La maître d'armes contempla avec satisfaction les deux apprentis changer leurs positions et réengager le combat d'une bien meilleure manière. S'éloignant du duo, elle passa entre les rangs des autres padawans à qui elle dispensait un cours, corrigeant les uns ou conseillant les autres, félicitant ceux qui réussissaient le mieux à mettre en pratique ce qu'elle leur avait demandé. Alyria était connue autant pour son savoir sur les armes que pour son exigence dans leur maniement, aussi les élèves ne s'offusquaient généralement pas de ses remarques, surtout qu'elle les faisait souvent avec son habituelle voix grave et mélodieuse et son phrasé diplomatique, évitant de froisser les plus susceptibles.

En effet, la sang-mêlée avait très tôt compris qu'il valait mieux se faire respecter par les fortes têtes plutôt que les contraindre. En règle générale, un duel vite expédié et une saine défaite remettaient les idées en place aux plus vindicatifs, qui se mettaient alors à l'écouter sans rechigner, surtout que la trentenaire essayait toujours de se montrer certes juste et exigeante, mais pas non plus dure et intransigeante. Le tout était de trouver un équilibre, et vu le succès grandissant de ses cours avec les années, Alyria se disait parfois qu'elle avait plutôt bien réussi cet exercice d'équilibriste.

Alors qu'elle se reculait vers l'extrémité du terrain d'entraînement pour obtenir une vue d'ensemble de la situation, elle remarqua une paire bien singulière au fond de la salle, enfin plus exactement, une moitié de ladite paire, puisqu'elle était constituée d'un félin qui se débrouillait du mieux qu'il le pouvait pour esquiver les attaques de son vis-à-vis. Intriguée, Alyria se tourna discrètement pour mieux voir, et observa un long moment la scène, en jetant de temps en temps de brefs coups d’œil aux autres, histoire de s'assurer que tout était en ordre.

Concentrée, elle n'entendit pas un de ses confrères arriver, et sursauta légèrement quand ce dernier murmura :

Alyria reconnut la voix d'un autre maître d'armes et concéda tout en ne quittant pas le félin des yeux :

C'était inhabituellement laconique de sa part, aussi son compagnon n'insista pas et préféra suivre son regard pour voir ce qui l'intéressait tant. Avec un petit sourire, il fit :

La maître d'armes regarda son interlocuteur avec des yeux ronds, se demandant bien ce que se terme obscur pouvait signifier. L'homme dut le comprendre car il expliqua :

Alyria resta un moment silencieuse, ne sachant trop quoi répondre. C'est sûr que c'était un sacré handicap pour un Jedi, mais bon, rien n'était insurmontable. Il fallait juste trouver un moyen de contourner le problème. En tout cas, cette conversation avait éveillé sa curiosité, aussi elle remercia son collègue pour ses informations et fendit la foule de padawans haletants pour arriver à sa destination. Là, elle observa un moment le tandem, puis dit au félidé :

Sur ces mots, elle se concentra sur le duo, se demandant si le padawan allait suivre ses conseils, et ce qui allait se passer par la suite. En tout cas, voilà qui venait mettre du piment dans sa séance d'entraînement.

Il est étonnant de voir comment l'application d'un conseil quelconque peut complètement changer entre la manière dont son énonciateur avait conceptualisé les choses et ce qu'en faisait celui qui tentait de le mettre en œuvre. Ainsi, Alyria vit le félin échouer une première fois puis recommencer et lancer une vague de Force sur son adversaire afin de prendre l'avantage. Ce n'était pas foncièrement ce à quoi elle avait pensé en premier, mais le résultat était plutôt intéressant, puisque ce mouvement décisif fit basculer le combat en faveur du félacatian.

Quoiqu'il en soit, la maître d'armes appréciait autant le talent que la détermination, et si la nature même du padawan l'empêchait fort logiquement de lui montrer une éventuelle aptitude au maniement du sabre, il ne manquait pas en revanche pas d'envie, et apparemment d'ingéniosité. Du reste, il fallait bien avouer qu'enseigner quelque chose à un élève ne pouvant utiliser une arme relevait du défi pour une bretteuse, ce qui stimulait donc logiquement la maître d'armes. Cette dernière répondit donc en souriant au remerciement de l'apprenti :

« Ce n'était rien. Tu as gagné, pas moi. En fait, je n'ai pas fait grand chose, hormis observer. Et toi, fit-elle à l'adversaire du félin, soucieuse de ne pas oublier un élève en cours de route, c'était bien également, mais travaille ta garde haute et tes réflexes. Cette vague de Force n'aurait pas dû t'impacter autant avec plus de rigueur et de concentration. Cependant, j'apprécie ta feinte basse, joli style.»

En fait, la base de l'enseignement était d'alterner les compliments et les reproches, afin de faire passer en douceur les conseils délicats à accepter. Cela ne voulait pas dire inventer des qualités là où il n'y en avait pas, évidemment. Mais pointer les points forts et les points faibles ne pouvait qu'aider la progression de ces jeunes, qui constituaient le futur de l'Ordre, les futures lames prêtes à défendre ses idéaux et les cerveaux déterminés à faire avancer la connaissance de la galaxie.

Sa réflexion fut interrompue par la voix du félacatian qui lui demanda des conseils pour s'améliorer, ce qui surprit légèrement Alyria. Rares étaient les padawans à demander du travail supplémentaire, mais devant tant de bonne volonté, comment refuser ? Cependant, la trentenaire se trouvait face à un mur qu'elle allait devoir escalader, à savoir, pour cesser là les métaphores, comment adapter son enseignement à un être incapable de manier un sabre-laser ? Cette donnée remettait en cause l'intégralité de ses habitudes, mais c'était son devoir de maître de résoudre des difficultés de ce type. Le tout était de trouver un moyen pour contourner le problème...

La gardienne répondit alors doucement :

Se détournant un instant , Alyria vérifia que tous avaient cessé de croiser le sabre et, de sa voix grave, elle dit avec suffisamment de force pour que tous l'entendent :

La salle se vida en quelques minutes, les padawans sortant en saluant leur professeur puis s'éparpillèrent joyeusement dans les couloirs du Temple. Restée seule avec le félin, Alyria s'avança vers lui et demanda, désireuse d'avoir plus d'informations avant d'entamer la mise au point d'un plan d'action :

La comparaison martiale, l'une des marottes d'Alyria, ce qui paraissait logique pour une maître d'armes, quand on y pensait. En tout cas, généralement, ses élèves comprenaient mieux le message de cette manière. Quoiqu'il en soit, la jeune femme ajouta gentiment :

Solal regarda ses compagnons quitter la salle tandis que ces derniers l'observaient également, les plus curieux traînant un peu pour essayer de grappiller quelques informations. Le cou tourné vers un Balosar qui mettait bien du temps à ranger ses affaires, assis une patte avant en l'air, le jeune félidé le toisa d'un regard tout aussi interrogateur. Lui non plus ne savait pas ce qui l'attendait. Toutefois accompagné d'une lueur un brin sauvage, ce retour au questionneur eut le mérite de le faire partir un peu plus vite. Solal n'était pas méchant mais son physique animal ainsi que son instinct aidaient à mettre en déroute sans qu'il ne doive trop insister. D'un tempérament vif, le Padawan n'aimait pas se sentir prisonnier, ni d'espaces, ni de regards. Que ce malotru se mêle donc de ses moustaches à la fin !

Revenant à Alyria, le Félacatian l'écouta attentivement. A sa demande ses oreilles se rabaissèrent à l'horizontale sans pour autant se plaquer nerveusement sur son crâne. Subtile différence entre la gêne et la colère. En effet l'apprenti Jedi ne savait vraiment pas quoi répondre à la bretteuse. Ou plutôt si, il était très au courant de ses principaux défauts, mais des qualités... Difficile de juger, même d'y croire. Sans vouloir se plaindre sur sa condition, le jeune félin se retrouvait amputé de bien des capacités alors que sa race était normalement avantagée. Humanoïdes pouvant se transformer en animaux, sous le coup de l'énervement mais à force de patience à volonté, ils maniaient aussi bien les armes que leurs dents, griffes ou pics. Malheureusement pour Solal, il n'avait non seulement plus accès à ses mains pour tenir un sabre-laser, mais il avait également perdu ses pics dans la bataille. Ceux-ci couvraient normalement le cou et les épaules des Félacatians, lui n'en possédait plus aucune, ses seuls avantages étant certainement ses griffes et ses crocs mais face à une épée de Lumière ça ne valait pas grand chose.

Ne voulant toutefois pas passer pour un pleurnicheur, le garçon réfléchit intensément, au point d'en oublier la dernière question, plus simple, de Maître Von. Son nom. Il se rattrapa après en avoir fini avec son analyse personnelle, douloureuse mais nécessaire.

-Je m'appelle Solal Maître, Solal Kalel. Merci de prendre sur votre temps pour me conseiller. Je vais essayer de répondre au mieux possible. Alors en ce qui concerne mes défauts c'est facile, je n'ai plus aucune dextérité, j'ai parfois des problèmes au bassin, mais ça va, enfin en bataille pas sûr... Mais dans la vie de tous les jours je gère. Sinon, j'ai aucune portée, que mes dents et mes griffes donc on me touche avant que je ne puisse faire quoique ce soit.

Annonça solennellement le Padawan, très au courant de ses principaux points négatifs. Ce n'était jamais simple à accepter mais le jeune garçon avait fini par comprendre que c'était l'unique méthode pour avancer, or il devait à tout prix le faire, prenant déjà du retard face à ses camarades. Alyria avait été gentille en trouvant des compliments, d'ailleurs le félidé avait beaucoup apprécié, ça lui avait un peu remonter le moral mais quand même... Comparé aux autres, il avait de plus en plus de mal à tenir la distance.

-En atouts... Euh... Pfft. Pas facile, mais voilà ce que j'en ai retiré. Je crois que je ne suis pas trop mauvais avec la Force, comme je l'utilise pour ouvrir toutes les portes ou d'autres actions qui se font avec les mains, je suis devenu endurant. Enfin je crois, en plus d'origine j'ai un bon taux de midichloriens, ça se sont les maîtres qui l'ont dit. Une bonne connexion... Sinon si un adversaire perd ses armes, pour moi c'est plus difficile même si on peut quand même me couper les griffes ou les dents-à cette idée il frémit, ça devait être très douloureux. Mais en se disant cela, Solal se souvint d'un autre avantage in extrémis. Et celui là il pouvait l'énoncer sans donner l'impression de se vanter, il ne l'avait pas volé.- Je supporte la fatigue et le mal aussi ! Parce que quand j'étais petit j'ai eu un sacré entraînement pendant mes mois d'hospitalisation. Et c'est tout. Ah non j'entends mieux, je vois mieux et je suis sensé être plus rapide avec mon instinct comme le disent les aînés. Mais ça c'est aussi un désavantage parce que j'ai souvent la bougeotte, du mal à me concentrer ou je suis trop réactif.

C'était bien beau tout ça mais ça ne l'aiderait pas à manier le sabre. Un peu sceptique mais décidé à faire confiance, le félidé leva la tête vers Alyria, toujours assis à la même tête, un air grave fiché sur son visage animal. Très concentré, il avait une oreille à l'horizontale, l'autre dressée vers la trentenaire, un "sourcil" froncé et l'autre relevé, le tout accompagné d'une bouche légèrement entrouverte. Quant à son corps, pas un poil ne bougeait, attentif comme il l'était.