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Le reflet éclata de rire. Un rire profond, ténébreux. Le rire d'un Sith.

«Ils ne savent pas, ces sombres idiots. Ils ne savent pas qui nous sommes vraiment...»

Lord Janos adressa un regard déterminé à la figure qui se dressait face à lui, dans le miroir.

«Non, ils ne le savent pas. Et ils ne doivent pas le savoir. L'ordre l'exige.»

Le reflet ricana :

«Oui... L'ordre exige que tu joues les marionnettes sous le nom de Lord Janos.»

Le sénateur se frotta les yeux en secouant la tête :

«Enfin, non, je ne suis pas une marionnette.»

Le reflet s'enflamma, menaçant.

«Mais si ! Au fond, si... La marionnette de Darth Deinos ! Notre véritable identité !»

Lord Janos aquiesca gravement.

«Oui... L'ordre m'y a mené. Il ne m'a pas laissé le choix. Non... pas le choix... Il a fait de moi Darth Deinos.»

Les yeux du reflet s'illuminèrent d'une lueur jaunâtre qui étincela au cœur de leur pupille.

«Alors maintenant, assumons.»

La nuit était tombée. L'obscurité recouvrait le bureau. Seul le miroitement des lueurs urbaines laissait ondoyer de pâles reflets lumineux sur les murs. Darth Deinos se dressait, seul, immobile, dans la pénombre.

Soudain, un grand éclat blanc vint éblouir les fissures métalliques qui serpentaient sur le visage de l'homme. Une ombre se glissa lentement au cœur de la lumière qui rayonnait autour de sa silhouette. Le bruit d'une lourde porte coulissante rompit le silence de mort qui accompagnait cette sinueuse apparition. La lumière se rétrécit alors, jusqu'à disparaître dans le heurt sourd et sonore qu'émirent les battants de la porte en se frappant l'une l'autre.

La pénombre était revenue.


«Vous m'avez appelé, maître ?»

Darth Deinos se retourna lentement. Face à lui, se tenait une jeune femme vêtue de noir. Il la considéra sévèrement : cet être, c'était sa chose. Sa main. Sa créature.

«Darth Sicaë, je t'ai toujours enseigné que l'on ne devait pas tuer.»

«Oui, maître.»

«Ceux qui volent la vie d'autrui sont vecteurs de chaos. La guerre, les assassinats crapuleux, les intrigues de palais en sont de sinistres incarnations.»

La jeune femme acquiesca silencieusement.

«Mais les serviteurs de l'ordre, eux, ont droit de tuer.»

Un flux d'ondées bleutées vint parcourir le visage de Darth Deinos.

«Ils disposent de ce droit, car ils savent pourquoi ils tuent. Ils savent quelle est leur fin. Et ils savent que cette fin est bonne.»

Le regard du maître traversa celui de sa créature.

«Les serviteurs de l'ordre n'abusent pas de la mort d'autrui. Ils ne s'en servent que quand elle est nécessaire. L'assassinat n'est pas un acte gratuit : c'est un juste sacrifice que réclame une noble fin.»

La chose acquiesca de nouveau.

«Tu sais tout cela. Je te l'ai appris et tu l'as retenu.»

«Oui, maître.»

«Tu es une bonne apprentie. Tu n'as oublié aucune de mes leçons.»

«Merci, maître.»

«Tu n'as pas à me remercier. L'ordre l'exigeait. Nous n'y pouvons rien, ni toi, ni moi.»

Un grand silence se fit. Darth Deinos ne l'interrompit qu'après plusieurs minutes.

«J'ai une nouvelle tâche à te confier, Darth Sicaë. Une tâche de peu d'envergure face à ce que tu as déjà accompli, mais essentielle à notre entreprise. Cette tâche, la voici : ...»

«Mais que fabriquez-vous donc dans le noir, tous les deux ? On se croirait dans un tombeau !»

La porte s'était rouverte, laissant apparaître dans la lumière une personne des plus inattendues : la mère de Lord Janos.

«Mais... Le bureau était verrouillé ! Comment êtes-vous rentrée !»

«Eh bien ! Quel accueil, mon fils ! Sachez que je dispose de tous les codes d'entrée de cette suite. Je vous rappelle que c'est moi qui vous l'ai payée, au cas où vous l'auriez oublié.»

«Oui... Pardonnez-moi, mère. Nous étions, Mademoiselle Evans et moi-même, en train de visionner le plan d'un barrage que nous prévoyons de faire construire sur Aargau, dans le cadre de la politique de grands travaux que nous menons pour freiner le chômage. Voyez-plutôt.»

Le mensonge avait été débité sans que la moindre marque d'hésitation ou de trouble ne transparût sur le visage de Darth Deinos. La marionnette Lord Janos était en un instant rentrée dans ses fonctions.

Le sénateur appuya sur l'une des touches de l'immense clavier dont était pourvu son bureau. Un gigantesque plan holographique se dessina dans les airs.


«Vous comprenez mieux l'usage de la pénombre, mère. Cette carte est bien plus visible ainsi.»

«Oh ! Voilà de quoi s'abîmer les yeux !», s'exclama-t-elle.«Mademoiselle, rallumez la lumière.»

La mère de Lord Janos traitait toujours Gabrÿelle Evans comme une bonne à tout faire. Elle était à mille lieux de s'imaginer que son mari avait été jadis assassiné par cette même femme qu'elle ne prenait que pour une vulgaire employée de bureau.

Quand la lumière fut, Dame Janos dévisagea son fils sans camoufler l'air profondément dégoûté qui se dessina sur ses traits maquillés.


«Mais qu'est-ce que c'est que cette figure ? Où est donc passée votre peau artificielle, Côme ?»

Côme... Lord Janos avait horreur qu'on le nommât par son prénom. Il n'y avait d'ailleurs que sa mère pour le désigner ainsi...

«Le droïde chirurgical passe demain matin, mère. Ne vous en faites pas.»

«Mais en attendant, vous êtes hideux ! Ah ! Quelle horreur, tous ces branchements ! Je ne m'y ferai jamais.»

Quelque peu irrité par cette présence intempestive, le sénateur se tourna vers sa secrétaire sans tenir compte de la dernière remarque de sa mère.

«Bien. Mademoiselle Evans, nous terminerons de travailler sur ce dossier demain matin, avant que je ne me rende à la réunion des directeurs de commission du parti. Vous pouvez disposer. Bonne soirée.»

La secrétaire se retira en saluant discrètement le sénateur, ainsi que sa mère qui ne lui prêta même pas attention. Une fois celle-ci partie, Lord Janos se tourna vers l'insupportable génitrice :

[color=darkorchid]«Mère ! Vous ne m'aviez pas prévenu que vous vous rendriez sur Coruscant. Que signifie cette visite ?»[color]

«Eh bien ! En voilà, un accueil ! On croirait presque que vous êtes mécontent de ma venue surprise !»

«Pas le moins du monde. Je ne m'y attendais pas, et j'étais occupé. Voilà tout.»

Bien qu'incisif, Lord Janos était resté calme, plat, maître de lui-même.

«Ma foi, je me lasse de passer le clair de mon temps sur Aargau. Les salons, les promenades, les repas au restaurant, voilà qui est si répétitif ! Si monotone ! Surtout lorsqu'on est veuve, comme moi, et que notre seule famille passe son temps sur Coruscant à faire de la politique ! Alors je me suis dit que quelques jours à la capitale sauraient me divertir ! Et puis voilà plusieurs mois que je n'ai pas vu mon fils chéri, n'est-ce pas ?»

Lord Janos prit place dans l'imposant fauteuil de cuire, au cœur de son bureau, où il avait l'habitude de trôner. Il brandit un verre de savareen qui traînait aux côtés de l'hologramme du barrage et adressa à sa mère un regard sévère.

«C'est que je suis très occupé, en ce moment. D'une part, cette politique de grands travaux sur Aargau est particulièrement chronophage. Mais surtout, notre parti s'est lancé dans une campagne de communication très intense, et pour le peu audacieuse : j'œuvre pour faire valoir mes idées auprès des autres sénateurs.»

«Oui-oui, bien sûr ! La presse d'Aargau a abondamment parlé de la réception que vous avez organisée en l'honneur du Chancelier. Vous y avez été brillant, Côme. Feu votre père aurait été fier de vous.»

«En tout cas, mère, vue la conjoncture actuelle, il est dangereux de prendre des... "vacances".»

Ce dernier mot avait été prononcé avec dédain. Ce dont Dame Janos ne s'aperçut guère, par ailleurs.

«Ta-ta-ta ! Vous me fatiguez avec vos histoires politiques ! Vous êtes l'exact portrait de votre défunt père : de la politique par ci, de la politique par là ! Vous n'avez que ce mot en bouche !»

«Fait logique pour un homme politique, mère.», répondit froidement Lord Janos en tentant de contrôler l'exaspération qu'il sentait monter en lui.

Allons ! Agacement, énervement et intolérance sont autant de sources de chaos. La politesse et le contrôle de soi participent d'une traduction sociale de l'ordre. Le sénateur s'efforça de se laisser envahir par le calme et la détermination dont il faisait preuve habituellement.


«Mais nous n'allons pas rester dans ce bureau toute la nuit, mon enfant ! Je viens à peine d'arriver et je vous avouerai que ce voyage m'a creusé l'estomac !»

«Je n'ai pas encore pris de repas non plus. Laissez-moi demander à un droïde de nous préparer quelque chose.»

«Ta-ta-ta ! Ce n'est pas ainsi que l'on reçoit une grande dame d'Aargau, mon petit Côme. Vous qui organisez des réceptions et qui avez à respecter l'étiquette, vous devriez le savoir ! Allons ! J'ai réservé une table dans le meilleur restaurant de la capitale. Laissez-moi le temps de me changer, et je suis à vous. J'ai tellement de choses à vous raconter...»

«Mais... Mère... Mon visage n'est même pas...»

«Eh bien, tant pis pour vous si vous effrayez le serveur ! Je vous l'avez dit, que vous étiez négligent... Assumez-le, mon enfant.»

Sur ces mots, elle sortit du bureau pour se rendre dans la chambre d'amis où les droïdes de service avaient déjà rangé ses affaires.

Lord Janos soupira. La politesse est la traduction sociale de l'harmonie entre individus, la politesse est la traduction sociale de l'harmonie entre individus, se répétait-il en sentant l'exaspération monter, monter, monter...

Il alluma le datapad intégré à son bras artificiel et dit :


«Mademoiselle Evans, je passe la soirée avec ma mère. Si vous désirez me contacter, je vous transmets en pièce jointe les coordonnées du restaurant où nous dînerons.»

Il s'interrompit un instant, dépité, mais ne put s'empêcher d'ajouter :

«Sachez profiter de la solitude qui sera la vôtre, ce soir. Vous n'imaginez pas à quel point elle est précieuse aux serviteurs de l'ordre. Fin de la communication.

À peine avait-il prononcé ces mots que Dame Janos appelait de nouveau son fils :

«Côme ! Où vous attardez-vous donc ? Allons-y ! La navette nous attend ! ... Ah, vous voici ! Comme je suis heureuse de passer cette soirée en tête à tête avec mon fils, fût-il sans peau artificielle pour cacher son horrible visage !»

«Moi de même, mère, moi de même...»

La politesse est la traduction sociale de l'harmonie entre individus, la politesse est la traduction sociale de l'harmonie entre individus, la politesse est...
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L'appel du Sénateur résonna dans mon oreille comme une fusée de détresse lancée en pleine mer dans un ciel noir. Il était tard, très tard, les bureaux, vides à l'exception de ceux des agents de sécurité, n'abritaient plus aucune âme. Il n'y avait plus que les quelques droïdes d'entretien pour venir rompre ce silence d'ordre par quelques cliquetis et bruits robotiques que l'on aurait pris à tort pour aléatoires. La nuit. C'était la nuit que ce bâtiment incarnait au mieux l'essence qui était la sienne. L'Harmonie, l'Ordre, la Paix. 

J'étais en train de converser avec l'officier en charge de la sécurité cette nuit et m'apprêtais à partir. Je me dirigeai vers la sortie, saluai les dernières personnes présentent et me retrouvai sur la place gigantesque qui accueillait le siège de notre Parti depuis maintenant des années. Je me dirigeai vers mon airspeeder, désactivai ses systèmes de sécurité, entrai à l'intérieur de l'habitacle et enclenchai les moteurs de l'appareil. Les vibrations du moteur envahir le métal et l'acier, résonnant jusque dans mon propre corps et lui procurant une certaine satisfaction. Le fait que le Sénateur réclamât à se rendre en des lieux en limousine, me contraignant par là à ne pas conduire moi-même le véhicule, était une chose récente qui quelque part venait contredire ma fonction. Je n'avais pas confiance en ces personnes qui conduisaient et, en cas de danger, je me savais la seule capable de mettre en sûreté celui qui nous engageait tous, le seul à avoir réellement une importance. De ce fait, retrouver un volant, même étant seule, venait palier cette frustration et quelque part me permettait de remplir correctement ce que je savais être une prérogative de ma fonction de Secrétaire Personnelle du Sénateur. 

Je fis décrire à l'appareil un large arc de cercle et, à peine avais-je commencé de monter dans les airs que déjà je le faisais redescendre dans l'une des nombreuses ruelles vides qui jouxtaient l'arrière du Siège de Cosmos. Dissimulant mon appareil dans un lieu qui officiellement se trouvait être un des nombreux locaux du complexe Cosmos, je sortais de ce qui n'était qu'un simple hangar juste assez grand pour accueillir mon véhicule m'étant revêtue de la combinaison de cuir noir, légèrement brillante, qui était celle que je devais porter en de pareille circonstance.

La ruelle était vide, comme tous les soirs dans un quartier qui était celui des politiques et des entreprises, de sorte que personne ne me vit me diriger à nouveau vers l'immense édifice que je venais de quitter. En quelques minutes, j'avais atteint une petite porte dérobée, parfaitement dissimulée dans le mur sauf pour le regard qui savait la trouver, et bientôt, un ascenseur me propulsait vers l'unique étage qu'il desservait : celui du Sénateur.

J'attache mes longs cheveux bruns afin de les rendre moins gênant, une simple queue fortement serrée. Une mèche dépasse et vient barrer mon front, narguant mon oeil, juste assez courte pour ne pas se prendre dans l'élastique, juste assez longue pour en devenir gênante et visible. Il faudra que je réintègre l'Ordre dans ma chevelure, plus tard. L'ascenseur continue de monter. Son sifflement, le clac régulier qui marque le passage de chacun des étages, le bruit de l'air mis sous pression. Sept, six, cinq... Dernière seconde. Il ralentit et bientôt la porte s'ouvre. La lumière de la cabine jette quelques traits blafards dans la pièce sombre. Mon Maître est là, il parle à son reflet, comme il le fait toujours. Je m'approche, la porte se referme. L'obscurité m'enveloppe.
 

« Vous m'avez appelée, Maître ? »

Il se retourne et me regarde. Je connais ce regard. Il me juge, m'inspecte, s'assure de ma fiabilité en tant que son Serviteur, son Apprentie, sa Chose. J'acquièsce à ses propos, il me rappelle un credo que je vis déjà par cœur.

« Tu es une bonne apprentie. Tu n'as oublié aucune de mes leçons. »

Je suis un peu surprise, n'en montre rien. Il ne m'a jamais félicité. Un soupçon de contentement s'insinue en moi. Un goût sucré me frôle la langue. Grâce à lui, j'apporterai l'Ordre. Sans trop savoir pourquoi, je réponds.

« Merci, Maître. »

Mais il a raison, c'était superflu. L'Ordre et l'Harmonie l'avait placé face à moi, l'Harmonie et l'Ordre m'avait placé face à lui. Nous n'y pouvions rien. Lui comme moi, nous n'étions que Fonction, vecteurs de Paix et d'un Idéal plus grand.

« J'ai une nouvelle tâche à te confier, Darth Sicaë. Une tâche de peu d'envergure face à ce que tu as déjà accompli, mais essentielle à notre entreprise. »

Je sens une présence, une personne familière, je ne peux en avertir à temps mon Maître, je dois... La porte s'ouvrit et aussitôt la voix nasillarde de la mère du Sénateur vrilla l'air comme autant de cris d'une poule sauvage et inopportune. Un geste de la main détacha mes cheveux bruns qui retombèrent en cascade sur mes épaules et je souris à la dame cordialement, les iris d'un bleu pur.

«Mais que fabriquez-vous donc dans le noir, tous les deux ? On se croirait dans un tombeau !»

Une personne insupportable, particulièrement habile pour déranger l'Ordre que son fils tentait vaillamment d'instaurer. Si le Sénateur et son père avant lui dans une moindre mesure avait été touché par la nécessité de l'Harmonie, cette femme était tout simpelment incapable d'en avoir la moindre idée, l'argent étant le seul à dicter sa conduite. Comme à son habitude, elle m'aboya un ordre, sans saisir qu'en réalité c'était au Sénateur que j'obéissais à travers elle puisqu'il m'avait explicitement demandé de ne jamais la contrarier, et tandis qu'elle continuait à baigner l'air jusqu'à présent paisible de sa voix insupportable, j'allumai la lumière du bureau d'un geste élégant des doigts. Lorsque le Sénateur me congédia, je m'inclinai, murmurai des vœux pour une bonne soirée et sortai par la porte principale du bureau.

Pour ne pas éviter les regards surpris des agents de la sécurité qui me verraient soudain apparaître sur leurs écrans alors que je venais de sortir un quart d'heure plus tôt du bâtiment, je piratai rapidement le réseau du bâtiment, experte dans ce domaine étant donné qu'il était de ma propre confection, et je faisais passer en boucle les images des couloirs vides. Je prenais l'ascenseur et me glissais à l'extérieur du bâtiment par l'une des nombreuses portes latérales qui le composaient, question de sécurité en cas d'incendie – brèche dans l'intégrité du bâtiment indéniable. Je venais de regagner le hangar et mon véhicule particulier lorsque je recevais le message du Sénateur.


« Sachez profiter de la solitude qui sera la vôtre, ce soir. Vous n'imaginez pas à quel point elle est précieuse aux serviteurs de l'ordre. Fin de la communication. »

La solitude. Je la connais. Elle me plaît. Je me déshabille, laissant apparaître sous la combinaison noire une peau incroyablement blanche, si blanche que les tracés longs et bleus des veines apparaissent comme autant de fleuves en plein désert. La main trouverait la peau douce, mais froide. J'attache mes cheveux, prenant le temps de faire une tresse, bien plus pratique car moins volante, et puis... L'Harmonie des cheveux entrelacés me plaît. L'Harmonie me plaît. Un goût sucré.  Je rhabille ce corps presque nue qui a été sculpté pour la Perfection. Ma main passe sur la poitrine soutenue par de la dentelle noire. Le contraste avec la peau si blanche la fait apparaître presque lumineuse, mais la lumière rendue est malsaine. Alors que je finis de changer de tenue, mon regard se croise dans la vitre de l'appareil. L'iris est enflammée par le Côté Obscur. Je souris, les lèvres bleues pâles. Je trace un simple trait sous ma lèvre, d'un mouvement preste, habitué et je rabats la capuche de ma tenue sur mon visage. Personne ne me verra. J'entre à nouveau dans le véhicule et m'élève. Je sais où aller. La Tour du Crystal Palace, l'un des plus grands édifices de Coruscant. Je sais comment atteindre son sommet sans me faire surprendre, et m'y rends. Là, tout en haut de cette tour au dôme de verre de plusieurs mètres d'épaisseur, je sors de mon véhicule. Le vent, furieux à cette hauteur, me balaye immédiatement, sans que je semble être affecté. Je me place alors au plus haut de l'édifice, m'assoie en tailleur et médite, cherchant dans l'Harmonie dans le Chaos de cette nuit coruscanti.
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Quartiers luxueux de Coruscant. Deuxième jour après la débâcle d'Artorias, 21 heures 32.


La navette personnelle de Lord Janos traversait les quartiers les mieux famés de toute la ville. D'immenses tours aux courbes élégantes s'élevaient, lumineuses, dans les airs de Coruscant ; la lumière blanche qu'elles dégageaient venait rompre les formes rouges et mauves que dessinait le crépuscule dans les cieux.

«Ce quartier est magnifique !», s'écria Dame Janos. «Nous eussions mieux fait d'installer votre demeure ici...»

«Mère», répondit froidement le sénateur, «je suis le représentant du peuple. Depuis le début de ma carrière, je m'oppose à ces hommes bouffis de richesse qui dominent la galaxie et qui soumettent les lois de la République à leurs petits intérêts triviaux. Loger en de tels lieux serait contraire à mes principes.»

«Certes. En revanche, quand il s'agit d'accueillir le Chancelier dans votre cargo, vous ne lésinez guère sur le luxe !»

Lord Janos trouva cette réplique exécrable. L'hypocrisie de sa mère l'exaspérait.

«L'étiquette l'exige. C'est là un code que tout un chacun sait déchiffrer : un parti capable d'un tel faste est un parti puissant. Il ne s'agissait que d'une démonstration de puissance. Ce luxe, comme vous dites, n'en était pas un ; ce n'est qu'un moyen en vue d'une fin : l'ascension de Cosmos. En revanche, m'installer dans un tel quartier relèverait bel et bien de l'accessoire et ne servirait en rien la cause que je défends.»

Dame Janos laissa échapper un long soupir en regardant par la vitre.

«Côme ! Savez penser à autre chose qu'à la politique ? Vous ne raisonnez qu'en termes de moyens et de fins. Croyez-moi : c'en devient fatiguant, à la longue...»

Le sénateur encaissa ce reproche sans en être ébranlé le moins du monde. Son reflet dans la vitre du vaisseau lui accorda un regard noir : même sa mère, sa propre mère, était inconsciente de ce que représentait l'ordre pour la galaxie. Elle ne valait pas plus que ces bureaucrates immondes qui pourrissent le régime républicain en ces temps troublés.

La navette se posa sur une immense plate-forme au sommet d'un gratte-ciel, où étincelait une myriade de vaisseaux de luxe. Enchantée, Dame Janos se perdait déjà dans ses élucubrations sur la beauté de ce bâtiment et l'excellente soirée qu'ils n'y manqueraient pas d'y passer. Quand ils pénètrèrent le gigantesque hall doré, quelques hommes élégamment habillés dévisagèrent les traits robotiques de Lord Janos ; celui-ci leur lança un regard si noir qu'ils tournèrent immédiatement la tête. Un droïde les accueillit courtoisement et les invita à le suivre. En traversant le luxueux restaurant, le représentant d'Aargau reconnut un sénateur qu'il avait invité sur le cargo lors de cette fameuse soirée ; ce dernier fit mine de ne pas le voir. Encore un bureaucrate attaché à son petit pouvoir personnel... Il en pululait tant ! Et bien entendu, c'est ce type d'homme que l'on rencontre dans un restaurant aussi chic : quelle République pouvait-il bien défendre, ce petit politicien vénal qui utilisait sans doute l'argent de l'État pour payer le plat qu'il avait devant lui ?

Lord Janos et sa mère prirent place à une petite table aux côtés d'une haute baie vitrée ; de là, la vue sur les gratte-ciel étincelants de Coruscant était imprenable.


«Ce restaurant est un endroit merveilleux !», s'enthousiasma Dame Janos. «Voilà exactement le type d'endroit qui fait défaut à Aargau. Ah, mon fils, quelle chance vous avez de vivre sur Coruscant !»

«Je ne suis pas ici pour manger dans des restaurants de luxe, mère.»

«Ta-ta-ta ! Vous ne profitez point assez de votre chance ! Quel peut être l'intérêt de la politique si ce n'est de jouir de ce que les autres n'ont pas ?»

Si Lord Janos s'était écouté, il aurait brandi son sabre laser et décapité sa génitrice. Mais parvenant encore à contrôler la haine qu'il sentait monter en lui, il se contenta de répondre sèchement :

«C'est exactement contre ce type de discours que je m'efforce de me battre, mère.»

Quand ils eurent choisi leurs plats, Dame Janos s'empressa de prendre la parole :

«Ah ! J'ai tant de choses à vous raconter ! Figurez-vous que Madame Thëk Yano a ostensiblement refusé l'invitation de sa sœur pour un bal costumé que cette dernière a organisé ! Moi-même, je n'étais pas très motivée à l'idée de m'y rendre, mais quand j'ai tout su de l'affaire, je me suis précipitée sur le premier costume venu et je n'ai pas manqué cette soirée qui s'annonçait déjà palpitante ! La pauvre sœur était en effet dans tous ses états : même si elle s'efforçait de garder le sourire en accueillant les invités, je vis bien qu'elle se portait au plus mal et qu'elle tentait de contenir de lourds sanglots. En fait, l'on m'a dit que les deux sœurs ont mis fin à leurs relations pour une sordide histoire de cœur : la cadette aurait eu une liaison avec le fiancé de son aînée ! Vous rendez-vous compte ? Évidemment, ce ne sont que des rumeurs, mais il n'y a point de fumée sans feu. Voulant cependant en être sure, savez-vous quel fut plan mon plan ? Eh bien, j'ai...»

Tandis que sa mère se perdait dans ses insupportables logorhées, Lord Janos songeait à la situation dans laquelle ces évènements imprévus laissaient son entreprise. La débâcle d'Artorias, pour reprendre l'expression en usage depuis ces deux derniers jours, avait monopolisé toute l'attention de la presse et de l'opinion publique. Si Cosmos n'agissait pas assez vite, tous les efforts déployés ces derniers temps pour propager l'idée d'une réforme constitutionnelle s'avéreraient vains. Pour ce faire, il ne restait qu'une solution : Lord Janos devait devenir un personnage de premier plan sur la scène politique.

«... vous me comprenez, bien sûr. C'est alors qu'advint un événement incroyaaaaable ! Monsieur Ter Jesan, l'un des mécènes les plus raffinés de la capitale, s'est pris les pieds dans le tapis de son amie. Il dévala alors les escaliers et fit tomber dans sa chute un objet d'art d'une inestimable valeur. Aussitôt après, alors qu'il tenter de se relever, sa fiancée lui annonçait qu'elle rompait toute alliance. Quand j'ai tout su de l'affaire, je me suis précipitée chez elle pour tenter de la fléchir : c'est que Monsieur Ter Jesan est un excellent ami et que...»

Mais pour déployer une nouvelle campagne de sensibilisation aux idées du parti, restait encore à trouver le financement. Les caisses de Cosmos étaient loin d'être vides, mais il fallait tout de même emporter l'adhésion des directeurs de commission. Et ce n'était pas une tâche gagnée d'avance. Le sénateur soupira : délibérer avec ces imbéciles l'insupportait. Cette bande de petits prétentieux ne savait pas où se situait le véritable intérêt du parti. Pour sûr, demander l'ouverture d'une nouvelle caisse pour développer un programme de communication ne serait pas une mince affaire. Mais Lord Janos l'obtiendrait, son financement : rien ne pouvait s'opposer à lui, surtout au sein de son propre parti ! La restauration de l'ordre dans la République en dépendait.

«... m'a-t-il dit. Mais je ne comptais tout de même point me laisser faire. C'est alors que je lui ai répondu, outrée : ...»

«Mère, permettez-moi de me retirer un instant. Je dois me rendre aux toilettes.»

Cassée dans son élan, Dame Janos se contenta de répondre :

«Eh bien... Faites, mon enfant. Faites.»

Une fois dans les toilettes du restaurant, une vaste pièce étincelante de propreté, le sénateur alluma la tablette numérique de son poignet gauche.

«Lord Janos à Mademoiselle Evans. Prévenez au plus vite les directeurs de commission que la réunion de demain portera sur l'ouverture d'une nouvelle campagne de sensibilisation aux idées de notre parti. Vous enverrez également en mon nom un message au Ministre Spécial d'État Rejliidic pour le féliciter de l'accès à sa nouvelle fonction ; vous lui communiquerez mon sincère soutien dans cette situation laborieuse, ainsi que ma loyauté à son égard et à celle de la République. Enfin, vous rédigerez une missive à l'attention de la famille royale d'Artorias : témoignez-leur le plus grand respect et dites-leur que, face à l'épreuve qu'ils doivent endurer, le sénateur d'Aargau sera toujours présent pour leur apporter l'aide dont ils pourraient avoir besoin. Fin de la communication.»

Voilà qui était fait. Au moins, cette soirée n'aurait pas été tout-à-fait inutile. Lord Janos etteignit son écran et retourna affronter les monologues maternels.

«Ah ! Vous revoilà enfin ! Où en étais-je donc ? ... Ah oui, je vous parlais de ma réaction lorsque Monsieur Ghertän m'a annoncé que...»

Même provisoire, l'arrivée inattendue de Rejliidic au pouvoir dérangeait les plans de Lord Janos. Le Hutt se montrait bien plus hostile à l'idée d'une réforme constitutionnelle qu'Arnor : c'était là une entrave à laquelle il fallait faire face, et au plus vite. Par ailleurs, le Ministre Spécial d'État devait être bien trop occupé à gérer la présente crise pour accorder le moindre intérêt aux idées du sénateur d'Aargau. La disparition du Chancelier reléguait vraiment Cosmos à un plan secondaire : désormais, plus aucune oreille ne se tournerait vers le petit parti. Qu'Arnor fût encore en vie, Lord Janos ne s'en souciait guère, en réalité : maintenant que le Jedi consulaire avait été évincé, il ne lui serait plus d'aucune utilité pour son grand projet de restauration républicaine. Désormais, il fallait tenter d'acquérir l'adhésion de Rejliidic et du maximum de sénateurs. À défaut, de la foule.

«... lui répondis-je alors ! Mais manifestement, il n'était guère d'accord sur ce point. La conversation devenait palpitante ! Je ne pus d'ailleurs m'empêcher de...»

La foule. Oui, la foule. C'était d'abord du peuple qu'il fallait se faire connaître. Oui, un vaste programme de sensibilisation aux idées du parti... Lord Janos le voyait déjà : panneaux publicitaires, slogans, meetings... Il fallait concentrer toutes ses forces, toute son énergie pour parvenir au but fixé. Il fallait voir jeune. Ne pas apparaître aux yeux des gens comme un vieux parti radoteur, mais comme un mouvement dynamique. Détermination, pugnacité, inventivité, voilà ce qui plaisait de nos jours. Et si anciens étaient-il, l'ordre, la paix et l'harmonie pouvaient se décliner avec la force, la jeunesse et la créativité.

«... se sont embrassés lors de la petite soirée amicale qu'avait organisé...»

L'ordre. La paix. L'harmonie. À bien y réfléchir, il serait aisé de convaincre les masses en invoquant ces nobles idées. L'opinion publique était terrifiée par la situation actuelle. En se montrant habile, il n'était pas incohérent que de donner au programme politique de Cosmos un tour rassurant, chaleureux, familier. «Le chaos vous effraie aujourd'hui ? Réconfortez-vous dans l'ordre de demain.» Un beau slogan. Restait juste à convaincre les directeurs de commission.

«Nous avons passé une excellente soirée, n'est-il pas ?»

«Oui, mère. Passionnante.»



* * *

Sommet de la tour Cosmos. Troisième jour après la débâcle d'Artorias, 5 heures 02.


L'aube projetait des teintes mauves dans le ciel de la capitale. Quelques nuages aux reflets rosés moutonnaient à la cime des prétentieux gratte-ciel qui s'élevaient au dessus des files de vaisseaux, dont les nuées ne désemplissaient pas malgré l'heure matinale.

Au sommet de l'immeuble où siégeait Cosmos, se tenaient deux ombres encapuchonnées. Deux êtres liés l'un à l'autre par la fatalité d'un idéal dont ils étaient les serviteurs. De brusques bourrasques venaient frapper de plein fouet leurs capes noires qui flottaient dans le vent. L'aube abandonnait quelques uns de ses reflets violets sur les ondées bleutées qui parcouraient les fissures métalliques creusées dans le visage de Darth Deinos.


«Ici, en cette heure, personne ne pourra venir nous déranger.»

Le maître posa son œil artificiel sur le visage de son apprentie. De sa main. De sa chose.

«Darth Sicaë, tu iras trouver un journaliste. Je veux un homme minable. Un moins que rien. D'un journal indépendant et peu connu. Tu le paieras abondamment pour le service qu'il nous rendra.»

L'œil laissa apparaître un message holographique dans les airs :

«Je souhaiterais vous poser une question au sujet de vos conceptions politiques, Monsieur le Ministre. Et plus particulièrement au sujet de ce projet de réforme constitutionnelle dont on parle de plus en plus.
«Depuis quelques temps, un parti minoritaire, du nom de Cosmos, revendique ostensiblement la nécessité d'affirmer un pouvoir exécutif fort, élu au suffrage direct par le peuple. Une telle réforme réduirait considérablement les prérogatives du Sénat, où règne l'anarchie, suivant les termes de ce même groupe politique.
«Peu de temps avant que n'éclate cette série d'événements singuliers, le représentant de ce parti, le sénateur Janos, a organisé une réception assez médiatisée en l'honneur du Chancelier. Vous-mêmes, si je ne m'abuse, vous y étiez présent, Monsieur le Ministre. C'est à cette occasion que ce sénateur, pourtant en fonction depuis six ans, s'est vraiment démarqué en révélant publiquement sa ligne politique. Or la presse a évoqué que par la suite, un premier rapprochement s'est effectué entre Halussius Arnor et Lord Janos. Même si la chose est restée discrète et qu'il est davantage question de rumeurs que d'informations tangibles, notre Chancelier lui-même ne serait pas hostile à un exécutif fort et à un affaiblissement des prérogatives du Sénat.
«Maintenant que vous "remplacez", pour ainsi dire, le Chancelier, quelle sera votre ligne de conduite ? Comptez-vous poursuivre de manière continue la politique d'Halussius Arnor, ou au contraire vous en démarquer ? En un mot, pouvez-vous nous indiquer votre attitude à l'égard de ce parti ? Comptez-vous, tout comme votre "prédécesseur", garantir un contact avec le sénateur Janos et continuer les pourparlers au sujet d'une réforme constitutionnelle ? Ou désirez-vous plutôt y mettre fin, au risque de perdre le soutien d'Aargau, planète dont Lord Janos est le représentant, et qui forme un centre bancaire de poids dans la République ?»


Darth Deinos laissa à sa chose le temps de lire la totalité de ce message.

«Voilà ce que doit dire mot pour mot le journaliste, lors de la conférence de presse organisée par le Ministre Spécial d'État dans quatre jours. J'ai transféré le message dans tes dossiers personnels.»

«Bien, Maître.»

«Quand ce sera fait, tu le tueras. Personne ne doit savoir que nous l'avons payé pour dire ce que nous voulions qu'il dise. Par ailleurs, sa mort ne doit avoir aucun retentissement dans les médias.»

Darth Deinos se détourna de son apprentie pour contempler les immenses gratte-ciel de la ville ; les premiers rayons du soleil frappaient sur les baies vitrées et y laissaient des reflets argentés.

«Ces trois prochains jours, Gabrÿelle Evans sera indisposée. Elle sera absente au bureau de Cosmos. Il faut par conséquent qu'elle envoie un mot d'excuse au sénateur.»

La chose acquiesça.

«Va, Darth Sicaë. Je fais confiance.»

Quand l'apprentie se fut retirée, Darth Deinos demeura encore quelques temps à contempler Coruscant.

«Un jour», dit-il, «l'ordre régnera.»

Il éclata d'un grand rire.

«Oui ! L'ordre régnera !»



* * *

Salle de réunion dans les locaux de Cosmos. Troisième jour après la débâcle d'Artorias, 11 heures 36.


«Vous vous êtes montré trop entreprenant, sénateur. Le coup d'éclat de votre soirée était déjà très audacieux, je trouve. Mais délibérer lors d'un entretien privé de notre projet de loi avec le Chancelier, et surtout lui proposer d'en faire un référendum, c'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase ! D'autant que vous avez agi sans nous consulter !»

«Je ne le pouvais : l'idée m'est venue au fil de l'échange.»

«Mais rien ne vous poussait à lui déclarer directement que nous réaliserions un référendum !»

«En politique, il faut savoir improviser, Audiens.»

«Improviser, soit, mais pas n'en faire qu'à sa tête ! Vous nous avez mis dans un pétrin inimaginable, surtout qu'à cause de l'attaque d'Artorias, Halussius Arnor a été évincé de la sphère politique ! Nous n'avons plus aucun soutien, maintenant.»

Le petit homme s'épongea le visage, perlant de sueur. Il reprit d'une voix qui traduisit son exaspération :

«Mais le plus fou, c'est d'avoir envoyé cet hologramme à tous les sénateurs en vous obstinant dans cet idée de référendum, alors que la disparition du Chancelier nous permettait d'oublier cette folie, et de faire comme si vous n'aviez rien dit ! Mais il a fallu que vous vous entêtiez ! Vous n'arrêtez pas de me parler de stratégie, sénateur, mais je dois vous avouer que depuis la soirée en l'honneur du Chancelier, je ne comprends plus la vôtre !»

Lord Janos resta impassible ; on eût dit que son visage était de pierre. Pour toute réponse, il demanda :

«Et quelle stratégie me proposez-vous, vous qui paraissez si sûr de vous-même ?»

Audiens hésita un instant. Il avait une idée en tête mais n'osait l'exposer. Face au silence imparable du sénateur Janos, il se lança tout de même :

«Eh bien... Nous faisons partie de l'opposition, non ? Notre parti s'oppose à l'état actuel des choses. Je pense que nous n'avons pas à nous associer aux partisans d'Arnor et de Rejliidic, mais plutôt à Ion Keyïen.»

Lord Janos haussa les sourcils, le regarda droit dans les yeux et se contenta de répéter :

«À Ion Keyïen ? Vraiment ?»

«Oui, sénateur ! Il est dans l'opposition, et nous aussi ! L'alliance entre nos partis semble aller de soi ! Elle est même évidente !»

Lord Janos avait toujours eu horreur des réunions du parti. Surtout quand ces imbéciles lui faisaient la morale, alors que politiquement ils auraient été incapables d'entreprendre le quart de ce que lui avait réalisé.

Le sénateur écoutait Audiens en fixant le plafond, un verre d'assandran à la main, la tête légèrement inclinée, les jambes croisées.


«Ion Keyïen. Mais voilà une excellente idée, Audiens.»

«Merci, sénateur. Je savais que vous seriez d'accord avec ma...»

«De rien. Une autre stupidité du genre, messieurs ?»

Dicto Audiens, le secrétaire général du parti, se renfonça dans son siège en rougissant. Un long silence se fit, jusqu'à ce que Segnis, directeur de la Commission de gestion financière du Parti, prît la parole, en camouflant sa gène dans un toussotement à peine déguisé :

«Hum-hum... Si je puis me permettre, sénateur. Cette réception a coûté cher au parti... Très cher... Le Directoire Exécutif d'Aargau a approuvé le budget parce qu'il permettrait de mettre à l'honneur le parti et la planète tout entière, mais...»

«Mais ?»

«Hum ! Maintenant que le Chancelier est évincé de la scène politique, hum-hum, eh bien... Tout cet argent semble n'avoir servi à rien. Nous en sommes revenus au stade zéro, avec un trou dans nos finances. Je ne crois pas, hum-hum, que le Directoire Exécutif d'Aargau sera enchan...»

Lord Janos se leva, exaspéré. Il posa violemment son verre sur la table et fusilla du regard les directeurs des différentes commissions du parti.

«Au stade zéro !», s'écria-t-il en commençant à tourner autour de la longue table rectangulaire. «Au stade zéro... Voici la preuve que vous n'avez rien compris à rien !»

Un nouveau silence se fit, martelé par les pas nerveux de Lord Janos.

«Vous n'êtes qu'une bande de sinistres imbéciles», persiffla-t-il en leur adressant des regards si noirs qu'ils n'osaient même plus lever les yeux. «Je suis entouré d'imbéciles !»

Il se plaça face à Segnis qui eut une nouvelle quinte de toux.

«Vous me parlez de problèmes de budget alors qu'en une soirée, j'ai réussi à faire entendre mes idées politiques dans tout le Sénat !»

Il se tourna ensuite vers Audiens :

«Vous me blâmez mon "coup d'éclat" ! Vous osez employer ce terme sous prétexte de me critiquer !»

Lord Janos eut un long soupir.

«Mais là était le génie de mon entreprise, messieurs ! Pendant six ans, nous sommes restés discrets : je n'étais qu'un petit sénateur de second plan, certes à la tête d'une planète que la République ne devait pas négliger économiquement. Mais c'était tout ! Et voilà qu'en un soir, j'ai dévoilé tout mon programme, j'ai fait parler de moi dans toute la scène politique de Coruscant, au point d'être invité en personne par le Chancelier lui-même ! Qu'y a-t-il à redire à mes choix ?»

Personne n'osa répondre.

«Rien ! Il n'y a rien à y redire. Mais le fait est que vous craignez l'audace ! Vous êtes confinés dans vos petites certitudes minables ! Vous ne croyez pas que nous persévérerons en multipliant les coups d'éclat ! Voilà le véritable problème de notre parti : vous n'êtes qu'une bande de craintifs. Mais voyez l'ampleur de nos idées : ce n'est pas une vulgaire loi aussitôt oubliée après l'instant de son vote, que nous défendons ! C'est une refonte totale du système politique où nous vivons ! Nos idéaux sont eux-mêmes des coups de tonnerre : il n'y a qu'en secouant le ciel et en déchaînant les foudres de notre habileté que nous parviendrons à nos fins ! C'est de l'audace qu'il nous faut ! De la pugnacité ! Ne baissons donc pas les bras alors que notre tâche ne fait que commencer !»

Sur ces mots, il se rassit au bout de la table, reprit à la main son verre d'assandran et sonda du regard les membres du parti.

Lhëx, le directeur de la Commission constituante de réflexion sur le programme politique de Cosmos, leva la main et dit, d'un ton assez posé :


«Pour avoir activement participé à l'élaboration de ce texte de loi et pour le connaître quasiment à la lettre, je vous suis entièrement, sénateur : notre petit parti doit être offensif ; sinon, il ne persévérera pas. Je n'ai donc rien à vous reprocher quant à votre attitude. En ce qui me concerne, c'est plutôt le départ du Chancelier qui me chagrine. Est-ce que son remplaçant Ragda Rejlidic nous accordera la même écoute ? Nous n'en sommes pas sûrs, et il y a fort à croire que la réponse soit négative...»

«Oui, vous avez raison, Lhëx», répondit le sénateur, calmé. «Mais nous ne pouvons qu'attendre : nous en aurons vite le cœur net, de toutes façons !»

Lord Janos marqua une longue pause. Il attendit que plus personne n'osât prendre la parole pour parler à son tour.

«Bien. Si je vous ai convoqué aujourd'hui, ce n'était sûrement pas pour entendre des âneries...»

Il foudroya du regard Audiens qui se fit tout petit.

«... mais pour vous présenter mon projet.»

«Votre projet ?», s'étrangla Audiens. «Mais quel projet ?»

«Si vous désirez le savoir, laissez-moi parler !»

Lord Janos se releva lentement.

«Mon projet de sensibilisation aux idées de Cosmos !», s'écria-t-il.

Segnis eut un air dubitatif.


«Et... En quoi consiste-t-il, ce projet ?»

«J'y viens. Voyez-vous, tout le monde ne fait plus que parler de la guerre d'Artorias. Les médias ne se préoccupent plus que de cette affaire. Si nous jouons la prudence, comme vous semblez le souhaiter, les premiers efforts que nous aurons fourni n'auront servi à rien. Et effectivement, nous en serons revenus au stade zéro.»

Lord Janos se tourna vers Segnis en lui adressant un regard noir.

«Mais si nous parvenons à rebondir, si nous montrons de la pugnacité et de la détermination, alors nous pourrons continuer dans notre lancée !»

Les directeurs de commission le dévisagèrent en se demandant où il venait en venir.

«En d'autres termes, nous devons utiliser les évènements d'Artorias pour mettre en valeur nos idées politiques ! Et c'est ce que j'ai fait dans l'hologramme envoyé aux sénateurs. Maintenant que notre projet de réforme fera l'objet d'un vote, nous ne devons pas perdre une seule seconde ! Voici mon plan.»

L'œil artificiel afficha dans les airs un programme que Lord Janos avait rédigé cette nuit-même, plutôt que de perdre du temps à dormir (quelques cachets, certes prohibés par la loi, l'avaient aidé à rester éveillé : l'ordre l'exigeait, de toutes manières).

«Je ne suis pas idiot, contrairement à ce que pensent certains d'entre vous. Je sais pertinemment que le Sénat refusera ce référendum.»

«Mais alors... !», s'écria Audiens. «Pourquoi donc faire en sorte que... ?»

«Laissez-moi parler et vous saurez.», répondit sèchement Lord Janos. «En procédant ainsi, nous pourrons déclencher un scandale. Et nous le présenterons comme tel.»

«Un scandale ?», répéta Shadley, le directeur de la Commission de rédaction des discours politiques et des textes du Parti, qui jusque là était resté silencieux.

«Oui, un scandale ! Nous crierons au peuple de la République qu'un référendum destiné à lui donner plus de pouvoir a été refusé par le Sénat. Les discours iront de soi : il n'y aura plus qu'à présenter les sénateurs comme des hommes avides de pouvoir personnel - ce qu'ils sont pour la plupart, d'ailleurs - et à s'indigner publiquement du manque de représentation qui règne dans la République.»

Le regard de Lhëx s'illumina.

«Et ainsi, notre réforme constitutionnelle semblera légitime à l'opinion publique...»

«Parfaitement !», s'écria Lord Janos, fier de trouver dans ses rangs un homme pour le suivre. «Ce qui signifie qu'auparavant, cette même opinion publique doit connaître au moins mon visage...»

«D'où la nécessité de lancer une campagne de pub au profit du parti.», renchérit Lhëx.

«Oui ! Une gigantesque campagne de sensibilisation ! Je veux que l'on voie mon visage sur tous les murs de Coruscant ! Que des meetings soient organisés ! Que Lord Janos devienne un être médiatique et aimé du plus pauvre ! Moi, le défenseur du démuni d'Aargau, je deviendrai le défenseur des démunis de la galaxie tout entière !»

Il s'était écrié ces derniers mots à la manière d'un conquérant. Depuis cette fameuse soirée, il sentait qu'une force incontrôlable le poussait à accroître son pouvoir. Une force insidieuse. Inaliénable. Et sans scrupule. Pour sûr, cette force, cette fougue, c'était la voie qui le mènerait à l'ordre.

Lord Janos se rassit sur son fauteuil comme un roi sur son trône. L'hologramme que projetait l'œil artificiel fut aspiré par sa pupille.


«Voilà ce que j'avais à vous dire. Le projet que j'ai rédigé vient d'être envoyé sur vos datapads. Vous le lirez attentivement, et dès demain, nous nous mettrons à la tâche ! Les heures sont comptées. Merci pour votre attention, messieur. La séance est terminée.»

Sur ces mots, il se leva et ne laissa pas le temps à Audiens de s'opposer de nouveau à lui. Gagnant la porte d'un pas déterminé, il lança à la volée :

«Au fait ! Ce soir, j'envoie personnellement un hologramme au ministre spécial d'État pour lui demander de convoquer le Sénat au sujet de notre fameux référendum ! Sur ce, une bonne journée, messieurs !»

Les directeurs de commission restèrent assis autour de la table rectangulaire qui traversait la salle de réunion. Ils s'échangèrent quelques regards désemparés, partageant ce même sentiment d'impuissance face aux décisions du sénateur. Seul Segnis se leva pour courir après Lord Janos. Il le rattrapa dans le couloir qui menait à son bureau et tenta désespérément de le raisonner.

«Si je puis me permettre, sénateur, hum ! La campagne que vous nous proposez risque d'être, hum-hum, très coûteuse...»

Lors Janos posa son regard sur l'homme :

«Nous trouverons les fonds nécessaires à mon projet.»

Tout en prononçant cette phrase, sa main droite décrivit un légère courbe sans que l'homme ne s'en apperçût.

«Nous trouverons les fonds nécessaires à votre projet.», répéta-t-il, envoûté.

Un léger sourire dominateur se dessina sur les lèvres de Lord Janos. Il laissa là le directeur de commission et se retira dans son bureau pour rédiger le message qu'il enverrait au Ministre Spécial d'État.

Jamais un tel sentiment de puissance ne s'était réveillé en lui. Jamais...
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Dans le ciel, l'astre solaire se meurt embrasant les lambeaux horizons d'Aargau de tons rougeoyants à l'esthétique singulière. La pénombre qui gagne les cieux d'Aargau m'est agréable ; le soleil n'est pas encore totalement couché que déjà, pourtant, les premiers halogènes s'activent et volent ces nuances de noir à mes pupilles, jetant leurs traits blanchâtres en travers des rues. L'Ordre avance. La foule des travailleurs a juste fini de rentrer chez elle que déjà celle des êtres de la nuit la remplace. Les agents de la Sécurité, présents en nombre réfléchi dans les rues, veillent à réguler ce flot qui pourrait rapidement se changer en Chaos confus, le risque allant croissant avec l'heure tardive.

Je me tiens dans l'ombre, dominant le monde. En hauteur, sous la masse imposante d'un château d'eau, personne ne me remarque, femme drapée du Noir. J'observe. Il est en retard ; prévisible. Je l'ai choisi pour sa médiocrité, son anonymat et son incompétence ; il les illustre à merveille. Y avait-t-il un lien entre ces caractères fâcheux et sa consommation régulière et abusive de cette drogue - les bâtons de la mort ? Sûrement. Et malgré tout, c'est cela même qui me permettra de faire de lui un vecteur de l'Ordre et la volonté de mon Maître.

Il fait désormais tout à fait nuit. Au coin de la rue, la proie se montre. Il avance, droit, il est encore sobre. Il se sait observé mais son regard me cherche en vain. Ses yeux ne trouvent que l'Ombre en se posant sur moi et, inquiets, continuent la fouille ailleurs. Il s'approche du lieu de rendez-vous. Un simple lieu mentionné dans un datapad vierge de tout, hormis de ces mots : " Je vous rejoins ce soir au lieu indiqué dans l'éventualité où vous voudriez passer le reste de votre vie dans l'opulence et le plaisir. " et des crédits, beaucoup de crédits que les hommes et femmes d'Aargau auront laissé sans surveillance dans leurs poches ; beaucoup de crédits. Une occasion en or aux yeux de l'incarnation de la disharmonie qu'est cet homme.

Il entre dans la ruelle, noire. Son pas ralentit, il est aux aguets. Je m'avance, un pas, deux, le vide. Je me laisse tomber en silence derrière lui, laissant le bruit de ma chute se perdre dans la Force. La proie est là, devant moi. Neutraliser.

Je le saisis immédiatement à la gorge et lui bouche d'une même main la bouche et le nez. Je le serre contre moi et l'emmène dans l'Ombre. La lame, froide, qu'il sent appliquée contre sa gorge le dissuade de se débattre. Je sens la peur en lui. Son rythme cardiaque accélère, son pouls également. L'air vient à manquer ; je devine son iris dilatée. Un goût de sucre. Une pointe de plaisir. Je souris. Je lui murmure alors doucement à l'oreille :
" - Chut... N'ayez crainte, je ne vous ferai aucun mal ce soir si vous m'obéissez. " Je desserre doucement l'étreinte de ma main pour qu'il puisse respirer, je la garde sur sa bouche. Il respire. Son odeur d'homme envahit mes sens. De l'eau de toilette bon marché, de la sueur - aigre -, des odeurs de villes et d'un déjeuner pris dans un restaurant pas aéré aussi souvent qu'il le faudrait.

Je le serre davantage contre moi, n'hésitant pas à lui faire sentir dans son dos ce que les hommes aiment à sentir presser contre leur dos. Mes mains étant occupées, je déploie ma jambe pour venir la glisser doucement entre les siennes. Je sais que mon odeur s'est glissée dans son esprit et le caresse. Je sais que le va-et-vient de ma jambe lui plaît. Malgré lui, malgré la lame, un désir de cette Ombre qui le soumet l'envahit. Sa respiration se règle au rythme du va-et-vient. Je sens par l'afflux de sang que le désir est désormais vainqueur. Encore un peu. Je le domine. Un goût de sucre, une pointe de plaisir. Un sourire.

Je range la lame, consciente qu'une nouvelle arme le tient en respect. Mon bras se glisse sous le sien pour venir l'enserrer et le maintenir plus fort encore. Je garde ma main sur ses lèvres et lui susurre à nouveau à l'oreille :
" - Voilà c'est bien... Détendez-vous. Il vous suffit de m'obéir pour entraîner votre plaisir, ne faites pas l'erreur de provoquer pour vous de regrettables douleurs. "Je le sens se détendre davantage. Il est un objet entre mes mains ; Ma Chose.

" - J'ai... besoin de vous Monsieur Tools. Je vais glisser dans votre poche un datapad, vierge de toute information hormis vos instructions. Vous n'aurez d'autre choix que de les consulter, toute autre action sur le terminal entraînerait sa destruction et par la suite... votre mort. Est-ce ce que vous voulez Monsieur Tools ? " Alors que je lui pose la question, ma main effleure le centre de son désir, jouant délicatement sur cette corde de la harpe masculine sensible entre toutes. Je le domine.

" - Non, je le sens, vous ne voulez pas cela. Alors obéissez à ces instructions, Monsieur Tools, et je vous promets plus de plaisir que vous n'en avez jamais eu. " Je pince la corde à nouveau et je sens son corps se tendre contre le mien sous l'effet conjugué de la décharge de plaisir qui parcoure son corps et de la bouffée de désir que j'exacerbe. Je dépose un baiser glacé et mordant au creux de son cou et ma main, jusqu'alors appliquée sur ses lèvres, glisse entre celles-ci ces billes dont il connaît et la saveur et l'effet. En quelques secondes, son corps, envahit par le désir et la drogue, perd sa force. Je le laisse alors glisser le long de moi, le dépose sans tendresse sur le sol froid de la ruelle. Je m'éloigne dans l'ombre, sans un bruit, un panache de vapeur finissant de dissoudre ma silhouette dans les yeux de ma proie extatique. Il obéira. Je le domine. Dans ma bouche, le goût légèrement métallique du sang se mêle à une impression sucrée. L'Ordre avance.
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Salle de réunion dans les locaux de Cosmos. Cinquième jour après la débâcle d'Artorias, 11 heures 13.


«Et quel intérêt aurions-nous à nous affilier à cette Union Loyaliste, sénateur ?»

Lord Janos se tenait debout, un verre à la main, face aux directeurs de commissions assis autour d'une longue table. Au dessus de leurs visages dubitatifs, planait la représentation holographique du Directoire exécutif, le gouvernement d'Aargau. Pour la prise d'une telle décision, tous les tenants du parti avaient été convoqués.

Le sénateur soupira. Convaincre. Toujours convaincre. Sans cesse ces imbéciles demandaient à être convaincus. Quelle perte de temps ! L'Ordre n'avait guère besoin de toutes ces délibérations stériles. Il ne demandait qu'à s'imposer, dût-ce être sous la volonté d'un seul.

Et en matière de volonté, il n'y avait que Lord Janos pour exercer la sienne...


«Afin d'éviter plusieurs heures de débats inutiles, je vous ai préparé une synthèse en quatre points, qui explicitera les multiples intérêts que nous trouverons en nous affiliant à ce mouvement politique.»

Le sénateur se racla la gorge en adressant un regard sévère aux hommes présents dans la salle.

«Premier point.»

Un programme holographique surgit de son œil artificiel.

«Au cas où vous l'auriez oublié, nous avons toujours soutenu le Chancelier Suprême, Halussius Arnor, depuis son élection il y a un an. Jamais nous ne nous sommes opposés à lu depuis. Si peu de temps après avoir organisé en son nom une soirée, par ailleurs très coûteuse comme on me l'a fait remarqué...»

Regard noir à l'encontre de Segnis, le directeur de la commission de gestion financière.

«... et l'avoir rencontré en privé pour délibérer du programme politique de Cosmos, il est radicalement exclu de retourner sa veste à l'heure actuelle. De quoi aurons-nous l'air face aux sénateurs, si nous cessons de le soutenir maintenant qu'il est absent ? Et face à nos propres électeurs, d'ailleurs ? Eh bien, nous passerons pour des inconstants ! Pire : des profiteurs ! Des rapaces qui se jettent sur le cadavre encore chaud de celui que nous embrassions hier ! Avouez que ce serait ridicule ! Nous, les plus grands défenseur de l'ordre qu'ait jamais connu la République, nous nous comporterions comme ces politicards ambitieux de Kuat et de Corellia ! Allons ! Vous savez comme moi que la constance est la première vertu qu'exige l'ordre de son fidèle.»

Lord Janos se tut un instant, le temps que cette sentence martelât les esprits.

«Bien. Fin du premier point.»

L'hologramme projeté par son œil laissa place à un second programme, qui alla s'inscrire dans les airs.

«Deuxième point.», dit fermement le sénateur en usant de son inexpugnable détermination. «Vous me direz sûrement qu'en tant que défenseurs de l'ordre, il nous incombe de respecter la loi ; et que la loi exige qu'un nouveau Chancelier doit être élu si, sous les trente jours qui suivent son départ provisoire, il est jugé incapable de revenir au pouvoir, quelle qu'en soit la raison. Je vous l'accorderai volontiers : moi aussi, je connais par cœur ma Constitution républicaine. Cependant, imaginez un peu que le Sénat doive procéder à de nouvelles élections en pleine crise militaire ! Imaginez le chaos qui naîtra d'une telle situation ! La République n'en sortira que plus affaiblie. Ce que nous, les chevaliers de l'ordre, ne pouvons permettre sous aucun prétexte. Je suis prêt à exiger du sénateur d'Alderaan qu'il propose le vote d'une mesure spéciale pour allonger la durée de cet état de fait provisoire. Telle est mon opinion. Fin du deuxième point.»

L'œil holographique afficha un nouveau fichier.

«Troisième point. Les opposants politiques d'Arnor, qui sont par là même nos opposants, risquent de s'engouffrer dans cette brèche législative pour briguer le titre de Chancelier Suprême. Mais croyez-moi : il est hors de question que des vecteurs de chaos comme Keyiën ou Antana parviennent à ce poste ! L'Union loyaliste peut constituer une arme de choix contre ces séditieux qui sèment le désordre au Sénat.»

Regard noir à l'encontre d'Audiens qui, lors de la dernière réunion, avait proposé un ralliement à Keyiën.

«Inutile de s'étaler davantage là-dessus. C'est assez clair, je pense. De toutes façons, le programme que je vous projette ici vous a été envoyé sur votre datapad personnel. Passons donc au quatrième point.»

L'œil afficha une dernière page.

«Vous savez que certains m'ont accusé de ne prôner un exécutif fort qu'en vue de m'octroyer un pouvoir personnel. Eh bien, en me ralliant à ce mouvement politique, je prouverai à tout un chacun que je ne suis pas de ceux qui profitent d'une crise militaire pour tenter d'être élus Chancelier. Il s'agit ainsi de renverser l'image d'ambitieux que je me suis faite, davantage à cause de la mécompréhension de certains sénateurs que de nos idées politiques en elles-mêmes.»

L'hologramme projeté par l'œil disparut.

«Fin du quatrième point. Je pense que j'ai été assez clair.»

Les membres du gouvernement décidèrent de s'entretenir à voix basse quelques instant. Durant la totalité de l'échange, les directeurs de commission adressèrent des regards craintifs au sénateur. Après de longues minutes de ce silence pesant, le haut dirigeant du Directoire Exécutif prit enfin la parole.

«Nous acceptons votre demande, Lord Janos, et la soutenons de bon gré. Il nous semble en effet qu'il est dans l'intérêt d'Aargau et de Cosmos que d'intégrer cette Union loyaliste proposée par le sénateur d'Alderaan. Les raisons que vous alléguez s'avèrent toutes très satisfaisantes.»

On put voir se dessiner dans l'œil naturel du sénateur un regard satisfait.

«Merci de votre écoute, Messieurs.»

Et désireux d'en couper court avec ces réunions qui l'insupportaient de plus en plus :

«Bien. Si plus personne ne désire intervenir, nous pouvons estimer que cette séance est terminée. Passez une bonne journée, Messieurs.»

«À vous aussi.», répondit le Haut Dirigeant. «Communication terminée.»

La table circulaire du Directoire Exécutif disparut. Les directeurs de commission se levèrent tous sans adresser le moindre mot à quiconque. La peur les tenaillait. Lord Janos sourit : s'il s'était montré quelque peu autoritaire lors de la dernière réunion, au moins avait-il mis au pas ces petits craintifs. Et l'ordre régnait enfin sur les rangs du parti. S'il fallait user de crainte et de domination pour l'imposer, alors va pour la crainte et la domination !

En quittant la salle, Pecus, le directeur du service de communication, tenta de se montrer sympathique à l'égard du sénateur ; il ne désirait pour rien au monde se retrouver dans la même posture qu'Audiens et que Segnis. Il aborda Lord Janos en lui disant poliment :


«Euh... Je voulais vous dire que ce ralliement à l'Union loyaliste était une bonne idée.»

«Je le sais. C'est pour cela que je l'ai prise.»

«Oui... Bien sûr...»

Les deux hommes se retrouvèrent à traverser le couloir côte à côte. Se refusant par politesse de demeurer silencieux, Pecus chercha un sujet de conversation.

«Vous savez que pour la conférence de presse de Rejliidic, la nacelle d'Aargau a trouvé un candidat ?»

Lord Janos songea qu'il devait s'agir de l'homme engagé par Darth Sicaë. Malgré la satisfaction que cette remarque fit naître en lui, il demeura impassible en surface.

«Non. On ne me l'avait pas dit.»

«Ah ? C'est Herl Clearstimm le patron en personne de l'Hologazette d'Aargau qui doit nous représenter. Vous savez ? Cet homme archi-médiatique qui s'était opposé à votre élection en tant que sénateur.»

Lord Janos dut concentrer toute son énergie pour camoufler l'énorme vague de surprise qui le traversa.[/color]

«Ah ? C'est sans importance, de toutes manières.», répondit-il en gardant son calme avec peine. «Les journalistes présents lors de cette conférence ne sont pas censés représenter les délégations sénatoriales.»

«Oui, c'est vrai.»

«Respectons donc la démocratie.», ajouta le sénateur en s'efforçant d'adresser un grand sourire au directeur de la commission de communication.

«Tout-à-fait. C'est louable de votre part, sénateur.»

Ils arrivèrent devant le bureau de Lord Janos.

«Merci. Sur ce, je vous laisse. J'ai beaucoup à faire, surtout que les problèmes de santé qui affectent Mademoiselle Evans me retardent quelque peu.»

«Oui, bien sûr. Je comprends. Bon courage !»

«Bon courage à vous, Pecus.»

Sur ces mots, le sénateur alla s'enfermer dans son bureau. Furieux, il s'assit dans son fauteuil de cuire.

Comment était-ce possible ? Pour cette conférence de presse, le gouvernement d'Aargau avait communiqué que le premier journaliste à s'inscrire dans le délai de quarante-huit heures après l'ouverture des candidatures occuperait la nacelle de Janos, quel que fût le journal qu'il représentât. L'homme engagé par Darth Sicaë s'était parfaitement acquitté de sa tâche : le contrat exigeait même de lui qu'il fît une nuit blanche pour être le premier à s'inscrire.

Herl Clearstimm... Ce nom ne lui était pas inconnu...

Ce nom, Lord Janos le rentra dans son moteur de recherche personnel, un ensemble de fichiers privés et sécurisés, auquel nul dans le parti exceptée Darth Sicaë n'avait accès.


«Tiens-tiens...», se dit-il à lui-même en parlant à voix haute. «Je possède tout un dossier sur le personnage... Hum, pas des plus denses. Mais il doit nous avoir intéressé à un moment ou l'autre pour qu'il ait sa place ici...»

Les sourcils froncés, le sénateur ouvrit le fichier en question qui se déploya dans les airs sous forme holographique.



• Nom : Herl Clearstimm.

• Race : Humain.

• Âge : 46 ans.

• Activité actuelle : Directeur de l'Hologazette d'Aargau. Journaliste professionnel. Rédige de nombreux articles pour son propre journal. N'hésite pas à aller lui-même sur le terrain plutôt que d'y envoyer ses employés.

• Personnalité : Homme très charismatique. Probablement corrompu [manque d'informations à ce sujet : pour activer une recherche d'informations supplémentaires, cliquer ici].

• Convictions politiques : Opposant de Cosmos. A écrit de nombreux articles contre le parti [pour lire ces articles, cliquer ici].

• Statut : S'en méfier. N'hésiterait pas à payer très cher pour parvenir à ses fins [manque d'informations à ce sujet : pour activer une recherche d'informations supplémentaires, cliquer ici].

• Sécurité : Occupe un bureau gardé par des soldats très bien entraînés, au sommet de la tour de la Gazette d'Aargau, trois cent cinquante-sixième étage, au centre de la Capitale. Ne pas sous-estimer les soldats. Réseau de caméras de surveillance dans chaque couloir de la tour ; angle mort uniquement sur un demi-mètre au niveau du plafond ; impossibilité de le pirater ; code d'accès inaccessible. Homme toujours accompagné de snipers quand il sort : impossibilité de l'éliminer hors de son bureau. Sous haute surveillance : a beaucoup d'ennemis.[/b]

[Pour activer une recherche d'informations supplémentaires, cliquer ici]

[Pour modifier le dossier Herl Clearstimm , cliquer ici]


Lord Janos consulta attentivement les articles que l'homme avait écrit sur Cosmos. Il se rappela qu'il en avait déjà lus certains. C'était du temps des élections, il y avait de cela six ans. Et effectivement, le fichier sur le personnage était justifié. Tout-à-fait justifié.

«Corruption...», persiffla Lord Janos. «Ce petit prétentieux veut probablement se servir de la conférence de presse pour mettre en valeur son journal. Voire ridiculiser Cosmos une fois de plus. Et il a dû ouvrir bien grand son porte monnaie pour prendre la place du journaliste que nous avons engagé.»

Le sénateur regarda la petite tête de l'homme qui flottait dans les airs.

«Mais ce sera la dernière fois que vous l'ouvrirez, très cher.», dit-il à l'image. «Car face à vous, se dresse désormais Lord Janos, le représentant de l'ordre !»

L'immense sentiment de puissance qui s'était emparé de lui ces derniers temps resurgit d'un coup. La peau artificielle se fissura lentement, laissant apparaître des tendons de fer aux reflets bleutés.

«Vous n'aviez pas le droit de prendre la place d'un autre, Clearstimm, fût cet autre misérable. Vous n'aviez pas le droit, car les règles l'interdisaient. Mais maintenant que vous les avez enfreintes, il est grand temps de remettre les choses dans l'ordre...»

En prononçant ce dernier mot, un grand sourire diabolique se dessina sur son visage craquelé ; un reflet jaune vint emplir sa pupille.

«L'ordre ! Ah-ah-aaaaaah !», s'écria-t-il en hurlant de rire.

L'œil naturel s'arrondit soudain de surprise. Les pupilles se fermèrent. Une main de fer, la main gauche, vint éponger ce front qui perlait de sueur.


«Allons ! Qu'est-ce que je raconte ?»

L'homme-machine s'accouda sur son bureau ; la surface lustrée du meuble vint en refléter le visage.

«Je deviens fou...»

Le visage d'un monstre.

«Je deviens complètement fou...»

Il n'y avait aucune raison de s'emporter ainsi. Le journaliste engagé par Darth Sicaë s'était présenté le premier. Un homme charismatique avait usé de ses relations et de sa fortune pour corrompre les bonnes personnes. Il n'y avait qu'à l'éliminer. Et c'était tout. Nul besoin de s'enflammer. Un crime froid. Parfaitement orchestré par l'art de sa chose. De sa créature. Et c'était tout.

Reprenant peu à peu le contrôle de ses sentiments, Lord Janos modifia le fichier d'Herl Clearstimm. Une rubrique n'était plus à jour, désormais. La rubrique "Statut"...




• Statut : À éliminer immédiatement.


Une fois qu'il serait mort, le journaliste engagé par Darth Sicaë reprendrait sans problème la place qui était légitimement la sienne : les employés de l'Hologazette d'Aargau seraient bien trop occupés par la mort de leur patron pour encore se soucier de cette conférence de presse.

Oui, un meurtre comme tant d'autres.

Restait à l'agencer : Janos sortit d'un tiroir un datapad qui modifiait sa voix, et dont les coordonnées piratées indiquaient au destinataire que son possesseur se trouvait sur Corellia au moment de la communication.


«Secrétaire personnelle de Monsieur Clearstimm, j'écoute !»

«Bonjour, je me nomme Tareg Vaal'jal. Je suis pigiste et j'ai déjà travaillé il y a un certain temps pour l'Hologazette d'Aargau. Je dispose d'une information capitale dont j'aimerais faire un article que je vendrai à votre patron.»

«Une information capitale ? De quelle nature ?»

«Je ne peux rien dire de plus. J'aimerais rencontrer Monsieur Clearstimm en privé à ce sujet.»

«Vous désirez un rendez-vous ?»

«Oui ! Dans les vingt-quatre heures, si possible.»

«Je regrette, Monsieur Vaal'jal, mais Monsieur Clearstimm sera en réunion dans son bureau cet après-midi. Par conséquent, il ne saurait vous rece... Mais... Monsieur Vaal'jal ? Monsieur Val'jaal, vous me recevez ?»

Lord Janos avait coupé la communication. Il posa le datapad sur le bureau, sortit de son bras artificiel son sabre laser et détruisit le petit objet. Une fois le crime commis, la police d'Aargau ne pourrait plus retrouver l'origine de cet appel, si tant est qu'elle y prêtât attention, et se perdrait au pire dans des élucubrations sur un assassin originaire de Corellia qui n'aurait pas laissé de traces.

Parfait. Janos disposait désormais de l'information qu'il désirait : Clearstimm serait dans son bureau cet après-midi. Restait juste à prévenir la main du crime.


«Communication de Darth Deinos à Darth Sicaë. Un important contretemps vient gêner mes projets. Un dénommé Herl Clearstimm a pris la place de notre client. Toutes les informations disponibles sur cet homme sont contenues dans nos fichiers privés. Celui-ci doit être éliminé cet après-midi : il se trouvera dans un bureau au sommet de la tour de l'Hologazette d'Aargau. Pour y accéder, il existe deux possibilités : s'aggriper aux plafonds qui échappent au système d'autosurveillance du bâtiment ; ou passer directement par le toit de la tour en s'y parachutant. Les moyens importent peu : seule compte la mort de cet homme. L'avènement de l'ordre dépend du succès de cette entreprise. Darth Deinos, terminé.»

Voilà qui était fait.

Janos se carressa le visage ; ses doigts parcoururent douloureusement les fissures mécaniques qui lui taillaidaient la peau.


«Maintenant, il est temps de se reprendre. Le serviteur de l'ordre n'est pas un sanguinaire imbu du gigantesque pouvoir que lui offrent ses crimes.»

Oui, restait à redevenir l'homme constant et déterminé qu'il avait toujours été. Cet homme qui, depuis que sa puissance avait enflé à mesure que son œuvre tendait vers son aboutissement, sentait sa propre volonté s'évanouir lentement, très lentement...
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L'entremêlement régulier de mes cheveux claque dans le vent et fouette ma nuque tandis que je fond à travers l'air, oiseau de proie sans aile. Je déploie la voile juste à temps pour ne pas me tuer et c'est avec délicatesse que je retombe sur le toit du bâtiment. Je me répète une dernière fois les directives de mon Maître. Je les connais par cœur. Limpide. L'Ordre avance, et il en sera fait selon la Nécessité : « Les moyens importent peu : seule compte la mort de cet homme. L'avènement de l'ordre dépend du succès de cette entreprise. Darth Deinos, terminé. ». Un sourire naît sur mon visage. L'incompétence des services de sécurité de cet homme est risible. Payer une fortune pour protéger l'intérieur de son bâtiment et en oublier le toit ? Ridicule... Erreur d'incapable. Cet individu outrancier mourra par trop de prétention. Tellement imbu de sa personne, il s'est centré totalement sur elle et en a oublié les périphéries. Un jeu d'enfant.

Je prends le temps de replier ma voile, elle me servirait à nouveau, et je me dirige vers l'entrée de la cage d'escalier. Je sais que l'accès en est surveillée par un système de sécurité centré sur la serrure. Il me suffit de pirater prestement cette dernière, de mettre en place dans le système un verrou fantôme que je maintiens fermé et configure comme référent principal au circuit de sécurité. En quatre minutes trente sept secondes la porte s'ouvre doucement. Trop longue. Je dois faire mieux. Il est hors de question de toucher le sol, chaque dalle étant individuellement reliée à l'alarme, je tire un grappin qui va se ficher au milieu du plafond et m'y accroche par la taille. J'active le retour de câble et bientôt je suis en l'air au-dessus des dizaines d'étage de vide. La cage d'escalier, largement inusitée, est celle des sorties de secours auxiliaires des étages les plus hauts du complexe. Si l'accroche vient à lâcher, je meurs. Un sourire... Je ne mourrai pas, l'Ordre avance et veille sur sa Main.

Je me laisse descendre doucement, juste le léger sifflement de la corde contre le cuir de mes gants pour venir perturber le silence. Un, deux, trois, quatre... Dix-huit, dix-neuf, vingt... Trente-deux. La faille est là. Je me balance régulièrement, doucement. Mes pieds touchent la rambarde et bientôt je m'y trouve juchée. Je détache la corde de ma taille et dépose un pied à terre. Aucun alarme ne retentit et pour cause, ici le sol n'est pas sécurisé, des droïdes et des hommes circulant dans tous l'étages pour assurer la sécurité.

Je pianote rapidement mon Terminal Portatif et active mon champs de discrétion, aussitôt je disparais. Je force la serrure de la même façon que j'ai forcé la précédente et la porte s'ouvre sans difficulté mais je ne la poussais pas. Pas encore. Attendre un peu. Trois... Quatre... Cinq... Le bruit des pas et des voix de deux hommes me parvient. Le changement de garde. Six... Sept... Huit... Le bruit s'est tu depuis un moment à présent, mais je dois attendre encore. Quarante-deux... Quarante-trois. À cet instant précis la relève pénètre dans le poste de surveillance, à cet instant précis les quatre gardes détachent totalement leur attention des écrans. À cet instant précis je fais glisser la porte et entre dans le couloir au fond duquel j'aperçois le dos des individus que j'ai entendu. Ils ne voient pas et n'auront jamais conscience de ma présence. J'avance, connaissant le plan du bâtiment à la perfection, sachant où se trouvent mes trois objectifs.

Le premier, la salle de sécurité principale où se trouvaient l'ensemble des écrans reliés aux différentes caméras du bâtiment. Gauche, droite, vingt-six mètre droit devant moi. Je m'arrête. Une patrouille passe à une longueur de bras de moi, celle qui vient d'être relevée. Je sens le parfum corsé de l'homme. Les quatre individus ne semblent pas me remarquer jusqu'à ce que, trois mètres plus loin l'un d'eux ralentisse soudainement. Les trois autres se retournent sur lui, sans comprendre. L'un deux l'interpelle :


« Qu'est-ce tu fous, Joe ? »

« Ferme ta gueule deux secondes, Avrel, y a un truc bizarre... Comme un parfum de... Femme. »

« Du calme, Joe ! Tu vas les retrouver tes minettes de la cantina ! Sois pas si pressé d'te vider l'calibre ! Laisse-nous au moins l'temps d'sortir du bâtiment avant d'te mettre en chasse ! »

Les hommes rient de concert. Je ne souris pas. Joe hésite. Il fait mine de revenir sur ses pas puis sous les quolibets incessants de ses camarades se ravisent et fait demi-tour. Je reprends mon souffle. Idiote ! Parfaite idiote ! Il s'en est fallu de peu ! Quelle Apprentie suis-je pour ainsi me faire trahir par... par... Mon odeur ! Je mords ma lèvre, la douleur inonde mes sens puis le goût du sang. Je me calme. J'avance à nouveau.

La porte est là devant moi, je la sais ouverte par négligence mais ne peut simplement pénétrer, les portes ne s'ouvrant pas seule, les gardes se douteraient de ma présence. Il me faut attendre. Encore. Six, sept, huit. Bbbbbbbbbbzzzzzzz. Le doux son des moteurs d'un droïde me parvient aux oreilles. Bbbbbbbbbzzzzzzzzz.


« Bibibop Bip Vrrouuvrrouubip ! »

Il ne s'adresse à personne, je le sais, il ne fait que sa ronde. Il arrive au niveau de la porte et s'arrête, ses capteurs ne me détectant pas. Il l'ouvre, et je me glisse à sa suite sans un bruit, me plongeant aussitôt dans l'ombre de la pièce, laissant la porte se refermer derrière moi.

« T7 ! Il était temps ! J'crève de soif ! T'as nos cafés ? »

« Vuuiiivrroouubop ! »

« Parfait ! Tu gères T7 ! »

Le droïde de maintenance sert les quatre gardes et s'en retournent à son office, parfaitement inconscient qu'il vient de laisser entrer la louve dans la bergerie. Alors que les quatre individus reportent leur attention sur les écrans, je détache de ma ceinture un tube que j'active avant de le faire rouler jusqu'au milieu de la pièce. Quittant ma main, l'objet réapparaît aussitôt mais les hommes, bien trop occupés à la dégustation du contenu de leur gobelet, ne s'en aperçoivent pas. Le tube s'ouvre, du gaz s'en échappe. Un, deux, trois... En dix secondes, des ronflements emplissent la pièce. Je n'ai que le temps de me jeter sur la main de l'un d'entre eux pour retenir le récipient plein d'un liquide fumant et empêcher ce dernier de se répandre sur toutes les commandes. Je repose le verre sur la surface plane, prenant soin que ce dernier ne pourrait pas tomber. Je récupère le tube et désactive mon champs de discrétion pour en économiser la charge. Je me connecte aux terminaux de la sécurité, y manipule quelques fichiers, y opère quelques modifications, me déconnecte en ayant supprimer toutes traces de l'intervention d'un terminal extérieur et ressors, Ombre parmi les ombres.

Le deuxième, le local où est installé le système anti-incendie de l'immeuble. À l'intérieur, un unique droïde de maintenance. J'ouvre la porte, sans difficulté puisqu'elle n'est pas verrouillée, le droïde ne le remarque pas. Même les machines de ce complexe sont incompétentes, preuve nouvelle apportée à la Nécessité de le réduire au Néant. Toujours imperceptible, je m'avance sans bruit dans sa direction et à l'aide d'un blaster ionique, le désactive sans bruit. J'ai moi-même conçue l'arme. Je sais qu'elle n'a endommagé aucun système et qu'elle ne laissera aucune trace n'ayant pour fonction que de provoquer une légère surtension afin d'obliger le droïde à effectuer un redémarrage complet de son système suivi d'un check-up de son état. J'en profite pour ouvrir sa carcasse doucement et branche mon Terminal à ce dernier. J'effectue l'opération, referme le droïde et ressors sans problème.

Le troisième et dernier, la réserve située à cheval entre le bureau du directeur et son hangar personnel. J'y pénètre sans prêter attention aux caméras, sachant pertinemment que plus personne n'y prête attention désormais. À l'intérieur, d'immense cuve contenant les réserves en carburant de la navette particulière du directeur. J'ouvre alors le panneau de commande de l'un de ces grands réservoirs et manipule plusieurs circuits qui le composent. Je referme le panneau, ressors, emprunte à nouveau le couloir, laisse passer sans bouger le petit T7, rouvre cette même porte, attire le câble que j'avais laissé en place à l'aide de la Force, le raccroche à ma taille, remonte. Une fois sur le toit, je prend mon élan use de la Force pour sauter le plus loin possible, use de mon Terminal avant de commencer ma chute libre proprement dite, la Force ne pouvant me porter davantage. Je libère alors une nouvelle fois ma voile pour ralentir ma chute jusqu'à ce que mon speeder me recueille doucement en plein air. Je repars dans la nuit, sans laisser aucune trace.

Je médite depuis à présent deux heures, vingt-quatre minutes et dix-sept seconde dans le Jardin. Les quatre piliers m'entourent ainsi que la Force... Obscure. Mon Terminal s'active soudain et génère un holo-écran. Une femme est représentée dessus et annonce gravement la nouvelle qui vient de lui être transmise à savoir la mort du directeur de la Gazette d'Aargau dans un tragique accident.

Plus tard, les enquêteurs découvriront que l'accident n'a été possible qu'à cause d'un tragique faisceau de circonstance. Un droïde défaillant aura basculer le système anti-incendie en mode de maintenance deux mois avant la date prévue le rendant totalement inactif une vingtaine de minutes avant qu'un court-circuit dans les panneaux de contrôle de régulation du débit des réservoirs de carburant n'entraîne l'incendie du-dit panneau et par la suite l'explosion des réservoirs qui aura pulvérisé quatre étage de la tour dont celui où se sera tenu la réunion à laquelle aura été en train de participé le directeur. Si la thèse d'un nouvel attentat aura été suivi par les inspecteurs durant un temps, les holo-vidéos de surveillance auront formellement démenties cette hypothèse en montrant les images de l'incident.

Je ferme cet écran pour ouvrir directement par la pensée le canal le plus sécurisée de la Galaxie, ce canal de communication relié à aucun autres systèmes qu'à ceux de mon Maître.


« L'Ordre avance. »
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«Le Grand Journal !»
«Mesdames, messieurs, bonsoir. Merci de regarder comme chaque soir le Grand Journal d'Aargau !

«Principal titre du jour : un tragique accident survenu au sommet d'un gratte-ciel. Il s'agissait de la maison-mère de la gazette d'Aargau. Comme le montrent ces images, l'explosion a été d'une violence inouïe, laissant derrière elle plusieurs centaines de morts. Parmi eux, Herl Clearstimm, le directeur de ce très célèbre journal. Dans quelles circonstances ont eu lieu ces terribles évènements, vous allez le savoir tout de suite. Reportage de Klàrk Schlieschliesch et d'Hœrt Fmurtsh.»


«Le Grand Journal !»
«Il est 14 heures 30. Tout est calme dans la capitale. Une journée comme les autres. Du moins, en apparence...

«Soudain, un terrible fracas retentit à travers la ville. Toutes les têtes se tournent vers le lieu du drame : c'est l'immeuble où logent les bureaux de la Gazette d'Aargau. Sous les yeux ébahis des passants, les quatre étages au sommet du building explosent comme s'ils avaient été touchés par une ogive.»


«Je me promenais dans la rue avec ma fille quand ça a explosé. Sur le coup, on n'a pas bien compris ce qui s'est passé. Alors on s'est jeté à terre. On a eu très, très peur. C'est comme s'il y aurait eu un tremblement de terre, une bombe, ou un truc comme ça.»

«Une bombe. C'est l'impression partagée par bien d'autres passants que nous avons interviewés.

«C'est également ce qu'ont ressenti les travailleurs qui occupaient les étages inférieurs, à l'intérieur de la tour. Grâce à la performance des équipes de secours, que Cosmos a réformées les trois dernières années, de nombreux autres morts ont pu être évitées. Mais la frayeur est là.»


«Je... Je travaillais au trente-troisième quand c'est arrivé. Le plafond tremblait, les vitres ont explosé. Oui, on aurait vraiment dit que c'était une bombe. Il... Il y a eu cet énorme souffle... J'ai cru que... que c'était fini... Mais... Mais il y a eu les navettes de secours. Ces gens-là sont vraiment des héros... Sans eux... Sans eux... Ah !»

«Sans eux, plusieurs centaines de personnes auraient péri sous les décombres. Mais le nombre de victimes ne doit pas pour autant être sous-estimé. Pour l'instant, les autorités n'ont pas encore réussi à donner un nombre précis. La violence de l'explosion a été telle que les corps sont introuvables : ils ont été littéralement déchiquetés. Les familles des victimes sont sous le choc de l'accident.»

«Mon... Mon mari, il était journaliste... Il tra... travaillait à... l'avant dernier étage... Je... Nous n'avons même pas... même pas son corps...»

«Mais une question demeure : accident ou attentat ? Une enquête a été ouverte immédiatement après l'accident. Sur le moment, on a cru en un acte terroriste. C'est la déclaration qu'a immédiatement lancée à la volée le célèbre criminologue Olms Chærlök :»

«Le patron de la boîte était le seul visé, c'est trop gros !»

«Mais en fin d'après-midi, il est revenu sur son affirmation :»

«Mon équipe de droïdes et le cerveau cybernétique que j'utilise pour mener mes enquêtes m'ont mené à une conclusion assez complexe. Si celle-ci est vraie, je dois avouer que l'accident n'a été possible que par un tragique faisceau de circonstances. Regardez plutôt le schéma auquel mes chercheurs ont abouti. Tout commence avec ce droïde défaillant : il a fait basculer le système anti-incendie en mode de maintenance, ce qui l'a rendu totalement inactif. Une vingtaine de minutes plus tard, un court-circuit est enregistré dans les panneaux de contrôle de régulation du débit des réservoirs de carburant. Aussitôt, ledit panneau s'enflamme et entraîne par la suite l'explosion des réservoirs, qui pulvérisent alors quatre étage de la tour. Et par malheur, celui où se tient une réunion à laquelle Herl Clearstimm est en train de participer. C'est aussi simple que ça. Mais je dois tout-de-même explorer la thèse d'un nouvel attentat. Rien ne doit être laissé dans l'incertitude. Enfin bon, les holo-vidéos de surveillance tendent quand même à démentir cette hypothèse en montrant les images de l'incident.»

«Un accident tragique, donc, qui aurait pu être évité si la gestion des systèmes de sécurité avait été meilleure. Plusieurs familles des victimes ont d'ailleurs déclaré vouloir qu'on leur rende des comptes. Elles n'hésiteraient pas à intenter un procès à Àssurr Hensthourisk, le commissaire à la sécurité de la tour. Mais ce dernier refuse d'assumer une quelconque responsabilité :»

«Ces accusations sont infondées ! Je ne pouvais pas savoir qu'un droïde défaillant mettrait en péril tout le bâtiment ! D'ailleurs, cette histoire de droïde ne tient pas debout, je peux vous l'assurer ! Non, non ! C'est un attentat ! Je suis certain que c'est un attentat fomenté par je ne sais qui !»

«Fort malheureusement pour Monsieur Hensthourisk, les conclusions d'Olms Chærlök ne vont pas dans ce sens. Mais peut-être est-il encore trop tôt pour se montrer définitif. Une affaire à suivre.

Klàrk Schlieschliesch pour le Grand Journal.»


«Le Grand Journal !»
«Et tout de suite, nous retrouvons notre envoyé spécial, qui arpente les lieux du drame. Unwann Delbarkeit, vous me recevez ?»

«Je vous reçois 5/5, Payh Pëh'déhà ! Vous me voyez devant la tour qui sert de maison-mère à la Gazette d'Aargau. Ou plutôt : qui servait ! Car les dégâts sont spectaculaires, comme le montrent les terribles images derrière moi. Voilà maintenant plus de six heures que le drame est survenu, et pourtant, pourtant, les gens se rassemblent encore par dizaines pour accueillir les rescapés... ou tout simplement pour observer de leurs propres yeux l'ampleur de cette épouvantable catastrophe !»

«Vous qui êtes sur les lieux, avez-vous eu vent de nouvelles avancées dans l'enquête menée actuellement ?»

«Non, mais Olms Chærlök est en ce moment-même en train d'enquêter sur les lieux. Regardez ! Il entre dans la tour, à travers les décombres ! Et il est suivi de son célèbre droïde cybernétique, un modèle Watson-pro, je crois. Rien de moins élémentaire qu'une telle machine, je peux vous le dire ! Depuis que cette machine a su résoudre l'affaire du chien-mutant de Bask'Ervil, nous pouvons faire confiance en ses talents d'enquêteur ! Ici, la tension est à son comble : tout le monde désire savoir s'il s'agit d'un attentat, ou si ce n'est qu'un simple accident, certes déplorable, mais un accident tout de même. Olms Chærlök a eu bien du mal à traverser la foule : il vient à l'instant d'être harcelé par des troupes entières de journalistes et badauds qui désirent en savoir plus sur cette affaire !»

«Et quelles sont toutes les lampes que nous voyons sur ces images ? Ce sont bien des lampes, non ?»

«Tout-à-fait, Payh Pëh'déhà, tout-à-fait ! Ces lampes sont une manifestation de la compassion qui anime les citoyens d'Aargau en cet instant fatal. Une action "lumignon" s'est spontanément développée, massivement soutenue par les différentes associations caritatives de la planète. En brandissant cette petite flamme, des centaines de gens - que dis-je ? des milliers ! -affichent par ce geste tout simple leur compassion à l'égard des victimes. On peut à juste raison se demander s'il s'agit là d'un élan de religiosité, mais cela ne nous regarde pas. En tout cas, l'ambiance est déjà à la commémoration et à la sympathie. C'est une expérience extraordinaire qui ne manque pas, j'en suis sûr, de réchauffer le cœur de nos téléspectateurs.»

«Merci pour ce témoignage à chaud, Unwann Delbarkeit. Nous vous retrouvons dans une demi-heure pour un nouveau point sur la situation là-bas. Et tout de suite, nous accueillons sur le plateau Côme Janos, le sénateur de notre planète, pour une interview inédite.»


«Le Grand Journal !»
«Sénateur Janos, bonsoir.»

«Bonsoir.»

«Vous venez expressément de Coruscant pour soutenir moralement les victimes de cet épouvantable accident.»

«En effet. Dès que j'ai eu vent de cette information, j'ai immédiatement interrompu tout ce que j'avais entrepris, et je me suis rendu sur Aargau le plus vite possible. La détresse des familles touchées par cet évènement constitue, pour moi, pour nous tous, une priorité justifiant que l'on annule n'importe quel emploi du temps de sénateur.»

«Et c'est tout à votre honneur. Tout d'abord, sénateur, pensez-vous pour votre part qu'il s'agit d'un accident ou d'un attentat ? Beaucoup aimeraient tirer cette affaire au clair...»

«Je laisse aux spécialistes le soin de répondre à une telle question. Je ne suis qu'un politicien, après tout : je n'ai pas la compétence d'en juger. J'espère en tout cas que ce n'est qu'un accident. Si un groupuscule terroriste venait à troubler l'Ordre qui règne actuellement sur Aargau, nous aurions à vraiment nous en inquiéter.»

«Voilà un sage diagnostic que nos concitoyens doivent probablement partager. Mais si les criminologues aboutissaient à la conclusion qu'il s'agit d'un acte terroriste, que feriez-vous ?»

«Ma foi, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour éradiquer les responsables d'une telle monstruosité. Bien sûr, la tâche de les identifier incomberait aux autorités. Quant à moi, je n'hésiterai pas à faire part au Sénat de la situation actuelle. Vue la proximité d'Aargau à Coruscant, je suis certain que la République tout entière saurait se mobiliser pour nous aider dans notre soif de justice. Le cœur de la Galaxie ne peut être touché impunément.»

«Et si ce n'est qu'un accident ?»

«Eh bien, il faudra que les autorités imposent de nouvelles normes de sécurité plus strictes encore. C'est tout ce qui est en notre pouvoir pour lutter contre de tels risques.»

«Pensez-vous qu'il puisse y avoir un lien entre la récente débâcle d'Artorias et cette catastrophe ? Les deux évènements ont tendance à instaurer un climat de crise sur notre planète...»

«Je vois mal quel processus de causalité peut lier l'invasion d'Artorias par les Siths, dans la Bordure extérieure, rappelons-le, et l'explosion d'une tour sur Aargau, au centre de la Galaxie. Évidemment, tant que nous ne saurons pas s'il s'agit d'un attentat ou d'un accident, nous risquons de nous perdre dans des spéculations fallacieuses. Peut-être que de nouveaux éclaircissements nous permettront d'identifier certains problèmes insolubles aujourd'hui. En tout cas, vous l'avez dit vous-même : les deux évènements ont pour point commun d'instaurer un climat de crise. Cependant, j'aimerais inviter mes concitoyens à garder confiance : le gouvernement ne vous abandonnera pas. Quelle que soit la cause de cette explosion, nous nous engageons à mettre tous les moyens en œuvre pour que rien de tel ne se reproduise.»

«Une dernière question, sénateur... Cet immeuble abritait le siège social et les bureaux de la Gazette d'Aargau. Par rapport à votre parti, Cosmos, c'est un journal d'opposition...»

«En effet. Mais je ne vois pas ce que l'on peut en conclure.»

«Dites-moi : comment justifiez-vous l'élan de solidarité que vous manifestez à l'égard de vos propres détraqueurs ?»

«La réponse est très simple. Il y a eu mort d'hommes ; or, quand mort d'homme il y a, nos antagonismes politiques doivent être mis de côté. La solidarité que j'exprime auprès de ces êtres humains est toute naturelle ; et chacun devrait en penser autant. Je refuse tout clivage, car, si je suis un homme politique, je suis d'abord un homme, avant d'être politique.»

«Merci pour ces réponses enrichissantes, sénateur. Mesdames, messieurs, ne nous quittez pas : tout de suite, après la pub, un reportage inédit sur la vie d'Herl Clearstimm, feu le directeur de la Gazette d'Aargau.»


«Le Grand Journal !»
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Anonymous
L'Ordre avance, il a rempli sa fonction. De sa nature chaotique nous sommes parvenus à faire naître un élément de l'Ordre. La question a été posée, nous le savons, il faut désormais s'assurer que personne d'autre ne puisse l'apprendre. Ne pas laisser l'occasion à son Chaos intérieur de reprendre le dessus et de ternir notre Œuvre. L'Ordre avance.

L'odeur de la foule inonde mes sens. La sueur, la crasse, l'alcool, la drogue, le désir, tous les travers d'une société désordonnées sont là dansant autours de moi comme pour me narguer, pour tenter vainement de me pousser au Désespoir. Futiles, leurs assauts ne m'atteignent pas. L'Harmonie en mon Âme a dressé les remparts inexpugnables de ma Raison. Un jour, il n'y aura plus de danses macabres ; je serai toujours là.

Une prostitué totalement rendue ivre par les poisons de jouissance manque de me percuter. Elle ne rencontre que le vide, embrassant le sol, libidineuse, faute d'avoir remarqué ma disparition. Avancer comme une ombre dans ce magma fétide et sulfureux, en déceler la logique interne et en user pour traverser sans qu'aucun de ces vecteurs hétérogènes ne s'en aperçoive. Glisser dans le Chaos pour en saper les fondements et le faire s'effondrer sur lui-même.

J'aperçois dans la jungle des néons criards ce nom que je recherche tracé dans un rose agressif et tremblotant : « Le Thanatopracteur ». L'ensemble des voyelles sont éteintes. Même la surface ne prend plus la peine de cacher le glauque qu'elle renferme.

Je me glisse à l'intérieur, profitant qu'un autre patron ait ouvert la porte avant moi. Les lieux ne me surprennent pas, ils sont au moins aussi purulents que la rue que je viens de quitter. Un épais nuage de fumée flotte à hauteur des yeux ; je balaye la salle du regard. Il est là, visiblement anxieux. Il tient entre ses mains un verre qu'il ne cesse de faire tourner sur la table.

Je m'approche, il ne me remarque même pas, absorbé par l'objet qu'il tient et par ses peurs ; je m'installe en silence, j'attends. Une minute puis deux très exactement. Je tends la jambe et mon pied  vient doucement caresser son mollet, le tirant de sa rêverie d'un sursaut.


« - Qui... Qui êtes-vous ? »

« - M'avez-vous déjà oubliée, Monsieur Tools ? »

Il cherche à me dévisager en vain, ses yeux se perdent dans l'ombre de ma capuche. Il n'y a que mes lèvres qui se courbent dans le noir, soulignée de pourpre.

« - Non, non. Bien sûr que non, madame. J'ai... J'ai fait ce que vous vouliez. »

Je ne témoigne d'aucune surprise. Comment a-t-il pu s'imaginer une seule seconde que nous n'étions pas certains que ce serait fait ?

« - Nous le savons, nous sommes ici pour vous délivrer la récompense que nous vous avions promis. »

Je reste impassible. Ses yeux, brillants d'avidité, me parcourent, s'attendant à ce que je me change soudain en sa catin, tandis que ses mains tremblent encore de peur. Ridicule, désordonné. Il a l'air d'un insecte affreux, hagard, perdu devant une lumière qui le fascine, le terrifie autant qu'elle le captive. Faible. Sa mort est nécessaire. Incapable de résister, vivant, il compromet l'Ordre, vivant, il est pire que mort.

« - Je vous avez promis plus de plaisir que jamais, Monsieur Tools, et je tiens ma promesse. »

J'ouvre la paume de ma main, faisant apparaître plus de billes qu'il n'en avaient jamais vu réunies. Une véritable fortune en narcotiques. Je les laisse doucement rouler de ma main. Elles tombent doucement sur la table, s'arrêtent près de son verre.

« - Vous allez attendre que je sorte, Monsieur Tools, et vous allez prendre votre plaisir tout entier, d'un seul coup, embrasser la jouissance artificielle si fort en sorte qu'elle vous tue et vous libère du Chaos malsain dans lequel votre vie s'est désagrégée. Ainsi, je tiens mon engagement et nous nous assurons que vous tiendrez le vôtre. Adieux, Monsieur Tools. »

Je me lève, sors et disparais.

Un unique message lancé à travers les mondes d'un Esprit s'adressant à son Seigneur : « L'Ordre avance ».
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