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La pluie claquait continuellement contre les vitres de ma chambre. Mon hôte, dont je connaissais à présent le nom, remercia mon accueil. Je me détournai de la chaotique toile, pour mieux porter mon regard sur Orme. Si j'estimais la tenue que je lui avais fourni confortable, il semblait en avoir une toute autre opinion. Au-dessus de son pantalon noir, retombait un épais cardigan à col châle, tissé dans une soie obscure, surmontant une chemise blanche cintrée. Le col de celle-ci était en désordre. Je jetai une œillade au bas du gilet.

-De rien. Mais traditionnellement, le dernier bouton d'un cardigan doit rester ouvert.

Je me doutais bien du peu d'intérêt qu'il porterait à l'égard de ma remarque. Mais je ne pouvais m'empêcher de réparer tout outrage commis à mes propres tenues. Je me saisis alors de ma serviette, et de vêtements neufs. La porte glissante de la salle de bains se referma après mon passage. Mon reflet m'apparut. Celui d'un jeune homme brisé dans la fleur de l'âge. Des gouttelettes perlaient au long de mes tempes, et mon nez était rougi par la fraîcheur et l'humidité. Mes iris arboraient cette couleur métallique qui leur était propre. Quelques secondes perdu dans le regard de mon clone virtuel, mon esprit s'était comme évidé. Ma vision était à présent troublée. Je me déshabillai alors de façon fugace.

Quelques instants plus tard, je sortais de la salle de bain, les cheveux moins humides, mais en bataille. Mon chino beige s'alliait subtilement avec la marinière blanche, et à rayures noires que je portais. Le trench couleur crème, encore accroché à ma penderie, ferait une tenue homogène, et du plus bel effet. Je remarquai alors Orme, visiblement mal-à-l'aise. Je ne pu m'empêcher d'esquisser un sourire amusé.

-Saisis-toi de ma bure, si tu veux. Je n'en ai aucune utilité.

Cela ne plaisait guère à mes supérieurs. Mais jamais les uniformes traditionnels des Jedi ne m'avaient convenus, et c'était avec mes propres tenues que j'étudiais, ou maniais le sabre. Comme pour rompre avec la rigidité que l'on m'accorde souvent, je me laissai tomber sur le lit, les mains derrière la tête. J'adressai un regard à Orme. Comme toujours, vide de toute expression. J'aimais à savoir que mon regard neutre était mon armure la plus impénétrable. S'il est coutume de dire que les yeux sont la fenêtre de l'âme, j'avais sans doute été façonné dans un matériau atypique. Je découvris de nouveau une trace de sang au bas du nez de mon camarade. Il avait encore saigné...

-Mmh... Tu veux qu'on passe au centre médical ? Si tu as besoin de coton ou de compresses. Je n'ai rien de tout ça ici.

S'il m'arrivait de temps à autres que mes cloisons nasales délivrent quelques gouttes de sang, son hémorragie durait déjà depuis bien longtemps. Peut-être n'était-ce pas si anodin. Mais Dame Bien-Séance me souffla de ne pas lui faire part de mes appréhensions.
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Comment ça, le dernier bouton devait demeurer ouvert ? Et pourquoi pas se promener nu, pendant qu'on y était ? Car, évidemment, pour Orme, c'était à peu près la même chose. Il rougit légèrement, sans savoir si c'était parce qu'il s'imaginait qu'Ulrich l'imaginait avec un bouton ouvert (mais quelle indécence !), ou parce qu'il s'imaginait qu'Ulrich l'imaginait comme un ermite démodé, ou bien encore parce qu'il s'imaginait qu'Ulrich l'imaginait imaginant l'une ou l'autre possibilité. Sans doute ces trois excellentes raisons formaient-elle une alliance improbable dans son esprit.

Il n'en secoua pas moins la tête à la proposition de revêtir une robe de bure. Il y avait quelque chose dans les robes de bure qui l'indisposait également — sans doute le fait que ce fût des robes. Orme tenait à toute force à ce qu'on le crût parfaitement viril (ce qui, naturellement, ne se produisait jamais) et était perturbé par l'idée de sa propre féminité, persuadé que quelqu'un finirait fatalement par remarquer les regards rêveurs qu'il jetait parfois, malgré lui, à tel ou tel homme dans la rue — comme si les deux choses pouvaient avoir un lien quelconque.

De toute façon, les Padawans qui adoptaient les strictes tenues du Temple n'étaient pas légions. Entre les habitudes culturelles et les penchants personnels, l'Ordre offrait une large variété de tenues, des Padawans aux Maîtres. Orme avait pour sa part toujours trouvé qu'un uniforme était une aberration pour des personnes qui, souvent, désiraient se fondre dans le paysage et il n'y avait jamais accordé beaucoup d'importance. Comme il ne versait pas dans l'extravagance la plus totale, personne ne lui avait fait de remarque jusqu'à présent.

A peine Ulrich se fût-il éclipsé à son tour dans la salle de bain qu'Orme se concentra sur son reflet dans la vitre de la chambre. Le dernier bouton devait rester ouvert, hein ? Bon, il ne risquait pas grand chose. D'une main guère assurée, le Padawan ouvrit le bouton en question. Avec un soupir de soulagement, il constata qu'il ne voyait guère de différence. Il n'en était pas pour autant prêt à une révolution vestimentaire, mais enfin, c'était un premier pas.

L'adolescent n'eut guère le temps de s'étendre sur ses tribulations vestimentaires ; déjà, Ulrich émergeait de sa salle de bain et Orme dut se rendre à l'évidence : son camarade était une victime de la mode. Enfin, ce devait être la mode, cela. Au-delà du blanc immaculé de sa tenue de ville et de ses combinaisons noires de pilotage, Orme n'y connaissait pas grand-chose. Après tout, c'était une préoccupation que son extraction sociale ne lui permettait guère.

Il balaya d'un sourire tranquille la proposition d'Ulrich de rejoindre le centre médical et vint s'asseoir en tailleur sur le coussin de méditation, près du lit, après avoir effacé les dernières traces de sang de son nez.

— Ca va aller. Au pire, je vais m'évanouir et je me réveillerai dans quelques heures. Personne ne t'accusera de quoi que ce soit, tout le monde à l'habitude.

Il n'avait pas l'air d'exagérer, et pourtant, il ne semblait pas particulièrement bouleversé par un état qui n'avait, manifestement, rien d'anodin. En tout cas, il ne mentait pas : personne ne songerait à accuser Ulrich de ses mésaventures physiologiques. D'abord, parce que tous les Guérisseurs et une bonne partie de la hiérarchie de l'Ordre étaient au courant de sa maladie, ensuite parce qu'il eût fallu avoir un sacré grain pour s'attaquer à Orme — un sacré grain ou l'occasion de le séparer de son sabre laser.

Orme posa un regard un peu songeur sur Ulrich. Au bout de quelques secondes, il murmura d'une voix douce.

— Tu as l'air très triste.

Orme : 1 — Le tact : 0.

— Quand je t'ai vu tout à l'heure sur ton rocher, tu m'as fait penser à ce qu'on appelle sur Coruscant le Deuil de la Ville. Quand il a plu pendant plusieurs journées, une fois que le soleil perce les nuages, l'eau accumulée coule lentement le long des façades et elle cache les immeubles derrière une voile noire, comme si toute la ville se rendait à un enterrement.

Orme ne se rendait pas compte que, pour qui n'était pas né sur Coruscant, la poésie d'un univers entièrement urbanisé pouvait n'avoir pas la même évidence que celle de la nature. Pour lui, c'était le monde, le monde avec ses rudesses et ses beautés et la Ville, c'était la Nature, la planète, tout l'écosystème improbable de la géante mégalopole.

Ses yeux quittèrent Ulrich, soit pour ne pas trop l'incommoder (mais enfin, n'était-ce pas trop tard ?), soit parce que l'évocation de sa planète natale faisait naître en lui le besoin de perdre son regard dans le vide, pour mieux saisir les souvenirs, de plus en plus rares, de ce passé déjà lointain dans sa jeune vie.
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J'écarquillai les yeux, et haussai les sourcils, comme un enfant blessé dans son amour propre. Mon regard s'accrocha à celui d'Orme. Ses yeux profonds me scrutaient. Je me sentais dans une désagréable position de faiblesse. Le masque que j'arborais perpétuellement, passait pour les uns, pour de la froideur. D'autres l'appréhendaient comme une forme de condescendance. Certains me disaient hautain. Tous me voyaient comme une personne volontairement distante. Mais lui, avait su percer mon armure. La tristesse. Je n'aimais pas à l'idée d'être percé à nu. Il étaya sa déclaration par une enivrante métaphore. Il détourna les yeux. Je l'observai toujours. Les mots ne me vinrent pas dans l'immédiat. Je tournai alors mon visage en direction de la vitre, essuyant les assauts de la pluie. L'ire céleste n'en finissant plus d'abattre sa vindicte sur Ondéron. Sa vindicte... Après tout, peut-être étais-je un piètre exégète. Pourquoi voir la colère, là où ce déluge pouvait s'avérer l'immense chagrin d'un monde ? Le déchirement d'une planète, entité vivante de l'univers.

Mes doigts se faufilèrent derrière ma nuque, et mes yeux muets revinrent sur mon hôte clairvoyant. Ses propos sur son état de santé commençaient à devenir inquiétants. Mais il avait esquivé une éventuelle réponse de ma part avec brio. Comme un stratège abattant sa carte maîtresse, il avait formulé ces quelques phrases perturbantes. Il voyait aussi clair en mes sentiments qu'au travers de l'eau des plus purs lacs d'Alderaan.

-J'ai pas envie qu'on parle de ça.

Ma fierté reprit le dessus. Mais pas celle qui m'était propre. Pas cette dignité inébranlable qui me protégeait au jour le jour. Non. C'était avec une voix vacillante que j'avais rétorqué cela. Les propos en eux-mêmes étaient maladroits. Ils révélaient une faiblesse de ma part. Un sujet sensible. Ce n'était pas moi. Ou à l'inverse... Peut-être était-ce terriblement moi. Plus que jamais... Le garçon était en position de supériorité. Indigne sensation. Mes iris se posèrent à nouveau sur ses traits fins.

-J'ai du mal à te cerner, Orme. À l'habitude, je suis assez clairvoyant pour ça. Mais là... Et pourquoi tu penses que j'ai peur de me faire pointer comme coupable si tu t'évanouis ? Ce qui m'inquiète, c'est plutôt ton état de santé. L'idée de me faire accuser ne m'avait même pas traversé l'esprit.

Je me relevai, de façon à être assis sur le lit, les yeux au sol, et les bras croisés. Si ma posture était signe de renfermement, une tirade fusa au travers de mes lèvres, sans que je ne puisse la contenir.

-T'es gentil avec moi.

Cette soudaine ouverture avait quelque chose de dérangeant... Je n'étais pas habitué à cela.
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A la différence de bien des Padawans, Orme jugeait qu'il était beaucoup plus sûr de se fier à l'intuition de la Force qu'à la perception des sens. Accorder sa confiance à une impression aveugle, parfois ténue et fuyante, lui paraissait aller de soi et c'était indubitablement ce qui en faisait un excellent combattant. A ses yeux, bien des Padawans et bien des Chevaliers se servaient de la Force comme un outil plutôt qu'un guide — et c'était l'un des principaux défauts de l'Ordre.

A qui était attentif aux fluctuations de la Force autour d'Ulrich, la tristesse du Padawan était évidente. Orme avait très vite, au cours de son apprentissage, renoncé à décrypter les physionomies : sans compter les visages non-humains, impénétrables pour un observateur peu aguerri, les traits d'une personne de sa propre espèce lui paraissaient si rarement s'accorder à ses pensées qu'il jugeait l'exercice entièrement inutile.

De l'air froid de son camarade, il n'avait donc pas tiré de conclusions particulières. Peut-être était-ce simplement une impression que donnait la couleur de ses yeux ? Ou bien un effet de la fatigue ? Ou bien un air volontairement arboré ? Ou bien une distance véritable ? Impossible de savoir, selon Orme. Sans doute un observateur plus habile que lui n'eût eu aucun mal à remonter le fil des faux-semblants mais, à son humble avis, mieux valait se fier, dans ces circonstances, à son instinct.

Bien sûr, cette habitude le rendait lui-même un peu imprévisible aux yeux de ses camarades. Alors que son innocence le faisait passer à côté de bien des éléments pour tout autre clairs comme de l'eau de roche, son écoute attentive de la Force lui révélait des sentiments que d'autres, trop préoccupés par l'écorce du réel, négligeaient, et le Padawan paraissait tour à tour naïf et sage — si bien que certains finissaient par se demander s'il n'était pas tout simplement un peu dérangé.

Toujours était-il que sa clairvoyance intermittente semblait le desservir ce soir-là. La réplique d'Ulrich n'avait peut-être pas été prononcée avec toute la fermeté que ce dernier eût souhaitée, elle n'en semblait pas moins à Orme sans appel et le jeune homme se mordit légèrement la lèvre, convaincue d'avoir fait un impair. Il avait une fois de plus manqué de tact — il s'en rendait compte à présent — et il maudissait sa stupidité.

Orme, donc, ne se sentait pas du tout en position de supériorité et l'eût-il compris qu'il eût été loin de songer à l'exploiter d'une quelconque manière. La suite des propos de son camarade l'étonna donc tant par sa douceur que par son contenu. Du mal à le cerner ? Orme ne se considérait certes pas comme quelqu'un de très compliqué — ni de très intéressant, d'ailleurs. Il ne pensait pas que des gens eussent le besoin ou le désir de faire beaucoup d'efforts pour le comprendre.

Et les derniers mots de son camarade achevèrent de le désarçonner — ses joues rougirent légèrement — et Orme se mit en quête de quelque chose à répondre. Ulrich avait lancé pêle-mêle bien des sujets importants et l'adolescent désirait surtout y répondre avec le plus de douceur possible, pour se rattraper. Au bout de quelques secondes de réflexion, il reposa son regard sur le Padawan.

— Tu ne fais pas confiance en l'Ordre. J'ai supposé que tu serais prompt à le considérer capable d'injustice. Si l'Ordre ne te comprend pas, pourquoi ne supposerais-tu pas qu'il serait susceptible de croire que tu m'aies fait du mal ? Mais enfin, c'était une plaisanterie plus qu'autre chose.

Orme prit mentalement note d'éviter les tentatives d'humour à l'avenir — inutile de perturber Ulrich en lui racontant l'histoire du Rodien qui entre dans un bar.

— Quant à mon état de santé, eh bien...

Orme haussa les épaules. Ce n'était pas une chose qui le préoccupait beaucoup — il était né comme cela, il avait grandi comme cela, il survivait comme cela. Autant lui demander de s'inquiéter de ne pas avoir d'ailes.

— Disons juste que dans cinquante ans, je ne raconterai probablement pas les légendes Jedis aux Padawans dans les longues nuits d'hiver. Je ne trouve pas cela très grave. La Force m'a déjà permis de vivre plus longtemps que les médecins ne l'espéraient, sur Coruscant, et elle me fera vivre peut-être de longues années encore.

Le Padawan acceptait une situation que d'autres eussent trouvé terrible avec une telle simplicité qu'il était difficile de déterminer s'il fallait admirer son courage et sa résolution ou mettre en doute la solidité de sa santé mentale. C'était pourtant sans avoir le moins du monde conscience du paradoxe de sa dernière déclaration que le jeune homme ajoutait :

— Tu sais, je ne suis pas quelqu'un de très compliqué. De très intéressant. Je me contente un peu de me laisser porter.

Ce n'était bien sûr pas tout à fait vrai — si Orme était d'un calme remarquable dans les grands moments de son existence et si sa confiance en la Force semblait inébranlable, il était en revanche noyé dans un océan d'incertitudes quotidiennes, de petits détails inquiétants, qu'un frôlement de main ou une peau trop découverte suffisait à animer d'une terrible tempête.
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Calmement, j'écoutais les paroles du padawan. Mes yeux, toujours rivés au sol, s'attardaient sur les imperfections du sol nacré. Je m'apercevais que la rencontre était finalement susceptible d'apporter bien plus que je ne l'avais prévu dans la jungle d'Iziz. Ses paroles me touchèrent beaucoup. Je pensais sincèrement qu'il trainait un cruel manque de confiance en lui. Il se considérait comme une personne futile, alors que rarement mon intérêt n'avait été piqué à un tel point. Mes pensées se bousculaient dans mon esprit. Les bras toujours croisés, j'entrepris de lui répondre de façon cohérente.

-Tu n'es pas comme les autres.

Tu n'es pas comme les autres ? Est-ce que je lui avais vraiment dit ça ? À croire que ce garçon avait le don de calmer mon impétuosité. L'humilité était une qualité que je perdais. J'en étais pleinement conscient, mais je le justifiais par la futilité de mon entourage. Ce garçon était pur. J'avais peut-être besoin de ça...

-Tu as pu comprendre mes positions... Et pourtant, tu en fais abstraction. Tu me portes de la considération. À tes yeux, je ne suis pas un traître. Un dissident. Je ne suis pas habitué à ça.

Je tournai vivement mon visage face au sien.

-Merci.

Mon regard se posa à présent droit devant moi, en direction d'un pan de mur totalement vide. Les yeux vagues, je poursuivais mes confessions.

-Tu es courageux. Tu dois l'entendre souvent... Mais je suis désolé pour ta maladie. Les gens comme toi sont rares. Ne te sous-estime pas, Orme...

Le masque était tombé. Je ne m'adressais à personne de cette manière. Cette fois-ci, pas d'égocentrisme. Pas de rejet. Pas de condescendance. En si peu de temps, il avait mis en pièce mon inébranlable armure. Et étrangement... C'était une sensation plutôt agréable. Je me sentais respirer. J'étais moi-même. Mes jambes me poussèrent hors du lit. J'étais à présent debout, observant de semi-profil mon camarade. Toujours suffisamment lucide pour distinctement mirer ses traits, malgré la quantité d'alcool que j'avais absorbé, je remarquai un fait qui ne m'avait pas directement sauté aux yeux. Orme avait un charme incroyable. Peut-être le voyais-je par un autre regard, après cette ouverture mutuelle.

-Au bord de l'étang... Je ne sais pas comment tu as pu rester à mes côtés.

Ma phrase s'acheva sur un sourire malicieux.

-Je suis venu, sans trop faire attention à toi, dans l'idée de me noyer dans les tumultes de ce divin spiritueux... Égoïstement, je ne te parlais pas... J'étais là pour moi, à fumer mes cigarettes, sans même me demander si ça t'importunait...

Après un temps, je repris.

-Rectification. Ça m'est venu à l'esprit, si. Mais à vrai dire, je m'en moquais. J'aurais même été heureux que ça te dérange. Ça m'aurait permis de me retrouver seul. Une fois n'est pas coutume. Je sais pas trop ce qui t'a poussé à établir le dialogue... J'avais l'air détestable, non ?

Mes lèvres s'arquèrent de nouveau dans un sourire en coin.

-Tu dois me prendre pour un dingue.

Je le scrutais. Les pourtours de son visage. Son regard pur. Ses iris profonds. La courbure de ses lèvres. C'était indéniable. Orme était très séduisant. Mais cela, sans doute serait-il bien incapable de l'admettre.
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Un manque de confiance en soi — sans doute était-ce l'un des principaux défauts d'Orme. Il ne concernait plus guère, comme cela avait pu jadis être le cas, ses aptitudes de Jedi. L'expérience lui avait prouvé à de nombreuses reprises que, dans ce domaine, il n'avait pas grand-chose à envier à ses camarades. L'entraînement et l'étude avaient porté leurs fruits et, sur le terrain comme dans les couloirs du Temple, Orme ne rougissait pas de ses aptitudes.

Ses doutes portaient sur un monde plus confus, informulé, semblable à celui qui tourmentait bien des adolescents. L'héritage des années difficiles de son enfance avait quitté les terres du conscient pour se réfugier dans des forts peu accessibles à la pensée et, porté à la méditation plutôt qu'à l'introspection, Orme n'excellait guère dans le délicat exercice de se connaître soi-même. Il préférait supposer qu'il n'y avait rien à connaître et transformer cette conclusion, qui était une commodité de ses névroses, en vérité objective — et il prêtait à tout le monde la propension à la reconnaître.

Qu'il ne fût pas comme les autres, il pouvait l'admettre — il n'était simplement pas certain que ce fût un avantage. Ni un inconvénient. Mais qu'il pût être particulièrement courageux, ou gentil, ou séduisant, cela, il était loin de le voir. S'il avait d'ailleurs imaginé que c'était le dessin de son visage qu'en ce moment précis son camarade était en train d'observer avec une si grande attention et que l'intensité du regard d'Ulrich ne naissait pas entièrement de l'intimité de la conversation, sans doute Orme eût-il été bien mal à son aise.

Mais, plutôt que de songer à soi-même et à la manière dont son camarade le percevait, le Padawan portait son attention sur Ulrich et il trouvait, dans les nouvelles paroles du jeune homme, une confirmation objective de son intuition : la tristesse l'habitait. Cette tristesse cependant ne lui paraissait pas sans ressource, puisque Ulrich s'ouvrait à lui désormais et qu'il s'exprimait, somme toute assez librement, sur son attitude au bord de l'étang — Orme n'était pas un expert en psychologie, mais le cas lui paraissait tout de même loin d'être désespéré.

Il réfléchit quelques secondes. A écouter Ulrich, on eût presque cru qu'Orme était un ange de patience et de douceur. Cette pensée provoqua un rire fugitif chez le Coruscantien.

— T'es surtout tombé sur un de mes bons jours. Il parait que j'ai un caractère de cochon.

Caractère de cochon était sans doute une expression un peu faible pour rendre compte de ce qui se disait sur le jeune homme dans certaines discussions des supérieurs de l'Ordre qu'il avait pu fréquenté. Si une partie des Chevaliers se répandait en louanges sur ses aptitudes, l'autre émettait de sérieuses réserves sur son comportement et la bonne foi poussait Orme à reconnaître qu'elles étaient loin d'être toutes injustifiées.

Orme reprit un air un peu plus sérieux puis, après un moment d'hésitation, il abandonna le coussin de méditation pour venir s'asseoir en tailleur sur le lit, à côté d'Ulrich. Cette proximité physique était le geste le plus approchant d'une main sur l'épaule dont il fût capable.

— Quand on reçoit un tir de blaster au côté, notre instinct nous pousse à couvrir d'un bras notre blessure. Ca n'est pas très rationnel ; juste, on se recroqueville pour se protéger. Je suppose que lorsque l'on se sent blessés dans notre âme, on se recroqueville aussi, on essaye de laisser le moins d'ouvertures possibles pour que quelque chose d'autre, de l'extérieur, arrive.


Comme à son habitude, Orme s'exprimait plutôt par le détour des images, des comparaisons et des métaphores, plutôt que par l'analyse des concepts, un exercice un peu austère à son goût qu'il préférait réserver aux nécessités tactiques. Il lui avait toujours paru que les personnes méritaient plus de douceur que les combats et la même tendresse insouciante et peut-être un peu folle qui gouvernait à son mysticisme guidait sa relation avec les autres.

— Quand je vois quelqu'un dans la rue qui porte une armure, je me dis qu'il cherche à se protéger des coups de vibrolame, mais pas qu'il veut éviter les baisers. Parfois, on est trop habitués à porter l'armure et c'est difficile de s'en débarrasser. On ne sait plus très bien contre quoi on se protège. Mais si personne ne vient nous aider à retirer notre casque, on regardera toujours la vie comme on regarde les champs de bataille.

Par délicatesse, Orme développait l'image plutôt que son sens véritable. Il la jugeait suffisamment claire, sans doute : il avait vu Ulrich, il avait eu envie de lui parler et il n'avait pas jugé devoir prendre les rudesses du garçon particulièrement pour lui. Ce n'était pas plus compliqué que cela et, probablement, dans cette petite aventure, il ne se trouvait pas particulièrement de mérite.

— Je ne te trouve pas désagréable. Ou dingue. Seulement un peu trop jeune pour te promener en croiseur cuirassé. Du moins, pas tout le temps.

Orme bien sûr n'était pas le mieux placé pour donner des conseils — d'ailleurs, il n'en donnait pas. Il formulait des observations qui, d'une certaine façon, eussent fort bien pu s'appliquer à lui-même. Sans doute son armure était-elle bien différente de celle d'Ulrich, bien moins rude au premier abord, mais elle ne l'en dissimulait pas moins, par des détours de calme et de pudeur.
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Au cours de cette nuit pluvieuse, Orme laissa résonner des paroles dont je me souviendrai toujours. Retourné à ma place initiale, il m'avait ensuite rejoint, comme pour donner davantage de cachet à ses paroles. Comme pour les lier à moi. Tout au long de sa tirade, je faisais glisser l'un contre l'autre mon pouce et mon index, signe de mon malaise. J'essayais de me focaliser sur quelque chose. Il incarnait ce soir à mes yeux la vérité. La stricte vérité que personne ne s'aventurait à me dire. Lorsqu'il eut terminé, je demeurai muet.

Je n'aimais pas le contact physique avec autrui. Mais peut-être était-ce lié au fait que... Je n'aimais tout simplement pour ainsi dire, personne. En s'approchant de moi, Orme avait produit l'effet inverse. Je me sentais curieusement à l'aise, à ses côtés. Troublé, je ne savais pas comment répondre à sa gestuelle. Me coller à lui eût été vraiment étrange. Pourtant, je ne voulais en aucun cas m'éloigner. C'est pourquoi je restais statique. Après un temps, j'entrepris de lui répondre.

-T'es la seule personne qui ait trouvé les mots.

Je regardais au sol. Dans l'empressement, j'avais omis d'enfiler mes chaussettes, et visiblement, d'en fournir à Orme. Nos pieds nus, alignés, avaient quelque chose d'amusant. Ou de dérangeant. Je n'aurais su dire. Une vision se matérialisa dans mon esprit. Je voulais dormir aux côtés d'Orme. Au-delà de son charme naturel, je voulais partager plus avant, et de façon légitime, cette proximité. Me retrouver dans les bras d'autrui était une chose qui m'arrivait régulièrement. Mais là, les choses différaient. S'il m'arrivait de m'adonner aux plaisirs de la chair avec mes homologues de la haute bourgeoisie, j'avais pour Orme l'unique désir de me nicher contre son corps. Sentir sa chaleur. Celle d'un garçon qui avait su lire en moi comme dans un livre ouvert.

Je ravalai ces pensées, et me levai du lit, une bonne fois pour toutes. Nous avions prévus de passer une bonne soirée, avant toute chose.

-On pourrait esquiver le couvre-feu, et passer notre soirée à Iziz. Il y a un opéra, et je connais de bons restaurants.

J'observais de nouveau le visage d'Orme. Rares étaient ceux qui établissaient une telle profondeur dans la conversation. J'étais touché. C'était rare. Et ça me suffisait.
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Orme, pour sa part, se sentait terriblement ridicule. Il avait toujours trouvé ses métaphores un peu rustres, quoique efficaces, et cette fois-ci, il songeait qu'il s'était dépassé. Une armure, un croiseur cuirassé, c'était charmant, décidément ! Pourquoi ne parvenait-il jamais à parler de papillons en métamorphose et de fleurs en train d'éclore, comme tout le monde ? Il se trouvait décidément un bien cruel manque de style. Ce n'était pas faute de fréquenter les bons auteurs.

Le Padawan était à deux doigts d'interpréter le silence gêné d'Ulrich comme un signe de son incompétence littéraire. Ou bien peut-être avait-il encore manqué de tact, malgré ses détours imagés, et son camarade lui en voulait-il à présenter d'être revenu à la charge sur un sujet qu'il lui avait dit, quelques minutes plus tôt, vouloir à tout pris éviter. En somme, le Coruscantien s'attendait à être jeté hors de la chambre d'une seconde à l'autre.

Aussi la réponse de son camarade ne pût-elle que lui faire hausser les sourcils. C'était bien la première fois qu'on lui disait une chose pareille et, généralement, les gens essayaient plutôt de lui suggérer qu'il serait opportun de trouver d'autres mots, de mettre plus de formes dans ses déclarations, d'employer des comparaisons, sinon plus délicates, du moins plus clairement compréhensibles.

Orme était donc content. Non seulement le progrès pour lui était considérable, mais il estimait que s'il avait pu faire comprendre à Ulrich ce qu'il essayait de lui dire, alors sa déclaration, aussi maladroite fût-elle, ne serait pas entièrement inutile à son camarade. Un sourire innocemment satisfait se mit donc à flotter sur ses lèvres, alors qu'il était à mille lieues de partager les réflexions d'Ulrich qui, pour chastes qu'elles parussent à ce dernier, n'en eussent pas moins été fort intimidantes à ses yeux.

Il suivit du regard le jeune homme qui se relevait et la proposition d'Ulrich parut le faire hésiter quelques instants. Leurs conversations devaient avoir rendu évident que la perspective de violer le couvre-feu ne le dérangeait pas plus que cela. Cet obstacle levé, d'autres se présentaient à l'esprit du jeune homme, qui étaient bien plus considérables : d'abord, il était rentré parce que sa santé faisait des siennes et, ensuite, il était loin, très loin, d'avoir l'aisance financière de son camarade.

— C't'à dire...

Il passa la main dans ses cheveux. Il ne se sentait pas si mal en point que cela — évidemment, un jeune garçon ne se sent jamais trop mal pour faire des bêtises. Et la perspective de faire quelque chose avec Ulrich — n'importe quoi — lui paraissait ce soir plus engageante que de méditer dans sa chambre. Il avait passé sa journée à travailler : impossible d'avoir mauvaise conscience. Un détail de réglé.

— J'suis pas, j'ai pas...

Ses parents lui envoyaient de temps à autre un peu d'argent, se représentant sans doute le séjour au Temple Jedi comme une sorte de colonie de vacances. Orme, pour sa part, renvoyait l'argent à ses parents, n'ayant aucun vice dispendieux et aucun plaisir particulièrement raffiné. Ses parents lui renvoyaient à nouveau l'argent et les sommes de monnaie, d'ailleurs fort modestes, circulaient indéfiniment entre les comptes, perpétuellement vides.

Mais la question des ressources personnelles des Jedis ne se posaient que très rarement au sein du Temple et si certains, Padawans ou Chevaliers, tiraient une fierté évidente de leur appartenance à telle ou telle grande famille, les différences de fortune ne se faisaient guère sentir au cours de la vie fruste qui unissait de toute façon les membres de l'Ordre. Orme, d'ailleurs, n'y avait jamais été vraiment confronté.

— C'est sûrement beaucoup trop cher pour moi.

Il ne ressentait pas de honte particulière. S'il y avait bien un domaine qui ne le perturbait pas, c'était celui des possessions. Il n'avait pas d'argent, et puis voilà : un fait qui ne méritait guère de commentaires. Il se leva du lit et, sans laisser le loisir à Ulrich de répliquer, se mit aussitôt à réfléchir à voix haute à une autre activité, conscient malgré tout de priver son camarade d'un plaisir et soucieux de lui offrir une compensation, même modeste.

— Mais on peut, euh... Se promener ! Ou... Jouer au machin, là, avec les bidules. Non. Je sais ! On peut regarder l'Holonet. Ce soir, c'est la série avec... L'actrice super connue. Celle qui a un nez.

Très utile et très précis. D'un regard naïvement inquisiteur, Orme entreprit de sonder Ulrich, pour déterminer si l'une ou l'autre de ces propositions très vagues suscitait l'enthousiasme de son compagnon — ne songeant pas une seule seconde qu'Ulrich avait peut-être les moyens et l'envie de l'inviter à l'opéra (d'ailleurs, il ne savait pas précisément ce qu'était et combien coûtait l'opéra) ou au restaurant.
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Orme était tombé dans un profond malaise, à l'instant où j'avais évoqué les possibilités de s'évader le temps d'une nuit, sur les effluves musicales d'un opéra. Pour le moins, je m'étais rapidement rendu compte que nos niveaux de vie différaient. Chose étrange, il pensait que j'allais lui laisser payer sa part, si nous sortions dans les belles places d'Iziz. Je ne connaissais pas la difficulté financière. Un bienfait, que je devais à l'héritage de ma mère, mais au travail acharné auquel je m'adonnais pour faire gonfler mon capital. Une passion qui me prenait bien du temps. Je disposais d'investissements sur les secteurs les plus florissants. J'achetais. Je vendais. Comme un guerrier jedi se retrouvait dans la défense de la veuve et de l'orphelin, l'excitation tenait lieu pour moi à la conquête financière.

J'esquissai un léger sourire, lorsqu'Orme essaya de me convaincre, en lançant pêle-mêle des idées, prétextes à ne pas sortir.

-C'est vrai que l'émission de l'actrice qui a un nez doit être assez hors du commun, lançai-je d'une voix amusée. Si je te propose de sortir, il est bien évident que je t'inviterai.

La touchante candeur d'Orme, ajoutée à la finesse de ses propos, et la sagesse de sa clairvoyance, faisaient de lui une personne que je ne voulais pas laisser sur mon chemin. C'était étrange. J'avais fait sa connaissance à peine quelques heures plus tôt, et il me paraissait que nous avions d'ores et déjà fait un immense pas, l'un vers l'autre. Pourtant, j'étais de ceux qui éprouvaient une effroyable difficulté à s'attacher à leur entourage. Mais Orme était clairement différent. L'espace d'un instant, je visualisai mes projets. Mon départ. Ce qui serait vu comme une trahison, par l'Ordre Jedi. J'avais maintenant envie de repousser ce moment. L'écoulement du temps... L'éphémère... Je repensais aux paroles du garçon. Selon lui, ses jours étaient comptés. Son état de santé l'avait mené à saigner abondamment. Il m'avait parlé de possibles évanouissements. La tête alourdie, je passai ma main sur ma tempe, pour la caresser un instant durant.

-Excuse-moi. L'alcool me fait oublier l'essentiel. Tu n'allais pas très bien, ce soir... On devrait peut-être faire un truc plus tranquille. Et si tu as besoin de repos, va dormir. On pourra toujours remettre ça à une prochaine fois.

À contrecœur, j'adoptais l'attitude qui me paraissait la plus bienveillante à l'égard de mon hôte. J'avais le désir de rester avec lui. Que nous soyons à l'opéra, ou devant l'holonet à regarder de l'holomerde, je savais que je passerai une bonne soirée à ses côtés. S'il m'abandonnait, j'allais me sentir terriblement frustré. Mais ma dignité me pousserait à ne rien en montrer. Mon regard interrogateur scrutait ses yeux. Ses réactions ne m'échapperaient pas, et je ne voulais pas qu'il se force à faire quoi que ce soit pour me faire plaisir.
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Bon, Orme n'était peut-être pas très doué pour trouver des distractions à l'intérieur du Temple. Après tout, il passait le plus clair de son temps au sein des murs à s'exercer, d'une manière ou d'une autre, et il préférait de loin les aventures à l'holonet. Rester coincé entre quatre murs sans pouvoir ni s'entraîner, ni étudier, ni méditer, ni dormir, était une situation relativement nouvelle, qui exigeait de lui de nouvelles ressources d'imagination.

Le jeune homme esquissa une moue faussement boudeuse quand Ulrich entame l'éloge ironique de l'actrice au nez. Orme n'avait déjà pas une idée très nette de qui dirigeait quelle planète, alors connaître en détail l'identité des stars de l'Holonet n'était certes pas dans ses codes. Heureusement pour lui, il ne vivait pas dans une école normale entouré d'adolescents traditionnels : son inculture flagrante dans les domaines clefs de la vie des jeunes gens deviendrait vite un handicap.

— Toutes les actrices n'ont pas d'nez, j'te signale. Il y a...

Il chercha désespérément une race dépourvue de nez — les Hutts — et plus désespérément encore une actrice de la race en question. Mais l'exemple, qui eût été difficile trouver pour n'importe qui d'autre, relevait pour lui de l'impossible et, au bout de quelques secondes, il abandonna la lutte avec sa propre mémoire, haussa les épaules et se drapa d'une dignité factice, non sans conserver au fond de lui la conviction bien réelle qu'il devait y avoir, quelque part, des comédiennes sans appendice nasal.

Son air espiègle s'effaça un peu quand Ulrich aborda un sujet plus sérieux. La sollicitude de son camarade le touchait et elle amenait au devant de sa conscience des aspects de la situation qu'il s'escrimait, pour sa part, à négliger. D'ordinaire, sa maladie n'était pas un si grand handicap : au Temple, il pouvait toujours se ressourcer dans la méditation et en mission, la Force, ou peut-être simplement l'adrénaline, le soutenait le temps d'accomplir les tâches nécessaires, et il retrouvait en rentrant les Guérisseurs.

Une chose était certaine, il n'avait pas envie de dormir. Ulrich venait de laisser tomber sa carapace pour lui et Orme avait bien conscience de l'effort que cela représentait pour son camarade — de l'occasion qu'il y avait là pour lui. Il ne comptait pas la laisser passer. A nouveau, le jeune homme sonda son propre corps, à la recherche d'un signe, de solidité ou de faiblesse, qui lui suggérerait comment se comporter.

— Non. C'est bon. Ca va aller.

Il avait dit cela d'un ton décidé et levé vers Ulrich un regard déterminé qui ne souffrait pas la discussion. Ses airs angéliques ne rendaient pas toujours aisée l'affirmation de soi, mais ce que la délicatesse de ses traits menaçait, la force de son regard suffisait en général à le soutenir.

— Les speeders sont pas spécialement surveillés. Je crois que le Conseil a abandonné l'idée d'essayer de retenir les Padawans.

Maintenant que tous les obstacles étaient levés — car Orme ne semblait pas désirer repousser l'invitation de son camarade par une quelconque fausse pudeur financière — le jeune homme envisageait d'un oeil pragmatique les détails de l'opération, avec une assurance qui témoignait que, comme de nombreux Padawans d'ailleurs, ce n'était pas la première fois qu'il partait visiter Iziz la nuit.

Il jeta un coup d'oeil par la vitre.

— J'vais juste... Passer par ma chambre. Et j'te rejoins au hangar.

Oui, parce que, opéra ou pas, il ne comptait pas sortir avec des vêtements qui n'étaient pas à lui. S'il appréciait l'hospitalité d'Ulrich à sa juste valeur en la matière, il savait pertinemment que son petit esprit turbulent ne le laisserait pas tranquille s'il s'aventurait dans les rues dans une tenue qu'il n'avait pas apprivoisée par l'habitude — et pour que la soirée fût parfaite, il tenait à être tout à fait à son aise.

— Ca marche ?

Ulrich n'était pas le seul à fournir des efforts pour que leur rencontre fonctionnât. Orme prenait la peine de demander son avis à son interlocuteur avant de l'entraîner dans la suite d'événements qu'il avait prévue — d'ordinaire, il fût parti comme un tourbillon, sans laisser au Padawan le loisir de modifier le moindre de détail de ce qu'il avait réglé d'avance. Un ange peut-être, mais un ange un peu autoritaire.

Mais ce soir-là, Orme avait le sentiment confus qu'il fallait un peu s'amender et se montrer plus sociable. Il lui devait bien cela.
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