre pour ne pas inciter son interlocuteur à réagir. Autant le laisser terminer sa tirade.

Alors qu'il l'écoutait attentivement, le Hutt se plongea un instant dans l'observation de Noval. Qui était-il vraiment ? Après ces premiers échanges, il commençait seulement à définir les contours de cette personnalité bien plus complexe qu'il ne l'avait estimé en lisant ses documents glanés sur l'holonet. Tant son ton que sa gestuelle démontraient une assurance à toute épreuve, mais aussi cette fierté caractéristique de sa race. Chaque remarque, chaque pique trouvait échos en lui, et il y répondait sèchement, n'hésitant pas adopter des propos dont il ne craignait nullement les conséquences, tout du moins en apparence. Pour un riche industriel, pour un haut représentant de sa société, cette attitude déconcertait Ragda. S'il avait été plus hésitant, ces remarques auraient pu le décourager, préférant finalement s'associer avec une firme plus disposée à le caresser dans le sens du poil... Comment devait-il interpréter cette impudence ? Noval n'avait-il pas vraiment à cœur l'avenir de sa société, ou bien cette dernière disposait elle de suffisamment de projets pour se permettre de les filtrer selon ses bon vouloir ?

Alors, un doute s’immisça dans l'esprit du Hutt : et si ce Noval refusait d'engager son entreprise ? A aucun moment, jusqu'à présent, il ne s'était imaginé cette perspective. D'habitude, ces types lui mangeaient dans la mains, prêt à supporter toutes ses remarques désobligeantes dans l'espoir de signer un contract juteux. A moins qu'il ne s'agisse que d'une téméraire technique commerciale, du genre qui passe ou qui casse.

Quoi qu'il en soit, cette petite joute l'amusait. Il devenait fort rare de tomber sur des interlocuteurs disposant d'assez d’agilité intellectuelle pour répondre avec autant de finesse, et de sous-entendus. D'autant plus que leurs échanges glissaient tout doucement sur le sujet qu'il désirait aborder. Mais il était encore trop tôt pour rentrer dans le vif du sujet... La teneur de son « projet » ne devait être révélée qu'une fois qu'il aurait la certitude que Symbiosys correspondait à ses attentes... Et pour cela, il fallait faire parler Noval, lui faire avouer une dernière chose... Et gagner un peu de temps. Oui, car le soleil atteindrait bientôt son zenith, et avec lui la température s'élèverait encore. Et il était curieux de voir comment réagirait l'Arkanien, lui qui venait d'une planète glacée.

« Les crustacés, très judicieux choix ! Je vais me laisser tenter également... »

Il fit signe au serveur, puis passa commande. Et une fois qu'ils se retrouvèrent de nouveau en toute intimité, il continua :

« Réduire l'esprit des vivants à la chimie du cerveau, je trouve cela très réducteur... Surtout pour un représentant d'une société spécialisée dans l'ingénieure génétique.

Comme vous êtes, normalement, bien placé pour le savoir, le génétique code chaque être vivant, elle détermine les atouts, les défauts, les tares physiques, et les traits de chacun. Je trouve cela fascinant de concevoir le monde sous cet angles. Si je suis tel que je suis, c'est finalement parce que je dispose seulement d'un codage particulier, hérité de mon géniteur, lui même hérité du siens... Dès notre naissance, nous devons subir cette génétique, qui nous impose nos caractéristiques physiques, n'est-ce pas ? Nous ne sommes donc qu'un empilage de molécules agencées dans un ordre particulier. Mais pour autant, nous ne sommes pas inertes.

Et qu'en est-il de l'esprit dans tout cela ? Qu'est-ce qui code l'esprit ? Qu'est-ce qui détermine quel caractère aura une personne à sa naissance ? Sera t'elle impulsive, raisonnée, loyale, ou incontrôlable ? Comment réagira t'elle dans une situation donnée ? Quels seront ses premiers réflexes : la fuite, l’agressivité ou la diplomatie ?

Tout ceci n'est-il pas inscrit également dans nos gènes puisque ce sont ces derniers déterminent l'architecture de notre cerveau, ainsi que le fonctionnement de sa chimie ? Qu'en pensez-vous M. Ortyss ? Qu'en pense Symbiosys ?

Prenez l'exemple de ce parasite vivant dans les marécages nauséabonds de Nal Hutta. Cet insecte pond ses œufs dans les eaux stagnantes. Un jour ils éclosent, et la larve qui naît nage alors jusqu'à la berge, se hisse hors de l'eau, puis grimpe le long des hautes herbes. Là, elle attend, pendant des semaines parfois, qu'un herbivore vienne dévorer la brindille sur laquelle elle se trouve. Une fois avalée par l'infortunée créature, elle laisse le système digestif agir car son épaisse peau la protège des sucs gastriques. Une fois dans les intestins, elle creuse un petit trou dans la paroi intestinale, gagne le système sanguin, et se laisse porter par le courant jusqu'au cerveau. Là elle s'arrête, et entreprend de dévorer ce dernier, petit morceau par petit morceau. La bête devient folle, fini par mourir... Et de la carcasse pourrissante sort l'insecte adulte, après sa mue. Voyez-vous où je veux en venir ? Comment cette larve saurait-elle ce qu'elle doit faire pour survive si tout cela n'était pas inscrit dans ses gènes ? Dans une sorte de mémoire génétique qui coordonne ses gestes, et qui lui dicte les décisions à prendre ? »


Ragda marqua une seconde de pause pour reprendre son souffle. L'instant fatidique approchait enfin.

« Avant de vous envoyer ce message, j'ai lu beaucoup d'informations sur les gens de votre espèce. La manipulation génétique, oui, cela est fascinant. Que ressentaient vos ancêtres d'après vous ? Se prenaient-ils pour des dieux, capables de modifier la vie, de créer de nouvelles espèces ? Ou bien étaient-ils seulement mu par un intarissable esprit scientifique, une curiosité sans borne et sans arrières pensées morale ? Voulaient-ils reconcevoir le monde, pour l'améliorer ? Ou jouaient-ils avec la vie, comme des enfants avec leurs jouets, sans buts ni plans pour l'avenir ?

Les expérimentations, les manipulations génétiques sur les êtres pensants...»


Ragda laissa échapper un soupire de nostalgie largement exagéré.

« ... De l'histoire ancienne, puisque ces pratiques sont devenues illégales... C'est bien... dommage, ne trouvez-vous pas ? »

Le Ministre insista particulièrement sur ces derniers mots... Noval allait-il mordre à l'hameçon ? Son instinct avait-il vu juste concernant les activités de Symbiosys ? Toutes les sociétés dissimulaient leurs secrets, le plus souvent financiers ou économiques... Mais que Symbiosys soit l'éternelle numéro deux, toujours dans l'ombre de sa rivale Adascorp... Que fallait-il en conclure ? La Corporation Symbiosys était-elle incapable de surpasser cette dernière ? Ou bien, se servait-elle d'Adascorp comme d'un parapluie, derrière lequel elle se protégeait d'un excès de médiatisation, justement pour vaquer à ce genre de petites affaires pas tellement légales ?

De part son expérience, Ragda misait plutôt sur la seconde solution.
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La dernière remarque de Ragda Rejliidic ne manquait pas de piquant, et ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd, faisant tiquer l’Arkanien au quart de tour, ses lèvres se pinçant pour ne plus former qu’un trait effacé, à l’instar de ses yeux, qui restèrent clos de longues secondes. L’art et la manière de piquer au vif la susceptibilité de son auditoire, voilà bien l’arme favorite du Hutt, comme il venait de le confirmer. Car Noval ne pouvait décemment pas révéler qu’il existait des infrastructures de recherche tenues au plus grand secret, même le concernant, en dépit de son niveau d’accréditation supérieur à la moyenne. Conformément à l’hypocrisie générale qui régnait dans la firme, lui comme tant d’autres faisaient mine d’ignorer purement et simplement leur existence, alors que dire à propos des sujets d’expérimentations qui s’y déroulent, hormis qu’il vaut mieux passer son chemin et faire profil bas. Loin d’être un cas isolé dans le monde de l’industrie médicale, la clause d’absolue confidentialité signée par les employés de la Symbiosys n’était pas à prendre à la légère. Si elle exigeait une discrétion et une vigilance de tous les instants de la part de chaque employé, du simple manœuvre au directeur de section, elle constituait surtout une mesure de rétorsion applicable sans délai, au-delà de toute juridiction arbitrée par un tribunal de droit commun. En un mot, l’individu fautif était liquidé, aussi vite que possible, et toute trace de sa présence disparaissait aussitôt des archives de la corporation. De quoi sceller irrémédiablement les langues bien pendues, à défaut de les faire taire irrémédiablement. Mais pour l’heure, il s’agissait de répondre en filigrane à l’insinuation quelque peu insidieuse du Hutt, dont l’habilité oratoire avait pris au dépourvu l’Arkanien. Dans le doute, autant rester sur la défensive, conclua Noval, qui redressa lentement le dos de son fauteuil :

« Vous savez… Bien sûr que vous le savez ! » s’exclama-t-il en se parlant à lui-même, « le problème de la légalité ou de l’illégalité d’une chose n’est viable qu’à une condition, que cette chose vienne à être formellement prouvée, sinon… Je ne vous apprends rien, certaines expérimentations ne peuvent être menées à leur terme sans outrepasser les valeurs empreintes d’humanisme et jugées fondamentales pour la reconnaissance et le bien-être du plus grand nombre, c’est évident. D’une certaine manière, vous êtes vous-mêmes l’un des garants de ces impératifs moraux, en tant que représentant officiel du Sénat républicain. J’imagine que c’est pour cette raison que vous vous êtes empressé, au début de cet entretien, de préciser que vous n’étiez pas ici en tant que tel… Une supposition hasardeuse, certes, mais fondée… » songea Noval à voix haute, continuant de crapoter son cigarillo.

« Pour ce qui est de ces illustres prédécesseurs que nous évoquions, il faut voir leur œuvre sans la moindre poésie : ils avaient un besoin pressant de cobayes qu’ils pourraient façonnés à leur guise et selon leur besoin, point final. Les manipulations génétiques à grande échelle ne représente qu’un maillon du génie arkanien en la matière, nullement une finalité en soi, même si, je vous l’accorde, elles ont permis d’accélérer grandement les progrès dans ce domaine. Et dire qu’aujourd’hui, on trouve encore de ces politiciens idéalistes qui jugent ces procédés inadmissibles et condamnables... Les imbéciles ! S’ils savaient... » plaisanta-t-il sur le ton de la raillerie, avant de reprendre son sérieux : « Désolé, je ne voulais pas manquer de respect à vos confrères… avec qui vous ne semblez pas partager les mêmes réticences, si j’ai correctement interprété votre allusion... ». Écrasant méthodiquement son mégot, il reprit, avec l’air distant de celui qui essaie de se remémorer quelque chose :

« Vous savez, cette discussion me rappelle une thèse de fin de cycle présentée par un étudiant en neuropsychologie. Grosso modo, il était parvenu à analyser, de manière très précise, l’activité cérébrale en mettant en évidence les fonctions et les interactions de chaque composé chimique, de sorte qu’il pouvait établir une norme objective permettant de classifier et d’ordonner les comportements humains, qu’ils soient rationnels ou irrationnels. Cet étudiant a été admis, bien que son directeur de recherche lui fasse remarquer un élément crucial. Aussi brillants que soient ses résultats, il ne fallait pas qu’il perde de vue le fait que ses travaux n’expliquaient en rien pourquoi ces comportements se produisaient, la cause de leurs apparitions à un moment précis de l’existence du sujet. Vous pouvez bien déduire qu’un tel ou un tel éprouve de la joie ou de la colère en observant à un instant donné les réactions chimiques et neurologiques de leurs cerveaux, vous ne saurez rien de la cause qui a suscité cette inclination. Tout ça pour en revenir au point que vous avez soulevé concernant la transmission du capital génétique des espèces au fil de leurs évolutions. Il est vrai que nous sommes condamnés à être ce que nous sommes d’un point de vue biologique et même psychique, vu que nous disposons, de manière inconsciente, d’une batterie de comportements prédéterminés et surgissant face à un stimuli donné, comme un danger imminent ou la mort d’un congénère proche, par exemple. D’une certaine manière, nous sommes tous de merveilleux exemples de contrôle, d’autorégulation et de limitations de la matière sur l’esprit. Et pourtant, à l’inverse, nous sommes aussi à l’image de cette miraculeuse matière grise, une espèce de tabula rasa sur laquelle s’imprime nos expériences, nos savoirs, le vécu affectif, bref, la mémoire de ce que nous sommes et vivons… D’ailleurs, notre cerveau lui-même se développe de manière fort différente selon les variations infinies de ce capital, si propre, donc si différent d’un individu à un autre… »

L’aubaine de se taire arriva en même temps que le serveur arriva, lui et une desserte argentée sur laquelle les plateaux de fruits de mer étincelants de fraicheur, certains dégageant un fumet tout bonnement exquis, étaient disposés. Une fois servis, Noval, reluquant déjà l’huitre charnue qu’il allait gober avec un appétit sans faille, remit le couvert, en mettant les pieds dans le plat cette fois-ci, bien décidé à profiter de ce moment d’extase visuelle et olfactive durant lequel le Hutt aurait éventuellement abaissé sa garde, un tant soit peu… ou pas du tout.

« Auriez-vous l’amabilité de me traiter comme une grande personne, en me disant de quoi votre projet retourne, ou devrai-je attendre jusqu'au dessert ? »
Ragda Rejliidic
Ragda Rejliidic
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L'assortiment de crustacés : un véritable régal pour le nez comme pour les papilles. Alors que le serveur Mirialan déposait les assiettes devant eux, Ragda se pencha en avant pour encore mieux profiter de l'odeur d'épices douces qui s'échappaient des animaux marins ébouillantés. Ah... Quel délice ! Quelle extase ! Dire que quelques minutes plus tôt ces bestioles barbotaient encore dans un aquarium tempéré. Une mise à mort jugée cruelle par certaines personnes... Mais qui développait toute les saveurs de leurs chairs rosées : en quelque seconde, elles s'étaient gorgées de ces succulentes enzymes sécrétées sous l'action du stress intense. Même si ses papilles gustatives différaient en bien des points de celles de Corelliens, Ragda savait en apprécier toute sa valeur. Si les Hutt dévoraient leur proies encore vivantes, c'était justement parce qu'ils savouraient le parfums de la peur.

Sensation apparemment étrangère à Noval Ortyss, le représentant de Symbiosys. Décidément, cet arkanien disposait d'une assurance à toute épreuve. Coupé dans la contemplation de son assiette, Ragda se révéla, ouvrit grand la bouche pour répondre quelque chose de désobligeant, puis se ravisa. La patience ne semblait pas figurer parmi les qualités de Noval... Et plutôt que de lui donner satisfaction, en lui révélant la teneur de son projet personnel, le Hutt préféra garder le silence. Avec délicatesse, il usa de son couteau pour ouvrir la carapace d'un énorme crabe aux teintes dorées. Puis, usant d'une petite fourchette spécialement profilée pour cette opération, il entrepris d'en extraire la tendre chair juteuse. Après cette première bouchée, il consentit tout de même à répondre à son interlocuteur, mais pas avec les propos ce que ce dernier attendait :

« Je vous conseille de commencer par ce qui est chaud... Vous n'imaginez pas comme ces crustacés refroidissement vite... »

Ragda, un tantinet sadique, continua de déguster son plat en silence. Tout en mastiquant il méditait sur ses prochains mots. Noval, probablement aidé par la présence de son brouilleur, s'était montré plutôt franc et loquasse. Sa réponse, même vague, prouvait que Symbiosys n'hésitait pas à se positionner en marge de la loi si le jeu en valait la chandelle... Exactement ce qu'il lui fallait. Mais pouvait-il pour autant faire confiance à ce représentant ? Pouvait-il tout lui dire ? Que risquait-il, après tout ? Avec ce brouilleur activé, il lui serait facile de tout nier que la situation devait se dégrader. Aussi, après avoir gobé la carcasse vide du crabe, faisant disparaître les restes de l'animal dans son immense gosier, Ragda répondit :

« M. Ortyss, j'apprécie votre franchise. Je serais bien impoli de ne pas en faire autant.

Comme vous l'avez parfaitement compris, les projets qui m’amènent ici n'ont rien d'officiels, bien au contraire. En clair, si mes ambitions devaient arriver aux oreilles du gouvernement Républicain, je pourrais avoir quelques... ennuis. Ce qui justifie cette insoutenable attente que vous semblez éprouver.

Mes questions jusqu'à présent n'ont pas été anodines. je vous testais : vous et Symbiosys. Et vos réponses m'ont suffisamment satisfaites pour que je puisse répondre à votre curiosité, du moins en partie.

Voyez-vous, de nos jours, à qui peut-on faire confiance ? C'est toujours la même histoire : une question de stimuli et de réaction. Pour bien des personnes, il suffit d'agiter quelques dizaines de milliers de crédits sous leur nez, pour leur faire trahir tous leurs proches. C'est aussi vrai dans le monde des affaires, que dans la sphère politique. Pour cette raison, je ne fais confiance à personne, même pas aux gardes du corps que je paye pourtant rubis sur l'ongle pour m'assurer leur fidélité.

Tout se résume à l'esprit, à la volonté. Si une personne réalise une action, c'est parce qu'elle est programmée, à l'intérieur, pour l'effectuer. Mais, à l'inverse, peut-on empêcher cette personne d'agir, en modifiant cette programmation ? Voilà ce que je rechercher M. Ortyss : le parfait subalterne, celui qui sera incapable de me dire non, celui qui ne pourra jamais me trahir. Et comment y parvenir , puisque rien de tel n'existe à l'état naturel ? Simplement en jouant avec la génétique !

Je suis prêt à financer un projet de plusieurs centaines de milliers de crédits pour obtenir ce résultat. Je veux que vous analysiez l'esprit humain, que vous en définissez les composantes génétiques qui le régisse, qui détermine son fonctionnement, sa chimie interne. Appelons cela la « phase N°1 »

Lorsque cela sera cartographié, nous pourrons passer à la « phase N°2 » : je vous fournirai un « sujet ». Alors, charge à vous de me le transformer en une machine dépourvue de sentiments parasites, totalement dévoué à ma cause, et incapable d'agir contre ma volonté. Programmez le pour être génétiquement fidèle. Vous comprenez ce que je veux dire ? Agissez sur son ADN pour que la chimie de son cerveau ne puisse même pas concevoir la possibilité d'agir contre ma volonté ! Ce serait un peu comme... inscrire les lois de la robotique dans l'ADN humain.

Je ne suis pas stupide, je sais que ce genre de « résultats » peuvent être obtenu à l'aide de « lavages » de cerveau. Mais ces conditionnements sont peu fiables, ils abîment l'esprit, et surtout, ils peuvent être brisés.»


Le Hutt se tue pour déglutir. Un peu surpris par sa propre franchise, il ne s'était pas imaginé en dire autant dès un premier rendez-vous... Mais puisque le brouilleur était là, il n'avait rien à craindre, ou presque... Et en parlant de ce dernier :

« M. Ortyss, une dernière question. Que savez-vous de la mémoire humaine, de ses mécanismes ? »

Ragda, toujours armés de sa fourchette et de son couteau, attaqua alors la langoustine bleuté qui lui faisait de l’œil depuis quelques minutes déjà. Tout en éventrant la carapace, il guettait la réaction de son interlocuteur. Ce projet allait-il trop loin pour sa Corporation ? Serait-il prêt à assumer de telles expériences ?

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Ragda Rejliidic ne s’était pas trompé en recommandant la spécialité du restaurant, preuve qu’il devait compter parmi l’un de ses plus fidèles clients, du moins qu’il avait déjà fréquenté à maintes reprises cet établissement si fastueux. La qualité gustative et la fraicheur des fruits de mer savamment préparés et assortis, le tout composant une ribambelle de couleurs luisantes et de senteurs iodées valaient largement le détour jusqu’à Corellia, sans compter la teneur du propos que l’homme d’affaires s’évertuait à lui dissimuler. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il était parvenu à attiser la curiosité de l’Arkanien, même si jusque-là, Noval avait fait fi de se montrer distant, ne montrant qu’un dédain poli envers la conversation engagée entre les deux parties. D’ailleurs, il ne risquait pas d’avoir une réponse du tac au tac à la question qu’il venait de poser, tant le Hutt s’ébahissait de contentement, les yeux rivés sur les mollusques et autres crustacés de toute sorte garnissant son assiette, laquelle parut singulièrement minuscule en comparaison de l’appétit gargantuesque qui devait être le sien… Quoique, les apparences sont parfois trompeuses, pensa Noval avant de décoller soigneusement la chair d’une autre huitre, préalablement arrosée d’un filet de citron. C’est à ce moment que le sénateur de Bakura, prenant un malin plaisir à faire durer le suspense, conseilla à son invité de ne pas délaisser trop longtemps les mets chauds, ceux-ci se tiédissant à une vitesse folle, avis d’expert que personne n’aurait cherché à contester, il va sans dire.

« Je le reconnais volontiers, j’ai la passion des huitres, c’est plus fort que moi ! Surtout lorsqu’elles sont aussi savoureuses que celle-ci, les meilleures que j’ai eu l’occasion de déguster depuis fort longtemps ! Allez, une dernière et je m’en vais suivre vos bons conseils… » lâcha-t-il pêle-mêle avant de s’exécuter prestement.

Ainsi noya-t-il le poisson, feignant de ne pas accorder d’importance au fait qu’il venait purement et simplement d’oblitérer la requête en cours par cette remarque tombant néanmoins fort à propos. Empoignant délicatement la moitié d’une langouste prédécoupée d’où exhalait un fumet ambré faisant la joie de ses narines frétillantes, Noval n’éprouvait plus la moindre difficulté à se montrer patient devant un tel festin, et ce dès la première bouchée, fondante au palais. Après quelques minutes de silence, occupés qu’ils étaient à savourer, Ragda Rejliidic reprit la parole, sur un ton bien plus posé qu’au préalable, et s’efforça d’expliquer dans le détail l’objet de ses attentes, le fameux projet qu’il tenait tant à préserver des oreilles indiscrètes. Et l’Arkanien ne tarda pas à comprendre mieux pourquoi… Ecoutant sans broncher les exigences énumérées par le Hutt, croisant son regard pour bien lui faire comprendre qu’il avait bien toute son attention, il préféra mettre de côté sa dernière question, histoire de se concentrer sur l’essentiel :


« Eh bien, je comprends mieux votre allusion aux expériences tendancieuses d’un point de vue légal… C’est un projet vraiment intéressant, je vous l’accorde voloniers. Mais j’aurai tendance à mettre entre parenthèses la génétique et l’ADN pour le moment. A mon sens, il serait possible d’obtenir le même résultat en misant sur les progrès considérables des nanotechnologies et de la cybernétique. Je sais, pour vous donner un exemple, que la Symbiosys travaille actuellement sur un prototype de système nerveux musculaire, capable de remplacer intégralement celui de l’homme… » lança-t-il avant de marquer une pause, le temps de déguster une bouchée.

« Avec le développement récent de neuro-synapses et de neurofilaments, j’ai bon espoir que nous parvenions à concevoir une interface neuronale de synthèse capable de gérer un réseau d’informations entre le vivant et les agencements technologiques. Pour vous faire une idée du degré de complexité que cette découverte implique… Disons qu’à côté, les cerveaux positroniques qui équipent les droïdes protocolaires de dernière génération passeront pour des archaïsmes complètement dépassés. Et il en va de même pour les matrices de personnalité, que nous pourrons faire grandement évoluées au point de pouvoir fabriquer une mémoire virtuelle de toute pièce. Tout ça pour en arriver à la conclusion suivante : pourquoi ne pas partir d’un sujet vivant afin de remodeler sa matière grise dans ce sens ? Nous aurions alors un être doué d’une conscience asservie à certains impératifs de conduite, d’une mémoire façonnable à souhait et d’une affectivité restreinte, selon vos exigences » argumenta-t-il, aspirant le contenu de l’une des pattes de la langouste.

« Je devine votre appréhension face à de telles méthodes, vous vous dites sûrement que tout système reposant sur des éléments techniques comporte une foule de risques du type disfonctionnement, détection voire même piratage, si l’on parvient à reprogrammer les fonctions basiques de ces appareillages. Encore faut-il en être capable et en avoir les moyens, et qui plus est, deviner que l’individu qui se tient sous vos yeux répond à une intelligence quasi artificielle, ce qui ne sera vraiment pas à la portée de tous, vous pouvez me croire... Comme vous le disiez, ce projet réclamera du temps avant qu’il n’aboutisse, ainsi que de nombreuses phases de test, mais le jeu en vaut la chandelle ! » opina Noval, finissant de décortiquer machinalement le décapode cuit à la perfection.

« Je ne veux pas vous leurrer avec de fausses promesses, Monsieur Rejliidic, ce n’est pas le genre de la maison, si je pensais que ce projet n’est pas viable de quelque manière que ce soit, je vous le dirai tout net. Je n’irai pas non plus le soumettre aux membres du comité d’éthique de la Symbiosys, sachant déjà leurs opprobres unanimes concernant ce type d’expérimentations sur l’homme. En un mot, votre nom n’apparaitra nulle part au sein de la corporation, je m’y engage formellement. J’imagine que si nous parvenons à un accord de principe, vous conviendrez du fait qu’à l’avenir, il ne faut plus nous rencontrer, sauf exception, afin de ne pas éveiller les soupçons… Ces dispositions vous conviennent-elles ? »
Ragda Rejliidic
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Les paroles de Noval sonnèrent dans l'esprit du Hutt, comme un glas morbide. En quelques mots, en quelques phrases, l'homme d'affaire Arkanien venait de tuer son projet... Ou tout du moins l'idée qu'il s'en était fait depuis des années qu'il y réfléchissait secrètement, se gavant de lectures scientifiques et de recherches sur le sujets... Sans parler des intrusions illégales sur les différents intranets des plus grosses sociétés du secteurs, dont la Symbiosys elle même. Malgré un contrôle de soi habituellement infaillible, Ragda laissa échapper une moue dédaigneuse à la mention de cette mixité bio-cybernétique que lui proposait son interlocuteur. Figure qu'il conserva jusqu'à la fin du discours. Alors, il laissa échapper un soupire de dédain... Il ne cherchait même plus à dissimuler sa déception. Putain, il venait de révéler une tranche intime de sa vie, un projet personnel ô combien dangereux pour sa propre carrière... Une ambition malsaine qui dépassait tous les concepts d'éthique qu'il défendait pourtant à longueur de journée, face aux journalistes et aux citoyens... Et tout cela pour quoi ? Pour rien, retour à la case départ !

D'un geste vif, il jeta sa serviette dans son assiette à moitié pleine, avant de la repousser vers le centre de la table. Et d'un ton sec :

« Vous venez de me couper l’appétit. »

Désabusé, il se laissa glisser en arrière, sur la banquette moelleuse, sans quitter un seul instant Noval de son regard pénétrant. Il soupira une nouvelle fois. Bon, que faire ? Simplement lui dire au revoir ? Putain, tous ces efforts pour cela... Pourtant, il ne trouvait pas la force de se lever, comme si son intuition, son nez pour les affaires juteuses, lui imposait de rester, et de réfléchir une seconde de plus. Ce qu'il fit, en silence.

Ragda, grand amateur de Sabacc et Pazaak, arrivait habituellement à cerner ses adversaires. Un signe d'anxiété, un tic nerveux, un fugitif sourire naissant sur les bords des lèvres... Mais là rien. Il ne percevait rien chez cet Arkanien, froid et distant, malgré son franc-parlé. Seule cette assurance qui le caractérisait depuis le début de leur échange semblait lui coller à la peau. Un franc-parlé... Oui, ce type n'avait cessé de lui jeter la vérité en face, édulcorant ses réparties simplement pour ne pas friser l'impolitesse. La franchise, une qualité rare et précieuse...

Certes, il venait de ruiner ses idées... Mais pour lui proposer une autre solution, plus facilement réalisable. Chaque expérience comportait ses risques et ses chances d'échec, celle-ci pas plus que la sienne. Paranoïaque jusqu'au bout de ses petits doigts boudiné, l'idée de remettre sa vie entre les mains d'une demi machine le rebutait... Mais Noval, avec son aplomb habituel, venait tout de même de lui dépeindre un tableau intéressant. Là ou bien des commerciaux incompétents se seraient contenté d'un « oui », pour finalement avouer un échec dans une année ou deux... Lui jouait la carte de la réalité, ce qui prouvait son professionnalisme, et surtout une bonne connaissance des capacités de son entreprise. Dès lors, pourquoi s'en offusquer ?

A la lumière de ce nouvel angle de réflexion, le visage du Hutt se détendit. Enfin, il repris la parole :

« Si je voulais d'un droïde, même amélioré, j'aurais frappé à la porte de Cybot Galactica. Je dois reconnaître ma déception, si je m'adressais à Symbiosys, c'était justement parce que j'attendais une alternative biologique, plus fiable, et surtout moins sujette à des piratages. Je dispose de beaucoup d'ennemis, puissants pour la plupart, et je ne peux me permettre d'avoir un tel talon d’Achille. »

Il marqua un pause, puis continua :

« Mais après réflexion, il se pourrait que votre... technologie m'intrigue. Ni droïde, ni humain, mais quelque chose entre les deux. Si vous m'assurez que vos implants sont indétectables, à l'oeil, tout comme aux scanners de signes vitaux, il se pourrait que vous obteniez cet accord. Et puis, j'imagine que si nous partons sur des procédés sur lesquels vous travaillez déjà, cela me coûtera moins cher, n'est-ce pas ? »

Il lâcha un petit sourire malicieux.

« De vous à moi, je crois être né trop tôt... Un comble pour un être ayant une espérance de vie théorique d'un millier d'année.... »

Tout en confessant ces mots, le Hutt s'empara du pichet d'eau que le serveur leur avait ramené en même temps que les plats. De l'eau minérale importée d'Aldéraan, une planète réputée pour ses sources d'eau douces très pures, et surtout très riches en oligoéléments. Des conneries, de la propagande publicitaire : les Hutt buvaient l'eau croupie des marais depuis des millions d'années, et cela ne les avait pas tué, bien au contraire. Plus robuste à chaque génération, ils trônaient aujourd'hui au sommet de l’évolution galactique. Après cet entracte désaltérante, Ragda continua :

« Malgré tout, n'espérez pas obtenir un accord de principe aussi facilement. Lisez-vous le mot « pigeon » sur mon front ? Il n'est pas question de m'engager sans avoir vu cette technologie de mes propres yeux. Je suis bien conscient que celle-ci doit être ultra-secrète, et donc très protégée... Et c'est pour cette raison que je vous propose une entrevue directement sur Arkania, dans vos locaux sécurisés. Épatez moi, et vous aurez votre contrat.

Cette seconde entrevue est risquée, je vous voit venir. Mais, n'oubliez pas que j'occupe un poste officiel au gouvernement, ce qui me donne certaines... prérogatives. Disons simplement que d'ici quelques semaines, j'aurais la parfaite excuse pour venir sur Arkania vous retrouver, et ce, sans éveiller les moindres soupçons... Une autre des raisons qui m'a poussé à vous demander de me répondre aussi rapidement. »


Le Hutt marqua une nouvelle pause. Bon, il était à présent temps de parler du plus important : le véritable prix de cette affaire :

« Quitte à jouer franc-jeu : que va me coûter réellement cette affaire ? J'ai comme l'intuition que ce ne sera pas seulement une question de crédits... Je me trompe ? J'en doute. Vous les Arkaniens, vous possédez au moins une des qualités Hutt : l'opportunisme, ce que je respecte. Et puis, si un petit service peut encore réduire le prix que j'aurais à payer, pourquoi m'en plaindrais-je ?»

Finalement Ragda n'avait pas rebondi sur sa question laissée sans réponse. Avec cette nouvelle proposition technologique, elle n'avait plus vraiment lieu d'être. Et puis son esprit, à présent, se retrouvait accaparé d'hypothèses, des plus simples aux plus folles. Que voudrait-il ? Une faveur d'ordre économique ? Symbiosys pouvait mystérieusement disparaître des listes des sociétés taxées cette année. Ce ne serait pas la première fois dans l'histoire de la galaxie... Mais au moins, si cette contrepartie dépassait le cadre de ses compétences, il pourrait toujours couper court à la conversation et s'épargner un pénible voyage jusqu'à la glaciale Arkania.
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Par esprit de correction, ou bien parce qu’il ne tenait pas à offusquer davantage le businessman aigri, l’arkanien s’arrêta de picorer lentement la chair, pourtant ô combien délicieuse, de la langouste trônant à moitié évidée sur son assiette ovale, celle du Hutt se voyant brutalement délaissée, abandonnée de toute attention particulière. L’appétit du politicien venait de déclarer ostensiblement forfait, malgré la pléthore de crustacés, les uns pimpants de fraicheur, les autres exhalant un fumet d’embruns et qui, pour le coup, auraient tout le loisir de tiédir comme bon leur sembleraient. Non pas que cet épicurien avachi sur son trône lévitant à quelques centimètres du sol se soit rassasié de quelques bouchées de crabe, mais ce qu’il venait d’entendre l’indisposa au point qu’il n’éprouverait plus aucun plaisir à se délecter de quoi que ce soit siégeant sur la table. Heureusement que le serveur, en remarquant cela, n’eut pas l’idée saugrenue de venir leur demander si tout se passait bien ! Noval préféra ne pas imaginer comment ce personnage, compte tenu de l’état d’inconvenance qu’il traversait présentement, l’aurait piétiné plus bas que terre, s’affligeant sûrement de la qualité consternante du service et des plats présentés, avant de l’envoyer promener sur les roses de la manière la plus magistrale qui soit.

Le bras-droit du directeur de la Symbiosys était tout à fait à même de comprendre la déception que ressentait Ragda Rejliidic. Si le génie génétique et toutes les sciences qui en découlent avaient découvert un moyen efficace d’influer sur la symbiose des gènes d’un individu au stade adulte pour déterminer et modifier sa psyché en la façonnant selon des données préétablies, Noval en aurait forcément eu vent, tellement ce progrès aurait été du pain béni pour la corporation. Et éminemment contesté par la communauté scientifique dans son ensemble, très certainement... La dynamique évolutive de l’esprit, dans la façon qu’il a de former l’identité biologique et psychologique d’un sujet, est d’une complexité effarante à étudier et à retranscrire objectivement. A la limite, seule une étude poussée de la morphogénèse du cerveau, humain ou autre, sur un long terme, pourrait permettre d’appréhender la question sous un jour nouveau. Un programme de clonage à grande échelle de cobayes soumis à différents types de stimuli externes serait un environnement propice à ce genre d’étude. L’arkanien se souvenait d’avoir vu, au détour d’un département de recherche, un laboratoire où étaient menées des expériences similaires.

[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Mais pour l’heure, il s’agissait de rester réaliste, et de voir la chose à moyen terme. En premier lieu, il sembla nécessaire d’adoucir les craintes de ce client si particulier en lui explicitant les moyens mis en œuvre afin de répondre à ses attentes, que certains n’hésiteraient pas à qualifier d’hors-norme, pour ne pas dire extravagantes ! Même si Noval ne lui avait pas encore avoué que sa fonction de ministre de l’économie serait à même de lui enlever une sacrée épine du pied, il allait en être question incessamment sous peu. Mais avant de vendre la mèche, autant noyer le poisson encore un peu, histoire de ne pas boire la tasse quand le moment serait venu d’évoquer ce point crucial. Voilà pourquoi, avant de débattre plus avant de la forme que prendrait à l’avenir la moindre rétribution, comme semblait y tenir le Hutt passablement offensé, l’arkanien se permit une légère digression :


« Je comprends le sentiment de frustration qui est le vôtre, monsieur Rejliidic, et aussi le fait que nous ne vous attendiez sûrement pas à ce que je mette entre parenthèses les ambitions que vous nourrissez depuis longue date. Si je le fais, c’est bien parce que je prends avec le plus grand sérieux votre demande, qui est parfaitement légitime, qui plus est. Sachez que j’ai bien entendu votre préoccupation de vous prémunir contre toute forme de corruptibilité concernant ce projet, laquelle en est la clé de voute par le fait. Vous m’avez demandé si la mémoire est une réalité scientifiquement explicable. Je ne vais pas me lancer dans des explications qui risqueraient de s’éterniser, comme vous l’avez suggéré, il serait préférable que vous assistiez en personne aux travaux de nos chercheurs, qui seront bien plus à même de vous apporter des réponses exhaustives à vos questions. Je tiens quand même à vous préciser qu’il ne s’agit pas tant d’ajouter des implants cybernétiques dans le but de modifier certaines fonctions neurologiques du cerveau, mais de greffer des dispositifs nanobiologiques artificiels de sorte qu’ils ne soient pas dissociables de la structure et de la composition interne de cet organe miraculeux. Alors je peux d’ores et déjà vous assurer qu’il n’y aucun danger quant à leur détection par les appareils de scan classiques, je suis catégorique là-dessus. » affirma-t-il, sûr de lui-même, tandis qu’il pouvait s’empêcher de lorgner un instant le petit monticule d’huitres jonchées sur un manteau de glace se liquéfiant peu à peu. Incapable de résister à la tentation, il fit mine de ne ressentir aucun plaisir à en prendre une, avant de la reposer dans son assiette, flirtant avec la langouste privée de ses pattes, avant d’enchainer :

« Puisqu’il faut en parler de la rétribution dont vous aurez à vous acquitter au terme de ce projet, sachez que nous avons pour habitude de ne collecter aucun fonds en propre. Un montant est décidé, puis il est placé en dépôt sur un compte de notre choix. A tout moment, vous pouvez retirer cette somme comme bon vous semble, si vous jugez que les résultats de nos expérimentations ne correspondent pas à vos exigences... D’habitude, une commission s’élevant à 10% est prélevée du montant investi, mais dans votre cas, nous ferons une exception. Voyez cela comme un signe de cordialité de la part de la corporation que je représente, et de la mienne. Ce n’est pas tous les jours que l’occasion m’est donnée de déguster un tel festin ! » s’exclama-t-il sans élever la voix pour autant, avant d’avaler d’un trait le mollusque glissant comme du velours de sa coquille.

« Je ne vous cacherai pas plus longtemps qu’en effet, votre position en tant que ministre de l’économie pourrait nous être grandement utile. Evidemment, jamais je n’irai vous demander de commettre le moindre acte illégal, cela va de soi. Plutôt une faveur, en fait… Nous savons que la Commission au Commerce Intergalactique croule sous le poids de milliers de procédures administratives, ralentissant de façon dramatique les démarches juridiques et l’application rigoureuse des législations en vigueur. Dans ces conditions, si je vous fournis un rapport détaillé attestant, preuve à l’appui, d’activités frauduleuses et de malversations au sein d’un certain consortium, pouvez-vous m’assurer qu’enquête sénatoriale soit diligentée dans les plus brefs délais pour tirer cette affaire au clair et prendre les mesures qui s’imposent, le cas échéant ? En nous rendant ce service, la corporation s’engage à ne pas vous réclamer le moindre investissement initial de crédits, et prendra en charge toutes les dépenses liées au développement d’un prototype répondant à vos exigences, jusqu’à parvenir à un résultat qui vous satisfasse... » Attrapant la bouteille d’eau, il s’en servit une rasade. La chaleur commençait à monter en température. Un soleil radieux battait son plein sur la terrasse.
Ragda Rejliidic
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A l’annonce des conditions de la Corporation Symbiosys, les deux énormes yeux globuleux du Hutt s'étrécirent jusqu'à devenir deux fines fentes. Son front se plissa. D'abord surpris, il devint rapidement méfiant... Il n'était pas habitué à traiter avec des filiales aux méthodes si... Moderne. Devait-il flairer une possible arnaque ? Il hésita un instant... Peu probable... Quel intérêt en retiraient-ils ? Même s'il comptait miser une énorme somme sur ce projet, ses fonds ne représentaient rien face aux milliards brassés chaque année par ces corporations aux dimensions gargantuesques. De ce fait, l'attitude de ce représentant ne signifiait qu'une seule chose : Symbiosys disposait de suffisamment de confiance en ses moyens technologiques et humains pour porter en tel projet tout en en assumant l'intégralité des risques... Que pouvait-il espérer de mieux ?!

Et contre toute attente, les traits du Hutt se déridèrent soudain... Ce dernier explosa littéralement de rire. Un rire franc, sans aucune note moqueuse ou arrogante. Un rire qui puisait sa source dans les entrailles même de la monstrueuse limasse... Son hilarité eut l'effet du bombe dans ce silence guindé qui régnait dans le restaurant huppé. L'éclat tonitruant dévora en un millième de seconde l'espace pourtant colossal de la terrasse du restaurant. Tous les clients, médusés, relevèrent la tête de leur succulent repas, adoptant des mines gênées, colériques ou seulement interloquées. Mais Ragda n'était pas idiot. L’alcôve dans laquelle se trouvait leur table les protégeaient des regards indiscrets. Outre l'accès qui donnait sur l'intérieur du restaurant, par laquelle passait le serveur, une épaisse végétation luxuriante, aux couleurs affriolantes les encerclaient de toute part. Une végétation épaisse... Mais pas trop. Suffisamment pour éviter tout spectateur de les identifier, mais qui ne les étouffait pas pour autant. Encore une raison qui le faisait aimer cet établissement... Le soucis du détail ! Sécurité, discrétion, respect de l'intimité... Mais jamais au détriment du confort et du bien être.

Lorsqu'enfin Radga repris contrôle de ses poumons, il lâcha une quinte de toux grasse. Ah ! Qu'il était bon de rire d'aussi bon cœur... S’essayant de l'index une larme perlant à la commissure de l'une de ses paupières, Ragda répondit, légèrement essoufflé :

« M. Ortyss ! Vous êtes décidément un homme plein de surprise ! »

Il parlait plus fort, mais surtout avec un réel entrain :

« Je vous ai mal jugé. Adroit sur la forme, franc dans le fond... Avisé, intelligent... Et manipulateur de surcroît.... Vous avez détruit en quelques mots mes ambitions pour mieux me vendre votre projet... »

Il pouffa, mais réussit à contenir de justesse une nouvelle débauche sonore.

« Si vous décidez un jour de changer de carrière, et de vous lancer en politique, contactez moi, je vous offrirait mon plein soutient ! »

Puis il hurla :

« Garçon ! Champagne ! Votre meilleur cru ! »

Avant de continuer :

« Marché conclu... Vous avez mon accord.

Votre proposition me plaît de plus en plus... Je vois là un véritable potentiel à exploiter... Un serviteur fidèle, répondant à la programmation des nanites pré-définie... Modifiable à volonté je suppose ? Croyez-vous qu'il soit également possible de faire en sorte que le sujet ne se doute même pas de toutes ces... modifications ? Qu'il soit intimement convaincu d'être cent pour cent humain, et libre de ses choix ? Ce serait une ironie si... »


Il pouffa à nouveau.

« Je suis heureux d'avoir frappé à la porte de Symbiosys. Vos compétences et vos méthodes sont exemplaires... Et concernant ce petite service que vous me demandez... Je sais déjà comment procéder... »

La serveur Mirialan approchait, un seau débordant de glaçon dans lequel trônait une bouteille émeraude à étiquetage doré, à la main. Il annonça :

« Champagne Coruscanti, cuvée spatiale. Le raisin a été cultivé en serre orbitale climatisée, directement sous le rayonnement solaire, ce qui donne cette note si particulière, si douce, à ce grand cru. Vieilli pendant vingt ans en gravité zéro, il vous révélera des arômes dont vous n'aurez jamais imaginé l’existence... »

Le Hutt le coupa :

« Épargnez nous votre baratin commercial... Si je l'ai commandé c'est pour le boire, pas pour connaître son arbre généalogique. Dépêchez vous de nous servir et déguerpissez, nous n'avons pas encore fini... »

Le Mirialan s'exécuta alors rapidement, proprement, et en silence... Mais juste au moment où il allait disparaître, et que ses traits se détendaient enfin :

« Hé une dernière chose... Apportez moi une autre assiette de crustacés, celle là est trop tiède. Allez, allez, je n'ai pas toute mon après midi !»

Ragda soupira puis leva son verre au dessus de sa tête :

« Trinquons M. Ortyss... A notre marché... Buvons en l'honneur de vos ancêtres, ceux-là même qui en s'amusant avec le génome d’autrui nous ont conduit à nous rencontrer aujourd'hui ! A la science et au profit !»

Alors que dans ses mains, la flûte de champagne eut des proportions « normale », elle sembla outrageusement minuscule en comparaison de l'énorme bouche qui l'épousait soudain. D'ailleurs, le Hutt n'en fit qu'une gorgée, un cul sec, ce qui aurait fait se retourner dans leur tombe tous les grands amateurs de champagne qui s'étaient succédés depuis la nuit des temps. A peine avait-il reposé cette dernière sur la table, qu'il continua :

« Je sais comment procéder pour votre... petit service. Il se trouve que votre dossier ne pouvait pas mieux tomber. Je vais remettre dans quelques jours un rapport complet au Chancelier, traitant des fraudes fiscales commises par les Corporations et autres grandes entreprises de la République. Ce rapport est accablant... Et je ne doute pas trouver gain de cause lorsque je demanderai à son Excellence de lancer une vaste opération de lutte contre ces tromperies. Mais comme il nous sera impossible travailler sur tous les fronts, ils nous faudra cibler plusieurs mondes fortement industrialisés... J'ai quelques noms en tête... Mais je pourrais y ajouter Arkania.

Avec votre dossier glissé dans mon rapport, je n'aurais aucun mal à l'inclure dans ma liste. Évidemment, pour ne pas éveiller le moindre soupçons, il faudra que le Trésor réalise également une inspection de vos comptes, en plus de ceux des sociétés que vous voulez que je cible. Mais je veillerai personnellement à ce que l'inspecteur général chargé de ce contrôle de routine reçoive un petit chèque pour fermer les yeux sur les quelques irrégularités qu'il pourrait déceler. Vous n'avez aucune inquiétude à avoir.

Au final, j'aurais tout le loisir de venir à votre rencontre, pour féliciter votre Corporation pour son intégrité morale et fiscale... Un déplacement officiel, médiatisé, qui ne lèvera donc aucune question gênante... Après ces formalités, vous serez libre de me présenter vos jouets. Je ne verserai pas un seul centime sur un seul compte avant d'avoir vu ce dont vous êtes capable, suis-je bien clair ? »


Au moment même où Ragda prononçait ces derniers mots, le Mirialan refit son apparition, la mine de plus en plus déconfite. Le jeune serveur déposa une nouvelle assiette, strictement identique à la précédente, devant l'immense Hutt. Redoutait-il une nouvelle remarque désobligeante ? Sûrement... Et il avait raison.

Aussitôt en place, Ragda se précipita sur le crustacé bleuté. Il l'attrapa sans ménagement, et le balança sur le pauvre serveur. Pris de court, il ne put éviter le projectile improvisé, se retrouvant avec un tablier taché de sauce, et la bestiole ébouillantée entre les mains :

« Je l'ai déjà mangé celui là ! Pas question de payer deux fois ma part ! Rapportez le en cuisine ! Allez, oust !»

Puis il fit un clin d’œil à Noval :

« Je fais ça pour son bien... C'est dans la souffrance que l'on apprend le mieux à reconnaître et à corriger ses erreurs... Et je sais de quoi je parle !

Donc nous disions... Ah oui, ma visite officielle... Dites moi jusque quand cela vous arrangera le mieux, histoire que vous ayez quelques résultats à me présenter... Sinon pas la peine de me déplacer.

Vous voulez mes huitres ? J'ai l'impression que vous les adorez...»
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Conscient que Ragda Rejliidic était sûrement occupé à soupeser en détail les clauses de l’accord que Noval venait de lui proposer, aucun signe avant-coureur ne l’avait préparé à une réaction d’une telle résonance ! Pour preuve, il faillit même s’étouffer avec la gorgée d’eau qu’il avala de travers ! En voyant le Hutt éclater d’un fou rire si retentissant et tapageur qu’il couvrit à l’aise le cliquetis des couverts et le brouhaha poli des autres clients, lesquels avaient dû sursauter de stupeur face à une telle marque de grossièreté, l’arkanien se figea, abasourdi, sans voix. Ecarquillant des yeux ronds, l’air penaud, il se borna à se demander s’il n’était pas en train de se payer tout bonnement sa tête. Fallait-il comprendre qu’il ne le prenait plus au sérieux, maintenant que Noval lui avait tout avoué de ses intentions ? Comme pour prévenir le pire, il esquissa timidement un sourire, et se prit au jeu de la bonne humeur communicative du sénateur en riant à son tour, faussement satisfait de constater que son humeur morose était déjà de l’histoire ancienne. A moins que cette comédie ne fasse que couvrir une colère noire dont les foudres ne tarderaient pas à s’abattre sur le représentant de la Symbiosys, perdant toute crédibilité et tout espoir de voir ses secrètes aspirations contentées ! A cette pensée, le visage de Noval se crispa soudainement, se forçant à une gaité factice qui n’émailla pas le doute qui le rongeait de l’intérieur, et qui dura jusqu’à ce que Ragda reprenne son souffle, et la parole. Très vite, heureusement, ce dernier mit fin au supplice de l’arkanien, qui, sur le coup, ne savait plus sur quel pied danser…

A présent que leur entrevue allait bientôt toucher à sa fin, il fallait bien reconnaitre une chose : Ragda Rejliidic, outre le fait qu’il soit le personnage le plus atypique qu’il ait jamais rencontré, possède une personnalité hors-norme à bien des égards. Sans trop savoir dire pourquoi au juste, Noval commençait à apprécier la compagnie de ce trublion réjouissant et quelque peu déjanté, qui aimait en imposer au moyen de remarques truculentes, flirtant avec le limite de l’acceptable parfois, mais toujours avec un humour et une décontraction faisant qu’il ne laissait insensible personne de son entourage. Face à ses sautes d’humeur intempestives, l’arkanien craignit d’avoir bel et bien froissé la susceptibilité du Hutt en contrevenant à ses attentes. Et il se trompait : il n’avait pas à faire à de simples caprices puérils et passagers, mais aux états d’âme d’un caractère certes irascible, mais surtout authentique, entier, se drapant parfois de faux-semblants pour mieux laisser paraitre sa vraie nature de négociateur, et des plus avisé de surcroit. Pourtant, avec Noval, jamais il ne chercha véritablement à jouer un double-jeu, du moins c’est ce qu’il pensa, même si ces manières de manipulateur patenté pouvaient laisser croire le contraire. Au détour d’un commentaire, le ministre eut quelques mots, peut-être anodins le concernant, mais qui firent luire, l’espace d’une seconde, les yeux de son convive d’un éclat diamantin.


« Si vous décidez un jour de changer de carrière, et de vous lancer en politique, contactez-moi, je vous offrirais mon plein soutien ! »

Une phrase qui ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd. Et voilà que les bulles coulèrent à flots ! Pour officialiser les termes de leur entente, Ragda Rejliidic venait de commander du champagne, en ne s’empêchant pas, comme à son habitude, de rembarrer une fois de plus le serveur, se cuirassant derrière une indifférence feinte face à la moquerie acerbe soulignant le grotesque de ses manières guindées d’œnologues en herbe. De son côté, Noval se retint difficilement de pouffer, histoire de ne pas accabler davantage le pauvre employé qui se rappellerait sûrement de cette journée pendant quelques temps. Attentif aux précisions que le Hutt lui apporta concernant la petite affaire évoquée par l’arkanien, il opinait du chef en signe d’acquiescement tandis qu’il sirotait goutte à goutte le breuvage pétillant, ravivant ses papilles plutôt deux fois qu’une. Patientant que Ragda finisse son intervention, il ne se fit pas prier pour répondre favorablement à sa dernière offre :

« Ah, si vous me prenez par les sentiments ! Je ne dis pas non ! » lui rétorqua-t-il en faisant tourner le plateau de fruits de mer jusqu’à ce qu’une rangée d’huitres sagement couchées sur un duvet de glace pilée apparaisse devant lui, offrandes exquises pour un palais qui n’en réclamait pas tant ! Penchant sa coupe, il les arrosa d’un filet de champagne avant de commencer sa dégustation, et de continuer sur sa lancée :

« Pour ce qui est des fonds, ne vous en souciez pas, je vous l’ai dit, il n’y a aucun problème à ce sujet. Et je me ferai un plaisir de vous accueillir avec les égards qui vous sont dus au siège de la Symbiosys, même si je vous avouerai ne pas être très friand des holo-caméras et du tintamarre médiatique, en règle générale. Mettons que je ferai un effort pour la circonstance, après tout, ce n’est pas tous les jours que nous avons l’honneur de recevoir un ponte du gouvernement, doublé d’un businessman hors-pair ! » argumenta-t-il, un sourire pincé aux lèvres, tout en reprenant le brouilleur trainant encore sur la table pour le mettre dans la poche de sa veste, avant d'oublier.

« Pour revenir sur le sujet, il y a de grandes chances que vous soyez surpris par la nature des documents que je vous transmettrai. Disons que ces révélations impliqueront de lourdes conséquences, et leurs répercussions feront trembler le gouvernement arkanien… Il ne s’agit pas seulement d’une banale affaire de corruption ou de pot-de-vin. Quoi qu’il en soit, vous l’aurez l’occasion de me faire savoir votre avis en temps et en heure. En revanche, je ne peux encore vous donner une date précise pour notre future rencontre, mais croyez bien que je compte réunir le maximum de ressources humaines disponibles afin d’obtenir des résultats dans les plus brefs délais. Disons que la fois où je contacterai vos services, mettons pour des raisons purement administratives, marquera le moment où vous pourrez venir et constater les progrès accomplis par nos équipes de chercheurs… Qu’est-ce que vous en dites ? A moins que vous connaissiez un moyen plus discret pour entrer en relation ? A vous de voir ! » fit-il avant de lui proposer de la resservir, inclinant la bouteille en haussant des sourcils en guise de suggestion.
Ragda Rejliidic
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Bien des néophytes, ou des observateurs peu avisés, osaient comparer l'art de la négociation à celle de la danse... Il est vrai que les similitudes pouvaient être trompeuses :

D'un coté, les danseurs, en face à face, se laissant porter par les rythmes des instruments, tantôt avançant, tantôt reculant, avant de poser le pied de coté et de partir dans des mouvements tournants... La grâce et l'efficacité du geste, voilà ce qui témoignait de la qualité du danseur...

De l'autre, deux chargés d'affaires, en face à face, se laissant porter par la rythmique des phrases et des arguments, avançant puis reculant, avant de céder sur un point, pour mieux triompher sur un autre... Le style et l'efficacité des mots, voilà ce qui témoignait la qualité du négociateur...

Pourtant ces deux disciplines étaient en réalité aux antipodes l'une de l'autre. La danse impliquait deux partenaires, deux âmes complices, l'une cédant volontairement à l'autre le droit de diriger ses pas... Tandis que la négociation, elle, opposait deux adversaires, deux âmes antagonistes, luttant pour imposer leur domination, usant de toutes les stratagèmes offert par la rhétorique pour dominer l'autre.

Plus Ragda y réfléchissait, plus il se demandait : venait t'il de négocier ou de danser avec Noval Ortyss, représentant des Corporations Symbiosys ?

D'un coté, ils s'étaient tous les ceux livrés à des confessions, l'un avouant ses projets moralement répréhensibles, tandis que l'autre ne tarissait pas d'éloges sur les activités à l'éthique douteuse de son entreprise... Mais pourtant, le Hutt n'éprouvait ni la sensation d'avoir dirigé la danse, ni de s'être fait dominé d'une main autoritaire. Ils s'étaient lancés pique sur pique, d'homme d'affaires à homme d'affaires, sans jamais que l'un ne courbe l'échine devant l'autre... Et au final, leurs échanges les avaient conduit sur des chemins bien inattendus...

Jamais en envoyant son message à Symbiosys, Radga n'aurait pu prévoir une telle conclusion. Finalement il cédait sur son idée initiale, celle de procéder à des manipulation génétiques... Mais pour se retrouver face à une nouvelle option, à laquelle il n'avait jamais songé : celle de la nanotechnologie appliquée au cerveau humain... Quelle fantastique idée ! Et tout cela, pour une prise de risque minimum, puisqu'il n'aurait pas à débourser un seul crédit avant d'avoir obtenu satisfaction... Tout du moins, si Noval disait vrai. Seul revers de la médaille, un dossier à faire glisser entre les mains expertes de l'administration de la République...

Noval prenait au final bien plus de risques que lui... Maintenant qu'il y repensait, un autre détail distinguait la danse de la négociation... Une fois la musique terminée, les danseurs se quittaient sourire aux lèvres, satisfaits tous les deux... Alors que les chargés d'affaires eux ne se quitteraient plus jamais du regard, s'assurant chacun que l'autre tiendrait ses engagements. Et c'est exactement ce qui venait de se passer...

Ragda inclina légèrement la tête de coté, son immense bouche dépourvu de lèvre s'étirant en un sourire carnassier :

« Monsieur Ortyss, je me doute bien que vous n'êtes pas du genre à aimer les holocaméra... Mais... Voyez cela, comme l'un des termes de notre accord de principe... Je mets mon argent sur un compte, j'engage ma réputation en vous confiant une mission aussi... inhabituelle... Pendant ce temps, je gère votre petit dossier compromettant... Et je m'assure que vous ne tenterez rien contre moi en conservant cette épée de damoclès médiatique au dessus de votre tête... Il n'y a rien de personnel, c'est donnant donnant... Si je tombe, vous tombez avec moi, simple garanti qui sera le ciment de notre entente et de la confiance que nous nous porterons tout au long de ce projet. »

Puis il hésita un instant... Quelle était la meilleure solution pour rester en contact ? Pour éviter tout incident, il fallait absolument que tous ses projets privés n'entrent pas dans sa sphère professionnelle... Mais comment réaliser cette dichotomie alors que ses rôles de Sénateurs et de Ministres lui imposaient une présence quasi permanente sur Coruscant ? Même en prétextant des demandes administratives tout à fait banales, il ne pouvait prendre le risque de faire transiter de tels messages aussi prêt des autorités Républicaines... Non, il allait falloir la jouer un peu plus fine...

Malgré lui, il grimaça légèrement... Il avait horreur de mentionner ce nom à vive voix, comme si le fait de l'énoncer représentait un aveux de culpabilité... Pourtant, il n'avait pas le choix :

« Pour ce qui est de nous recontacter... Je préfèrais que nous n'échangions jamais directement, quelqu'en soit le prétexte. Même les messages les plus anodins risqueraient de lever des interrogations, surtout en cette période de lutte contre les fraudes fiscales qui s'annonce difficile... Imaginez si l'on en vient à me soupçonner de conflits d’intérêts parce que je reçois directement des messages d'un responsable industriel d'une société dans la ligne de mire de mes services du Trésor... Non merci, je n'ai pas envie que ce genre de quiproquo puisse être le point de départ d'une fouille méticuleuse dans ma vie privée.

J'ai une solution plus... discrète... Hmm... Connaissez-vous le trafiquant d'informations qui se fait appeler Fantôme sur la toile holonet ? J'ai déjà eu recours à ses services par le passé, et il est réputé pour être fiable, à condition d'y mettre le prix... Comme c'est moi qui vous impose cet intermédiaire, considérez que la note sera à mon entière charge. Envoyez lui simplement un message lorsque tout sera prêt, et ainsi nous n'aurons jamais été directement en contact. »


La conversation aurait pu s'arrêter là... Les détails de première nécessité étaient arrangés, ou presque, si bien que le silence s'installa entre les deux hommes, silence qui leurs permis de terminer leurs assiettes respectives. Pourtant, un dernière élément titillait la curiosité du gros Hutt... Que pouvait-il bien y avoir dans le mystérieux rapport de Noval pour que ce dernier lui tienne de tels propos ? Il commençait à douter... Et si ce rapport, tel une boite de pandore, lui explosait au visage, au lieu de servir ses intérêts ? Pouvait-il encore glaner quelques informations sans révèler ses soudaines inquiétudes ?

Au moment où il allait ouvrir la bouche, le serveur Mirialan refit son apparition. Ce dernier, la mine totalement décomposée, n'osait plus détourner les yeux de ses chaussures. Ragda nota que depuis la scène de tout à l'heure, il avait tout de même prix le temps de changer d'uniforme... Le serveur leva le regard uniquement pour apprécier l'avancement du repas de ses clients... Ils avaient pratiquement terminés... Aussi, certainement désireux de quitter le duo au plus vite, il demanda :

« Ces messieurs désirent-ils la carte des desserts ? »

Ce à quoi, Ragda, pour une fois, ne répondit rien, laissant le privilège à son invité décider pour eux deux. Il n'avait jamais été très friand des desserts, mais il ne voulait pas pour autant priver M. Ortyss d'un dernier petit plaisir culinaire.

Après le départ du serveur, qui en profita pour s'esquiver avec une partie des plats vides, Ragda attrapa sa serviette pour éponger son large front rendu moite par la température extérieure. Il lança :

« Et bien... La journée s'annonce étouffante... Nous avons bien fait de ne pas perdre de temps en mondanités. Toutefois, une dernière question me brûle les lèvres...

Votre rapport... Pourquoi agir de la sorte, en me le remettant en main propre ? Voyez y une simple curiosité... Mais habituellement, lorsque l'on tente de me faire glisser des documents, c'est justement parce leurs émetteurs ne souhaitent pas que les autorités chargés de filtrer ces affaires passent au peigne fin leurs sources souvent bancales... Si vous êtes si sur de vous, et de la véracité de vos informations, pourquoi ne pas emprunter la voie administrative usuelle ? »


Une question détournée qui invitait Noval à en dire un peu plus...
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Il fallait s’y faire ! Rien ! Absolument rien n’échappait à la vigilance et à la vivacité d’esprit de ce Ragda Rejliidic ! Et comme chacun sait, le diable est dans les détails… Pas étonnant qu’il ait été nommé à la tête d’un ministère aussi sensible que celui de l'économie : son esprit d’analyse et de synthèse ne devait se relâcher qu’en de rares circonstances, faisant de lui quelqu’un de prévoyant, de précautionneux et donc, de difficilement bernable. Non, il n’était décidément pas un « client » comme un autre, loin s’en faut. Cette capacité à trancher un juste milieu entre appréciation personnelle et remarque objective est le propre des gens de pouvoir, de ceux qui savent ce qu’ils veulent, et comment l’obtenir. Autrement dit, déceler quelle rhétorique sera la plus à même de faire plier l’interlocuteur vers une pente dont l’inclinaison était calculée bien à l’avance. Bon gré mal gré, Noval avait la nette impression de recevoir une leçon de diplomatie venant d’un négociateur dont l’art oratoire s’avère être incisif, pour ne pas dire perforant, tellement le Hutt avait cette facilité pour dégrossir les contours d’un terrain d’entente, limites qu’il peaufinait et ciselait à coups de marteau, au fur et à mesure de la conversation. Ragda Rejliidic ne faisait pas partie de ceux qu’on coupe, mais qu’on écoute jusque ce qu’il vous laisse la liberté de reprendre la parole, peu importe le sujet auquel son intervention vous a conduit, ou éconduit. Chapeau bas à ce personnage et au costume de notable qu’il s’est taillé sur mesure, s’accommodant avec brio de sa propre apparence, jugée ingrate et répulsive au premier abord, par une habilité à discourir tout à fait remarquable. Un compliment que l’arkanien préféra taire, n’ayant jamais eu une propension particulière à passer de la pommade envers qui que ce soit, alors qu’en secret, il enviait presque cet être pour son caractère à la fois intraitable et débonnaire. Une dualité aussi appréciable que le repas qu’ils finissaient de prendre, à part le fait qu’à la brise océane soufflant sur la terrasse, succéda une chaleur de plomb qui incitait Noval à ne pas souhaiter s’éterniser plus avant.

Ainsi, le représentant de la corporation Symbiosys avait vu sa requête de rester en retrait de l’agitation des holocams et du brouhaha journaleux, lorsque le ministre lui rendrait visite sur Arkania pour constater l’avancée des travaux, botter en touche purement et simplement, ce à quoi il avait réagi en lâchant un «
comme vous voudrez » d’un ton monocorde et presque absent, ponctuant la fin de la tirade du Hutt. Apparemment, les traitements de faveur qui lui avaient été accordés n’étaient pas suffisants pour lui concéder cette faveur. Tout au contraire, il comptait se servir de cette surexposition médiatique comme d’un levier pour faire pression sur la mégacorporation et ses dirigeants, Noval arrivant en tête de liste. Si jamais les teneurs officieuses de sa venue et de leur accord venaient à être révélées au grand jour, personne ne serait épargné par la descente aux enfers qui s’ensuivrait. Plus malin que lui, tu meurs…

C’est là qu’un moment d’hésitation ponctua la conversation, événement assez singulier pour que l’arkanien s’empresse de le relever, tant ils sont rares chez son interlocuteur, le sénateur pesant visiblement le pour et le contre avant de poursuivre presque à contrecœur sur sa lancée. Apparemment, le seul fait d’évoquer par son nom –
Fantôme – un trafiquant d’informations susceptible de garantir la sécurité et l’anonymat de leur correspondance à venir, gêna le gouvernant, tant est si bien qu’il s’arrangea pour ne pas s’appesantir là-dessus, faisant dériver la conversation sur toute autre chose. Et le fait d’enchainer sur un point que Ragda supposait épineux, à juste titre, indiqua clairement qu’il tenait à brouiller les cartes : d’une manière ou d’une autre, il ne lui avait pas tout dit concernant ce pirate virtuel, notamment les relations qu’ils entretenaient l’un et l’autre. S’agissait-il d’une ruse pour prendre à défaut Noval ? Peu probable, vu qu’aucune communication sensible ne passerait entre les mains de ce " Fantôme ", dont le rôle se limiterait à celui d’un intermédiaire. Étrange alors que quelqu’un dans sa position prenne autant de gants pour évoquer une identité à l’évidence fictive… A moins que son embarras ne soit dirigé vers le faussaire lui-même, ce qui impliquerait que les deux protagonistes se connaissent bien mieux que le sénateur semble le prétendre. Quoi qu’il en soit, Noval ne pouvait se permettre de creuser plus avant, au risque de froisser le Hutt en se mêlant clairement de ce qui ne le regardait pas. A sa proposition, il s’était contenté d’hocher la tête pour signifier son accord sur la marche à suivre, évitant la redondance d’un autre « comme vous voudrez ».


« Pas pour moi » indiqua-t-il en souriant timidement au serveur, qui ne demanda pas son reste pour remballer ses cartes en débarrassant quelques plats par la même occasion. Alors qu’il allait se resservir un verre d’eau pétillante, Ragda fit part de sa curiosité concernant le service qu’il devrait lui rendre. A présent, ce fut au tour de l’arkanien de chercher ses mots, tandis qu’il prenait sa serviette de table pour essuyer les commissures de ses lèvres, évitant soigneusement le coin encore humide du linge aux broderies fines.

« C’est une affaire compliqué, que je n’essaierai même pas de vous résumer en quelques mots. Disons que ses répercutions seront de nature à provoquer des remaniements au sein du gouvernement arkanien, et vous l’avez deviné, je compte bien tirer mon épingle du jeu au moment le plus propice. Il ne s’agit pas que d’une simple histoire de malversations et de délit d’initiés. De graves crimes de droit pénal ont été commis, et j’entends bien que leurs auteurs soient traduits en justice comme il se doit. Le premier chainon demeure d’ordre économique, les autres accusations suivront leurs cours, j’y veillerai personnellement. » déclara-t-il en insistant sur ce dernier terme comme s’il s’apprêtait à enfoncer un clou à la seule force de sa voix. « Voilà pourquoi votre aide serait si appréciable : je ne veux pas que le traitement de ce dossier traine en longueur, et je veux que vos gens apportent un soin tout particulier à décortiquer chaque document qui y figure. A vous de prendre les mesures qui s’imposeront, sans faire le poindre zèle. Il ne faudrait pas que le moindre vice de procédure entache les futures mises en accusation qui viendront sans nul doute clôturer l’étude de ces preuves. Soyez sûr que la Maison que je représente saura apprécier ce coup de pouce à sa juste valeur, monsieur le ministre… »
Ragda Rejliidic
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Il avait tiqué. Oui… Il avait tiqué. Une ombre fugitive, quasi imperceptible avait assombri son regard, tiraillant l’espace d’une microseconde les ridules entourant les orbites de son visage blafard. D’autres auraient peut-être douté tant cette expression fut évanescente. Mais pas Ragda, non. Même s’il s’amusait souvent à dire le contraire, le langage corporel des humanoïdes, composante majeure de la biodiversité galactique, n’avait plus de secret pour lui. Pour réussir en politique, pour gravir les échelons, il n’avait eu d’autres choix que d’apprendre à reconnaître ces signes discrets mais ô combien révélateurs. Stupide aurait été celui qui se serait lancé dans une telle carrière sans se doter d’une arme aussi redoutable pour percer les pensées de ses interlocuteurs. La plupart du temps, il s’agissait de réflexes impossibles à contrôler pour le commun des mortels. Froncement de sourcils, plissement des yeux, rictus discrets, tensions musculaires, rigidité des traits… Même le plus entraîné des menteurs ne parvenait à tuer tous ces indices. Au mieux, il les dissipait à l’instant même ou ceux-ci se révélaient. Comme venait de le faire Noval. Une preuve de plus que cet homme n’avait rien d’un amateur. Il maîtrisait à la perfection sa communication, qu’elle soit orale ou visuelle.

Le regard jaune orangé du Hutt scrutait le visage de l’Arkanien tandis qu’il continuait sa dissertation intérieure. Noval avait tiqué. Il avait réagit à l’instant même ou il avait évoqué son souhait de passer par un intermédiaire, Fantôme, pour échanger à l’avenir. Mais pourquoi avait-il réagit ? Était-ce le fait d’user d’une tierce personne qui l’incommodait ? Ou bien s’agissait-il de sa nature même, un pirate informatique, qui le dérangeait ? Ces questions, dans d’autres circonstances, auraient pu être creusées. Ses activités, légales et illégales, lui avaient appris que toute réaction naissait d’un stimulus intellectuel propre. Il pouvait s’agir de peur, de crainte, d’une phobie… Bref, de n’importe quel sentiment successible de provoquer une réaction. Décrypter les expressions n’était qu'une première étape pour cerner un individu, la seconde consistait en la compréhension des émotions sous-jacentes qui les provoquaient… Par exemple, dans le cas présent, pourquoi l’Arkanien hésiterait-il à passer par un pirate informatique ? Une mauvaise expérience ? Une crainte liée à une forme de paranoïa ? Ou bien plus simplement… N’était-il pas, mentalement, en train de réaliser le même exercice que lui afin de s’expliquer pourquoi le Hutt lui avait proposé « Fantôme » plutôt qu’un autre ?

Ragda s’affala un peu plus sur le large banquette, visiblement détendu. Raaah, qu’il adorait ces joutes mentales. Il s’agissait là d’un véritable jeu de stratégie, où les mots n’étaient que la partie visible d’un iceberg de réflexions et d’analyses. Même si ces exercices l’amusaient et le stimulaient au plus au point, la limace les chassa de ses pensées. Il n’avait ni le temps ni le loisir de s’amuser à percer l’esprit et les motivations de l’Arkanien. Ce n'était ni le lieu, ni le moment. Il lui fallait d'abord conclure leur arrangement, et éclaircir les derniers détails. Le reste viendrait plus tard, assurément.

En tout cas, à aucun instant le Hutt ne s’inquiéta. Noval passerait par Fantôme, que ceci lui plaise ou non. Dans le cas contraire, il prendrait le risque de s’exposer aux questionnements du Hutt, devant alors se justifier sur les raisons de ses choix. Ce fut pour cette raison que Ragda n’insista pas, d’autant plus que cela aurait paru suspect, l'exposant alors, lui, aux questionnements de son interlocuteur. En résumé, Ragda n’en dirait pas plus, et Noval agirait comme convenu. Statu quo.

Alors que le monologue de l’Arkanien arrivait à son terme, que celui-ci terminait de lui exposer les raisons de ses choix, Ragda se redressa, empoignant de sa petite main le verre à moitié vide qui trônait toujours sur la table. D’une seule gorgée, il acheva ce repas. Les assiettes avaient été débarrassées, et comme ils n’avaient commandés ni l’un ni l’autre un dessert… Une entrevue qui après avoir touché à leur faim, touchait à sa fin. Cette pensée le fit sourire.

« M. Ortyss, vous avez le mérite d’être une personne qui inspire confiance. » déclara-t-il, sans ironie. « Je comprends que vous souhaitiez qu’un dossier aussi sensible puisse être transmis directement au Ministère, sans passer par des intermédiaires qui pourraient… Hmmm… Avoir quelques hésitations à le traiter convenablement. » Une manière politiquement correcte de parler de corruption. « Quelle sorte de Ministre serais-je si je ne m’occupais pas personnellement, et avec la plus grande des intentions, d’un dossiers aussi brûlant ? » Question rhétorique. Derrière les aspects éthiques et légaux qui l’indifféraient, le Hutt voyait surtout un moyen de s’assurer de la loyauté de son interlocuteur dans leur affaire, comme évoqué plus tôt dans la conversation.

D’un coté, Ragda allait transmettre à Noval des accords et des financements afin d’entreprendre des recherches et des expérimentations parfaitement illégales, allant à l’encontre de toutes les lois Républicaines régissant ces activités technologiques. Ce faisant, il se plaçait dans une situation inconfortable, où l’Arkanien aurait pu cherché à le doubler, ou à le piéger. D’un autre coté, Noval allait lui transmettre des documents sensibles, visiblement très importants pour lui et sa société. Ce faisant, il se plaçait lui aussi dans une situation inconfortable, se retrouvant à devoir faire confiance à un Hutt ouvertement malhonnête, pour mener à bien ses projets.

Ainsi l’un comme l’autre disposaient d’éléments successibles entraver, voire de saboter, les ambitions de l’un comme l’autre. Statu quo, encore une fois. Décidément, leurs arrangements ne pouvaient commencer sur des bases plus saines.

« Et bien, je m'engage à prendre en charge personnellement ce dossier. Je placerai une équipe restreinte mais très performante sur ce sujet. Et pour ce qui est du suivi de l’avancement de notre expertise… » déclara-t-il, avant de reprendre, après un silence éloquent, la mine malicieuse. « Il s’avère que je m’apprête à lancer une grande campagne de lutte contre l’évasion fiscale des plus grandes corporations de notre République. Et comme il se pourrait que Symbiosys soit déjà inscrit sur cette liste… Ce serait un magnifique prétexte pour venir vous rendre visite en personne, le moment venu, ne trouvez-vous pas ?

Nous pourrons ainsi lier l’utile à l’agréable… Lorsque nous nous reverrons pour échanger autour de vos avancées, je vous teindrai informé des miennes. Si le sujet est aussi sensible que vous l’annoncez, j’ai bien peur toutefois cette affaire prenne des mois, voir des années. Comme vous le dites, il serait vraiment dommage de voir tout ce travail tomber à l’eau pour une simple question de procédure… »
Menaces sous-entendue ? Oui et non : un simple exposé des faits. Il ne fallait pas que Noval escompte des retours avant que celui-ci n’ait lui-même avancé sur les sujets qui préoccupaient le Hutt… Donnant, donnant. Charge à lui de mettre les ressources nécessaires pour faire avancer les recherches, Ragda en ferait alors autant. Le deal semblait équitable. Après quelques instants, il reprit enfin, sur un ton plus léger, s'étant de nouveau avachi sur les confortables et gargantuesques coussins de sa banquette :

« Je ne sais pas vraiment quelles sont les traditions Arkaniennes pour conclure un marché… Mais permettez moi de vous offrir un dernier verre, que nous puissions trinquer à cette affaire que nous liera pour les années à venir… »

Ragda fit alors un signe au serveur, qui s’approcha lentement, visiblement très tendu. Avant que celui-ci soit à porté d’oreilles pour prendre leur dernière commande, le Hutt ajouta :

« M. Ortyss, sincèrement, je nous prédis un bel avenir. Ce dossier que vous m’offrez ne manquera pas de booster ma propre carrière, tandis que les technologies que vous développerez avec mes financements ne manqueront pas de vous rapporter quelques brevets exclusifs… »

« Vous désirez, messieurs ? » demanda le Mirialan, arrivé à portée de voix, les yeux toujours rivés sur ses chaussures.

« Deux coupes de votre alcool le plus cher ! » lança le Hutt, plus enjoué qu’au début de cette entrevue. Le serveur s’exécuta, pratiquement au pas de course. Peut-être devinait-il que la limace disparaîtrait de sa vie dès cette dernière collation ingurgitée. Aussi, fut-il d’une rapidité exemplaire pour leur apporteur leur commande.

Ragda leva alors son verre bien haut, et laissa à son invité l’honneur de poser les quelques mots qui scelleraient leur destin mutuel. Au même instant, un éclair zébra le ciel pourtant azur, juste au dessus d’eux. Le grondement du tonnerre, véritablement roulement de tambours, vint déchirer la quiétude de cette belle journée ensoleillée. Si Ragda n’avait pas été fondamentalement athée, il aurait pu croire que les dieux de cette galaxie, eux-mêmes, venaient de se faire témoin de leurs petites affaires.
Invité
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La conversation avait filé bon train entre les deux amateurs de bonne chère, et ce tout le long de ce déjeuner fort agréable, eu égard à la qualité gustative des mets servis, sans compter le fait que ce moment fut d’un bout à l’autre placé sous le signe d’une certaine cordialité, relevé de traits d’esprit affriolants et saupoudré d’une pincée d’humour qui ne gâta rien aux pourparlers. Bien au contraire, au-delà de sa fonction ministérielle qui laissait supposer une personnalité un tantinet austère, pour ne pas dire ennuyeuse, Ragda Rejliidic était l’exact opposé de ce portrait fabulé. Faisant preuve d’une détermination sans faille, le Hutt avait pour habitude d’exposer ses volontés sans gêne ni fioritures, en allant droit au but, laissant le soin aux autres de se dépêtrer avec les éventuelles difficultés qu’ils soulèveraient en guise de conseil ou de protestation… Il venait de faire la même chose avec Noval, et ce dernier n’eut d’autres choix que de plier à ses exigences, pour le moins justifiées et largement acceptables. Le ministre avait fait preuve de prévoyance et de prudence tout le long de la transaction avec l’arkanien, il fallait naturellement s’y attendre de la part d’une personne occupant une position de premier plan. En politique, être sur le devant de la scène, se placer en première ligne face aux embuches à venir requiert un esprit de dément et une sagesse de Jedi. Autrement dit, une volonté absolue d’anticiper les coups à venir, et d’enraciner ses choix dans le terreau des réalités, tantôt sablonneuses, tantôt marécageuses. En même quand se trouve dans l’incapacité d’agir de la sorte, il fait toujours donner le sentiment aux autres qu’on a les cartes en main, quitte à mentir, trahir ou se ranger du côté de la vérité pour cela. Il arrivait parfois à Noval de se demander si son aspiration à devenir sénateur d’Arkania était bien censée, s’il ne s’agissait pas là d’une lubie qui l’avait piqué au vif sans prévenir. Etait-ce un défi qu’il s’était lancé à lui-même, afin de hisser la Maison Ortyss jusqu’aux portes du Sénat Galactique ? Ou s’agissait-il d’une vision à long terme dont il n’avait pas encore dégrossi les contours, de peur de découvrir ce qui se cache derrière, tapis dans l’ombre ? Arkania, Les bases d’un Empire Sith renaissant… Peut-être qu’effectivement, le hasard fait parfois bien les choses ! Observant le sénateur Rejliidic en écoutant ces dernières recommandations, l’arkanien voyait en lui la pièce maitresse qui rendrait possible cette ascension politique. A ce titre, l’arrangement mutuel qu’ils étaient en passe de conclure n’étaient peut-être que le premier d’une longue liste, qui sait ?!

L’affaire était donc conclue, du moins, en principe seulement. S’il n’y avait aucun doute à avoir quant à l’efficacité avec laquelle seraient traitées les informations confidentielles, que Noval transmettrait en temps et en heure aux services d’inspection rattachés au Ministre, ce dernier venait toutefois de s’engager sur une pente assez glissante. Sans plus tarder, il allait devoir signifier à son père l’importance capitale d’une réorganisation complète e rapide des équipes de recherche, et l’informer du côté extrêmement sensible des expérimentations à mener, lesquelles enfreindraient toutes les lois éthiques en matière de bio-ingénierie appliquée. Bien évidemment, ce projet allait devoir se faire dans le plus grand secret, et opérer un tri draconien parmi le personnel s’avérerait indispensable. Les candidats retenus gagneraient un salaire extravagant, et vivraient en autarcie complète, ne pouvant plus quitter les niveaux de recherche alloués pendant tout le temps de leurs travaux, peu importe les motifs invoqués. Les phases de test devraient être lancées sans attendre, afin de déterminer quels seraient les progrès à atteindre en priorité. Tout un programme en perspective…

La nouvelle que lui annonça le ministre comme quoi il s’apprêtait à mener un vaste coup de filet fiscal auprès des consortiums les plus influents que compte la République statufia l’arkanien qui ne put cacher sa surprise au Hutt, tellement amusé par ce manque de discrétion qu’il ne releva pas la chose. Intérieurement, Noval jubilait à cette annonce qui ne tarderait sûrement pas à s’ébruiter à grande échelle. Le timing était parfait, ni plus ni moins. Si cette enquête permettrait de creuser en profondeur dans les comptes d’Adascorp, le fait de montrer du doigt les connivences financières reliant ces derniers à ceux de la Guilde Minière pourrait bien servir de pichenette capable d’effriter les fondations de ces deux colosses de l’économie galactique, du moins en termes de crédibilité auprès d’une majorité de leurs actionnaires. Encore faudrait-il que les hauts-fonctionnaires et les magistrats chargés de cette sale besogne ne plient pas sous le poids d’une déferlante de pots-de-vin, histoire de gripper la machine judiciaire, juste assez pour faire retarder les échéances procédurales ad vitam aeternam…

A l’unisson, Noval ne se fait pas prier pour lever sa coupe de champagne, se gardant bien de quitter le Hutt des yeux comme il est de coutume lors d’un toast, et n’alla pas chercher bien loin les mots qui couronneraient cette entrevue politico-gastronomique, en déclarant, tout sourire :


« A la bonne vôtre ! Et puisse l’avenir nous combler ! » lança-t-il sur un ton exalté, avant de boire une bonne rasade du breuvage pétillant à souhait dont la saveur d'arômes grillées lui resta en bouche, fort plaisamment. A vrai dire, jamais l’arkanien n’aurait pensé que cette rencontre tourna ainsi, au bord d’une ivresse raffinée. Pour peu, il était à deux doigts d’oublier les raisons qui les avaient incités à s’entretenir. Si bien que dans un moment de faiblesse, Noval fut traversé par une impression fort incongrue qui l’interpella, celle de s’être lié d’amitié avec ce Ragda Rejliidic… Eh quoi ! Les utopies ont ceci de commun avec les rêves qu’on ne peut les comparer !
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