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La Capitale. Sur la grand-place, s'amassait la foule au-devant du promontoire depuis lequel étaient arborées les couleurs de Kuat. Tous les murs de la ville étaient recouverts de slogans et d'affiches.


Quatre mois s'étaient écoulés depuis l'acte ignoble, qui m'avait conduit à vivre l'enfer le plus nauséeux au fond de la crasseuse geôle de Hapès. Et trois mois, me séparaient de ce miel qui m'avait sauvé de la perdition. Orme, le chérubin qui avait ouvert une plaie béante dans la coquille noire qui étouffait mon cœur, m'avait délivré de cette peur malsaine.

Fugitif aux yeux de l'Ordre Jedi, traître aux yeux de mon père -ambassadeur de Kuat, et suspecté de trahison par la République, je m'étais plongé dans l'inaction la plus craintive qu'il soit. Mais un espoir, mû par les germes de l'injustice, m'avait finalement poussé à me lever, et à me munir du glaive d'une céleste rétribution.

S'il était vrai que mon goût pour les mondanités était auparavant des plus prononcés prononcé, et que j'étais né au cœur de l'aristocratie Kuati, j'avais appris, par l'adversité des récentes épreuves qui s'étaient imposées à moi, à vomir toute cette classe oligarchique qui nous gouvernait par les médias, la finance et la politique. Le paradoxe de mes plaisirs embourgeoisés et de mes convictions intimes s'étaient ces derniers mois entrechoqués dans une terrible violence. Ce monde chimérique n'était plus fait pour moi, et deux choix s'imposaient à mes perspectives d'avenir. Rester caché, craindre cette justice erronée, et fuir la furie aveugle de mes adversaires. Le second, qui m'apparaissait auparavant irréalisable, consistait à me dresser fièrement, et surmonter les écueils qui m'auraient poussé à la plus abjecte des stagnations.

Un seul moyen de me sentir exister. Un seul moyen de me défendre. Un seul moyen d'avoir les forces nécessaires à engager dans cette lutte pour la liberté. Avoir le soutien du peuple. Disposant d'importantes réserves financières, et de relations m'étant restées fidèles, je menais depuis quatorze semaines une campagne éclair. Dans trois mois, la capitale de mon monde d'origine aurait un nouveau maire.

Me permettant d'affirmer toute mon idéologie, j'avais usé de la période de troubles de la République à mon profit. Les tensions avec l'Ordre Jedi s'étaient accentuées, leur légitimité semblait remise en cause, et intrinsèquement, celle du sénat, qui avait pactisé avec les chevaliers du Temple des siècles durant.


[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]

La plèbe, au-dehors, scandait mon nom. Mes mains appuyées sur le dossier de mon siège, je me tenais debout, face au miroir de ma loge. Seul. Je toisais silencieusement ces yeux dévorants d'ambitions. S'ils n'avaient été miens, ils auraient sans doute eu quelque chose de désarmant. Je me laissais envahir par cette combattivité qui avait soutenu ma lutte électorale, et fourni l'énergie nécessaire pour en être arrivé où j'en étais aujourd'hui. La porte de la petite pièce s'entrouvrit. Melana Sdötir laissa apparaître son visage, et m'annonça qu'il était temps. Un dernier regard sur les plis de ma veste de costume noire, et je quittai la loge, en laissant ma main serrer brièvement l'épaule de la femme de conviction. Des plus courageuses et charismatiques, elle avait soutenu mes idéaux tout au long de ma campagne, séduite par mes idées, et confiante en mes capacités. Je lui devais beaucoup.

Je quittai la loge, et gravissais les escaliers qui accédaient à ce promontoire, qui me jucherait bientôt au-dessus de cette foule de citadins qui étaient venus accueillir mon discours. Aux dires de mes collaborateurs, jamais meeting que j'avais tenu n'avait réuni une telle populace. J'accélérai le pas, passais à côté des gardes de sécurité, et renvoyais dignement, respectueusement, mais non moins hâtivement, sourires et salutations aux membres de mon Parti. L'avenir de l'Union Patriote dépendait entièrement de ma performance.

J'apparus alors sur la scène énergiquement, et une avalanche d'acclamations m'accueillit. Je ne devais pas me laisser submerger, mais me laisser porter par ce mouvement salvateur. La grand-place était noire de monde. L'essaim de mes supporter criait sa joie et son exaltation. J'étais devenu le symbole de cet espoir nouveau, qui régnait à présent sur la capitale. Près de 12000 citoyens s'étaient réunis en ce jour, pour écouter ma parole, et soutenir mes actes. Je me positionnai derrière mon pupitre, surmonté par une affiche de l'Union Patriote, et me situais au-devant de cet immense drapeau, à l'effigie de celui de notre monde.

J'observai la foule dans son ensemble, portai mes bras au ciel, et laissais apparaître à tous ces sympathisants un sourire radieux. Quelques secondes plus tard, l'ardeur de la populace s'atténua. C'était le moment. Je n'avais pas le droit à l'erreur. Les micros qui jalonnaient le haut de mon pupitre allaient propager ma voix sur la place publique, et au-delà de celle-ci.

-Citoyens de Kuat ! Merci, d'être venus si nombreux !

Les ovations fusèrent, une fois de plus.

-Peuple de la Capitale, vous incarnez l'Avenir ! Vous incarnez l'Espoir ! Vous êtes les adversaires de ce système rédhibitoire, qui nous pousse depuis trop longtemps, à subir le laxisme d'une République qui fait fausse route !

Vague d'applaudissements et de hourras. Quelques instants de mon propre silence suffirent à imposer le calme dans l'assemblée.

-Vous avez sans doute, entendu parler de cette accusation frauduleuse, intentée à mon égard. Illégitime pour certains, traître à notre nation pour d'autres... je crois que j'ai eu le droit à toutes les brimades possibles, aussi irrecevables soient-elles. Mais cela, c'est bien la preuve que le système tremble, mes amis ! Ce procès, je le gagnerai, tout comme nous gagnerons cette bataille pour la Démocratie !

Le gouvernement a peur. Il a peur de nous ! Peur de nos idéaux. Mais surtout, il a peur pour sa place ! Soyez fiers de votre culture, mes amis ! Soyez fiers de ce que vous êtes ! Ne cédez pas aux menaces et aux exactions du système ! Il mettra tout en place pour nous barrer la route, mais nous sommes le Peuple ! Nous sommes ce peuple qui aime les terres qui nous ont vues naître ! Nous sommes ce peuple qui ne renie pas ses racines ! Nous, Kuati, nous nous levons contre l'impérialisme républicain, qui affaiblit notre glorieuse nation !


Les approbations se levaient ardemment, dans l'entité tumultueuse de cette cohorte patriotique.

-Vous êtes les élus de ce changement ! Notre accession au pouvoir sera la légitime parole redonnée au Peuple ! Vive la Saine Révolte du peuple de Kuat ! La révolte que j'incarne !

Une page se tourne, mes amis. Nous devons penser à nos filles, et nos fils ! Nous devons penser à nos anciens ! Il est de notre devoir, portés par ce souffle tumultueux, de faire briller les couleurs de notre nation, ternies par les assauts de ce système fédérale supra-républicain ! Nous avons, par nos efforts, par nos erreurs, mais aussi nos victoires, nos gloires, nos enseignements, et nos héros, bâtis notre histoire, durant des millénaires. Nous ne pouvons les laisser décider de notre futur !

À nous, s'opposent des candidats qui, à défaut de rester sur cette planète qui est leur, proposent des réformettes absurdes, des lois inutiles, pour mieux enfumer ceux qui les ont portés au pouvoir ! Nous savons de quoi ils sont capables. Nous connaissons leurs représentants, nous connaissons leurs actions, leur idéologie profondément destructrice de notre fierté nationale, et pas un seul d'entre vous ne saurait prouver que les anciens élus de cette ville ont œuvré pour le bien de notre nation ! C'est au détriment de Kuat, qu'ils ont renforcés l'oligarchie républicaine !

D'ailleurs, parlons-en, de la République. Ah, vraiment, ils prennent conscience que l'Ordre Jedi pourrait finalement ne pas être une bonne chose ? Ne cédons plus à la tyrannie de ces faux-prophètes, cette brigade obscurantiste qui fait régner la dictature d'une religion par les armes ! Libère-toi, Peuple ! Libère-toi de ce carcan antidémocratique ! Libère-toi des chaînes du mensonge et de l'enfumage médiatique ! Crie ta fierté, et marche aux côtés de l'Union Nationale, pour que la souveraineté de notre nation soit rétablie !

Il faut protéger nos frontières, citoyens ! Il faut nous armer du bouclier de cette fierté nationale, pour que la corruption et la délinquance cessent ! Oui, mes frères, nous n'avons pas peur de déclarer qu'un sentiment d'insécurité est né de l'afflux massif d'étrangers ! Nous n'en voulons pas aux immigrés, mes amis. Nous dénonçons le communautarisme que nombre d'entre eux ont occasionné, fruit trop mûr de ces êtres qui ont refusés de s'assimiler au modèle Kuati ! Mais il n'y a de place ici que pour une seule communauté. Celle des vrais patriotes que vous êtes, sur le chemin de la Cohésion, du Rassemblement, de la Convergence, et de la Liberté !

Les élites ont laissé la situation se dégrader, ne se fiant qu'à l'odeur de l'argent et aux délicatesses de leur confort personnel. Nous avons besoin d'un gouvernement solide, intègre, qui promulgue les lois pour ses citoyens, et non dans l'idée de s'attirer les faveurs des élites velléitaires de la République !

Nous sommes un Peuple Souverain ! Tous les mondes de cette galaxie devraient l'être ! Mais la bête impie a étendu ses pattes griffes par le biais de traités anticonstitutionnels, et antidémocratiques. Ce sont les technocrates et les oligarques, les vrais ennemis de la République, pas nous ! Ils ont brisé la confiance que nous leur avons allouée, dans une candeur maladive. Mais nous nous éveillons, et notre soif de liberté gronde. Le patriotisme social et le patriotisme culturel sont les seuls remèdes à cette tumeur qui ronge notre monde. Mais Kuat est belle, mes amis ! Kuat est forte ! Sans Kuat, ils ne sont rien !

Pour autant, nous n'aurions rien sans rien. C'est pourquoi, chacun de nous doit se mobiliser, diffuser nos idées saines, et œuvrer chaque jour, pour retrouver notre souveraineté ! Kuatis, l'Union Patriote est le parti de la cohésion nationale et de la réconciliation. Ensemble, nous avons un pouvoir considérable. Les urnes pleurent, mes amis. Elles pleurent de ne plus avoir de gouvernements dignes ! Il est de notre devoir à tous, de construire l'avenir qui perpétuera notre grande histoire. Nous arracherons chaque jour un peu plus de terrain à la corruption qui grouille dans cette ville, et abattrons la criminalité, celle du bas, et celle du haut !

Mes amis, l'heure n'est pas à l'inaction. Nous devons remporter cette élection, pour offrir au peuple ce qu'il réclame. Qu'ils craignent notre vindicte ! Gloire à la Nation !


Deux-cent, ou peut-être trois-cent drapeaux kuatis s'agitaient en tout sens. Mon auditoire laissait éclater sa joie. Je ne pouvais pas trahir cette confiance.



Après une demi-heure supplémentaire, durant laquelle j'avais poursuivi mon discours effréné avec toute la ferveur et le charisme qui étaient miens, j'étais de retour dans ma loge, après avoir achevé de porter mes idéaux sur un tonnerre d'applaudissements. Ma première confrontation face à une foule d'une telle envergure s'était passée à merveille. J'avais su inspirer les cœurs, et attirer autour de ma personne les faveurs d'un peuple souffrant. Les yeux clos, assis en face du miroir, détenant le sentiment d'avoir accompli un acte exceptionnel, tout en restant suffisamment lucide pour savoir que la victoire n'était pas encore acquise, je me laissai aller sur mon siège, pour mieux récupérer de l'éprouvant discours. Quelques secondes plus tard, mes paupières s'ouvrirent. Je n'étais pas seul. Au fond de la loge dont l'éclairage précaire ne dispensait sa lumière que parcimonieusement, je discernais dans le miroir une silhouette, quelques mètres derrière moi.

-Qui est là.

Le ton incisif de ma question déchira la tranquillité de la petite pièce aménagée à l'arrière du promontoire sur lequel j'avais tenu mon discours. J'avais demandé à ce que personne ne me dérange. Mais à l'évidence, quelqu'un m'y avait attendu.
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L’affaire qui avait justifié sa présence sur Kuat était réglée depuis quelques jours. A vrai dire, un simple subordonné aurait très bien pu la mener à bien, consistant à remettre en main propre des données confidentielles à un civil, ingénieur de son état, travaillant pour la CNT. Mais voilà, la curiosité du Sith, quand il s’agissait de fouler pour la première fois un système, devenait suffisamment vivace pour ne pas refuser ce genre de besogne de pacotille. Et puis son père, Narral, avait l’air d’y tenir, alors soit, pourquoi incommoder un vieil homme en convalescence ? Visitant la capitale, il ne lui fallut que peu de temps pour comprendre la raison de l’effervescence de la foule qui gagnait en intensité à mesure que les jours passaient. Accaparant les réseaux nationaux de l’Holonet, une campagne électorale battait son plein en ce moment même, divisant la population et les esprits à coup de slogans et de spots de campagne.

Aux quatre coins de la cité, des holoprojecteurs publics diffusaient en boucle les portraits et les interventions des futurs candidats, créant des attroupements partisans dont le nombre ne cessait de croitre ici et là. Tour à tour applaudissant, raillant, huant face au défilé des prétendants projetés sur de vastes écrans, on pouvait voir aussi des groupes d’opposants débattre, parfois de manière houleuse, sur la légitimité d’un tel ou d’un tel. Cette frénésie faisait plaisir à voir. Il est toujours amusant de constater à quel point la sphère politique, qui se veut la détentrice d’un pouvoir à même de déterminer l’intérêt général d’un peuple, se fonde de facto sur la confrontation des instincts les plus primaires et des intérêts les plus sombres. Une élection est toujours une lutte à mort, loin des états d’âme et des querelles de bas-étages, où celui qui porte le coup fatal est d'emblée déclaré victorieux, peu importe si le verdict ultime appartient aux urnes. Car la politique est aussi un éternel recommencement, reposant sur l’habilité de faire croire au changement, alors que la nature même du pouvoir consiste à se perpétuer encore et toujours, renforçant son caractère inamovible. Dire qu’il y a une contradiction fondamentale au cœur de toute prise de pouvoir reste un doux euphémisme…

Un nom revenait souvent dans les discussions, celui d’Ulrich Andersen, qui semblait susciter un sentiment de fierté et d’espoir teinté d’une certaine euphorie parmi ceux qui soutenaient sa candidature. Des fidèles à sa cause distribuaient des tracts, présentant le personnage sous le jour d’un grand réformateur, capable de renverser l’oligarchie en place et de rompre tout lien avec la République, corrompue par ses propres vices, attachée à la défense d’intérêts aux antipodes des préoccupations des peuples que ce régime politique est censé représenter. Un meeting devait se tenir dans quelques heures, non loin de là. La première chose qui attira l’attention du Sith fut l’âge particulièrement jeune de cet homme, malgré un charisme naturel qu'on ne saurait lui enlever. Soit il n’était qu’un pion obéissant à une caste de dirigeants décidés à mettre des bâtons dans les roues aux autres postulants, ce qui était probable puisqu’il fallait des soutiens financiers à même de subventionner ce genre d’évènement. Soit il roulait pour lui-même, à la manière d’un révolutionnaire menant sa fronde séparatiste par monts et par vaux, convaincu du bien-fondé de sa démarche. Bien malin qui peut démêler le vrai du faux ! Le jeu politique a toujours été un vivier de talents en matière de faux-semblants et d’impostures, et il le sera toujours.

Fuyant l’agitation régnante, Noval décida de se rendre à ce rassemblement, sans pour autant se mélanger à la plèbe supportrice et effrénée en faveur de cet Ulrich Andersen. Très peu pour lui. A vrai dire, il était curieux de jauger les talents d’orateur d’un homme si jeune se lançant dans une telle lutte patriote, confronté à des adversaires présentant des postures plus officielles, moins idéalistes diraient certains. Le Sith aspirait lui aussi à occuper de hautes fonctions, même s’il n’était pas encore au bout de ses peines. Et puis il faut comparer ce qui est comparable. Jamais on ne verrait sur Arkania des scènes de liesse saluant l’avènement au pouvoir d’un dirigeant élu. Ni d’ailleurs une pareille marée d’individus unis autour d’un meneur pour assister à son discours et dont le nom commençait à être scandé à l’unisson, des vagues de drapeaux battant l’air en arborant les couleurs de la nation kuati. Au loin, l’homme fit son apparition, déclenchant aussitôt un fracas ahurissant de voix, de sifflements et d’applaudissements. Par-delà son micro, on pouvait sentir vibrer certaines intonations dans sa voix qui ne trompaient pas. Les accents de conviction et d’intégrité n’étaient pas feints, seul un observateur peu objectif aurait pu affirmer le contraire. Son propos mit l’accent sur une mise en accusation dont il devait rendre compte, qu’il tourna à son avantage en pointant du doigt les comploteurs qui voulaient le voir tomber pour des motifs fallacieux. Une manœuvre convenue mais toujours efficace et qui a le mérite d’instiller un élan de sympathie envers celui qui ne baisse pas les bras face aux injustices. Pourtant, quelque chose de flou émanait de lui, en-deçà des mots et des tournures de phrases, quelque chose de sourd était à l’oeuvre, sans que le Sith ne sache mettre le doigt dessus. Puis vint le couplet magistral sur l’Ordre Jedi et ses institutions, littéralement passée à la moulinette d’une verve des plus véhémentes. Cet instant marqua profondément les esprits, Noval le remarqua au silence monacal qui régna sur la foule à ce moment précis du discours. Les mots d’Ulrich firent mouche dans les consciences, incontestablement. Et c’est là qu’il devina l’évidence… D’une manière ou d’une autre, cet Ulrich avait sûrement eu des démêlés avec un ou plusieurs Jedi en chaire et en os, et pas seulement sur un plan purement idéologique, le Sith en était maintenant convaincu. Décidément, ce jeune homme ne passait vraiment pas inaperçu !

Quittant l’esplanade, il contourna le cordon de sécurité formé par les forces de police en place, et ne tarda pas à trouver un accès souterrain menant à une aire de stationnement, sécurisé par une grille, une caméra balayant les parages. S’assurant que personne ne le remarquerait, il neutralisa cette dernière d’un éclair de Force, et parvint à provoquer, de la même manière, un court-circuit dans le boitier de commande d’ouverture, libérant le passage. Se repérant au son de la voix amplifiée d’Ulrich poursuivant son discours, laquelle faisait vibrer jusqu'aux pylônes de la structure, il parvint à localiser une salle bordé d’un couloir au bout duquel il perçut la silhouette de l'orateur baignant dans la lumière. Invisible aux regards perçants des agents de sécurité qui gravitaient dans une ronde pathétique, il s’infiltra jusque dans les loges du jeune prétendant en titre, puis se moula en une ombre silencieuse, tapie dans cette pièce au confort et au mobilier spartiate, patientant qu’Ulrich Andersen en finisse avec son allocution. Comment pouvait-il être sûr qu’il viendrait précisément ici ? Face à des milliers de personnes soutenant votre cause et vous portant aux nues, quiconque un tant soit peu sain d’esprit éprouverait le besoin de se recentrer sur lui-même, fuyant pour un temps les regards faussement loyaux et les poignées de mains stériles. En le voyant entrer, il en eut la confirmation. De fines gouttes de sueur perlaient sur son visage, et tout son corps transpirait une certaine excitation. Cette tension était sûrement due à l’émulation si particulière qu’un homme de pouvoir peut ressentir face à un public de sympathisants. Preuve en est, son regard resta comme illuminé d’ambitions et de grandeur pendant un long moment, avant qu’il ne remarque la présence du Sith. A la question posée par Ulrich, Noval fit un pas en avant, laissant un trait de lumière dévoiler son visage, et frappa aussi lentement que doucement dans ses mains en guise d’hommage.

« Un simple admirateur. Mes félicitations pour votre prestation ! Je suis confus de venir troubler ce moment de profond recueillement, je comprends parfaitement que vous auriez préféré rester seul en la circonstance. Quant à savoir qui je suis, je vous prie de croire que cela n’a aucune espèce d’importance. Je vous répondrai volontiers si vous me dites une chose... Qui êtes-vous ? Je veux dire, qui êtes-vous vraiment, derrière ce masque de leader et de redresseur de torts que vous arborez si fièrement ? »

Scrutant avidement son regard, c'est sur un ton neutre qu'il s'était adressé à lui, ni menaçant, ni flatteur, excepté lorsqu'il lui posa cette question. Le Sith donnait alors l'impression d'être suspendu aux lèvres d'Ulrich, s'attendant à écouter, tout ouïe, la réponse à une énigme qui le tenait en haleine.
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J'avais tourné dos à ce reflet de narcisse, pour mieux distinguer l'impromptu inquisiteur. Le ton impérieux de ma question ne semblait pas l'avoir décontenancé. Celui-ci laissait entrevoir un regard glacial, propre à celui du peuple Arkanien. Je me levai alors de mon siège, pour ne pas laisser à la muette possibilité que le rapport de domination de notre éventuelle discussion ne tourne en ma défaveur.

Je compris bien vite que ce simple admirateur, n'était pas qu'un simple admirateur, et l'homme confus de troubler mon recueillement n'était pas si confus que cela. Il m'avait abordé avec flatterie et courtoisie, et une certaine méfiance émergea des flots alors apaisés de mon âme. Je ne lui avais pas demandé qui il était, mais malgré tout, il annonça que se présenter ne serait que de piètre utilité. Cela aussi, j'en doutais. La chose était importante, et il avait par ce sous-entendu volontairement mué mon attention sur lui. Et pour l'attiser, il déclara m'en dire plus long sur lui, si j'énonçais celui que j'étais, derrière cette façade politique.

Je n'avais aucune certitude à son égard, et c'était bien ce qui m'agaçait. Les paupières de mon œil droit se resserrèrent davantage que leurs jumelles, signe de la frustration qu'il avait fait naître en moi, en l'espace de quelques secondes. Il était doué. Ne pas avoir un contrôle total sur une situation me révulsait.

-Je rends honneur à votre audace. Grâce à elle, je saurai quels incompétents écarter de ma garde rapprochée.

Mon regard digne scrutait son regard vide. Si je savais en partie lire dans les yeux d'autrui, l'absence de pupilles et d'iris ne jouait pas en ma faveur. À me fier à son accoutrement et à sa musculature, l'homme mur était un guerrier. Je savais à quel point mes opposants, en particulier mon père, étaient capables d'indélicatesses à mon égard. Si la plus pernicieuse avait été cette incarcération malsaine, ensuivi d'une torture physique et morale, le meurtre n'était pas une possibilité à exclure. Seul, désarmé, je n'avais pour seul glaive que les mots, et pour seul cor de guerre que celui qui faisait appel à l'éventualité que cet homme n'était pas là pour m'assassiner. Dans tous les cas, je ne pouvais qu'agir en faisant mine de ne pas le considérer comme tel.

-Il n'est pas dans mon éthique de parler au peuple sous couvert d'un masque, sachez-le.

Cet homme, sous couvert de civisme, avait eut l'impétuosité de pénétrer dans ma loge, celle-ci même à laquelle je ne tolérais la venue qu'à mes maquilleuses. S'il voulait connaître la nuance qui existait entre l'homme et le candidat, elle était bien la suivante. La personne que j'étais mourrait de le congédier sans vergogne.

-Je suis convaincu que décliner votre identité ne vous sera pas si âpre que cela. Faites-moi donc la délicatesse de vous présenter.

S'il était vrai que je ne pouvais me fier à la théorique véracité de sa réponse en devenir, davantage d'éléments allaient se présenter à moi pour cerner le personnage. Ma voix était mêlée d'une assurance méfiante. Surpris, et en terres inconnues, je ne pouvais m'adapter que de la façon la plus large à l'individu mystérieux.
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Une chose était sûre, le sang-froid de cet homme n’était plus à prouver. Certains seraient littéralement tombés de leur fauteuil en faisant face à l’apparition, aussi discrète que sournoise, du Sith, surtout eu égard aux circonstances. Dans la pénombre d’un espace des plus restreints, la seule proximité imposée par cet étrange interlocuteur en aurait fait reculer et pâlir plus d’un. Ce ne fut pas le cas d’Ulrich Andersen, bien au contraire. Se redressant pour faire en sorte que l’Arkanien cesse de la toiser du regard plus longuement, il posa nonchalamment ses yeux sur lui, marquant un imperceptible changement d’expression qui dénota une méfiance naissante, mais entièrement dominée. Là encore, il faisait montre de la même impétuosité et de la force de caractère dont il avait fait preuve devant une foule conquise à sa cause. Clairement, Noval se conforta dans l’idée qu’il n’avait pas à faire à n’importe qui. Par-delà la perception commune des choses, d’innombrables effluves de Force vivaces et chaotiques se distordaient autour de lui : une preuve de plus qu’il était un être à part.

La première remarque concernant l’inefficacité flagrante des agents chargés de sa protection rapprochée ne valut au jeune homme qu’un léger haussement de sourcils accompagné d’un sourire en coin de la part du Sith, qui ne trouvait rien à redire à ce constat judicieux. Sans doute lui avouerait-il, plus tard, qu’il ne servirait à rien de congédier les fautifs. Car il ne s’agissait pas de cette faille-là que Noval était désireux d’évoquer… Il n’est jamais aisé de savoir avec certitude dans quelle sphère tâtonner pour découvrir le point de rupture à même de fracturer, de fissurer le masque d’impassibilité et de froideur que cet Ulrich Andersen affichait sans la moindre gêne. Mettre à nu le véritable visage d’un individu revient souvent à l’acculer au travers des replis les plus reculés de son âme, de sa mémoire, de ses souvenirs. On dit souvent que la première impression est la plus révélatrice, et on n’a pas tort de le penser.

La deuxième remarque, prononcée sur un ton flirtant avec une certaine véhémence, interpella le Sith. Le jeune homme semblait être convaincu par ses propos, démontrant une probité exemplaire face à un inconnu qui, il est vrai, venait de pointer du doigt un prétendu double-jeu, si habituel dans les milieux de la politique. Mea culpa… Le Sith resta silencieux une fois de plus, laissant planer un voile de doute sur le fil de ses pensées. La profondeur de l’engagement politique de cet homme semblait sincère, pour preuve, la côté péremptoire de sa réponse, qui ne laissait place à aucune confusion, aucune contradiction. Etait-il sur la défensive ? Très certainement, mais avec la volonté manifeste de faire front, et de ne pas se laisser mener par le bout du nez dans une joute rhétorique puérile qui n’aurait mené à rien. Pas un seul instant, il n’avait considéré l’intérêt que l’étranger semblait lui témoigner. Face à ce monolithe incorruptible, le Sith allait devoir user de finesse et de compromis s’il voulait connaitre le fin mot de l’histoire.


« Faites-moi donc la délicatesse de vous présenter. »

Ces mots, si élégamment choisis, résonnèrent comme une douce invitation aux oreilles de Noval, en dépit du fait qu’il venait, stricto sensu, de lui donner un ordre. Bien sûr, cette demande portait en elle-même la promesse d’autres questionnements à venir, mais peu importe. Le Sith inclina le visage comme sous le poids d’un fardeau imaginaire, dissimulant une mine amusée, ne souhaitant pas courroucé l’instigateur de cette demande. Se laissant submerger par la pénibilité du labeur imposé, il baissa sa garde, appelant de ses vœux une complicité d’esprit, du moins un certain rapprochement entre les deux parties en présence. Rehaussant un regard dénué, cette fois-ci, de toute expression malvenue, il laissa ces mots s’échapper :

« A en croire feu mon mentor, on ne connait vraiment une personne qu’en l’affrontant… » dit-il en ayant l’air d’évoquer une lointaine réminiscence, posant une main sur sa taille, offrant à son vis-à-vis tout le loisir de lorgner le sabre-laser qui pendouillait à sa ceinture. Puis il reprit, stoïque : « Monsieur Andersen, il faut que vous compreniez une chose : s’il vous tient tant à cœur que je vous fasse des confidences à mon sujet, il me faut vous rappeler qu’il y a des secrets qu’on ne peut ébruiter impunément, sans y laisser la vie j’entends, je ne vous apprends rien. Sommes-nous d’accord ? » insista-t-il d’une voix à l’intonation menaçante, penchant légèrement le buste vers Ulrich Andersen.
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Sa tête s'abaissa, lorsque j'affirmai mon intégrité, et c'est avec la façade la plus habile au monde que je lui indiquai ne pas en avoir. Point gagné. Si je n'avais certitude qu'il me croit, je jugulai instantanément tous les deux doutes qu'il aurait pu émettre par la suite. Il était naturel que l'orateur n'était pas Ulrich, et qu'Ulrich n'était pas l'orateur. Pour autant, j'avais réussi à rétorquer à sa question, en la tournant comme une attaque contre mon éventuel manque de ferveur envers mes propres idéaux qui, eux, étaient parfaitement homogènes avec ma personne.

Pour autant, je me posais encore beaucoup de questions quant à l'intrusion de cet homme. Il voulait me voir, en personne, et pas uniquement dans le but de féliciter ma prestation. Pour toute réponse à ma demande, il marqua le début de sa tirade par une phrase énigmatique. Son mentor ? Il me laissa entrevoir le pommeau de son sabre laser. Mes sourcils s'arquèrent, et je posai sur l'ustensile métallique un regard distant, mais interpelé. Décidément, il avait éminemment attisé mon attention.

Je suis toujours parti du principe que celles et ceux qui proclament le fait qu'il ne faut pas se fier à l'apparence, sont dans l'erreur. Et une chose était certaine, cet homme là n'avait rien d'un Jedi. L'intrus s'approcha de moi, en exposant une pensée plaisante, sur un ton déplaisant. Bien que l'homme eut commencé à éveiller certaines craintes en moi, je n'en montrais rien, et posais mes yeux entre les siens, pour ne pas me laisser décontenancer par ce regard macabre.

Je ne devais pas reculer. Il était de mon devoir de leader de ne montrer aucun signe de faiblesse. Par idéaux, mais aussi par nature, j'affichai une mine impassible, marmoréenne.

"Sommes-nous d'accords ?" Cela en disait long sur les soupçons qu'il avait à mon égard, et il voulait, en m'ayant laissé deviner de quelle nature il était, invité à lui énoncer en répondant par l'affirmative à sa question, si j'étais similaire ou non à sa personne.

-Ce que vous me dites là relève de l'évidence. Nous avons tous nos petits secrets.

Je m'étais couvert, en rétorquant de façon sous-jacente que sa déclaration était une vérité universelle.

-Maintenant, ayez la décence de vous présenter, j'ai un emploi du temps chargé. Si vous tenez à conserver ce simpliste mystère plus longtemps, je serai dans le regret de vous laisser à vos amusements enfantins.

Qu'il était doux de justifier son impertinence. La prise de risques est partie intégrante de ce qui fait de vous un grand homme. Intrépide, je ne me laissais pas désarçonner par cet homme, qui cherchait à l'évidence à m'impressionner. Non par la force, mais par sa stature, et les puissantes symboliques de son arme et de ses paroles.

Affichant une posture digne, je me tenais droit, les mains croisées dans mon dos. Alors que mon pouce caressait nerveusement ma paume, je stoppai net cet acte, qui pouvait faire montre du malaise dans lequel m'avait plongé mon interlocuteur. Il y avait un miroir dans mon dos, je devais veiller à ne pas l'oublier. Pour autant, mes iris étaient toujours solidement ancrés sur son visage marqué par le temps. Si ma témérité ne pouvait payer à l'égard d'une simple rencontre impromptue, ma campagne politique était comprise. Cela dit, une règle d'or, que je me fixai tant à l'échelle de ma carrière que de ma vie personnelle. Ne jamais sous-estimer celui qui se tient en face de nous.

Quelque chose sonnait faux. Il dissimulait quelque chose de bien plus obscur, bien plus noir, que les broderies élégantes de ses phrases pouvaient le laisser paraître en homme droit.
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* Cela suffit... * articula en pensée Darth Araya, sonnant le glas de l’impertinence.

Pareils à des galets effleurant la surface de l’eau, les mots prononcés par le Sith semblaient n’avoir aucun effet perceptible sur le tempérament d’Ulrich Andersen, ricochant sur l’esprit calfeutré de cet homme au discours mesuré et retors, n’affectant que peu son caractère hautain et ses manières aristocratiques. Véritable Sphinx, Ulrich tenait manifestement pour acquis le fait qu’il n’avait nullement à rendre de compte à ce visiteur incommodant, et lui démontra à merveille qu’il savait manier tout aussi habilement l’art du verbe que celui du silence. La tentative de contrarier cette retenue placide qui continuait de s’exprimer dans chacun des traits de ce visage angélique ne porta pas ses fruits. Cette constance, sembla-t-il, révélait une personnalité en accord avec elle-même et avec ses convictions. Pour preuve, il répondit au propos qui lui était adressé avec une légèreté confinant à l’insouciance, balayant la question d’un revers de la main comme s’il eut s’agit de chasser un insecte virevoltant et troublant sa quiétude. Cette confiance excessive trahit deux choses. D’une part, le fait qu’il venait de se faire une idée précise de l’identité de son débateur, compte tenu de sa réaction ostensible à la vue du cylindre dorée, fétiche reconnaissable entre mille, à nouveau recouvert par les plis sombres de la tenue du Sith. D’autre part, il croyait posséder un avantage, quel qu’il soit, en profitant d’une position de surplomb purement fantasmatique et propre aux personnes se parant d’innocence et d’ignorance face à un événement qu’ils considèrent comme dangereux ou inquiétant.

Interprétant admirablement le jeu de celui qui n’avait rien à cacher, il renforça cette performance par une remarque des plus anodines, et pourtant si révélatrice. « Nous avons tous nos petits secrets ». Ce genre d’assertions, le Sith ne les connaissait que trop. Elles sonnent bien et colportent une once de vérité suffisante pour réussir à faire son petit bonhomme de chemin dans la vie. Si Ulrich espérait renverser la situation avec cette rengaine puant le réchauffé à plein nez, il se mettait le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Il ne fustigea personne, à part lui-même. Darth Araya savait, il devinait une part d’ombre se défaussant à toute analyse, à toute approche rationnelle. Il le sentait, comme un prédateur renifle une proie. Ulrich Anderson était l’incarnation vivante d’une scène de théâtre où se jouait une pièce inachevée, avec pour acteur principal un revenant au corps décharné et juvénile, ne trouvant la force de gesticuler qu’en ressassant ses doutes, ses remords, étouffant une colère et une haine sans limite face à un public railleur le pointant du doigt, riant à gorges déployées de ce triste spectacle. Autant le dire simplement, il avait vraiment tout pour plaire…

A force de commettre imprudence sur imprudence, on finit toujours par s’exposer, sans même le vouloir, consciemment du moins. Il était temps de mettre fin à ce climat de défiance et de faux-semblants, et de dévoiler la véritable nature d’Ulrich, qui venait d'outrepasser les limites, une fois de trop, par d’audacieuses effronteries. Le regard du Sith se durcit, ses paupières se plissèrent lourdement jusqu’à ce que ses yeux prennent l’aspect de fentes étroites et luisantes d’obscurité. Il ne s’agissait plus seulement de déduire, mais de ressentir cette part maudite, ce pathos présent en chacun, réservoir sans fond ou s’entrechoquent à l’infini émotions, sentiments et affections, tel un magma de pure énergie salvatrice, brûlant de se consumer au grand jour. Les sables mouvants de l’âme… Darth Araya n’avait nul besoin du consentement de celui qu’il percevait déjà comme un écorché-vif, un rebelle meurtri et pétri de doute, se tenant à l’abri derrière de faux airs de vengeur masqué, avide de justice et d’ambitions pour son peuple, à la conquête d’un pouvoir destiné à servir les intérêts de la plèbe kuati. N’empêche, quel acteur-né faisait-il tout de même !

« Si vous le prenez ainsi, je ne vous retiens pas davantage, monsieur Andersen… Dommage, vous auriez fait un serviteur du Côté Obscur des plus puissants. » dit-il dans un soupir, semblant émerger d’un rêve éveillé qui n’aura finalement duré que quelque secondes.
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Il était bien âpre de ne pas dévoiler les stigmates de ma propre faiblesse. Je devinais l'être qui se tenait en face de moi plus puissant, et à même de m'assassiner, si cette lubie lui traversait l'esprit. Ces éléments m'avaient permis de comprendre qu'aucun choix ne s'exposait à moi. Je ne pouvais que prendre le risque de ne pas lui faire sentir cette peur naissante. Car il était vrai que son expression menaçante avait éveillé en mon être profond un certain désarroi, et l'arme qui se trouvait sanglée sa ceinture n'évoquait en moi que de nauséabondes réminiscences.

Fugitif du Temple Jedi, j'avais appris à craindre l'ustensile guerroyant. Désarmé depuis plusieurs mois, je ne pouvais qu'être effrayé par les sentinelles vindicatives de l'institution maudite qui m'avait inculqué durant tant d'années ses pensées erronées. Pour autant, je savais qu'il n'était pas l'un d'entre eux. De sa voix, de sa prestance, et peut-être de ces effluves de Force qui laissaient onduler l'atmosphère austère de la pièce, se dégageait quelque chose d'infiniment plus complexe que ce que je discernais autrefois, en présence des chevaliers de l'Ordre.

Soudain, son visage se transfigura dans une expression animale, et mon cœur fit un bond à la vue de ses yeux perçants. Dans un frémissement, mon torse recula de quelques centimètres. Je ne su comment interpréter son regard. Pourtant, le doute qu'il avait percé à nu ce que je gardais jusqu'à présent sur la réserve, nageait dans les eaux sombres de mon esprit.

D'un simple regard, il était parvenu à me déstabiliser, et ostensiblement, mon tressaillement n'avait pu passer inaperçu pour l'intrus, qui analysait depuis sa venue la moindre de mes réactions. De façon imperceptible, le rapport de forces s'était inversé. Je pestai contre moi-même. J'avais laissé entrevoir une faille ; celle-ci même qui dévoilait à celui qui se faisait l'exégète de ma propre personne, que sa présence et ses agissements me mettaient dans un inconfort considérable. S'il est vrai que le monde n'est que comédie, il était parvenu à fragiliser mon masque d'argile.

Alors que je m'attendais à ce qu'il agisse de la façon la plus violente, la tension qu'il avait fait émerger retomba aussitôt. Si un observateur distrait ne l'aurait pas entendu de cet oreille, je vécu cet instant comme une profonde humiliation. Il était parvenu à m'intimider, sans même se mouvoir, et sans prononcer une seule parole. Il souffla alors quelques mots impies et, s'il n'était plus question d'attirer mon attention à ce stade de la discussion, il agit de la façon la plus habile, pour que j'empêche son départ annoncé. Subtile stratégie. À présent, il ne servait plus à rien de mimer une ubique indifférence. Trahi par moi-même, peut-être par cette jeunesse qui me poussait à ne pas être le roc inébranlable que j'aspirais à devenir, je ne pouvais que me prêter à parler avec un peu plus de sincérité.

Un ouragan de questions ravagea alors mon palais et ma langue que je m'efforçais à tenir apathiques. Me connaissait-il ? Était-il au fait du duo que j'avais formé avec Vel, ma sœur de bataille au sabre rougeoyant ? M'avait-il traqué, m'observait-il depuis longtemps, avait-il en ce jour simplement saisi l'opportunité pour enfin m'approcher, alors même qu'il me jaugeait depuis bien longtemps ? Pour autant, s'il était vrai que son faciès m'avait effrayé quelques secondes plus tôt ; à l'inverse de nombreuses jeunes personnes au taux de midi-chloriens élevé, mon être ne se trouva ni plongé dans le questionnement, ni apeuré par l’évocation de mon hypothétique potentiel, à mettre au service du Côté Obscur. Mon esprit s'était libéré du carcan de ce tabou depuis bien longtemps, et j'avais maintes fois réfléchi au fait d'une nouvelle fois me laisser aller à la Force, de parfaire mon apprentissage. Et si une apparition avait marqué sur Hapès mes pensées d'une façon aussi ardente et indélébile que cette affreuse tige métallique, responsable de la cicatrice honteuse de mon ventre, celle-ci était bien la suivante. Contrairement à ce que j'avais longtemps cru, je disposais d'un potentiel loin d'être négligeable, mais il n'était pas dédié à servir l'usage que font de la Force les faux-prophètes du Temple.

-Qu'est-ce que vous voulez dire par là...?

Sans appuyer mon interrogation d'aucune condescendance, je lui demandai naturellement de m'en dire plus, non pas pour flatter mon orgueil, mais pour m'amener à comprendre. Comprendre, c'était décidément bien cela, le maître mot, depuis l'introduction de cet homme dans mes locaux.
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Les manières cavalières de l’étranger, qui venait de croiser les mains derrière le dos, avaient fini par toucher au but, plaçant en porte-à-faux l’attitude seigneuriale du jeune prince par un bon sens calculateur et froid. L’agaçante remarque du visiteur suscita un relent d’intérêt de la part d’Ulrich face auquel le Sith ne réagit pas de suite, s’en tenant à une posture d’attente, le regard encore embrumé comme à chaque fois qu’il recourait à ce pouvoir. La sagacité des deux convives, et une certaine alchimie des influences, firent que les choses suivirent leur cours. L’Arkanien, en simple messager de la Force, s’était contenté de soulever le bord d’un voile recouvrant des idées aux accents de vérité et d’intrigues, lorsque la discussion changea radicalement de tournure. Faire mention de cette aptitude sans en dire quelques mots serait peu judicieux, bien qu’il n’y recourait qu’en dilettante, jamais pleinement contrôlée, ni assumée.

La faculté de clairvoyance avait fait son apparition il y a des années, durant une période d’errance stellaire. Sans d’autre but que de vagabonder, transitant d’un monde à un autre, l’Arkanien faisait son possible pour être attentif aux courants de Force, semant au gré des constellations d’infimes traces d’incidents cosmiques. L’immaturité de ces perceptions ne lui permettait pas de faire la différence entre les sillages appartenant au passé, et les autres, illustrant les variations possibles d’un même futur, en embuscade de la réalité. Au fil des expériences, ces marques fugaces se précisèrent, gagnant en cohérence, même s’il ne trouva aucune explication, aucun indice suffisant pour le mettre sur la voie d’une compréhension globale de cette découverte. Cette limitation affecta le caractère du Sith, devenant plus avide de savoirs et de recherches que jamais. Curieux d’arpenter certaines planètes dont la faune et la flore étaient réputées pour leurs beautés, souvent dangereuses et hostiles, ces pérégrinations avaient amené le marcheur à contempler des trésors de beauté naturelle, reculés de toute trace de civilisation avancée. La première fois qu’il tomba sur des vestiges de cultures tribales éteintes depuis des siècles, ses tentatives pour les déchiffrer restèrent sourdes à toute interprétation symbolique ou sémiologique.

Cet échec l’invita à entrevoir la possibilité d’une disposition particulière de l’esprit, capable de dévoiler des significations enterrées depuis des lustres par la projection de visions éphémères, révélant une compréhension sommaire de ces ruines grâce à des bribes d’énergie spirituelle perdurant dans la Force. Il s’agissait de laisser le temps faire son œuvre, en étant le témoin impartial de ces apparitions illusoires, projetant des impressions effrayantes aux pratiquants se trouvant dans l'incapacité de dissocier ses propres affects, troublant la vision de ces phénomènes résurgents. Des visages, des ombres fuyantes, des paysages inconnus, peu importe la forme qu’ils prendraient, il s’agissait toujours d’affiner sa perception et sa présence dans la Force, malgré ses fréquentes perturbations chroniques. Les pires agitations se passaient toujours en silence, à l’abri des regards indiscrets. Au gré des rencontres, cette capacité finit irrémédiablement par s’exercer sur des individus lambda, même s’il s’avéra préférable de pratiquer au préalable cette discipline sur les faibles d’esprit. Esclaves, danseuses, filles de joie, des cibles toutes désignées pour celui souhaitant s’isoler avec ces mets de choix, afin de sonder les écueils des stigmates meurtrissant leurs âmes flétries de désirs de vengeance et de vicissitude.

Autre époque, autre lieu. Le registre avait changé du tout au tout. Il ne s’agissait plus de survoler les lignes d’un livre grand ouvert, décrivant l’étonnante variété des tourments crachés par des existences serviles et moribondes. Depuis le début de leur entretien, l’un semblait subir la présence malsaine de l’autre. Alors que la réciproque fut tout autant vraie ! Une brise invisible les avait poussés à se rencontrer, soit, mais que fallait-il en penser, c’était une autre question… Confronté à des personnages comme Ulrich Anderson, Darth Araya se contenta de flairer sa proie, répondant à une vigilance innée et un souci tenace de l’observation. Ces murmures fugaces de la Force tombaient souvent à bon escient, même si leurs teneurs dépassaient encore les capacités d’interprétation et de traduction du seigneur. La formule est juste quand on dit de La Force qu’elle a ses raisons que le plus sage ignore. Chaque serviteur doit reconnaitre et apprécier ses propres limites, s’il veut évoluer et gagner en puissance.

Parler de transe divinatoire revient à admettre une pratique échappant aux formes d’enseignement classique, surtout chez les Jedi, favorisant une approche analytique des comportements inhérents aux sujets amenés à témoigner de leurs visions prédicatives. Autrement dit, tout doit rester sous contrôle. Reconnaitre que la Force agit comme un flux qui façonne et gouverne notre faculté à percevoir autrement, hors de tout cadre limité par les sens et la mémoire, pour se forger une vision de la réalité différente, c’est sortir des sentiers battus, au risque de suivre son propre cheminement. Se servir de la Force pour parvenir à ployer cette mémoire du temps à sa guise, figeant certaines séquences passées pour les étudier, fut un avantage précieux réclamant une affinité intime à la Face Obscure. Cela n’allait pas sans une forme de rétribution, un échange de bons procédés pourrait-on dire. Le Sith devait passer de longues heures à méditer tous les jours, évitant de relâcher son étreinte sur ce qu’il appelait la " Vague ". Il ne s’agit pas de voir l’avenir, mais de laisser s’exprimer une virtualité de coïncidences et d’événements prédéterminés, pas nécessairement sur le plan de la causalité stricte. La nature de la Force, c’est de n’en avoir aucune. Elle s’étend à d’autres champs de conscience, plus sauvage, plus étendue, aux antipodes de la raison et des valeurs communes. Voilà pourquoi ces états contraignent à ne plus être vraiment présent, pour une poignée de secondes, ou d’heures. Le danger encouru est certain, cette faiblesse sous-jacente à cette technique de méditation pouvant s’avérer fatale. Le risque est une composante du succès, tous les escrocs le confirmeront.

« Je veux dire, Monsieur Andersen, que la suite des événements dépend de vous, et seulement de vous. Croyez bien que c’est un luxe dont peu d’élus disposent. Notre rencontre n’est pas le fruit du simple hasard. En vérité, je ne vous connais qu’il y a peu. Et pour répondre à votre question, je dois d’abord vous faire part d’une chose ou deux. La Force fluctue naturellement vers vous, et se perturbe à votre contact, nul besoin d’être devin pour s’en apercevoir. Vous savez de quoi je veux parler. La maitrise de cette affinité peut devenir un enjeu considérable, pour vous comme pour moi. Autre point aussi… »

Le Sith s’arrêta net, occupé à ajuster certain plis de son costume. Les traits de son visage se contractèrent en un rictus de torpeur, lascif et corrosif, faisant mine de sourire, apparemment.

« Votre cas m’intéresse. » expira-t-il du bord des lèvres, posant une main sur l’épaule du Kuati comme un gage du bien-fondé de cette révélation faite à mi-voix.
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Spoiler:


Une dévorante ambition, nuancée d'apparitions de pouvoir, et de rêves de puissance, fluctuaient dans mon esprit telle une encre diffusée dans une eau limpide. Je commençais à percevoir le type de personne qu'était l'intrus. S'il ne me faisait plus peur, une crainte mêlée de respect planait sur mon âme. Chose rare.

Lucide quand à mes capacités, convaincu du bienfondé de mon idéologie et, attachant une certaine idolâtrie à ma propre personne, je me plaçais bien souvent au-dessus de mes interlocuteurs. Si je ne m'estimais pas orgueilleux, je considérais que faire preuve d'humilité mal placée consistait à être dans l'erreur. Au-delà de toute considération sociale, je voyais en bien des personnes un esprit obtus, des convictions normalisées, et des valeurs enfantées par la gangrène que représente la pensée unique.

Il était de mon devoir de faire ouvrir les yeux au peuple de Kuat. Ma nation, ma patrie, la terre qui m'avait vu naître. Je devrais œuvrer au bénéfice de cette terre qui perdait peu à peu son influence dans la vaste galaxie. À ces idéaux sincères, s'ajoutait ma volonté d'exister. De laisser une trace indélébile, et d'agir, plutôt que de subir.

Si je n'étais capable de sonder les esprits avec adresse, ma perception naturelle des choses m'amenait à comprendre que le sombre Jedi n'avait rien de semblable avec les faux-prophètes de ce Temple maudit d'Ondéron. Sans doute comprit-il que je m'ouvrais à lui, car il parla d'une façon déliée de toute censure. Pour autant, sa voix n'était ponctuée d'aucune menace. Sans doute ne craignait-il pas pour sa propre personne que je le pointe du doigt, le dénonce, lui cause des embuches. Il m'exprimait une certaine confiance, avant même de me connaître. Je ne mis pas cela sur le compte de la déraison, mais à l'inverse, de sa faculté à cerner une personne aussi secrète et incalculable que moi.

Alors, la suite des événements dépendait de moi, et seulement de moi, dit-il. Ce choix constituait en soi une invitation, à proprement parler. Mon regard brilla d'une lueur animée de convoitise, et de désir de gloire. Il s'expliqua ensuite sur la façon dont il avait perçu la Force autour de moi, et termina, sa main sur mon épaule, par l'ouverture la plus explicite au monde, qu'il me conviait à le rejoindre.

Si j'avais soif de liberté, et que je semblais pour certains abhorrer la hiérarchie, la chose était fausse. Pour peu que je vois en mon supérieur davantage de compétences et d'expérience que moi, je ne rechignais pas à suivre. Néanmoins, il n'échappa pas à une remarque de ma part, en réponse à ce qu'il avait exprimé sur la façon dont s'exprimait la Force à l'égard de ma personne.

-N'ayez pas avec moi de langage voilé de quelques atours faussement radieux. Que la Force fluctue vers moi, c'est une possibilité. Qu'elle se perturbe, sans doute l'entendrait de cette oreille un Jedi du Temple. De mon point de vue, ce n'est qu'une formule propre aux chevaliers, pour désigner une chose qu'ils ne comprennent pas. Une forme infiniment plus complexe que prend la Force, qui dépasse le carcan de leur idéologie marquée au fer de l'ignorance.

Un sourire en coin naquit sur la galbe de mes lèvres.

-J'en sais quelque chose. Je suis ressortissant de cet enseignement. Et c'est par le cheminement d'une pensée que j'ai tracé par moi-même, dans la dangereuse sylve de l'obscurantisme, que j'ai décidé de le quitter. Que mon cas vous intéresse, je l'entends, et je comprends où vous voulez en venir. Pour autant, je sais rester lucide, et ne pas me laisser aveugler par le pouvoir que vous prétendez m'offrir. Quelle est la contrepartie ?

Si l'homme qui ne semblait servir que lui-même me voulait à ses côtés, il m'apparaissait comme seule possibilité qu'il attendait de moi un certain nombre de choses, encore sibyllines à mes yeux.
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La conversation suivait son train. Chaque intervenant avait attiré l’attention de l’autre, de telle sorte que le climat de méfiance et de suspicion du début s’était désagrégé de lui-même, et plus encore lorsque l’Arkanien se permit d’adresser un signe de familiarité et de proximité au Kuati. Ce dernier, loin de rester simple spectateur, garda la tête froide et l’esprit vif en répondant d’égal à égal, avec une assurance et un franc-parler à toute épreuve. Les paroles d’Ulrich, notamment son dernier propos, étaient mentalement décortiquées par le Sith, qui semblait retenir et sous-peser chaque mot prononcé. Sans recourir aux menaces et autres aux mises en garde, les deux parties avaient fait le choix de la compréhension mutuelle, mettant sous cloche un devoir de réserve devenu suranné.

La première observation d’Ulrich Andersen était justifiée. A trop vouloir exprimer l’invisible, on se prend à illustrer l’accessoire, tenant la manifestation d’une chose pour la chose elle-même. On ne perçoit pas la Force, on n’en voit jamais qu’un aspect, une facette, un faux-fuyant susceptible de guider la vue, mais non l’esprit. La véhémence de son jugement à l’encontre des institutions de l’Ordre Jedi dissimulait très certainement une source abondante de désillusions et de reniements. En présence de ces sommités de sagesse et de savoir-faire qui composent les membres du Haut Conseil, mettre en cause ouvertement la manière de percevoir les œuvres et les effets de la Force, c’est faire le premier pas vers une voie singulière, différente de celle enseignée par les fidèles du Temple. D’ailleurs, le temps aidant, l’accumulation de ces petites divergences incline souvent le novice à cultiver le goût du secret et du silence, se conformant aux protocoles et aux enseignements pour mieux masquer ce changement de point de vue.

La seconde remarque eut pour effet de crisper l’Arkanien, qui eut presque un mouvement de recul, avant de répliquer aussitôt, sur un ton qui ne prêtait pas à sourire.

« Il ne s’agit pas de vous faire le moindre présent, ni de vous faire miroiter monts et merveilles, et encore moins de marchandage. Nous ne négocions rien, vous et toi, nous ne faisons que discuter. Curieux comme vous fuyez les standards de la pensée des Jedi, pour mieux tomber dans d’autres travers concernant les règles des Sith. L’accession au pouvoir réclame de la patience et de la persévérance, des coups d’éclat et des coups bas, je ne vous apprends rien. Qu’on soit d’accord ou non, tout pouvoir repose sur un acte contingent, singulier, un acte de violence arbitraire : le besoin d’imposer sa loi à autrui. C’est une mise à mort, toute symbolique soit-elle. Et il y a bien des similarités entre les enjeux du politique et ceux liés à la maitrise de la Force : la même volonté infaillible de conquérir et d’exprimer sa puissance. Pour répondre à votre question, la seule contrepartie dont vous aurez à vous soucier sera de vous montrer à la hauteur de vos propres ambitions. Et j’ai comme l’impression qu’un programme chargé vous attend… »

Pour Darth Araya, il fallait que les choses soient dites, et clairement dites. D’autant qu’il prenait un certain plaisir à découvrir un peu mieux ce personnage, qui venait de révéler avoir suivi les préceptes et les leçons du clan adverse, pour y renoncer finalement. Il semblait avoir des opinions et des idées tranchées à leur sujet, et jusqu’à savoir ce qui s’est réellement passé à cette époque, le Sith aurait tout le loisir de les passer en revue, creusant le lit d’une relation dont il allait devoir jeter les bases.

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La réaction du Sith suscita de ma part le haussement de l’un de mes sourcils, signe qu’il m’avait mal compris, et que je m’apprêtais à lui répondre la façon dont j’envisageais les choses. Pour autant, je le laissai terminer sa tirade, pour mieux connaître ce qu’il exigeait de moi. Je toisais à présent le regard glacial de son visage marqué. Il n’y avait à proprement parler plus de rapport de forces. Nous nous étions juchés d’égal à égal, et une forme de négociation se juxtaposait à cette cocasse rencontre.

-Si je suis né dans l’aisance, le travail fait partie de mes valeurs. Je serais prêt à me déposséder de tous mes biens pour conserver mon sens de l’effort. On n’a rien sans rien. Et si nous ne naissons pas tous sur un pied d’égalité, les plus favorisés finissent tôt ou tard par se laisser dépasser par ceux qui ont davantage d’ambition, et qui mettent à l’épreuve leurs convictions, essuyant échecs, et apprenant de leurs erreurs.

Je marquai un temps, pour m’assurer que mes paroles soient bien comprises par mon interlocuteur.

-Si j’étais le dernier des parvenus, je ne serais pas là aujourd’hui, placé à 32% dans les sondages d’opinion, à l’aide d’un parti politique que j’ai fondé par mes propres moyens, à la sueur de mon front, et à force de paroles et de rhétoriques. L’Ulrich Andersen d’avant en était un, mais il n’avait pas ambition de révolutionner la caste idéologique Kuati. Maintenant, il est temps de prendre les choses à bras le corps.

Aussi méfiant des sondages que mon esprit pouvait se révéler, je devais me vendre, pour rectifier ce qui avait pu, d’une façon ou d’une autre, être mal perçue par le Sith.

-Pour autant, nous ne sommes pas là pour parler politique. S’il est une chose que je peux vous assurer, c’est que jamais, je ne laisserai de côté mon Peuple au profit de votre proposition. Pour autant, avant de vous prêter engagement… Soyez transparent avec moi. Aussi âpre que puisse être cette nouvelle vie, quel est votre intérêt ? Les hommes comme vous et moi savent qu’il n’y a dans cette vie pas une minute à perdre. Si vous servez votre propre cause, il va falloir m’éclairer sur ce que vous attendez de moi, à la finalité. Dans le cas inverse, je risquerais d’être rédhibitoire à me prononcer pour une marque de soumission de choses qui s’avèrent pour moi de l’inconnu. Ou alors, il faudra me convaincre.

Mes yeux d’airain avaient harponné le regard vide de l’homme aux cheveux blancs. Je ne démordrai pas. Soudain on tambourina à la porte, et une voix féminine, mais rauque, traversa l’épaisseur du mur qui nous séparait.

-La foule ne s’est toujours pas dispersée. Ils en redemandent.

Mes iris soutinrent la pâleur du regard du Sith quelques secondes. Sans le détacher de lui, je me contentai d’ordonner, à celle qui croyait si fort en moi.

-Organise une grande marche dans l’Avenue Céleste, Melana. Il faut marquer le coup. J’interviendrai pour un discours final dans une demi-heure.

-Très bien. Et… Ulrich. Beau discours.

Ma suppléante s’éloigna, pour mieux guider la populace au loin.

-Pour autant, je sais où vont mes priorités. Vous avez vingt minutes pour me convaincre. Le lieu ne se prête pas à une discussion d’envergure, mais je crains ne pas pouvoir me montrer en public pour le moment.

L'enjeu était de laisser percevoir au sombre chevalier mon intérêt quant à sa proposition, tout en lui faisant montre que je n'étais pas de ceux qui se soumettaient. Cette façon d'agir pouvait le séduire, ou lui déplaire. Et si le second cas était celui qui se prêtait à la situation, il ne valait pas la peine que ce soit lui, et non un autre, qui m'enseigne les arts noirs. Ce départ anticipé ne devait pas pour autant me laisser perdre une opportunité. Il y avait fort à parier pour que le temps imparti ne soit pas suffisant, mais je savais que je serai amené à revoir l’homme qui ne m’avait pas encore décerné son nom.
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Sans jamais perdre une miette des propos tenus par le jeune leader politique, le Sith dut se rendre à l’évidence : Ulrich Andersen n’était pas du genre à se laisser manipuler ni séduire si aisément, peu importe l’identité, voilée ou non, de son interlocuteur. Pourtant, plus d’un se serait volontiers agenouillé, face contre terre, aux pieds du Darth pour pouvoir le suivre aveuglément, n’ayant rien d’autre à quoi se raccrocher qu’un désir de revanche et de vengeance face à une existence dénuée de but. Mais cet Andersen n’était pas de ceux qui suivent, mais de ceux qui devancent et anticipent, qui mènent leur vie à coup de victoires et de défaites, de sommets et de creux, en se relevant toujours, et toujours plus fort, plus endurci. Soit, le visiteur était parvenu à retenir son attention, et à éveiller sa curiosité quant à la raison de sa venue, mais ce n’était pas encore suffisant, loin s’en faut. « Endurer, seul celui qui endure construit sa force. » L’adage de son maitre vint à point nommé et résonna comme un coup de marteau dans l’esprit du Sith. C’est au bord de l’épuisement, terrassé de fatigue morale et physique, que l’on apprend de ses limites : la volonté de les dépasser surgit et s’enflamme d’un souffle nouveau. C’est seulement à cette condition que le monde n’est plus tout à fait le même, repoussant les frontières du possible. D’une manière ou d’une autre, le Kuati devait être passé par cette expérience " transfigurante ", sans doute même, mais l’ordre du jour n’était pas à ce genre de considérations. Ulrich tenait plus que tout à entendre ce que le Sith avait à lui dire, sans détours et sans raccourcis.

Il est vrai qu’en entrouvrant à Ulrich la perspective d’un avenir placé sous le signe du Côté Obscur de la Force, il s’était contenté d’insinuer un avant-goût modeste de la chose, pointant brièvement du doigt le tourbillon vertigineux de son propre potentiel. Et à chaque mot, les motivations inébranlables et le caractère impartial du jeune homme ressortaient avec plus de clarté et de panache, ce qui n’était pas pour déplaire à son vis-à-vis. Outre le fait qu’il lui tint la dragée haute du point de vue de la rhétorique et de l’opiniâtreté de ses arguments, la foi dans son destin de futur dirigeant était solidement ancrée en lui, et rien ne pourrait déraciner cette conviction élevée au rang de certitude. Le Sith devrait composer avec cet engagement, il en avait prit bonne note.

La sentence finale fut finalement rendue sous la forme d’une intervention imprévue et extérieure au conciliabule qui se déroulait dans la pénombre de cette pièce étroite et emplie d’une ambiance pesante, à couper au sabrolaser. Victime de son succès, la foule réclamait le retour de son prophète annonciateur de temps nouveaux, telle fut la nouvelle qu’on venait de lui communiquer. Répondant du tac au tac, l’homme passa quelques consignes qui suffirent à éloigner les oreilles de l’indiscrète. Avec le même air condescendant, il rappela au Sith que sa présence était exigée sous d’autres cieux. De toute évidence, le moment était arrivé de jouer cartes sur table. Darth Araya fit quelques pas vers le miroir, scrutant son propre visage avec le même détachement qu’il aurait observé un insecte luttant pour sa subsistance.

« Je comprends parfaitement, Monsieur Andersen, alors autant être aussi concis que possible. Croyez-le ou non, la Force a guidé mes pas jusqu’ici. Si j’ai décidé de faire de vous mon apprenti, c’est bien parce que je ne retrouverai probablement jamais de spécimen dans votre genre, et que je ne tiens pas à laisser cette opportunité m'échapper. Le titre de seigneur, comme celui de maitre chez les Jedi, isolés de leurs contextes, ne sont que des expressions vides de tout contenu. Agir en tant que tel, c’est vouloir faire perdurer son influence et son œuvre par-delà les siècles. Voilà pourquoi il est de son devoir d’enseigner ses connaissances et ses découvertes, afin qu’elles ne tombent en désuétude dans le seul véritable tombeau de l’esprit, l’oubli... C’est là que l’apprenti trouve la place qui lui revient, aux côtés de son maitre. En tant que représentant de la Force, il se doit de devenir un nouveau fleuron capable de surpasser ses propres acquis, et de faire un pas de plus vers la transgression des limites à son pouvoir et à sa compréhension de la Force. Et ainsi de suite, pourrais-je conclure… J’espère avoir été explicite, assez du moins pour que vous vous fassiez votre idée sur la teneur de mes attentes. Souhaitez-vous d'autres précisions ? »

Sur ces derniers mots, le Sith s’assit en regardant le reflet d’Ulrich dans le miroir, feignant un sourire maladroit, avant de sortir une pipe de l’une de ses poches, qu’il cura d’un geste lent, les yeux rivés sur ce doublon illusoire.
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Spoiler:


-Le calme avant la tempête...

Ma voix résonna à mi-voix, douce, et lourde de vérités. Je dégainai de la poche de mon pantalon mon briquet archaïque, et allumai le foyer de la pipe de l'intrusif convive. Je tirai alors une cigarette de ma veste, et entrepris de consumer le bout de cet objet de tendre destruction. J'observai quelques instants de silence. Alors que, assis, celui qui m'avait révélé être un Seigneur Noir, me regardait, mes yeux toisaient mon propre reflet. Car le seul véritable interlocuteur, ici, c'était moi. La seule et unique personne qui allait décider de mon avenir se trouvait emprisonnée dans ce miroir, le regard nourri par les flammes de l'ambition, la soif de reconnaissance, et la foi en ses idées. Il ne tenait qu'à moi de briser ce mur, pour faire la jonction entre lui et moi.

-Nous avons du temps. Encore un peu de temps.

Si explicitement, je mentionnai bien la personne du Sith et moi-même, il était sans doute question, dans les méandres les plus obscures de mon esprit, de ces deux parties qui composaient mon être. Celles qu'il fallait unir, à tout prix. Les volutes de fumée ne tardèrent pas à envahir tout un pas de la petite pièce, se répandant allègrement au rythme de cette hésitation oscillante.

-Vous savez, il m'est arrivé des choses étranges. J'ai été incarcéré sur le monde des sordides hapan, et j'ai échappé de peu à la mort. Là-bas, j'étais en compagnie de mon coéquipier de circonstance. Un padawan, prénommé Luke. Apprenti de l'oligarque Saï Don. Nous avons été pris en embuscade sur Coruscant. Seulement, une amie était là. Une femme... Extraordinaire. Elle manie les arts de la Force d'une façon bien éloignée à ce que l'on enseigne au Temple, et la couleur de son sabre est celle du sang.

Je laissai entendre à mon hôte que j'avais été amené à collaborer avec ceux qui étaient de son côté, ceux qui se battaient pour la destruction de l'Ordre.

-Ainsi, tous les trois, nous nous sommes retrouvés dans un centre d'expérimentations inhumaines. Nous avons donc pris le parti de nous enfuir. Désarmés, nous avons combattus face aux gardiens de cette prison et... Un instant, j'ai senti quelque chose d'incroyable. Une énergie nouvelle me parcourait. Ça n'avait rien à voir avec ce que j'avais appris à maîtriser sur Ondéron. Un pouvoir infiniment plus complexe, infiniment plus destructeur. Je me suis senti parcouru par le spectre vindicatif de ma haine, du rejet de ce qui avait été commis à mon égard. J'ai tué, d'une façon si facile...

Je laissais en suspens ma tirade, tout en mirant le reflet de mes yeux, voilés par ce linceul inexpressif. Il était coutumier que mes interlocuteurs ne savaient pas à qui ils avaient à faire. Pourtant, pour la première fois depuis l'intrusion du Sith, je m'ouvrais à lui. Pour toute réponse à sa première question, j'entrouvrais la porte de mon esprit. Alors qu'il était au fait de mon idéologie, et de mon adhérence à mes propres propos, populistes mais véritables, je lui laissai discerner d'une façon aussi imperceptible que discrète, la personne que j'étais, au cœur de cette forteresse d'airain. Comme pour enfoncer un clou dans un doute qui pouvait émerger en mon interlocuteur, j'assénai la fin de mon ultime phrase.

-Et je n'y ai vu là aucun regret. Seulement la légitime rétribution que méritaient ces êtres abjects. La même que je souhaite infliger à l'institution maudite du Temple d'Ondéron.

Le Sith s'était assis à ma place, sur la seule chaise de la loge. Il agissait comme si je le servais déjà. Comme s'il était le maître, avant même que je ne me prononce quant à la dévotion que je m'apprêtais à lui vouer. Cette audace ne fut pas sans me déplaire, car elle était précédée d'un travail particulièrement soigneux et respectueux. Il n'avait essayé de me faire miroiter devant des rêves, il n'avait pas tenté de m'avoir par les sentiments, mais bien par la raison. Cette seule raison qui me pousserait à le suivre. J'écrasai ma cigarette sur la table qui devançait le miroir.

-Je n'émettrai alors qu'une seule condition.

Mon regard s'ancra solidement dans celui du Seigneur déchu.

-Je suivrai vos enseignements loyalement. Mais je ne me soumettrai pas à votre hiérarchie, si hiérarchie il y a, au-dessus de vous. Je suis conscient de ce qui se passe, et je sais que vous n'êtes pas seul. Vous n'êtes pas seul, à suivre ces convictions, qui sont aussi les miennes, face aux Jedi impies. Je suis prêt à être votre élève, mais vous serez mon seul et unique maître. Et jamais je ne me plierai aux volontés d'autres Seigneurs, si mes idées vont à l'inverse de leurs principes.

Je croisai les bras, et laissait s'égarer mes yeux dans la pénombre.

-Sachez une chose, ma confiance en vous n'est pas encore totalement acquise. Mais vous avez su me convaincre. C'est chose rare, en un laps de temps aussi court. La vie est aussi faite de ce genre d'instant, où nous devons prendre une décision cruciale, qui perturbera son cours à tout jamais.
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Silencieuses et insidieuses, les effluves nonchalantes de fumée semblaient s'enlacer lentement dans des mouvements invariablement circulaires, composant une nouvelle entité, à proprement parler monstrueuse, aussi fictive qu'imaginaire, napée d'un manteau de brouillard oppressant l'ambiance des pourparlers. Peu à peu, cette présence emplit la loge du candidat déclaré, dont le décor et le mobilier disparates ressemblaient à ceux d'un vestibule quelconque, renforçant encore l’étrangeté de cette atmosphère empreinte d’une certaine théâtralité, que l’homme de la rue aurait sûrement jugée étouffante, voire glauque. Pourtant, la scène qui se jouait entre les protagonistes n'avait rien de dramatique, bien au contraire. Elle ne faisait qu'illustrer le fait qu'à une échelle ou à une autre, face à la Force, il n'y a que des pions, des serviteurs et des agents, chaque rôle étant endossé tour à tour, perpétuellement. Les hiérarchies, les grades, les titres et les récompenses ne sont que les expressions conventionnelles d'un ordre, nécessaire à la perpétuation de savoirs et de traditions, d'une mémoire collective et hautement convoitée. Même le Chaos, s'il s'affranchit de toute loi d'application, connait des règles d'existence, celles du Vide et du Temps. La Force fait force de loi parce qu'Elle est force de pouvoir. Et de sagesse, pour certains, lesquels ressentent le besoin de tracer des limites à ce pouvoir, qui n'en reconnait véritablement aucune.

Les visages faiblement éclairés des figurants de ce tableau s’étaient auscultés l’un l’autre à la loupe, à la recherche d’indices, de motifs, d’explications à même de mieux comprendre la raison de cette entrevue improvisée. A noter, cette dernière se passa tout du long sans la moindre animosité manifeste, mais avec une froideur et un détachement qui laissait croire que les parties en présence se livraient à une lutte psychologique, plutôt de volée haute à en juger par le ton fluctuant de leurs voix. Or, ce n’était plus le cas, plus maintenant. Les foyers incandescents allumés coup sur coup illuminèrent leurs regards un court instant. Si celui du Sith parut de braise, fricotant avec l'inquiétant, celui d’Ulrich fut semblable à celui d’un démon en sommeil qui se serait soudainement éveillé, piqué au vif par une stimulation nouvelle, un vent nouveau. Le temps et l’espace parurent figés, eux-mêmes spectateurs de cette scène dont le scénario avait peut-être été écrit à l’avance par des courants de Force, nul n’aurait pu le dire, Araya le premier. Par-delà la perception commune, les œuvres de la Force restent souvent imperméables à toute analyse ou introspection, preuve en est cette rencontre improbable, qui se révélait néanmoins décisive à plus d'un titre. Mais la sphère du probable demeure accessible, autorisant une prédiction à prendre avec précaution quant à son interprétation. Darth Araya le savait, tout comme il ne pouvait recourir à ce moyen sans s'affaiblir considérablement, et à la vérité, imprudemment. Peu lui importait.

Ulrich Andersen deviendrait bientôt, peut-être, un élu politique de tout premier ordre sur Kuat. Et un Sith de tout premier plan, Darth Araya n’avait aucun doute à ce sujet-là. En revanche, peut-être qu'une discussion au sujet de la relation de maitre à apprenti s'avèrerait nécessaire dans un avenir proche, histoire de tirer les choses au clair, une fois pour toutes. Il va de soi que le serment d’un apprenti à son maitre n’est comparable à aucun autre type de contrat stipulant une association ou un accord de principe, loin s’en faut. Il ne s’agit pas de soumission, ni d’allégeance, encore moins de confiance entre les deux parties. La nature de cette relation s'impose d'elle-même, dans une troublante évidence, un secret à peine divulgué, tels sont les conditions favorables pour cultiver le tiraillement entre une haine vivace de son instructeur, et un attachement contraint envers lui et son savoir. On connait la chanson, la finalité de la chose.

Encore eut-il fallu qu’un coup de pouce, une impulsion initiale soit donné, à même de déclencher une réaction en chaine si complexe, si insondable que nul ne pourrait prédire ce qu’il adviendra de cette curieuse alchimie. Ainsi, s'il fallait chercher la vraie raison de la présence du Sith sur cette planète, l'enquête serait immanquablement orientée vers le destin d’Ulrich Andersen. Comparable à celui d’un diamant brut, c'est à lui que reviendrait le choix de décider de la forme de l'ouvrage à sculpter. L'esprit précède au corps, comme le fond sur la forme. La composition intrinsèque du futur joyau correspond à une donnée brute, celle du vécu de l'individu. Une première ébauche avait été réalisée dans l'accomplissement de cette œuvre, mais rien n'y avait fait. Les récents événements qui lui étaient advenus, il n'y a pas si longtemps, l'avaient marqué au fer rouge, attisant une folie salvatrice dans la libération de frustrations blessantes, qui méritaient effectivement une pleine réparation des préjudices subis.

Dès qu'il eut fini d'imposer ses conditions, l'Arkanien se releva d'une traite, ne lâchant pas sa pipe des yeux, la manipulant du bout des doigts, l'air serein et sombre. Puis il s'adressa à lui, paraissant décontracté dans son comportement pour la première fois, montrant tout de même une élocution et une diction trop parfaites pour être naturelle.

« Il est fort probable que vous ne me ferez jamais assez confiance pour réduire au silence la moindre arrière-pensée, le moindre soupçon à mon égard, lorsque vous me tournerez le dos, par exemple. Soit, j'accepte vos termes, vous n'aurez à répondre de votre statut que devant moi, et seulement moi. Mais sachez que cette clause spéciale ne vous met à l'abri d'aucun danger ni d'aucune réserve, elle ne vous assure que le droit de vous réclamer de mon autorité devant les autres partisans à la cause. De votre côté, vous feriez bien de vous soucier des personnes que vous serez amenés à rencontrer à partir de maintenant, car vous n'allez pas tarder à devenir un agent de l'Obscur, jouant un jeu aussi habile que dangereux, faisant une cible de choix pour bien des opposants. Mais ô combien le potentiel corrupteur et destructeur des pouvoirs qui seront à votre portée vous apparaitra comme une compensation méritée, à la mesure de vos propres engagements. Les Initiés qui contrôlent ces capacités à un haut degré de maitrise peuvent évoluer dans l'enseignement des Arts sombres. Mais nous aurons l’occasion d’en reparler plus tard, vous avez à faire et je m'en voudrai d'interférer inopinément à vos priorités en vous tenant éloigné plus longtemps de la ferveur de vos militants. Le site de la Corporation Symbiosis sur Arkania vous est désormais ouvert, vous pourrez m'y contacter sans difficulté. Je n’ai plus qu’à vous souhaiter le meilleur pour votre future élection. » acheva-t-il en hochant sensiblement la tête.
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Une main dans la poche de mon costume, je me tenais de semi-profil face à mon propre reflet, enfoui dans les tréfonds de la nappe de fumée qui régnait désormais dans la loge. Alors que le Sith parlait, je m'observais, une fois de plus. La cause de cet apparent narcissisme n'était autre que mon besoin de me jauger. J'allai passer un cap dans ma progression. Une page se tournerait définitivement. La nouvelle n'était pas anodine.

J'en vins à ma questionner. Combien, parmi les élites, disposaient de ces pouvoirs ? Combien excellaient dans les arts noirs ? Ils agissaient dans l'ombre, de peur de se faire démasquer. Mais peut-être étaient-ils une multitude, à tirer les ficelles du pouvoir, tapis dans l'armure reluisante de dirigeants politiques, de hauts-fonctionnaires de la République, ou de dirigeants de sociétés. La proposition était trop appétissante pour ne pas la saisir. Si j'avais appris une chose de par mon parcours et l'intérêt que je vouais à l'histoire de la politique, c'était bien la chose suivante. Il était impossible pour un ennemi du système de parvenir à ses fins, sans faire des concessions, et renier une partie de son éthique, jusqu'à devenir partie intègre de ce système, au risque de se laisser gangréner par ses appâts, plutôt que de le renverser.

Dans la discrétion, je devais me forger un réseau ; et ces agents de l'obscur m'y aideraient.

-Merci.

"Merci." Voilà un mot qui n'était pas sorti de mes lèvres depuis bien longtemps. Lorsque l'on dirige un parti politique, et que l'on a pour volonté de s'y imposer comme figure forte, il ne faut pas laisser entendre que l'on a besoin d'autrui. Il faut féliciter, encourager, inspirer. Pas remercier. Toutefois, mon rapport avec le Sith allait s'avérer être différent. Son apprenti. Ce mot m'était devenu bien lointain. Mais il n'était pas question d'autodidaxie dans un domaine qui relevait de l'incompréhensible au commun des mortels. J'avais besoin de lui, pour fuseler cette lame ravageuse que je portais en moi. Toutefois, je n'étais pas dupe. Je savais bien que lui aussi, avait besoin de moi. S'il est vrai que l'orgueil nait du pouvoir, et qu'il n'y a d'autre outil que le pouvoir pour ériger la preuve ostentatoire de son existence et de ses faits, une preuve inhérente de son accomplissement, je ne croyais pas en ses balivernes. Il voulait faire perdurer ses enseignements pour mieux diffuser ses connaissances, et avoir la fierté d'enfanter un successeur, et de voir la lignée de ses acquis perdurer ? Il y avait de ça, mais ce n'était pas tout. Je ne crois ni au hasard, ni aux coïncidences. S'il m'avait effectivement trouvé par un encouragement sous-jacent et sibyllin de la Force, celle-ci avait mené ses pas vers moi pour mieux l'aider à m'utiliser. Kuat était une planète stratégique. J'étais jeune. J'avais de l'ambition, et du potentiel. Enfin, il n'y avait probablement pas dans mes adversaires pour cette campagne politique, d'autres personnalités sensibles à la Force. Lui aussi, avait à cœur de fédérer autour de lui. Il ne pouvait pas me tromper sur ce point. Le jeu était dangereux, et l'aboutissant, incertain. Pourtant, ne pas m'y prêter eût été me gâcher un vivier d'opportunités.

Ainsi, je l'avais remercié de m'avoir souhaité la victoire pour cette élection. Il était de mon devoir de vaincre, dans cette sanglante mise à mort. Les idées s'affrontaient et, j'en étais convaincu, les miennes étaient les meilleures. Mise en application d'un protectionnisme intelligent, limitation des flux migratoires, création d'un patriotisme économique, et lancement d'une industrie modernisée. Kuat devait retrouver sa place qu'elle détenait jadis, et plus encore. Dans la mégalopole de Kuat-City, le seul défenseur du peuple, c'était moi. Les autres partis ne portaient que des chefs poussés par leurs velléités personnelles, leur soif de gloire, et la voie plus facile d'y parvenir ; se tenir alliés de la République, joindre la main avec le politiquement correct, et prôner, à l'instar du Sénat, toujours plus de fédéralisme, et une destruction terrible des frontières et des identités culturelles.

Si je n'étais pas élu...? J'avais bien pris soin de me poser cette question. Si mon rôle était, face au peuple, aux militants et aux cadres du parti, de promettre la victoire; seul, j'avais mûrement réfléchi aux actions que je mènerais, si les habitants de la capitale ne me portaient pas à leur majorité sur le siège de l'administration municipale. J'y avais réfléchi. Mais aucune décision n'avait été prise. Prendre le pouvoir par les armes est trop dangereux. Cela peut mener à une réussite totale, comme à un échec cuisant. Le moment n'était pas venu. Par ailleurs, faire perdurer un parti politique pendant les 5 années de mandat du potentiel adversaire qui m'aurait vaincu, serait chose difficile. D'un autre côté, rompre avec la politique me serait insoutenable. Il n'y avait finalement qu'une seule réponse. Je devais vaincre.

Je marchai alors en direction de la porte de la loge, le fis coulisser, et adressai un dernier regard au Sith.

-Je viendrai donc sur Arkania. Maintenant, il me faut savoir votre identité, ne vous en déplaise, lançai-je d'une voix bienveillante, le regard amusé.
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Témoignage d’une certaine décence, le Sith resta délibérément sourd à la marque de politesse faite par son distingué protégé. Peut-être était-il loin de suspecter le fait qu’il n’aurait plus guère de raison d’agir de la sorte, dans un futur proche, mais a contratio lui vouer une haine féroce. Car voilà, loin de lui l’idée d’en faire un simple jouet désarticulé répondant aveuglement à la moindre de ses exigences, ce genre de pantin n’aurait été bon qu’à user sa patience et à l’encombrer. Non, la volonté d’Araya était toute autre. Il s’agirait de faire de ce jeune homme son égal dans la Force, son ennemi intime… Le pire qui soit. Il n’empêche, si on lui avait prédit ce jour-là qu’en se rendant sur Kuat pour régler une affaire de second ordre, il en repartirait avec la perspective de nouveaux lendemains consacrés à la formation d’un apprenti, dont il ne connaissait que le nom et les ambitions politiques, l’Arkanien aurait sûrement écarté cette éventualité d’un rire railleur et mauvais, laissant ce genre de présages insensés aux esprits faibles se raccrochant à la moindre lueur d’espoir, gageant là d’y trouver l’amorce d’un sens à leurs existences.

Or, il fallait bien se résoudre à admettre l’évidence : Ulrich Andersen était en passe de devenir l’héritier auquel il allait léguer ses enseignements, pour le meilleur et pour le pire, répondant aux prérogatives de la tradition Sith, les seules susceptibles de faire perdurer l’Ordre, visant encore et toujours l’excellence et le dépassement de soi. Plus encore, il s’avérerait, à long terme, un allié de taille assistant à la réalisation de ses desseins, convaincu du bien-fondé de son jugement. Quant à Araya, il allait pouvoir se consacrer pleinement à la seule vocation véritable qu’un seigneur se doit d’embraser, le distinguant immanquablement de ses pairs. Il entrerait dans la peau d’un démiurge, façonnant un être d’exception aux capacités latentes, en sommeil, ne demandant qu’à être révélées au grand jour, brillantes d’un feu éternel, consumant sa propre existence pour renaitre, différent, autrement. Se doutait-il seulement de la nature des épreuves qui l’attendaient ? Probablement pas, non, mais peu lui importait. On ne ressort pas indemne d’un tel processus de transfiguration, sculptant la chair et l’âme en leur faisant endurer les pires meurtrissures, lorsque la nécessité s’en fait ressentir. Tel est le prix dont il faut s'acquitter pour pouvoir appréhender l’univers sous un nouvel aspect, loin de la perception usuelle des gens du commun. Si bien qu’il aura faim de découvrir les limites inhérentes à son pouvoir grandissant, tellement le monde lui semblera pliable à souhait, ouvrant un champ de possibilités paraissant infinies et n’obéissant qu’à sa propre convenance. Mais avant cela, il aurait à souffrir d’un enfer dont lui seul pourra se libérer, celle d’une conscience alourdie et enchainée à des principes, des souvenirs, une histoire, son histoire… Autant d’éléments pesant de tous leurs poids et desquels il devrait s’affranchir s’il désirait découvrir de nouveaux horizons insoupçonnés, dont certains ne faisaient que rêver, leur vie durant.

Observant d’un œil songeur le reflet immuable d’Ulrich plongé dans ses pérégrinations, il fit un léger pas de côté, tirant une nouvelle fois sur sa pipe avant de recracher lentement une volute de fumée. L’espace d’une seconde, il visa la poche inoccupée de sa veste, et faillit se laisser tenter par l’idée d’y glisser délicatement du bout des doigts une carte révélant enfin son identité. Il se ravisa inopinément, jugeant ce procédé trop singulier pour mettre un terme à cet échange scellant l’union sacrée des deux figures partageant la même aspiration vers une grandeur à peine esquissée par leurs discours respectifs. L’un comme l’autre valait mieux que ce tour de passe-passe, certes amusant par la surprise ainsi suscitée, mais hors de propos compte tenu des circonstances. Ainsi, Araya regarda Ulrich s’éloigner, sa silhouette s’enrobant paisiblement du brouillard ambiant, tandis qu’il tapotait sa pipe, vérifiant que son foyer fut correctement éteint avant de la ranger. Une dernière fois, la voix de l'apprenti résonna dans la pièce, mettant le doigt sur la seule inconséquence qui demeurait entre eux, sur un ton presque mielleux et sans appel, jugea le Sith, surpris d'un oubli si flagrant.

« Veuillez m’excuser, à force de trop s’écouter parler, on en vient à oublier l’essentiel ! Ortyss, Noval Ortyss. De mon côté, je me ferai une joie de garder le vôtre en mémoire, vous pouvez en être sûr... » badina-t-il, un pli saillant à la commissure de ses lèvres.
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