Invité
# Sur l'onde et sous les cieux [PV : Ulrich] - Jeu 23 Fév 2012 - 18:05
Un soleil radieux s’élevait sur le Temple Jedi ; c’était ce qui ne pouvait pas manquer de réjouir les Padawans et d’irriter les Maîtres : quand le parc offrait aux jeunes esprits des heures de vagabondage pleines de saveurs, il était souvent bien difficile d’accaparer l’attention de son jeune apprenti dans un entraînement austère et exigeant. Les jours de pluie, l’étude était souvent plus facile.
Chaque Maître développait sa propre stratégie pour concurrencer les charmes trop attirants de la douceur de vivre : il y avait ceux qui entraînaient leur Padawan dans une promenade méditative le long des allées du Parc, pour communier avec la Nature au risque de les faire bailler d’ennui, ceux qui décidaient d’exploiter cette juvénile énergie pour un parcours du combattant et ceux enfin qui, parfaitement insensibles aux fluctuations météorologiques, conservaient leur imperturbable train-train quotidien.
Ce jour-là, Orme était livré à lui-même cependant. Son Maître, Arhm’Yla Brano, une Twi’Lek d’un âge déjà avancé dont on vantait les talents de diplomate, avait été envoyée par le Conseil dans une mission qui avait été jugée ou trop dangereuse ou trop secrète pour que son Padawan l’accompagnât. Avec un peu de paranoïa, Orme soupçonnait qu’il avait été évincé pour des raisons qui tenaient beaucoup plus à sa réputation désastreuse qu’au contenu objectif de la mission.
Naturellement, il s’était plaint, il avait protesté, il avait exprimé son avis dans les termes les plus variés et, parfois, les plus colorés. Arhm’Yla lui avait suggéré, avec son flegme habituel, d’employer utilement le temps qui s’offrirait ainsi en lui en de profitables méditations, dans lesquelles il ne pouvait manquer de trouver un apaisement à sa colère et à sa frustration. L’affaire, de toute façon, était entendue et il n’y pouvait rien.
Son Maître était partie la veille au soir et Orme s’était levé de bon matin, bien décidé à mettre en pratique les conseils qu’il avait pourtant mis un point d’honneur à recevoir avec une moue boudeuse. La Jedi Brano avait appris à ne pas se fier aux allures perpétuellement rebelles de son Padawan et elle savait pertinemment que les suggestions d’exercices n’étaient jamais vaines : c’était donc en toute confiance qu’elle avait laissé Orme s’occuper de soi-même.
La matinée se passa donc en une longue méditation, suivie de plusieurs heures d’études et, sous des dehors impétueux, Orme apportait une fois de plus la preuve que, par bien des côtés, il était un Padawan fort austère, attaché au calme et au savoir. S’il y avait bien des gens qui ne se plaignaient jamais de lui (et ils étaient peut-être les seuls), c’était les Archivistes et les Bibliothécaires de l’Ordre.
Les premières chaleurs de l’après-midi avaient été accueillies par une session d’entraînement au sabre laser : Orme poursuivait sa découverte de l’Ataru avec une ferveur presque obsessionnelle, tant il était convaincu que cette forme était le reflet exact de sa personnalité et de ses dispositions physiques. Son agilité l’y prédisposait naturellement et c’était un aspect que son Maître n’avait certes pas négligé de cultiver.
En somme, sa journée se trouvait loin d’avoir été oisive lorsque, vers la fin de l’après-midi, après s’être rafraîchi de ses efforts, le Padawan décida de profiter enfin de la quiétude d’une si belle journée pour se promener à l’extérieur et laissa décanter, dans son esprit comme dans son corps, les fruits d’une longue journée de méditation, d’étude et d’entraînement. Il revêtit rapidement son habituelle tenue blanche, délaissant pour une fois un manteau que la chaleur rendait parfaitement inutile, ceignit son sabre laser et prit la direction de la sortie.
Il avait plus de goût pour la jungle d’Iziz, qui entourait la cité et le temple, que pour le Parc lui-même, auquel il trouvait un aspect trop domestiqué, trop géométrique, qui heurtait quelque peu sa sensibilité esthétique. Sans doute également désirait-il profiter d’une relative solitude, qui lui eût été difficilement offerte par les allées et venues continuelles des Padawans dans les allées aménagées autour du Temple.
Pour peu que l’on ne s’écartât point trop des voies principales, la Jungle ne présentait guère de danger et, du reste, les alentours immédiats du Temple étaient familiers tant des Padawans que de leurs Maîtres : on y trouvait des perspectives reposantes, un foisonnement de végétation surprenant, tout un paysage qui charmait d’autant plus Orme qu’il avait grandi dans les rigueurs citadines de la gigantesque Coruscant.
Il ne tarda pas à s’éloigner de la route principale pour s’enfoncer entre les arbres et rejoindre, par un chemin à demi-frayé, une petite étendue d’eau qu’il connaissait dans les environs et dont il espérait qu’elle ne serait pas, ce jour-là, très fréquentée. Il lui fallut un petit quart d’heure pour atteindre cette sorte d’étang et constater, avec satisfaction, que ses vœux étaient exaucés : l’endroit se trouvait désert.
Orme s’assit sur un rocher qui surplombait un peu l’étang et, en tailleur, il se mit à observer l’eau, qu’une brise très légère agitait presque insensiblement. Le jeune home laissait errer ses pensées et, comme bien souvent dans une semblable solitude, il sentait une vague mélancolie l’envahir, un sentiment diffus de solitude, qui, douloureux au fond sans doute, n’était pas sans avoir quelque chose, parfois, de presque agréable.
Chaque Maître développait sa propre stratégie pour concurrencer les charmes trop attirants de la douceur de vivre : il y avait ceux qui entraînaient leur Padawan dans une promenade méditative le long des allées du Parc, pour communier avec la Nature au risque de les faire bailler d’ennui, ceux qui décidaient d’exploiter cette juvénile énergie pour un parcours du combattant et ceux enfin qui, parfaitement insensibles aux fluctuations météorologiques, conservaient leur imperturbable train-train quotidien.
Ce jour-là, Orme était livré à lui-même cependant. Son Maître, Arhm’Yla Brano, une Twi’Lek d’un âge déjà avancé dont on vantait les talents de diplomate, avait été envoyée par le Conseil dans une mission qui avait été jugée ou trop dangereuse ou trop secrète pour que son Padawan l’accompagnât. Avec un peu de paranoïa, Orme soupçonnait qu’il avait été évincé pour des raisons qui tenaient beaucoup plus à sa réputation désastreuse qu’au contenu objectif de la mission.
Naturellement, il s’était plaint, il avait protesté, il avait exprimé son avis dans les termes les plus variés et, parfois, les plus colorés. Arhm’Yla lui avait suggéré, avec son flegme habituel, d’employer utilement le temps qui s’offrirait ainsi en lui en de profitables méditations, dans lesquelles il ne pouvait manquer de trouver un apaisement à sa colère et à sa frustration. L’affaire, de toute façon, était entendue et il n’y pouvait rien.
Son Maître était partie la veille au soir et Orme s’était levé de bon matin, bien décidé à mettre en pratique les conseils qu’il avait pourtant mis un point d’honneur à recevoir avec une moue boudeuse. La Jedi Brano avait appris à ne pas se fier aux allures perpétuellement rebelles de son Padawan et elle savait pertinemment que les suggestions d’exercices n’étaient jamais vaines : c’était donc en toute confiance qu’elle avait laissé Orme s’occuper de soi-même.
La matinée se passa donc en une longue méditation, suivie de plusieurs heures d’études et, sous des dehors impétueux, Orme apportait une fois de plus la preuve que, par bien des côtés, il était un Padawan fort austère, attaché au calme et au savoir. S’il y avait bien des gens qui ne se plaignaient jamais de lui (et ils étaient peut-être les seuls), c’était les Archivistes et les Bibliothécaires de l’Ordre.
Les premières chaleurs de l’après-midi avaient été accueillies par une session d’entraînement au sabre laser : Orme poursuivait sa découverte de l’Ataru avec une ferveur presque obsessionnelle, tant il était convaincu que cette forme était le reflet exact de sa personnalité et de ses dispositions physiques. Son agilité l’y prédisposait naturellement et c’était un aspect que son Maître n’avait certes pas négligé de cultiver.
En somme, sa journée se trouvait loin d’avoir été oisive lorsque, vers la fin de l’après-midi, après s’être rafraîchi de ses efforts, le Padawan décida de profiter enfin de la quiétude d’une si belle journée pour se promener à l’extérieur et laissa décanter, dans son esprit comme dans son corps, les fruits d’une longue journée de méditation, d’étude et d’entraînement. Il revêtit rapidement son habituelle tenue blanche, délaissant pour une fois un manteau que la chaleur rendait parfaitement inutile, ceignit son sabre laser et prit la direction de la sortie.
Il avait plus de goût pour la jungle d’Iziz, qui entourait la cité et le temple, que pour le Parc lui-même, auquel il trouvait un aspect trop domestiqué, trop géométrique, qui heurtait quelque peu sa sensibilité esthétique. Sans doute également désirait-il profiter d’une relative solitude, qui lui eût été difficilement offerte par les allées et venues continuelles des Padawans dans les allées aménagées autour du Temple.
Pour peu que l’on ne s’écartât point trop des voies principales, la Jungle ne présentait guère de danger et, du reste, les alentours immédiats du Temple étaient familiers tant des Padawans que de leurs Maîtres : on y trouvait des perspectives reposantes, un foisonnement de végétation surprenant, tout un paysage qui charmait d’autant plus Orme qu’il avait grandi dans les rigueurs citadines de la gigantesque Coruscant.
Il ne tarda pas à s’éloigner de la route principale pour s’enfoncer entre les arbres et rejoindre, par un chemin à demi-frayé, une petite étendue d’eau qu’il connaissait dans les environs et dont il espérait qu’elle ne serait pas, ce jour-là, très fréquentée. Il lui fallut un petit quart d’heure pour atteindre cette sorte d’étang et constater, avec satisfaction, que ses vœux étaient exaucés : l’endroit se trouvait désert.
Orme s’assit sur un rocher qui surplombait un peu l’étang et, en tailleur, il se mit à observer l’eau, qu’une brise très légère agitait presque insensiblement. Le jeune home laissait errer ses pensées et, comme bien souvent dans une semblable solitude, il sentait une vague mélancolie l’envahir, un sentiment diffus de solitude, qui, douloureux au fond sans doute, n’était pas sans avoir quelque chose, parfois, de presque agréable.
Invité
# Re: Sur l'onde et sous les cieux [PV : Ulrich] - Ven 24 Fév 2012 - 3:04
Je venais de quitter mon nouveau maître. Dès la première rencontre, il m'avait imposé une joute sans merci. La rencontre avait été... intéressante. Intrigué par son esprit tacticien, j'appréciais avoir eu affaire à un homme de cette trempe. Les muscles encore endoloris par l'épreuve, je flânais au-devant du temple Jedi. Toujours chaussé par mes bottines de combat, j'arpentais lentement les marches de l'escalier principal.
Ma main se glissa dans la poche arrière de mon pantalon cintré, pour y vérifier la présence de mes cigarettes. Je m'étais changé, avant de partir pour la jungle d'Iziz. Les lois Jedi exposaient que quiconque s'attache à un bien matériel était voué à sombrer. Un sourire se dessina sur mon visage. J'avais alors donc bien peu d'avenir dans cette institution. De nouveaux, quelques pensées pour Vel apparurent dans mon esprit. La belle Mirialan avait laissé dans ma mémoire une trace indélébile.
Tout était si confus... Cette haine pour l'Ordre m'obnubilait. Et pourtant, j'étais encore là. Les plaies du passé refaisaient surface. Non. Il fallait les maintenir éloignées. Les chasser. Les enterrer, une nouvelle fois. Je ne me reconnaissais pas dans ces valeurs obsolètes, ces pensées archaïques et ces dogmes erronés. Purifier mon âme dans une manne cristalline, dont moi seul avait le secret... C'était à cela, que me guidaient mes pas. Je pénétrai alors dans l'épaisse végétation. Consigné pour les jours suivants dans les alentours du temple, j'étais dévoré par l'envie de passer une après-midi divine, me prélassant sur les rives du lac d'Aldera, fouetté par un vent rafraîchissant. Au lieu de cela, mes pieds soulevaient des monceaux de terre, et la chaleur mordante de cet après-midi me tiraillait.
Toujours plongé dans mes pensées, je ralliais peu à peu le réceptacle de mon paradis artificiel. Ce monde m'apparaissait si terne... La luxuriante jungle me semblait si étrangère. Les vieux maîtres aux préceptes idiots auraient nommés cela: "Harmonie." Au fond, c'était peut-être vrai. Mais cela ne changeait en rien ma morosité. J'atteins alors l'objet de mon parcours. Je soulevai quelques feuillages... Parfait. Le coffre était toujours là. Ma main se posa sur son couvercle froid. Après l'avoir ouvert, mon regard s'émerveilla. La batterie du frigidaire fonctionnel était encore opérationnelle. Ma main fouilla parmi les glaçons ronds comme des billes, et empoigna l'objet de toutes mes convoitises. Me hâtant de refermer la boîte de Pandore, je pris alors un autre chemin, ayant connaissance d'un étang serein, au bord duquel j'allais pouvoir, en toute quiétude, me délecter de l'édénique spiritueux.
De façon quasi-extatique, j'allai noyer les maux obscurs dans les flots de ce douze ans d'âge. À mon arrivée, mauvaise surprise. Le chemin que j'avais suivi me porta à quelques mètres d'un jeune homme, les yeux rivés vers les ondes de l'étendue d'eau. Perdu pour perdu, j'avais décidé de profiter de mon acquisition dans l'endroit le plus calme de cette jungle, aussi sauvage que déplaisante. Mais visiblement, même ici, il était impossible de ne pas être importuné par la présence d'autrui.
J'avais besoin d'être seul avec ma propre conscience. Dissiper cette marée de chagrin qui montait en moi. Imperturbable, je m'assis sur un rocher à proximité du padawan, sans vraiment faire attention à lui. Probablement un amoureux de la nature. J'entrepris alors de m'allumer une sempiternelle cigarette, à défaut de me faire griller ma journée. La courtoisie eut pour exigence que je salue l'étranger. Mais ce jour-ci, le cœur n'y était pas. Je portai à mes lèvres le divin nectar, et en bu quelques gorgées. Avec un peu de chance, la fumée lui caresserait les narines, et qui sait, en y voyant là une quelconque inconvenance, il partirait. S'il savait que chaque lampée de cette bouteille valait le plus délicieux instant d'une vie, peut-être changerait-il d'avis. Mais qu'importe. S'il restait, mon indifférence finirait bien par le lasser.
Au creux de mes lèvres, et au fond de ma gorge, s'infiltraient les objets de tendre destruction qui m'animaient.
Ma main se glissa dans la poche arrière de mon pantalon cintré, pour y vérifier la présence de mes cigarettes. Je m'étais changé, avant de partir pour la jungle d'Iziz. Les lois Jedi exposaient que quiconque s'attache à un bien matériel était voué à sombrer. Un sourire se dessina sur mon visage. J'avais alors donc bien peu d'avenir dans cette institution. De nouveaux, quelques pensées pour Vel apparurent dans mon esprit. La belle Mirialan avait laissé dans ma mémoire une trace indélébile.
Tout était si confus... Cette haine pour l'Ordre m'obnubilait. Et pourtant, j'étais encore là. Les plaies du passé refaisaient surface. Non. Il fallait les maintenir éloignées. Les chasser. Les enterrer, une nouvelle fois. Je ne me reconnaissais pas dans ces valeurs obsolètes, ces pensées archaïques et ces dogmes erronés. Purifier mon âme dans une manne cristalline, dont moi seul avait le secret... C'était à cela, que me guidaient mes pas. Je pénétrai alors dans l'épaisse végétation. Consigné pour les jours suivants dans les alentours du temple, j'étais dévoré par l'envie de passer une après-midi divine, me prélassant sur les rives du lac d'Aldera, fouetté par un vent rafraîchissant. Au lieu de cela, mes pieds soulevaient des monceaux de terre, et la chaleur mordante de cet après-midi me tiraillait.
Toujours plongé dans mes pensées, je ralliais peu à peu le réceptacle de mon paradis artificiel. Ce monde m'apparaissait si terne... La luxuriante jungle me semblait si étrangère. Les vieux maîtres aux préceptes idiots auraient nommés cela: "Harmonie." Au fond, c'était peut-être vrai. Mais cela ne changeait en rien ma morosité. J'atteins alors l'objet de mon parcours. Je soulevai quelques feuillages... Parfait. Le coffre était toujours là. Ma main se posa sur son couvercle froid. Après l'avoir ouvert, mon regard s'émerveilla. La batterie du frigidaire fonctionnel était encore opérationnelle. Ma main fouilla parmi les glaçons ronds comme des billes, et empoigna l'objet de toutes mes convoitises. Me hâtant de refermer la boîte de Pandore, je pris alors un autre chemin, ayant connaissance d'un étang serein, au bord duquel j'allais pouvoir, en toute quiétude, me délecter de l'édénique spiritueux.
De façon quasi-extatique, j'allai noyer les maux obscurs dans les flots de ce douze ans d'âge. À mon arrivée, mauvaise surprise. Le chemin que j'avais suivi me porta à quelques mètres d'un jeune homme, les yeux rivés vers les ondes de l'étendue d'eau. Perdu pour perdu, j'avais décidé de profiter de mon acquisition dans l'endroit le plus calme de cette jungle, aussi sauvage que déplaisante. Mais visiblement, même ici, il était impossible de ne pas être importuné par la présence d'autrui.
J'avais besoin d'être seul avec ma propre conscience. Dissiper cette marée de chagrin qui montait en moi. Imperturbable, je m'assis sur un rocher à proximité du padawan, sans vraiment faire attention à lui. Probablement un amoureux de la nature. J'entrepris alors de m'allumer une sempiternelle cigarette, à défaut de me faire griller ma journée. La courtoisie eut pour exigence que je salue l'étranger. Mais ce jour-ci, le cœur n'y était pas. Je portai à mes lèvres le divin nectar, et en bu quelques gorgées. Avec un peu de chance, la fumée lui caresserait les narines, et qui sait, en y voyant là une quelconque inconvenance, il partirait. S'il savait que chaque lampée de cette bouteille valait le plus délicieux instant d'une vie, peut-être changerait-il d'avis. Mais qu'importe. S'il restait, mon indifférence finirait bien par le lasser.
Au creux de mes lèvres, et au fond de ma gorge, s'infiltraient les objets de tendre destruction qui m'animaient.
Invité
# Re: Sur l'onde et sous les cieux [PV : Ulrich] - Ven 24 Fév 2012 - 23:06
A mesure que les secondes passaient, l’esprit d’Orme divaguait plus librement au gré de ses pensées et bientôt le jeune Jedi ressentit cette sensation familière aux membres de l’Ordre les plus méditatifs de se retrouver plongés comme malgré eux dans une contemplation spirituelle de la Force. Ces instants entre méditation à proprement parler et simple rêverie avaient toujours été, aux yeux d’Orme, parmi les plus délicieux.
Cette propension de son Padawan à se perdre dans la Force, son calme studieux, avait longtemps conduit le Maître d’Orme à penser que, malgré les prises de position tranchées et le caractère indomptable du jeune homme, le rôle de Consulaire Jedi lui irait à merveille. Son style de combat lui-même, tout en délicatesse et en subtilités, paraissait indiquer chez lui les qualités indispensables à tout bon négociateur.
Ainsi cela n’avait-il pas été sans surprise qu’elle avait accueillie, lorsqu’il avait décidé de reforger son sabre laser perdu, sa décision d’adopter une lame jaune, symbole des Sentinelles. Bien peu de ceux qui connaissaient Orme étaient disposés à voir en lui l’un de ces remparts contre le Côté Obscur ; mais la conviction de l’adolescent avait été forte et son Maître avait choisi de ne pas s’y opposer.
Sans doute sa fondamentale neutralité à l'égard des Côtés de la Force ne faisait-elle pas d'Orme un fanatique, comme l'étaient parfois les Sentinelles, mais il n'en était pas moins, jusqu'à lors, parfaitement indifférent aux tentations du Côté Obscur et très loin de cultiver dans les profondeurs de son être les ambitions démesurées qu'on lui prêtait volontiers. Patience et pondération le définissaient beaucoup plus que l'on voulait bien le croire.
Peut-être était-ce cette sensibilité naissante de Sentinelle qui éveilla son esprit à la présence de l'étranger tourmenté ; peut-être les gestes d'Ulrich perturbaient-ils simplement une méditation involontaire, qui n'avait rien de l'impassibilité marmoréenne des véritables transes. Toujours était-il qu'Orme commençait à reprendre lentement contact avec son environnement immédiat, d'une manière beaucoup plus sensorielle que spirituelle.
Lentement, ses yeux se détournèrent des mouvements infimes de l'eau à la surface de l'étang pour se poser sur son compagnon de fortune. Il observa silencieusement, de ces grands yeux bruns, calmes et réfléchis qu'il posait sur toute chose, et tâcha de se rappeler s'il l'avait déjà croisé. Le Temple était vaste, les Padawans allaient et venaient au gré des missions de leurs Maîtres et il était difficile de connaître tout le monde.
Après quelques secondes de réflexion, Orme fut certain que ce visage, s'il n'était peut-être pas tout à fait nouveau pour lui, ne lui était pas des plus familiers et son attention dériva sur les objets, eux fort inhabituels, que manipulaient son camarade. De l'alcool. Des cigarettes. Deux choses qu'on ne voyait pas souvent dans l'enceinte du Temple et pour cause, elles se mariaient mal aux préceptes de tempérance de l'Ordre.
Orme, qui était à peu près aussi connu pour l'austérité de ses moeurs que pour l'impétuosité de son caractère, était le dernier à songer à remettre en cause ces préceptes particuliers. A ses yeux, la clairvoyance était la maîtresse qualité d'un Jedi et les spiritueux, comme les drogues les plus douces, ne pouvaient que troubler le jugement. Cependant, il n'avait pas l'âme prosélyte d'un rigoriste et il ne songeait point à convertir à sa vie saine son camarade.
Toutefois, il bondit avec une souplesse remarquable de son rocher pour atterrir sur le sol et fit quelques pas pour se rapprocher du rocher de l'autre Padawan, sur lequel il monta d'un nouveau bond, pour s'asseoir en tailleur, à une distance raisonnable de son condisciple. Pas besoin d'être devin pour supposer qu'Ulrich n'était pas venu ici pour chercher un peu de compagnie. Pas besoin d'être un devin non plus pour deviner qu'Orme n'était pas disposé à le laisser se morfondre tout seul.
Le jeune homme s'empara d'un caillou plat et, d'un geste habile du poignet, l'envoya sur l'étang faire deux ou trois ricochets, avant de se perdre dans les modestes profondeurs de l'étendue d'eau. Puis, avec un geste léger de la main, il souleva par télékinésie un autre petite pierre, assez semblable à la première, et la fit doucement flotter vers son camarade.
Cette propension de son Padawan à se perdre dans la Force, son calme studieux, avait longtemps conduit le Maître d’Orme à penser que, malgré les prises de position tranchées et le caractère indomptable du jeune homme, le rôle de Consulaire Jedi lui irait à merveille. Son style de combat lui-même, tout en délicatesse et en subtilités, paraissait indiquer chez lui les qualités indispensables à tout bon négociateur.
Ainsi cela n’avait-il pas été sans surprise qu’elle avait accueillie, lorsqu’il avait décidé de reforger son sabre laser perdu, sa décision d’adopter une lame jaune, symbole des Sentinelles. Bien peu de ceux qui connaissaient Orme étaient disposés à voir en lui l’un de ces remparts contre le Côté Obscur ; mais la conviction de l’adolescent avait été forte et son Maître avait choisi de ne pas s’y opposer.
Sans doute sa fondamentale neutralité à l'égard des Côtés de la Force ne faisait-elle pas d'Orme un fanatique, comme l'étaient parfois les Sentinelles, mais il n'en était pas moins, jusqu'à lors, parfaitement indifférent aux tentations du Côté Obscur et très loin de cultiver dans les profondeurs de son être les ambitions démesurées qu'on lui prêtait volontiers. Patience et pondération le définissaient beaucoup plus que l'on voulait bien le croire.
Peut-être était-ce cette sensibilité naissante de Sentinelle qui éveilla son esprit à la présence de l'étranger tourmenté ; peut-être les gestes d'Ulrich perturbaient-ils simplement une méditation involontaire, qui n'avait rien de l'impassibilité marmoréenne des véritables transes. Toujours était-il qu'Orme commençait à reprendre lentement contact avec son environnement immédiat, d'une manière beaucoup plus sensorielle que spirituelle.
Lentement, ses yeux se détournèrent des mouvements infimes de l'eau à la surface de l'étang pour se poser sur son compagnon de fortune. Il observa silencieusement, de ces grands yeux bruns, calmes et réfléchis qu'il posait sur toute chose, et tâcha de se rappeler s'il l'avait déjà croisé. Le Temple était vaste, les Padawans allaient et venaient au gré des missions de leurs Maîtres et il était difficile de connaître tout le monde.
Après quelques secondes de réflexion, Orme fut certain que ce visage, s'il n'était peut-être pas tout à fait nouveau pour lui, ne lui était pas des plus familiers et son attention dériva sur les objets, eux fort inhabituels, que manipulaient son camarade. De l'alcool. Des cigarettes. Deux choses qu'on ne voyait pas souvent dans l'enceinte du Temple et pour cause, elles se mariaient mal aux préceptes de tempérance de l'Ordre.
Orme, qui était à peu près aussi connu pour l'austérité de ses moeurs que pour l'impétuosité de son caractère, était le dernier à songer à remettre en cause ces préceptes particuliers. A ses yeux, la clairvoyance était la maîtresse qualité d'un Jedi et les spiritueux, comme les drogues les plus douces, ne pouvaient que troubler le jugement. Cependant, il n'avait pas l'âme prosélyte d'un rigoriste et il ne songeait point à convertir à sa vie saine son camarade.
Toutefois, il bondit avec une souplesse remarquable de son rocher pour atterrir sur le sol et fit quelques pas pour se rapprocher du rocher de l'autre Padawan, sur lequel il monta d'un nouveau bond, pour s'asseoir en tailleur, à une distance raisonnable de son condisciple. Pas besoin d'être devin pour supposer qu'Ulrich n'était pas venu ici pour chercher un peu de compagnie. Pas besoin d'être un devin non plus pour deviner qu'Orme n'était pas disposé à le laisser se morfondre tout seul.
Le jeune homme s'empara d'un caillou plat et, d'un geste habile du poignet, l'envoya sur l'étang faire deux ou trois ricochets, avant de se perdre dans les modestes profondeurs de l'étendue d'eau. Puis, avec un geste léger de la main, il souleva par télékinésie un autre petite pierre, assez semblable à la première, et la fit doucement flotter vers son camarade.
Invité
# Re: Sur l'onde et sous les cieux [PV : Ulrich] - Dim 26 Fév 2012 - 17:15
Toujours insouciant de la présence de mon voisin, je sombrais dans les limbes carcérales de mon esprit tortionnaire. Le goût métallique de mes cigarettes, lié à la douceur du spiritueux que j'avalais, s'homogénéisait en toute quiétude avec l'environnement, d'un calme profond. Je perçus alors que le padawan, jusqu'alors comme plongé dans une transe méditative, posait un regard analytique sur ma personne. Mon air neutre me valut de ne pas être abordé par le jeune homme. Cette aphonie me réjouissait. Il bondit alors agilement vers moi. La fumée de ma cigarette ne semblait le déranger en aucune mesure. Alors trop près de moi à mon goût, il ne paraissait néanmoins en rien stupéfait que je m'adonne aux éternelles joies des ivresses.
Tant mieux. Sa présence ne serait pas inconvenante. Il se saisit d'un caillou plat, et, d'un habile mouvement de poignet, le fit ricocher trois fois sur les ondes fraîches de la jungle. Mes yeux s'étaient portés sur les rebonds du galet, et les fluctuations aqueuses qu'il avait laissé dans son sillage. Par la force de son esprit, il en fit léviter un devant moi. Je voyais davantage cela comme une invitation pour esquiver l'ennui, plutôt qu'un duel puéril. Je saisis alors le caillou. Il fusa vivement en direction de l'eau. Impact. Il plongea dans les profondeurs de l'étang, dans un clapotis sourd. Le regard, toujours rivé sur l'étendue d'eau, j'affichai un léger sourire.
-Je n'ai jamais été très doué à ce jeu là.
Le visage de mon interlocuteur m'était toujours inconnu. Et pour le moment, je m'en moquais.
Une bourrasque amena à mes narines l'odeur pestilentielle de cette forêt humide, et la fourrure de mon col entama une valse à trois temps, pour mieux tuer le temps.
Tant mieux. Sa présence ne serait pas inconvenante. Il se saisit d'un caillou plat, et, d'un habile mouvement de poignet, le fit ricocher trois fois sur les ondes fraîches de la jungle. Mes yeux s'étaient portés sur les rebonds du galet, et les fluctuations aqueuses qu'il avait laissé dans son sillage. Par la force de son esprit, il en fit léviter un devant moi. Je voyais davantage cela comme une invitation pour esquiver l'ennui, plutôt qu'un duel puéril. Je saisis alors le caillou. Il fusa vivement en direction de l'eau. Impact. Il plongea dans les profondeurs de l'étang, dans un clapotis sourd. Le regard, toujours rivé sur l'étendue d'eau, j'affichai un léger sourire.
-Je n'ai jamais été très doué à ce jeu là.
Le visage de mon interlocuteur m'était toujours inconnu. Et pour le moment, je m'en moquais.
Une bourrasque amena à mes narines l'odeur pestilentielle de cette forêt humide, et la fourrure de mon col entama une valse à trois temps, pour mieux tuer le temps.
Invité
# Re: Sur l'onde et sous les cieux [PV : Ulrich] - Dim 26 Fév 2012 - 17:37
Si la fumée de la cigarette ne gênait pas Orme, c'était peut-être exclusivement que le vent la portait d'un autre côté. Si, comme tous les Jedis, le Padawan était prêt à supporter les conditions les plus pénibles lorsqu'il était en mission, il aimait retrouver, sur Iziz, dans l'enceinte protectrice du temple, une pureté salvatrice, où il n'était pas nécessaire d'user de la Force pour se prémunir contre toutes les agressions du monde.
Car la fumée, c'était un peu une agression, du moins pour un jeune homme à la constitution aussi fragile que l'était celle d'Orme. Lui qui ne survivait que parce qu'il était soutenu par la Force ne devait pas sa tempérance qu'à l'austérité d'un caractère qui trouvait, sur ce point au moins, à s'accorder aux préceptes de l'ordre : ne pas boire, ne pas fumer, veiller à son alimentation étaient autant de rigueurs que lui imposait un état de santé toujours un peu précaire.
Mais le vent soufflait, et même de plus en plus : la fumée de la cigarette se dissipait de l'autre côté du rocher, dans l'air de lourde humidité qui pesait sur la jungle, au loin dans les arbres aux frondaisons impénétrables et, tout autour d'eux, l'intervalle de pureté qu'offrait l'étang dans un paysage par ailleurs étouffant imposait sa loi de quiétude et de tranquillité — précisément ce qu'Orme était venu y chercher.
Le jeune homme suivit des yeux la pierre dont son camarade s'était saisi et la vit s'enfoncer dans l'étang. Ce n'était pas vraiment une surprise. D'après ce qu'il percevait d'Ulrich, son activité principale, lorsqu'il venait au bord de ces modestes rivages, ne devait certes pas être d'agiter légèrement la surface avec des ricochets et il y avait dans ce petit plaisir quelque chose de presque enfantin de la part d'Orme, au regard des habitudes alcoolisées de son interlocuteur.
Car Ulrich avait parlé. C'était presque une surprise, tant Orme le trouvait, soit par instinct, soit par perception confuse issue de la Force, renfermé, caparaçonné, protégeant son être ou se protégeant de son être, il ne savait pas trop. Il y avait un monde entre le calme presque inébranlable de l'apprenti Sentinelle et l'air visiblement torturé d'Ulrich, un gouffre dont ni l'un ni l'autre, sans doute, ne mesurait encore la profondeur.
Orme sourit — pour lui-même plus que pour Ulrich, qui s'obstinait à ne pas le regarder — et répondit de sa voix perpétuellement douce qui, pour une fois, ne laissait rien présager de son tempérament orageux :
— C'est plus facile quand on est au même niveau que l'eau.
Faire des ricochets d'une position surélevée demandait un peu de pratique et Orme avait essuyé de nombreuses tentatives infructueuses, quand il était plus jeune, avant d'atteindre ces trois rebonds qui constituaient, pour l'heure, le sommet de son art en la matière. Un jour peut-être, il ferait de tout cela une partie intégrante de l'entraînement jedi, une sorte d'exercice de patience et de dextérité.
La bourrasque, plus forte que les autres, conduisit le frileux natif de Coruscant à relever un peu le col de son manteau blanc. Si le vent continuait à se lever de la sorte, il songerait certainement à écourter son escapade dans la jungle : un soleil brillant ne suffisait pas à le garantir du froid, particulièrement lorsqu'il était entravé par les épais feuillages des armes.
— Question d'entraînement dans le poignet, je suppose.
Il avait dit cela en toute innocence, avec une grande naïveté : les doubles sens un peu scabreux étaient loin, très loin d'être l'une de ses spécialités. Il reposa les yeux devant lui, sonda le rocher à la recherche d'un caillou propice à l'exercice et, quand il eut trouvé une pierre qui le satisfît, il la lança sur l'onde.
Un rebond, deux rebonds, trois rebonds, qu... Non. Trois rebonds. Orme poussa un soupir légèrement contrarié.
Car la fumée, c'était un peu une agression, du moins pour un jeune homme à la constitution aussi fragile que l'était celle d'Orme. Lui qui ne survivait que parce qu'il était soutenu par la Force ne devait pas sa tempérance qu'à l'austérité d'un caractère qui trouvait, sur ce point au moins, à s'accorder aux préceptes de l'ordre : ne pas boire, ne pas fumer, veiller à son alimentation étaient autant de rigueurs que lui imposait un état de santé toujours un peu précaire.
Mais le vent soufflait, et même de plus en plus : la fumée de la cigarette se dissipait de l'autre côté du rocher, dans l'air de lourde humidité qui pesait sur la jungle, au loin dans les arbres aux frondaisons impénétrables et, tout autour d'eux, l'intervalle de pureté qu'offrait l'étang dans un paysage par ailleurs étouffant imposait sa loi de quiétude et de tranquillité — précisément ce qu'Orme était venu y chercher.
Le jeune homme suivit des yeux la pierre dont son camarade s'était saisi et la vit s'enfoncer dans l'étang. Ce n'était pas vraiment une surprise. D'après ce qu'il percevait d'Ulrich, son activité principale, lorsqu'il venait au bord de ces modestes rivages, ne devait certes pas être d'agiter légèrement la surface avec des ricochets et il y avait dans ce petit plaisir quelque chose de presque enfantin de la part d'Orme, au regard des habitudes alcoolisées de son interlocuteur.
Car Ulrich avait parlé. C'était presque une surprise, tant Orme le trouvait, soit par instinct, soit par perception confuse issue de la Force, renfermé, caparaçonné, protégeant son être ou se protégeant de son être, il ne savait pas trop. Il y avait un monde entre le calme presque inébranlable de l'apprenti Sentinelle et l'air visiblement torturé d'Ulrich, un gouffre dont ni l'un ni l'autre, sans doute, ne mesurait encore la profondeur.
Orme sourit — pour lui-même plus que pour Ulrich, qui s'obstinait à ne pas le regarder — et répondit de sa voix perpétuellement douce qui, pour une fois, ne laissait rien présager de son tempérament orageux :
— C'est plus facile quand on est au même niveau que l'eau.
Faire des ricochets d'une position surélevée demandait un peu de pratique et Orme avait essuyé de nombreuses tentatives infructueuses, quand il était plus jeune, avant d'atteindre ces trois rebonds qui constituaient, pour l'heure, le sommet de son art en la matière. Un jour peut-être, il ferait de tout cela une partie intégrante de l'entraînement jedi, une sorte d'exercice de patience et de dextérité.
La bourrasque, plus forte que les autres, conduisit le frileux natif de Coruscant à relever un peu le col de son manteau blanc. Si le vent continuait à se lever de la sorte, il songerait certainement à écourter son escapade dans la jungle : un soleil brillant ne suffisait pas à le garantir du froid, particulièrement lorsqu'il était entravé par les épais feuillages des armes.
— Question d'entraînement dans le poignet, je suppose.
Il avait dit cela en toute innocence, avec une grande naïveté : les doubles sens un peu scabreux étaient loin, très loin d'être l'une de ses spécialités. Il reposa les yeux devant lui, sonda le rocher à la recherche d'un caillou propice à l'exercice et, quand il eut trouvé une pierre qui le satisfît, il la lança sur l'onde.
Un rebond, deux rebonds, trois rebonds, qu... Non. Trois rebonds. Orme poussa un soupir légèrement contrarié.
Invité
# Re: Sur l'onde et sous les cieux [PV : Ulrich] - Dim 26 Fév 2012 - 19:17
- Spoiler:
La dernière phrase du padawan suscita de ma part un rire amusé. Sa maladresse verbale était touchante. Je pris alors le parti de passer un moment un peu moins désagréable que ce que j'avais alors prévu. J'observai les doigts fins de mon voisin s'essayer à un autre lancer. Il semblait prendre ce jeu très à cœur.
Pas un rebond de plus qu'au jet précédent. Il soupira de désarroi. Visiblement, le garçon voulait se surpasser. Était-ce seulement possible qu'une activité en soi aussi dérisoire suscite en lui un tel intérêt ? Peut-être qu'après tout, c'était bien là qu'était le bonheur. Panser les morsures de nos douleurs avec simplicité, et appliquer sur les plaies du passé le baume qu'est l'émerveillement de l'instant. Je décidai alors de me prêter au jeu.
Mes doigts se levèrent en direction des profondeurs de l'étang. Le dernier galet qu'avait utilisé mon inconnu compagnon refit surface. À l'aide de la force, je le maintenais à la surface. Je l'expulsai alors, tout en le faisant tournoyer en biais. Deux rebonds.
-Cinq rebonds. Satisfait ?
Ma voix se faisait un peu plus enjouée que durant le reste de la journée. J'observais à présent la pureté de l'eau claire se répandre en vaguelettes autour des points d'impact du caillou. Ce frugal moment avait quelque chose de plaisant, étrangement. Je n'aurais pourtant pas vu la situation sous cet œil, sans celui dont je ne connaissais rien. Paradoxe de ma propre personnalité, je détestais la solitude. Et pourtant, le contact avec autrui était mon venin. Très élitiste, je jugeais beaucoup ceux à qui j'avais affaire. En conséquence, mes proches se devaient d'être exceptionnels. Je voyais en le temple Jedi, la fosse sceptique d'un dieu impie brandissant l'égide de la médiocrité. Il fallait toutefois croire que de temps à autres, le destin n'était pas pavé que de mauvaises intentions. Cette rencontre aussi impromptue qu'inhabituelle laissait en moi une saveur étrange.
Cela faisait maintenant quelques instants que le garçon avait suscité mon intérêt. Cas assez unique, l'envie de le regarder me dévorait. Mais je m'en empêchais, comme pour relever un défi que je me jetai à moi-même. Très fin observateur, j'analysais les personnes avant tout par le regard. Le corps et ses mouvements trahissent beaucoup. Cette fois-ci, je ne pouvais me remettre qu'à un jugement beaucoup moins matérialiste. Rencontrer quelqu'un par les actions, davantage que par la parole. Par la parole, davantage que par le visuel. Et par le visuel, moins que tout. Toujours brûlé par le désir de découvrir son visage, je décidai de porter mon attention ailleurs. Je repensais à une chanson, dont quelques bribes de paroles me rappelaient cette étrange rencontre. Guidé par un instinct créateur, mes deux mains se levèrent, et une demi-douzaine de cailloux se surélevèrent docilement de l'étroite rive. Tel un marionnettiste en action, je les faisais glisser à la surface de l'eau, laissant le sillage de leur traversée. Mes paupières se refermèrent sur mes iris ternes. Mes doigts s'agitaient. Je ressentais les rochers. Ils étaient partie intégrante d'un monde. Partie intégrante de l'univers. Tout comme moi. Ceux-ci dessinaient des formes vagues sur l'onde pure. Alors marionnettiste, j'étais devenu en quelques secondes artiste peintre, et maître chorégraphe à la fois. Un ballet merveilleux s'exécutait à même l'étang.
Cette douce musique défilait dans mon esprit, et les cailloux embellissaient leur trajectoire à chaque mesure. Comme des couples heureux qui patineraient sur un lac gelé d'Alderaan en hiver, ils croisaient malicieusement leurs chemins, et tournaient gracieusement sur eux-mêmes. Quelques secondes encore... La musique arrivait à son terme. Dernier acte. Au final de quoi, dans une ultime danse, ils retombèrent aussitôt dans les profondeurs des eaux calmes.
Je repris alors conscience de ce qui m'entourait. Mes paupières s'entrouvrirent. Ce spectacle n'avait aucunement été donné pour impressionner mon compagnon. Il était pur reflet de mes états d'âme, dans ses moindres détails. Comme un exutoire, il avait permis d'exprimer mon non-dit permanent. Mais cela, un ascète suivant aveuglément les dogmes Jedi ne pouvait pas le comprendre.
Invité
# Re: Sur l'onde et sous les cieux [PV : Ulrich] - Lun 27 Fév 2012 - 11:03
Orme cultivait en effet les plaisirs simples. On était rarement trop frustré de ne pas pouvoir faire des ricochets dans l'eau : c'était une activité bien moins dangereuse, et dont il était plus difficile de devenir dépendant, que d'autres douceurs. Entre boire en cachette au bord d'un lac ou se servir de l'eau pour un petit exercice de dextérité, pour Orme, il n'y avait pas de comparaison possible. Le ricochet, donc, c'était l'avenir : utile et agréable à la fois.
Le jeune homme observa son dernier caillou émerger du fond de l'étang et reprendre, par le pouvoir de la Force, une course que la seule habileté humaine l'avait forcé à interrompre, quelques secondes plus tôt. Orme, pour sa part, préférait n'utiliser la Force que dans les cas d'extrême nécessité et il n'y avait guère que ses déplacements rapides et précis qui pussent trahir la rigueur un peu obsessionnelle de son entraînement ; mais il était loin de vouloir convertir le monde entier à l'austérité de ses moeurs et, non moins qu'un autre Padawan, il continuait à trouver dans les exercices télékinétiques un charme presque magique.
— D'la triche.
Il avait dit cela en manière de plaisanterie et le ton de sa voix laissait assez entendre qu'il ne le pensait pas vraiment. Il était bien trop content de voir Ulrich se dérider un peu pour songer à lui faire le moindre reproche sur un point aussi futile et, de toute façon, il n'avait pas encore écrit le manuel complet des règles du Grand Art du Ricochet. Ses yeux se posèrent sur Ulrich et, pendant quelques secondes, il observa le Padawan.
Contrairement à son interlocuteur, Orme n'était pas un maître du décryptage psychologique. Ce n'était pas seulement que, pour lui, la Persuasion de Force fut une discipline un peu mystérieuse et, par certains côtés, vaguement inquiétantes ; plus fondamentalement, son sens de la psychologie était un peu défaillant et il lui arrivait souvent de considérer que les réactions des gens étaient un petit mystère perpétuellement renouvelé. Sans doute cela n'était-il pas étranger à son légendaire défaut de diplomatie.
Donc, il observait, moins pour interpréter, que pour savoir simplement. Il était curieux, c'était indubitable : qualité ou défaut. Il trouvait un air triste et tourmenté à ce visage encore jeune, sans savoir si les traits d'Ulrich y étaient pour quoi que ce fût ou si l'attitude de son camarade le forçait à le voir de la sorte. Quoi qu'il en fût, jamais Orme n'avait mieux pris conscience du calme un peu éthéré que reflétait son propre visage, qu'en le comparant à l'air sombre de son vis-à-vis.
Mais ses yeux furent bientôt attirés par un autre spectacle. Tout autour de lui, les cailloux de ce qui tenait lieu, autour de l'étang, de plage, se soulevaient par la volonté de cet autre Padawan et entamaient une danse sur les eaux — spectacle féérique et enchanteur, qui sans doute eût attiré la réprobation de bien des Maîtres, mais qui ne pouvait qu'éveiller, chez Orme, un émerveillement tout à fait enfantin, dans lequel ne se mêlait aucune réflexion sur le bon ou le mauvais usage que son camarade pouvait bien faire de la Force.
La Beauté était de toute façon l'éternelle ennemie d'Orme Aryssie. Une naïveté esthétique profondément ancrée le poussait à croire que tout ce qui était beau était nécessairement bon et il avait, pour les oeuvres d'art comme pour les belles personnes, une fascination de papillon attiré par la lumière. Parfois, il se méfiait de ses penchants admiratifs, méditait la nature trompeuse des apparences, mais, souvent, l'appel était plus fort que lui.
Si Ulrich n'avait pas cherché à impressionner Orme, Orme l'était malgré tout, moins, sans doute, par la maîtrise technique de son camarade (comme tout Padawan, il avait vu des choses plus étonnantes encore) que par l'inspiration poétique, artistique, dont la manifestation avait témoigné. Il ne savait pas très bien ce que le Code Jedi disait de ce genre de créations ou de divertissements et, comme souvent, il s'en contrefichait royalement.
— C'était...
Il cherchait ses mots. Une fois de plus, la raison pour laquelle il n'avait pas emprunté la voix des Consulaires le rattrapa : maîtriser le langage ne faisait définitivement pas partie de ses spécialités. Il aurait eu l'impression de souiller la beauté du spectacle qu'il venait de contempler en décrivant ses impressions d'une manière qui ne fût pas entièrement appropriée et cette inquiétude le laissait sans ressource.
Et puis, la danse des pierres avait éveillé en lui la vague tristesse qui le poursuivait toujours, quoique la mélancolie, chez lui, fût très loin d'être travaillée par les mêmes tourments qui, de toute évidence, agitait son camarade ; elle était beaucoup plus douce et beaucoup plus calme, mais elle résonnait malgré tout avec ce qu'il venait de voir et ainsi le Padawan se trouvait-il plongé en lui-même, un peu désemparé.
Il prit une pierre entre ses mains et se mit à la tourner et retourner songeusement, combattant une lancinante envie de pleurer, il ne savait trop pourquoi. Tentant de reprendre une certaine contenance, il murmura d'une voix qui ruina aussitôt tous ses efforts pour avoir l'air fort et viril :
— Est-ce que... Hm. Est-ce que tu fais ça souvent ?
Il parlait de la danse des pierres. Bien sûr, la question lui semblait aussi stupide que de demander à un bel homme croisé dans la rue : qu'est-ce que ça fait d'être beau ? Et puis, il n'avait aucune envie de reproduire un semblable spectacle et sa curiosité n'était guère motivée par l'émulation. Il se sentait simplement comme un amateur devant l'oeuvre d'art qui rêve de pénétrer un peu dans l'atelier de l'artiste.
Le jeune homme observa son dernier caillou émerger du fond de l'étang et reprendre, par le pouvoir de la Force, une course que la seule habileté humaine l'avait forcé à interrompre, quelques secondes plus tôt. Orme, pour sa part, préférait n'utiliser la Force que dans les cas d'extrême nécessité et il n'y avait guère que ses déplacements rapides et précis qui pussent trahir la rigueur un peu obsessionnelle de son entraînement ; mais il était loin de vouloir convertir le monde entier à l'austérité de ses moeurs et, non moins qu'un autre Padawan, il continuait à trouver dans les exercices télékinétiques un charme presque magique.
— D'la triche.
Il avait dit cela en manière de plaisanterie et le ton de sa voix laissait assez entendre qu'il ne le pensait pas vraiment. Il était bien trop content de voir Ulrich se dérider un peu pour songer à lui faire le moindre reproche sur un point aussi futile et, de toute façon, il n'avait pas encore écrit le manuel complet des règles du Grand Art du Ricochet. Ses yeux se posèrent sur Ulrich et, pendant quelques secondes, il observa le Padawan.
Contrairement à son interlocuteur, Orme n'était pas un maître du décryptage psychologique. Ce n'était pas seulement que, pour lui, la Persuasion de Force fut une discipline un peu mystérieuse et, par certains côtés, vaguement inquiétantes ; plus fondamentalement, son sens de la psychologie était un peu défaillant et il lui arrivait souvent de considérer que les réactions des gens étaient un petit mystère perpétuellement renouvelé. Sans doute cela n'était-il pas étranger à son légendaire défaut de diplomatie.
Donc, il observait, moins pour interpréter, que pour savoir simplement. Il était curieux, c'était indubitable : qualité ou défaut. Il trouvait un air triste et tourmenté à ce visage encore jeune, sans savoir si les traits d'Ulrich y étaient pour quoi que ce fût ou si l'attitude de son camarade le forçait à le voir de la sorte. Quoi qu'il en fût, jamais Orme n'avait mieux pris conscience du calme un peu éthéré que reflétait son propre visage, qu'en le comparant à l'air sombre de son vis-à-vis.
Mais ses yeux furent bientôt attirés par un autre spectacle. Tout autour de lui, les cailloux de ce qui tenait lieu, autour de l'étang, de plage, se soulevaient par la volonté de cet autre Padawan et entamaient une danse sur les eaux — spectacle féérique et enchanteur, qui sans doute eût attiré la réprobation de bien des Maîtres, mais qui ne pouvait qu'éveiller, chez Orme, un émerveillement tout à fait enfantin, dans lequel ne se mêlait aucune réflexion sur le bon ou le mauvais usage que son camarade pouvait bien faire de la Force.
La Beauté était de toute façon l'éternelle ennemie d'Orme Aryssie. Une naïveté esthétique profondément ancrée le poussait à croire que tout ce qui était beau était nécessairement bon et il avait, pour les oeuvres d'art comme pour les belles personnes, une fascination de papillon attiré par la lumière. Parfois, il se méfiait de ses penchants admiratifs, méditait la nature trompeuse des apparences, mais, souvent, l'appel était plus fort que lui.
Si Ulrich n'avait pas cherché à impressionner Orme, Orme l'était malgré tout, moins, sans doute, par la maîtrise technique de son camarade (comme tout Padawan, il avait vu des choses plus étonnantes encore) que par l'inspiration poétique, artistique, dont la manifestation avait témoigné. Il ne savait pas très bien ce que le Code Jedi disait de ce genre de créations ou de divertissements et, comme souvent, il s'en contrefichait royalement.
— C'était...
Il cherchait ses mots. Une fois de plus, la raison pour laquelle il n'avait pas emprunté la voix des Consulaires le rattrapa : maîtriser le langage ne faisait définitivement pas partie de ses spécialités. Il aurait eu l'impression de souiller la beauté du spectacle qu'il venait de contempler en décrivant ses impressions d'une manière qui ne fût pas entièrement appropriée et cette inquiétude le laissait sans ressource.
Et puis, la danse des pierres avait éveillé en lui la vague tristesse qui le poursuivait toujours, quoique la mélancolie, chez lui, fût très loin d'être travaillée par les mêmes tourments qui, de toute évidence, agitait son camarade ; elle était beaucoup plus douce et beaucoup plus calme, mais elle résonnait malgré tout avec ce qu'il venait de voir et ainsi le Padawan se trouvait-il plongé en lui-même, un peu désemparé.
Il prit une pierre entre ses mains et se mit à la tourner et retourner songeusement, combattant une lancinante envie de pleurer, il ne savait trop pourquoi. Tentant de reprendre une certaine contenance, il murmura d'une voix qui ruina aussitôt tous ses efforts pour avoir l'air fort et viril :
— Est-ce que... Hm. Est-ce que tu fais ça souvent ?
Il parlait de la danse des pierres. Bien sûr, la question lui semblait aussi stupide que de demander à un bel homme croisé dans la rue : qu'est-ce que ça fait d'être beau ? Et puis, il n'avait aucune envie de reproduire un semblable spectacle et sa curiosité n'était guère motivée par l'émulation. Il se sentait simplement comme un amateur devant l'oeuvre d'art qui rêve de pénétrer un peu dans l'atelier de l'artiste.
Invité
# Re: Sur l'onde et sous les cieux [PV : Ulrich] - Mar 28 Fév 2012 - 1:03
La lumière filtrait par l’entrebâillement de mes paupières. Éclat céleste d'un soleil d'or. Mes yeux s'ouvrirent. Je pris une profonde inspiration, comme pour me remplir de cet air assaini. Inspiré, j'avais alors laissé libre cours à mon imaginaire. J'émergeais lentement des limbes spirituelles qui m'avaient conduits à l'orchestration de cette danse d'une gracieuse frénésie. La beauté est parfois là où l'on s'y attend le moins.
L'unique spectateur de cette représentation était visiblement impressionné. Le brouillard épais, quelques instants plus tôt, tourment de mon esprit, se dissipait à mesure que les rayons solaires coulaient sur mon visage.
-Est-ce que... Hm. Est-ce que tu fais ça souvent ?
Sa voix se morcela comme un vase de porcelaine tombé sur un plancher lisse. Je haussai prudemment un sourcil, les yeux toujours rivés en face de moi. Un faible. C'était comme cela que le garçon devait être considéré par ses pairs. L'Ordre n'acceptait aucun tressaillement de la part de ses apprentis. Je n'avais jamais pu m'adapter à ces dogmes honteux. J'avais toujours veillé à conserver en moi cette puissance émotionnelle qui faisait de moi celui que j'étais réellement. Oublier ses sentiments, c'était en tout point perdre son intégrité. Se déshumaniser au sens le plus tragique du terme. Toujours sans lui accorder un regard, j'entrepris de répondre à son interrogation
-Pas vraiment. J'en ai juste eu envie.
Mes phrases étaient courtes. Écorchées de toute fioriture. J'étais toujours comme ça avec les étrangers. De nature sensible moi aussi, j'affichai pourtant constamment cette expression terne, pour mieux me protéger. Ce masque avait, au fil des années, fini par adhérer à ma peau. Mon cœur, océan tumultueux, n'était visible aux yeux de nul être. Hormis Vel, ce soit là... Quelle divine nuit fut celle d'Aldera. Je me remémorais les rives du grand lac... Le ciel écarlate avait progressivement cédé sa place à une cape nocturne parsemée de lumières blanchâtres.
Je portai sur l'étang un regard songeur. Étais-je fatalement destiné à faire la rencontre de nouvelles personnes au bord de chaque étendue d'eau ? Cette pensée m'amusa. Je commençai alors à songer à mon voisin. Sa sensibilité avait quelque chose de touchant. Peut-être lui manquait-il quelques écueils pour comprendre que les gens comme nous n'étions pas destinés à devenir des Jedi.
-Tu sais probablement que ce à quoi tu as assisté est illégal.
Je décidai de le tester. Mon après-midi était libre, après tout. Et en l'état actuel des choses, je n'avais absolument rien à perdre. Il était temps de découvrir si mon interlocuteur valait vraiment la peine que je poursuive avec lui la discussion, plus en amont. Peut-être n'était-il pas l'un de ces écervelés qui blasphémaient mes principes de vie au quotidien.
L'unique spectateur de cette représentation était visiblement impressionné. Le brouillard épais, quelques instants plus tôt, tourment de mon esprit, se dissipait à mesure que les rayons solaires coulaient sur mon visage.
-Est-ce que... Hm. Est-ce que tu fais ça souvent ?
Sa voix se morcela comme un vase de porcelaine tombé sur un plancher lisse. Je haussai prudemment un sourcil, les yeux toujours rivés en face de moi. Un faible. C'était comme cela que le garçon devait être considéré par ses pairs. L'Ordre n'acceptait aucun tressaillement de la part de ses apprentis. Je n'avais jamais pu m'adapter à ces dogmes honteux. J'avais toujours veillé à conserver en moi cette puissance émotionnelle qui faisait de moi celui que j'étais réellement. Oublier ses sentiments, c'était en tout point perdre son intégrité. Se déshumaniser au sens le plus tragique du terme. Toujours sans lui accorder un regard, j'entrepris de répondre à son interrogation
-Pas vraiment. J'en ai juste eu envie.
Mes phrases étaient courtes. Écorchées de toute fioriture. J'étais toujours comme ça avec les étrangers. De nature sensible moi aussi, j'affichai pourtant constamment cette expression terne, pour mieux me protéger. Ce masque avait, au fil des années, fini par adhérer à ma peau. Mon cœur, océan tumultueux, n'était visible aux yeux de nul être. Hormis Vel, ce soit là... Quelle divine nuit fut celle d'Aldera. Je me remémorais les rives du grand lac... Le ciel écarlate avait progressivement cédé sa place à une cape nocturne parsemée de lumières blanchâtres.
Je portai sur l'étang un regard songeur. Étais-je fatalement destiné à faire la rencontre de nouvelles personnes au bord de chaque étendue d'eau ? Cette pensée m'amusa. Je commençai alors à songer à mon voisin. Sa sensibilité avait quelque chose de touchant. Peut-être lui manquait-il quelques écueils pour comprendre que les gens comme nous n'étions pas destinés à devenir des Jedi.
-Tu sais probablement que ce à quoi tu as assisté est illégal.
Je décidai de le tester. Mon après-midi était libre, après tout. Et en l'état actuel des choses, je n'avais absolument rien à perdre. Il était temps de découvrir si mon interlocuteur valait vraiment la peine que je poursuive avec lui la discussion, plus en amont. Peut-être n'était-il pas l'un de ces écervelés qui blasphémaient mes principes de vie au quotidien.
Invité
# Re: Sur l'onde et sous les cieux [PV : Ulrich] - Mar 28 Fév 2012 - 10:36
Il n'était pas certain qu'Orme fût considéré comme un faible par beaucoup de membres de l'Ordre. Ou bien ce jugement se cantonnait à l'appréciation objective de sa résistance physique et le jeune homme était le premier à déplorer sa fragilité dans ce domaine. Mais, partout ailleurs, il y avait beaucoup plus de personnes qui fussent d'avis qu'un peu de faiblesse ne lui ferait pas de mal, pour tempérer ses ardeurs impétueuses.
Il fallait dire que le tempérament réservé du Padawan, lorsque l'on touchait aux questions un peu personnelles, n'offrait pas à beaucoup de ses fréquentations l'opportunité de jeter un coup d'oeil indiscret dans son âme et le jeune homme, la plupart du temps, évitait de s'étendre sur ses sentiments, ses troubles ou ses vagues désirs. Il avait hérité cette pudeur, sans doute, de son enfance solitaire et, quoiqu'elle lui pesât parfois, il ne parvenait guère à s'en défaire.
Ainsi, à sa manière, Orme était-il aussi inaccessible que sa nouvelle connaissance — peut-être l'était-il plus. En un sens, Ulrich présentait un abord difficile qui alertait ses futurs interlocuteurs sur les difficultés de la conversation ; Orme, calme et parfois chaleureux, laissait parfois ses camarades se convaincre d'une fausse impression de confidence et d'intimité, et ce n'était que très progressivement que l'on découvrait qu'il se dérobait à toute question un peu sérieuse.
Il n'y avait pas jusque dans la solitude qu'il ne renfermât ses sentiments en lui-même et jamais il ne lui fût venu à l'idée de les exprimer, comme Ulrich venait le faire, sous la forme de l'art. Sans doute estimait-il que ses petites tribulations personnelles n'avaient pas le mérite d'une oeuvre, aussi éphémère fût-elle, et ses réticences mêlaient sa pudeur honteuse à une haute idée de ce que devait être l'esthétique.
La dernière remarque de son camarade fit soudainement germer dans son esprit l'idée qu'en effet une semblable manifestation n'était peut-être pas du goût de l'Ordre, mais il n'en était pas aussi convaincu que l'autre Padawan. Contrairement à l'avis de certains Chevaliers, le dévouement du Padawan à l'Ordre était d'une rare solidité et sa neutralité circonspecte en matière d'axiologie ne l'entrainait nullement vers le Côté Obscur. Future Sentinelle, Orme Aryssie se pensait déjà comme un rempart de l'Ordre, et c'était justement par souci d'améliorer une chose qu'il aimait qu'il se trouvait si volontiers critique sur certains points.
Aussi n'attrapa-t-il pas volontiers la perche qu'Ulrich lui tendait et prit-il quelques minutes pour examiner la question. Dans le silence que sa réflexion faisait régner, le vent du soir, toujours un peu plus fort, faisait bruire la canopée et, lentement, progressivement, les bruits de la jungle changeaient, les animaux du jour laissant leur place aux animaux de la nuit, et les oiseaux et les insectes des ténèbres prenaient la place de leurs prédécesseurs.
Enfin, Orme répondit d'une voix encore un peu songeuse :
— Je ne crois pas. L'Ordre a des chansons, des contes, des tapisseries. Des sculptures. Des jardins. L'art jedi n'est peut-être pas toujours un brillant exemple d'audacité, mais il existe néanmoins.
Après tout, quel Padawan n'avait pas un jour pris plaisir à entendre les ballades des temps héroïques, à observer les tapisseries anciennes du Temple ou à songer, devant une sculpture représentant tel ou tel Grand Maître des époques passées ce que devait être la vie en ce temps-là ? C'était un art traditionnel, sans aucun doute, qui n'avait rien d'expérimental, c'était certain, mais dont les prétentions esthétiques n'étaient pas nécessairement fort différentes de ce qu'Ulrich venait de produire.
— Et puis l'Ordre n'est pas une prison. Chacun est toujours libre de partir poursuivre sa propre voie. Il n'y a rien d'illégal : les interdits éloignent de l'Ordre, mais la galaxie est vaste, en dehors de nos Temples.
C'était un discours un peu marginal de la part d'une future Sentinelle, mais non foncièrement inexact : l'Ordre ne retenait personne mais, comme toute organisation, il édictait les règles de sa propre cohérence. Libre à chacun de les respecter, de tenter de le réformer ou tout simplement de partir.
Il fallait dire que le tempérament réservé du Padawan, lorsque l'on touchait aux questions un peu personnelles, n'offrait pas à beaucoup de ses fréquentations l'opportunité de jeter un coup d'oeil indiscret dans son âme et le jeune homme, la plupart du temps, évitait de s'étendre sur ses sentiments, ses troubles ou ses vagues désirs. Il avait hérité cette pudeur, sans doute, de son enfance solitaire et, quoiqu'elle lui pesât parfois, il ne parvenait guère à s'en défaire.
Ainsi, à sa manière, Orme était-il aussi inaccessible que sa nouvelle connaissance — peut-être l'était-il plus. En un sens, Ulrich présentait un abord difficile qui alertait ses futurs interlocuteurs sur les difficultés de la conversation ; Orme, calme et parfois chaleureux, laissait parfois ses camarades se convaincre d'une fausse impression de confidence et d'intimité, et ce n'était que très progressivement que l'on découvrait qu'il se dérobait à toute question un peu sérieuse.
Il n'y avait pas jusque dans la solitude qu'il ne renfermât ses sentiments en lui-même et jamais il ne lui fût venu à l'idée de les exprimer, comme Ulrich venait le faire, sous la forme de l'art. Sans doute estimait-il que ses petites tribulations personnelles n'avaient pas le mérite d'une oeuvre, aussi éphémère fût-elle, et ses réticences mêlaient sa pudeur honteuse à une haute idée de ce que devait être l'esthétique.
La dernière remarque de son camarade fit soudainement germer dans son esprit l'idée qu'en effet une semblable manifestation n'était peut-être pas du goût de l'Ordre, mais il n'en était pas aussi convaincu que l'autre Padawan. Contrairement à l'avis de certains Chevaliers, le dévouement du Padawan à l'Ordre était d'une rare solidité et sa neutralité circonspecte en matière d'axiologie ne l'entrainait nullement vers le Côté Obscur. Future Sentinelle, Orme Aryssie se pensait déjà comme un rempart de l'Ordre, et c'était justement par souci d'améliorer une chose qu'il aimait qu'il se trouvait si volontiers critique sur certains points.
Aussi n'attrapa-t-il pas volontiers la perche qu'Ulrich lui tendait et prit-il quelques minutes pour examiner la question. Dans le silence que sa réflexion faisait régner, le vent du soir, toujours un peu plus fort, faisait bruire la canopée et, lentement, progressivement, les bruits de la jungle changeaient, les animaux du jour laissant leur place aux animaux de la nuit, et les oiseaux et les insectes des ténèbres prenaient la place de leurs prédécesseurs.
Enfin, Orme répondit d'une voix encore un peu songeuse :
— Je ne crois pas. L'Ordre a des chansons, des contes, des tapisseries. Des sculptures. Des jardins. L'art jedi n'est peut-être pas toujours un brillant exemple d'audacité, mais il existe néanmoins.
Après tout, quel Padawan n'avait pas un jour pris plaisir à entendre les ballades des temps héroïques, à observer les tapisseries anciennes du Temple ou à songer, devant une sculpture représentant tel ou tel Grand Maître des époques passées ce que devait être la vie en ce temps-là ? C'était un art traditionnel, sans aucun doute, qui n'avait rien d'expérimental, c'était certain, mais dont les prétentions esthétiques n'étaient pas nécessairement fort différentes de ce qu'Ulrich venait de produire.
— Et puis l'Ordre n'est pas une prison. Chacun est toujours libre de partir poursuivre sa propre voie. Il n'y a rien d'illégal : les interdits éloignent de l'Ordre, mais la galaxie est vaste, en dehors de nos Temples.
C'était un discours un peu marginal de la part d'une future Sentinelle, mais non foncièrement inexact : l'Ordre ne retenait personne mais, comme toute organisation, il édictait les règles de sa propre cohérence. Libre à chacun de les respecter, de tenter de le réformer ou tout simplement de partir.
Invité
# Re: Sur l'onde et sous les cieux [PV : Ulrich] - Mar 28 Fév 2012 - 20:31
Les parole de mon voisin eurent pour effet immédiat de dessiner sur mon visage un sourire pâle et condescendant. Oui, l'Ordre avait bâti bien des sculptures. Bien des golems avaient été façonnés avec la glaise du non-sens et une fange contre-nature, créatures prônant des valeurs aussi désuètes qu'archaïques. Le garçon à qui j'avais affaire était visiblement l'une de ces statues mouvantes. Pourtant, il ne semblait pas aussi creux que ses semblables. Je mimai alors d'aller dans son sens.
-Tu as raison. Certaines dictatures ont érigé des millions de statues, divinisant presque les icônes qui avaient mis en place leur sinistre système. Elles eurent bien des chants et des fables, dans le but de louanger ceux qui avaient établis leurs préceptes.
J'entrepris alors de m'allumer une sempiternelle cigarette, l'ancienne ayant dépéri sous les assauts des vents crépusculaires d'Ondéron. Je supposais naturellement qu'en proposer une au padawan l'offenserait. L'envie de me noyer sous les flots du providentiel spiritueux me reprit. Je pris alors le parti d'y couper court, pour laisser intacte ma crédibilité. Mes mains se reculèrent, et ma tête bascula légèrement en arrière. La lune émeraude planait, menaçante, à une proximité à peine croyable.
-Mon parallèle avec une dictature était un trait d'humour. Mais crois-tu sincèrement que les fondations sur lesquelles tiennent l'Ordre sont aussi pures que ce qui est dit ? En surface, cette idéologie est parfaite. Mais il suffit de l'analyser avec un regard un tant soit peu exégète pour y apercevoir des incohérences. Je ne pars pas du même principe que toi. Si une institution aussi importante que celle-ci est bancale, il ne faut pas seulement la quitter. Il faut la réformer.
Je pris une bouffée de ma cigarette, et en souffla la fumée dans la trajectoire d'un rayon écarlate du soleil couchant. Toujours calme et impassible, j'imaginais que la réaction de celui sur qui je n'avais aucun visage à mettre, allait se révéler bien différente de mon état d'esprit. Comme pour apaiser les tensions que j'envisageais, je laissai fuser dans les voiles sereins de l'atmosphère qui nous entourait une ultime phrase.
-Soyons réalistes. Nous sommes des néophytes. Penses-tu qu'il soit vraiment un mal de se poser des questions ? La réflexion est la clé de toute chose.
-Tu as raison. Certaines dictatures ont érigé des millions de statues, divinisant presque les icônes qui avaient mis en place leur sinistre système. Elles eurent bien des chants et des fables, dans le but de louanger ceux qui avaient établis leurs préceptes.
J'entrepris alors de m'allumer une sempiternelle cigarette, l'ancienne ayant dépéri sous les assauts des vents crépusculaires d'Ondéron. Je supposais naturellement qu'en proposer une au padawan l'offenserait. L'envie de me noyer sous les flots du providentiel spiritueux me reprit. Je pris alors le parti d'y couper court, pour laisser intacte ma crédibilité. Mes mains se reculèrent, et ma tête bascula légèrement en arrière. La lune émeraude planait, menaçante, à une proximité à peine croyable.
-Mon parallèle avec une dictature était un trait d'humour. Mais crois-tu sincèrement que les fondations sur lesquelles tiennent l'Ordre sont aussi pures que ce qui est dit ? En surface, cette idéologie est parfaite. Mais il suffit de l'analyser avec un regard un tant soit peu exégète pour y apercevoir des incohérences. Je ne pars pas du même principe que toi. Si une institution aussi importante que celle-ci est bancale, il ne faut pas seulement la quitter. Il faut la réformer.
Je pris une bouffée de ma cigarette, et en souffla la fumée dans la trajectoire d'un rayon écarlate du soleil couchant. Toujours calme et impassible, j'imaginais que la réaction de celui sur qui je n'avais aucun visage à mettre, allait se révéler bien différente de mon état d'esprit. Comme pour apaiser les tensions que j'envisageais, je laissai fuser dans les voiles sereins de l'atmosphère qui nous entourait une ultime phrase.
-Soyons réalistes. Nous sommes des néophytes. Penses-tu qu'il soit vraiment un mal de se poser des questions ? La réflexion est la clé de toute chose.
Invité
# Re: Sur l'onde et sous les cieux [PV : Ulrich] - Mar 28 Fév 2012 - 21:55
Assis une dizaine de centimètres derrière son interlocuteur, Orme ne parvint pas à déchiffrer exactement l'expression qui naissait sur son visage. Sans doute était-il peu probable que cinq ou six phrases eussent suffi à convaincre Ulrich que l'Ordre Jedi était une organisation accueillante et ouverte aux expérimentations de toute sorte et, du reste, Orme lui-même n'était pas très sûr de cela ; mais enfin, il eût aimé savoir si son camarade se braquait totalement ou non.
Orme écarquilla les yeux en entendant le début de la réponse de son camarade. Bon, au moins, il n'avait pas besoin de scruter le visage d'Ulrich dans l'obscurité grandissante pour se faire une idée de ce qu'il avait pensé de sa défense de l'Ordre. Mais, à vrai dire, ce n'était désormais plus guère l'avis d'Ulrich à propos de cette vénérable institution qui préoccupait le Padawan, mais le jugement que son interlocuteur portait sur lui.
Orme se sentait complètement crétin. Les remarques d'Ulrich, naturellement, étaient parfaitement justes. Sans se rendre compte que l'autre Padawan déformait peut-être un peu ses propos en établissant des liens logiques qu'il n'avait pas évoqué, Orme se contentait de se trouver parfaitement stupide ; tout du moins avait-il l'impression qu'Ulrich le trouvait tel et cette sensation suffisait presque à en construire en lui-même la conviction.
Bien sûr, en bon natif de Coruscant, Orme avait toujours considéré les dictatures comme des régimes plus ou moins primitifs, qui ne pouvaient guère s'établir que sur les planètes reculées de la Bordure, là où la société n'avait pas atteint le raffinement des mondes du Noyau. Les voyages en compagnie de son Maître avaient largement contribué à effriter cette vision simpliste des choses, de sorte que les propos d'Ulrich le rejetaient comme en enfance.
Or, il y avait deux choses dont Orme était fier le concernant : la qualité de ses analyses intellectuelles et sa maîtrise du sabre laser. Alors il ne vivait pas très bien que l'on s'attaquât, même involontairement, à l'un ou l'autre de ses deux piliers de son estime de soi et il se sentait propulsé en arrière, à son arrivée au Temple, quand ses petits camarades, en observant sa constitution valétudinaire, avaient émis des doutes, en des termes fort désobligeants, sur ses aptitudes de Jedi.
Le jeune homme ferma les yeux pour faire un peu le ménage dans ses pensées et ses sentiments, une entreprise qui fut sans aucun doute grandement facilitée par la suite du discours d'Ulrich. Oui, oui, c'était bien de l'Ordre dont on parlait ! Orme était ravi que la discussion prît un tour plus général et ne s'arrêtât pas trop longtemps aux propos qu'il avait tenus et dont, faisant appel à un sentiment dont il était depuis toujours familier, il avait désormais honte.
Il n'en prêta donc qu'une oreille d'autant plus attentive aux propos d'Ulrich, qui d'ailleurs reflétaient pour une large part ses propres convictions. Ces questions, Orme y avait souvent réfléchi : il y avait quelque chose dans l'Ordre qui le gênait, quelque chose, peut-être, d'un peu différent de ce qui irritait Ulrich. Ce qui l'inquiétait lui, c'était une sorte de mécanisme des institutions, une reproduction à l'identique de structures peut-être dépassées, une attitude, en somme, un peu passéiste.
A nouveau, l'adolescent réfléchit. Les choses qui lui paraissaient claires dans son esprit, il n'était pas certain de pouvoir les bien mettre en mots et c'était, cette fois-ci, d'autant plus difficile qu'il n'avait pas beaucoup d'expérience : il se contentait en général de conserver ses réflexions pour lui-même, les diluant au compte-goutte lors de telle ou telle altercation avec un aîné et cette parcimonie circonspecte lui attirait déjà beaucoup d'ennuis.
— Non, je ne pense pas que ce soit mal. Je pense même au contraire que l'Ordre devrait se poser plus de questions. Souvent, j'ai l'impression... Comment dire ?
Il se remit à manipuler la pierre entre ses doigts, machinalement, pour aider son esprit à trouver les bons mots.
— Tu vois, on nous dit toujours que la Force est vivante, qu'elle naît de la vie, et que l'on doit vivre avec la Force. D'un autre côté, l'Ordre reproduit toujours le passé, mécaniquement. Comme si la vie n'évoluait, comme si le monde n'évoluait pas, comme si ce qui avait été bâti jadis était absolument parfait.
Orme étouffa la petite voix qui lui soufflait qu'Ulrich, probablement, pensait encore que ce qu'il disait était parfaitement idiot. Maintenant qu'il était lancé, il n'allait pas s'arrêter en si bon chemin.
— Moi, je crois que ce qu'on aime, on doit essayer de l'améliorer ; que reconnaître les défauts de l'Ordre, les discuter, tenter de changer les choses, c'est justement une manière de le protéger. Réformer, mais de l'intérieur.
Puis, tout doucement, d'une voix un peu incertaine, le Padawan souffla :
— Enfin, c'bête c'que j'dis, hein, sans doute...
Orme écarquilla les yeux en entendant le début de la réponse de son camarade. Bon, au moins, il n'avait pas besoin de scruter le visage d'Ulrich dans l'obscurité grandissante pour se faire une idée de ce qu'il avait pensé de sa défense de l'Ordre. Mais, à vrai dire, ce n'était désormais plus guère l'avis d'Ulrich à propos de cette vénérable institution qui préoccupait le Padawan, mais le jugement que son interlocuteur portait sur lui.
Orme se sentait complètement crétin. Les remarques d'Ulrich, naturellement, étaient parfaitement justes. Sans se rendre compte que l'autre Padawan déformait peut-être un peu ses propos en établissant des liens logiques qu'il n'avait pas évoqué, Orme se contentait de se trouver parfaitement stupide ; tout du moins avait-il l'impression qu'Ulrich le trouvait tel et cette sensation suffisait presque à en construire en lui-même la conviction.
Bien sûr, en bon natif de Coruscant, Orme avait toujours considéré les dictatures comme des régimes plus ou moins primitifs, qui ne pouvaient guère s'établir que sur les planètes reculées de la Bordure, là où la société n'avait pas atteint le raffinement des mondes du Noyau. Les voyages en compagnie de son Maître avaient largement contribué à effriter cette vision simpliste des choses, de sorte que les propos d'Ulrich le rejetaient comme en enfance.
Or, il y avait deux choses dont Orme était fier le concernant : la qualité de ses analyses intellectuelles et sa maîtrise du sabre laser. Alors il ne vivait pas très bien que l'on s'attaquât, même involontairement, à l'un ou l'autre de ses deux piliers de son estime de soi et il se sentait propulsé en arrière, à son arrivée au Temple, quand ses petits camarades, en observant sa constitution valétudinaire, avaient émis des doutes, en des termes fort désobligeants, sur ses aptitudes de Jedi.
Le jeune homme ferma les yeux pour faire un peu le ménage dans ses pensées et ses sentiments, une entreprise qui fut sans aucun doute grandement facilitée par la suite du discours d'Ulrich. Oui, oui, c'était bien de l'Ordre dont on parlait ! Orme était ravi que la discussion prît un tour plus général et ne s'arrêtât pas trop longtemps aux propos qu'il avait tenus et dont, faisant appel à un sentiment dont il était depuis toujours familier, il avait désormais honte.
Il n'en prêta donc qu'une oreille d'autant plus attentive aux propos d'Ulrich, qui d'ailleurs reflétaient pour une large part ses propres convictions. Ces questions, Orme y avait souvent réfléchi : il y avait quelque chose dans l'Ordre qui le gênait, quelque chose, peut-être, d'un peu différent de ce qui irritait Ulrich. Ce qui l'inquiétait lui, c'était une sorte de mécanisme des institutions, une reproduction à l'identique de structures peut-être dépassées, une attitude, en somme, un peu passéiste.
A nouveau, l'adolescent réfléchit. Les choses qui lui paraissaient claires dans son esprit, il n'était pas certain de pouvoir les bien mettre en mots et c'était, cette fois-ci, d'autant plus difficile qu'il n'avait pas beaucoup d'expérience : il se contentait en général de conserver ses réflexions pour lui-même, les diluant au compte-goutte lors de telle ou telle altercation avec un aîné et cette parcimonie circonspecte lui attirait déjà beaucoup d'ennuis.
— Non, je ne pense pas que ce soit mal. Je pense même au contraire que l'Ordre devrait se poser plus de questions. Souvent, j'ai l'impression... Comment dire ?
Il se remit à manipuler la pierre entre ses doigts, machinalement, pour aider son esprit à trouver les bons mots.
— Tu vois, on nous dit toujours que la Force est vivante, qu'elle naît de la vie, et que l'on doit vivre avec la Force. D'un autre côté, l'Ordre reproduit toujours le passé, mécaniquement. Comme si la vie n'évoluait, comme si le monde n'évoluait pas, comme si ce qui avait été bâti jadis était absolument parfait.
Orme étouffa la petite voix qui lui soufflait qu'Ulrich, probablement, pensait encore que ce qu'il disait était parfaitement idiot. Maintenant qu'il était lancé, il n'allait pas s'arrêter en si bon chemin.
— Moi, je crois que ce qu'on aime, on doit essayer de l'améliorer ; que reconnaître les défauts de l'Ordre, les discuter, tenter de changer les choses, c'est justement une manière de le protéger. Réformer, mais de l'intérieur.
Puis, tout doucement, d'une voix un peu incertaine, le Padawan souffla :
— Enfin, c'bête c'que j'dis, hein, sans doute...
Invité
# Re: Sur l'onde et sous les cieux [PV : Ulrich] - Mer 29 Fév 2012 - 22:44
Mon interlocuteur semblait souffrir d'un cruel manque de confiance en lui. Ou alors, je l'impressionnais. Peut-être était-ce le fait que je n'aie toujours pas daigné poser mon regard sur son visage. Ma cigarette se consumait, à mesure que le soleil s'enfonçait dans la densité végétale qui nous entourait. Porté par un soudain bien-être quasi-extatique, je jouissais de ma position. Mes yeux, quant à eux, pointés vers le ciel, ne laissaient toujours transparaître que le vide. Si le garçon se dévalorisait, je ne pouvais pourtant que rallier cet aspect de sa pensée. Après avoir rendu la liberté à un nouveau nuage de fumée, j'entrepris de poursuivre la discussion, sans explicitement le contredire sur la bêtise qu'il prêtait à ses paroles.
-Je suis d'accord. Les meilleures institutions, les plus fabuleuses philosophies qui n'ont pas su s'adapter à leur époque sont mortes. Alors que penser de préceptes erronés à la racine ? Ils sont voués à disparaître dans les abîmes de l'oubli.
Je repensais à mon altercation avec Ellana Caldin. Finalement, cette harpie m'avait malgré ses dires confié à un nouveau maître. L'Ordre Jedi, qui se voulait représentant de la stabilité et de l'harmonie, avait à sa tête une femme versatile. Mais pourtant, terriblement bornée.
-Alors si l'Ordre est une chose que tu aimes, fais ton possible pour le réformer.
Mes lèvres fléchirent dans un sourire cynique. Il devait bien comprendre à quel point la fausse innocence de ma déclaration révélait du caractère impossible de la chose.
-Ça te paraît impossible, n'est-ce pas ? Il est un temps pour tout. Cette quasi-religion est restée trop longtemps établie sur des principes archaïques pour avoir ne serait-ce qu'une chance de rattraper le temps perdu. Tout doit se faire à l'instant nécessaire. Les gouvernements et les dogmes qui ont survécus sont ceux qui ont parvenu à subtilement laisser place à l'évolution, quand celle-ci se révélait nécessaire. Mais l'Ordre Jedi a accumulé beaucoup trop de retard. Viens au sénat avec moi, la prochaine fois. Tu ne pourras que constater la véracité de mes propos. Désigné coupable par celui-ci de trop d'infamies, il a fait son temps. Le Haut-Conseil ne saisit pas pourquoi le peuple et la République se retournent ainsi contre lui. Effet psychologique des foules. La rancœur envers l'Ordre bouillonnait déjà depuis bien longtemps. Mais puisque celui-ci s'est assis sur ses lauriers, ignorant les doutes qu'entretenaient les masses à son sujet, le voici dépassé. Je pense même qu'il s'est condamné il y a de cela deux générations. Maintenant, le mal est fait. Sa sentence est proche, et les inquisiteurs républicains sont là pour le lui faire ressentir. Aujourd'hui, des hauts-placés républicains arpentent le Temple. Demain, ce seront les forces armées qui investiront les lieux. Et arrivera bien le jour où l'Ordre n'aura plus aucun pouvoir de décision politique. Alors, ce jour venu, une scission entre deux blocs est à craindre. Je crois à une guerre civile.
La discussion n'était finalement pas si abyssale et vide de sens que je ne l'imaginais. Mon instinct radicalement politisé et idéologique avait pris le dessus, et je m'étais adonné à un monologue d'une longueur à en faire frémir mes habitudes. Oui, une guerre interne était à craindre. Je le pensais réellement. Et pour échapper à cette crise galactique, le repli et l'union des nations était une nécessité.
-Je suis d'accord. Les meilleures institutions, les plus fabuleuses philosophies qui n'ont pas su s'adapter à leur époque sont mortes. Alors que penser de préceptes erronés à la racine ? Ils sont voués à disparaître dans les abîmes de l'oubli.
Je repensais à mon altercation avec Ellana Caldin. Finalement, cette harpie m'avait malgré ses dires confié à un nouveau maître. L'Ordre Jedi, qui se voulait représentant de la stabilité et de l'harmonie, avait à sa tête une femme versatile. Mais pourtant, terriblement bornée.
-Alors si l'Ordre est une chose que tu aimes, fais ton possible pour le réformer.
Mes lèvres fléchirent dans un sourire cynique. Il devait bien comprendre à quel point la fausse innocence de ma déclaration révélait du caractère impossible de la chose.
-Ça te paraît impossible, n'est-ce pas ? Il est un temps pour tout. Cette quasi-religion est restée trop longtemps établie sur des principes archaïques pour avoir ne serait-ce qu'une chance de rattraper le temps perdu. Tout doit se faire à l'instant nécessaire. Les gouvernements et les dogmes qui ont survécus sont ceux qui ont parvenu à subtilement laisser place à l'évolution, quand celle-ci se révélait nécessaire. Mais l'Ordre Jedi a accumulé beaucoup trop de retard. Viens au sénat avec moi, la prochaine fois. Tu ne pourras que constater la véracité de mes propos. Désigné coupable par celui-ci de trop d'infamies, il a fait son temps. Le Haut-Conseil ne saisit pas pourquoi le peuple et la République se retournent ainsi contre lui. Effet psychologique des foules. La rancœur envers l'Ordre bouillonnait déjà depuis bien longtemps. Mais puisque celui-ci s'est assis sur ses lauriers, ignorant les doutes qu'entretenaient les masses à son sujet, le voici dépassé. Je pense même qu'il s'est condamné il y a de cela deux générations. Maintenant, le mal est fait. Sa sentence est proche, et les inquisiteurs républicains sont là pour le lui faire ressentir. Aujourd'hui, des hauts-placés républicains arpentent le Temple. Demain, ce seront les forces armées qui investiront les lieux. Et arrivera bien le jour où l'Ordre n'aura plus aucun pouvoir de décision politique. Alors, ce jour venu, une scission entre deux blocs est à craindre. Je crois à une guerre civile.
La discussion n'était finalement pas si abyssale et vide de sens que je ne l'imaginais. Mon instinct radicalement politisé et idéologique avait pris le dessus, et je m'étais adonné à un monologue d'une longueur à en faire frémir mes habitudes. Oui, une guerre interne était à craindre. Je le pensais réellement. Et pour échapper à cette crise galactique, le repli et l'union des nations était une nécessité.
Invité
# Re: Sur l'onde et sous les cieux [PV : Ulrich] - Mer 29 Fév 2012 - 23:07
D'une certaine manière, Ulrich avait de la chance d'être tombé sur un Padawan aussi compréhensif qu'Orme et, pour une future Sentinelle, ce dernier faisait en effet preuve d'une patience que bien des membres de l'Ordre eussent jugée coupable. Car, après tout, les propos de son camarade ressemblaient fort à une condition en règle non seulement des représentants de l'Ordre, mais également, et surtout, de ses principes profonds.
Là s'arrêtait la convergence de leurs pensées. Faiblesse de caractère ou divergence psychologique, Orme était beaucoup plus porté à la compréhension et au pardon que ne le semblait être Ulrich et, à ses yeux, il s'en fallait de beaucoup que l'Ordre fût un cas désespéré. La validité de ses préceptes, Orme était convaincu de l'avoir éprouvée de nombreuses fois et, à ses yeux, les difficultés intermittentes de l'organisation n'étaient que des fluctuations mineures dans l'immensité du temps.
Indubitablement, la tournure d'esprit du natif de Coruscant était bien moins politique que celle d'Ulrich et si, malgré les instances de son Maître, Orme n'avait jamais songé à embrasser la voie des Consulaires, c'était précisément parce que la politique l'indifférait au plus haut point : son étude acharnée de la Force, sa dévotion, inquiétante aux yeux de certains de ses aînés, aux arcanes des archives jedis, l'éloignaient jour après jour des considérations plus immédiates.
Sans doute y avait-il, dans son comportement, quelque chose d'un peu égoïste : un plaisir mystique, coupé de l'actualité du monde, qui cherchait dans l'essence des choses une impermanence véritable peut-être, mais bien étrangère aux pulsations nerveuses de la galaxie. Mais, à la différence de bien des membres de l'Ordre, Orme était dépourvu d'ambitions prosélytes et en aucune façon ne considérait-il que ce qui le concernait intimement, ce dont il avait la sensation au plus profond de lui-même, était le Bien universel qui devait régler les choses publiques.
S'il lui arrivait de parvenir aux mêmes conclusions qu'Ulrich, de douter également de la validité de l'engagement politique des Jedis, de l'efficacité de cette implication dans les affaires de la République, c'était par des raisonnements et à partir de principes bien différents. Hélas, son manque de goût pour la propagande le rendait bien incapable, selon lui, d'exposer de façon un peu conséquente ses vues en la matière et il n'était de toute façon pas certain d'en avoir réellement envie.
Il conservait donc depuis quelques secondes un silence songeur. Le rougeoiement vespéral des cieux commençait à céder la place à la première obscurité et le calme de la nature lui semblait, comme souvent, contredire la gravité de leurs propos. D'une voix un peu lointaine, Orme tira quelques mots du fond de sa méditation :
— L'Ordre est une chose, la Voie du Jedi en est une autre.
Il sentait bien que, ce soir-là, son laconisme habituel ne serait pas suffisante et, malgré ses réticences, il essaya de développer un peu plus avant :
— L'Ordre a fait des erreurs, c'est indubitable. Il périra peut-être, comme tu le prédis ou d'une autre manière. Peut-être même est-ce préférable. Mais la Voie du Jedi, elle, est saine et pure. C'est la politique qui a corrompu l'Ordre, plutôt que ses préceptes : les Jedis ont cédé à l'appel de leur propre puissance. C'est possible. Trop occupés à se préserver de leurs tentations personnelles, ils n'ont pas préservé l'Ordre de ses propres tentations, de sa propre dynamique ambitieuse. Peut-être ont-ils ignorés que les organisations ont leur vie propre.
Ses propres paroles fleuraient bon l'hérésie à leur tour, mais une hérésie différente, très différente de celle d'Ulrich, largement incompatible même. Les propos de l'adolescent furent interrompus par une quinte de toux et, derrière Ulrich, du revers de sa manche, Orme essuya un peu de sang qui coulait de son nez, presque avec indifférence : au fil des années, il avait appris à ne plus prêter attention aux soubresauts quotidiens d'une maladie que la Force endiguait pour lui — pour l'instant.
— La Voie du Jedi est simple, presque intuitive. Elle n'est pas plus complexe que celle du Côté Obscur. Tous les préceptes de l'Ordre ne sont pas les préceptes de la Voie du Jedi et, bien souvent, il me semble que les Padawans apprennent plus du premier que de la seconde. Pour ma part, je n'aime le premier que dans la stricte mesure où il est le véhicule temporel de la seconde.
Jamais la distance entre les idéologies des deux Padawans n'avait été plus sensible peut-être : à la phraséologie politique d'Ulrich, Orme opposait une réflexion au vocabulaire immanquablement mystique et, plus que deux conceptions de l'Ordre, c'était deux façons d'être au monde qui se côtoyaient ce soir-là dans le crépuscule d'Ondéron, tandis qu'à quelques centaines de mètres à peine, le Temple Jedi témoignait d'une troisième conception — à abattre ou à sauver.
Là s'arrêtait la convergence de leurs pensées. Faiblesse de caractère ou divergence psychologique, Orme était beaucoup plus porté à la compréhension et au pardon que ne le semblait être Ulrich et, à ses yeux, il s'en fallait de beaucoup que l'Ordre fût un cas désespéré. La validité de ses préceptes, Orme était convaincu de l'avoir éprouvée de nombreuses fois et, à ses yeux, les difficultés intermittentes de l'organisation n'étaient que des fluctuations mineures dans l'immensité du temps.
Indubitablement, la tournure d'esprit du natif de Coruscant était bien moins politique que celle d'Ulrich et si, malgré les instances de son Maître, Orme n'avait jamais songé à embrasser la voie des Consulaires, c'était précisément parce que la politique l'indifférait au plus haut point : son étude acharnée de la Force, sa dévotion, inquiétante aux yeux de certains de ses aînés, aux arcanes des archives jedis, l'éloignaient jour après jour des considérations plus immédiates.
Sans doute y avait-il, dans son comportement, quelque chose d'un peu égoïste : un plaisir mystique, coupé de l'actualité du monde, qui cherchait dans l'essence des choses une impermanence véritable peut-être, mais bien étrangère aux pulsations nerveuses de la galaxie. Mais, à la différence de bien des membres de l'Ordre, Orme était dépourvu d'ambitions prosélytes et en aucune façon ne considérait-il que ce qui le concernait intimement, ce dont il avait la sensation au plus profond de lui-même, était le Bien universel qui devait régler les choses publiques.
S'il lui arrivait de parvenir aux mêmes conclusions qu'Ulrich, de douter également de la validité de l'engagement politique des Jedis, de l'efficacité de cette implication dans les affaires de la République, c'était par des raisonnements et à partir de principes bien différents. Hélas, son manque de goût pour la propagande le rendait bien incapable, selon lui, d'exposer de façon un peu conséquente ses vues en la matière et il n'était de toute façon pas certain d'en avoir réellement envie.
Il conservait donc depuis quelques secondes un silence songeur. Le rougeoiement vespéral des cieux commençait à céder la place à la première obscurité et le calme de la nature lui semblait, comme souvent, contredire la gravité de leurs propos. D'une voix un peu lointaine, Orme tira quelques mots du fond de sa méditation :
— L'Ordre est une chose, la Voie du Jedi en est une autre.
Il sentait bien que, ce soir-là, son laconisme habituel ne serait pas suffisante et, malgré ses réticences, il essaya de développer un peu plus avant :
— L'Ordre a fait des erreurs, c'est indubitable. Il périra peut-être, comme tu le prédis ou d'une autre manière. Peut-être même est-ce préférable. Mais la Voie du Jedi, elle, est saine et pure. C'est la politique qui a corrompu l'Ordre, plutôt que ses préceptes : les Jedis ont cédé à l'appel de leur propre puissance. C'est possible. Trop occupés à se préserver de leurs tentations personnelles, ils n'ont pas préservé l'Ordre de ses propres tentations, de sa propre dynamique ambitieuse. Peut-être ont-ils ignorés que les organisations ont leur vie propre.
Ses propres paroles fleuraient bon l'hérésie à leur tour, mais une hérésie différente, très différente de celle d'Ulrich, largement incompatible même. Les propos de l'adolescent furent interrompus par une quinte de toux et, derrière Ulrich, du revers de sa manche, Orme essuya un peu de sang qui coulait de son nez, presque avec indifférence : au fil des années, il avait appris à ne plus prêter attention aux soubresauts quotidiens d'une maladie que la Force endiguait pour lui — pour l'instant.
— La Voie du Jedi est simple, presque intuitive. Elle n'est pas plus complexe que celle du Côté Obscur. Tous les préceptes de l'Ordre ne sont pas les préceptes de la Voie du Jedi et, bien souvent, il me semble que les Padawans apprennent plus du premier que de la seconde. Pour ma part, je n'aime le premier que dans la stricte mesure où il est le véhicule temporel de la seconde.
Jamais la distance entre les idéologies des deux Padawans n'avait été plus sensible peut-être : à la phraséologie politique d'Ulrich, Orme opposait une réflexion au vocabulaire immanquablement mystique et, plus que deux conceptions de l'Ordre, c'était deux façons d'être au monde qui se côtoyaient ce soir-là dans le crépuscule d'Ondéron, tandis qu'à quelques centaines de mètres à peine, le Temple Jedi témoignait d'une troisième conception — à abattre ou à sauver.
Invité
# Re: Sur l'onde et sous les cieux [PV : Ulrich] - Sam 3 Mar 2012 - 18:09
Les paroles de mon acolyte n'étaient pas aussi conformes à la nauséabonde pensée unique qui planait sur les esprits atrophiés des Jedi. Nos divergences idéologiques résidaient principalement dans le fait que, contrairement à moi, il estimait que l'Ordre avait une chance de s'en sortir, s'il revenait à ses origines. Mes pensées s'immiscèrent dans la faille de son discours, et des paroles vivaces suivirent instantanément ma réflexion.
-Accordons-nous sur un point, tu as une vision des choses assez paradoxale. Alors que tu pointes du doigt la stagnation de l'Ordre, tu affirmes que tout se passerait mieux si ses seigneurs ne s'étaient pas laissés aller à leurs ambitions. Comprends une chose. En soi, cela est en tout points une marque d'évolution. Il est dans l'ère du temps de se ramener à l'égocentrisme, plutôt qu'aux valeurs fondamentales. Aujourd'hui, on ne se bat pas pour une idée, mais pour devenir quelqu'un.
Ma tirade résonnait dans l'atmosphère ambiante. La situation prenait une tournure d'une funeste symbiose. D'un côté, notre discussion s'orientait vers les sombres heures que l'univers et le système mis en place allaient devoir subir. D'un autre, la nuit approchait lentement, accompagnée de son regard mortuaire, pourfendeur de lumière. Les cieux s'assombrissaient.
-Tu déclares que la Voie du Jedi, que tu défends, est bien différente de l'Ordre d'aujourd'hui. Celle-ci était mise en application, aux prémices de l'institution dont nous faisons partie.
Un voile s'abattait sur mon regard. Toute l'aversion que j'avais pour elle me dévorait.
-Tu décrètes qu'un retour en arrière, porté sur les bases saines de l'origine est nécessaire. Pourtant, tu proclames que l'Ordre est ancré dans une mentalité arriérée, comme s'il n'avait pas suivi son époque. Je ne peux en partie être d'accord qu'avec un seul de tes discours. Seulement, c'est un fantasme totalement utopique. La restructuration interne d'un symbole aussi fort est totalement impossible sur court-terme. Mais la République n'attend pas. C'est voué à l'échec.
Solidement ancré dans mes convictions, je ne m'étais pourtant jamais considéré comme un esprit étroit. Le fruit de nombreuses réflexions m'avait amené à cette tragique conclusion. Mais cette affliction ne concernait que les despotes, qui combattaient sous l'égide de la lumière. En soi, si j'étais conscient que nous allions passer par une profonde période de crise, je me réjouissais des événements à venir. M’autoproclamant vainqueur de cette joute raffinée, je m'autorisai à découvrir le visage de mon interlocuteur. Il était temps. Je tournai la tête en sa direction. Sculpté dans un matériau délicat, le garçon n'était pas désagréable à regarder. Je m'attardai alors sur ses lèvres fines. Un filet de sang encore humide paraissait y avoir coulé depuis son nez. Je saisis alors dans une poche de mon pantalon noir un morceau de tissu propre. Je le tendis à ma compagnie d'un soir, pour épargner à mes rétines cette souillure sur son visage harmonieux. Si la chaleur diurne avait été excessive, je me rappelais à quel point il ne faisait pas bon vivre sur Ondéron, lorsqu'un souffle de vent m'arracha un frisson.
-Accordons-nous sur un point, tu as une vision des choses assez paradoxale. Alors que tu pointes du doigt la stagnation de l'Ordre, tu affirmes que tout se passerait mieux si ses seigneurs ne s'étaient pas laissés aller à leurs ambitions. Comprends une chose. En soi, cela est en tout points une marque d'évolution. Il est dans l'ère du temps de se ramener à l'égocentrisme, plutôt qu'aux valeurs fondamentales. Aujourd'hui, on ne se bat pas pour une idée, mais pour devenir quelqu'un.
Ma tirade résonnait dans l'atmosphère ambiante. La situation prenait une tournure d'une funeste symbiose. D'un côté, notre discussion s'orientait vers les sombres heures que l'univers et le système mis en place allaient devoir subir. D'un autre, la nuit approchait lentement, accompagnée de son regard mortuaire, pourfendeur de lumière. Les cieux s'assombrissaient.
-Tu déclares que la Voie du Jedi, que tu défends, est bien différente de l'Ordre d'aujourd'hui. Celle-ci était mise en application, aux prémices de l'institution dont nous faisons partie.
Un voile s'abattait sur mon regard. Toute l'aversion que j'avais pour elle me dévorait.
-Tu décrètes qu'un retour en arrière, porté sur les bases saines de l'origine est nécessaire. Pourtant, tu proclames que l'Ordre est ancré dans une mentalité arriérée, comme s'il n'avait pas suivi son époque. Je ne peux en partie être d'accord qu'avec un seul de tes discours. Seulement, c'est un fantasme totalement utopique. La restructuration interne d'un symbole aussi fort est totalement impossible sur court-terme. Mais la République n'attend pas. C'est voué à l'échec.
Solidement ancré dans mes convictions, je ne m'étais pourtant jamais considéré comme un esprit étroit. Le fruit de nombreuses réflexions m'avait amené à cette tragique conclusion. Mais cette affliction ne concernait que les despotes, qui combattaient sous l'égide de la lumière. En soi, si j'étais conscient que nous allions passer par une profonde période de crise, je me réjouissais des événements à venir. M’autoproclamant vainqueur de cette joute raffinée, je m'autorisai à découvrir le visage de mon interlocuteur. Il était temps. Je tournai la tête en sa direction. Sculpté dans un matériau délicat, le garçon n'était pas désagréable à regarder. Je m'attardai alors sur ses lèvres fines. Un filet de sang encore humide paraissait y avoir coulé depuis son nez. Je saisis alors dans une poche de mon pantalon noir un morceau de tissu propre. Je le tendis à ma compagnie d'un soir, pour épargner à mes rétines cette souillure sur son visage harmonieux. Si la chaleur diurne avait été excessive, je me rappelais à quel point il ne faisait pas bon vivre sur Ondéron, lorsqu'un souffle de vent m'arracha un frisson.
Invité
# Re: Sur l'onde et sous les cieux [PV : Ulrich] - Sam 3 Mar 2012 - 18:59
Si Ulrich se mettait à relever les contradictions des raisonnements d'Orme, la soirée risquait d'être très longue. Comme tous les mystiques, le Padawan avait des principes d'une extrême simplicité en apparence, mais dont les conséquences respectives, en se rencontrant, formaient un réseau inextricable de subtilités, où l'on n'était jamais tout à fait certain de se retrouver. Assurément, la pensée d'Orme n'était ni une philosophie, ni une politique, et elle réclamait une bonne dose d'intuition, si ce n'était de déraison, pour être pénétrable.
Il fallait dire aussi que le jeune homme ne s'était jamais soucié, auparavant, d'exposer sous la forme d'un système — qu'il n'avait pas — ses principes et, ne sachant pas par quel bout prendre les choses, il commençait par des considérations qui lui paraissaient les plus importantes justement parce qu'elles étaient les dernières conséquences de ses raisonnements et en cela la partie la moins propre à initier une explication.
Ulrich était manifestement beaucoup plus agile dans ce domaine que lui et cependant, si le Coruscantien l'écoutait avec une sincère attention, les raisons de son camarade échouaient à le convaincre. Mais Orme n'était pas certain que le but d'Ulrich fût réellement de le convertir (et à quoi, d'ailleurs ?) et cette discussion, il la comprenait plus comme une forme de présentation réciproque que de confrontation. Peut-être était-il un peu naïf.
Cependant, malgré son déficit en dialectique, Orme croyait avoir compris une chose. A ses yeux, une autre de leurs différences fondamentales était qu'Ulrich envisageait les choses sous le rapport de l'histoire tandis qu'Orme, pour sa part, regardait les institutions dans leurs principes et leur architecture. Pour Orme, revenir aux principes, ce n'était pas revenir en arrière, mais repasser à un autre niveau, qui pouvait très bien n'être pas chronologiquement différent de telle ou telle autre partie de la construction d'ensemble.
— Si je marche dans la jungle pour atteindre la ville et qu'au bout de dix minutes, j'ai pris un mauvais chemin, je peux revenir sur mes pas pour continuer à progresser. Revenir en arrière, ce n'est pas nécessairement prôner le conservatisme : ce peut être reculer pour mieux sauter.
Pas étonnant qu'Orme fût un excellent sabreur : il avait l'art des paradoxes qui abondaient dans la pratique du sabre laser, du style de l'immobilité dans le mouvement ou du calme de la fureur. Enfin, il avait l'art de les comprendre, pas exactement celui de les expliquer. Un jour — ce fut une tentative bien inconsidérée — il avait essayé d'exposer les principes de l'Ataru à une Padawan plus jeune que lui en lui affirmant que l'Ataru, c'était le précis dans l'étendu et l'étendu dans le précis. Le regard que la jeune fille avait posé sur lui l'avait convaincu que la pédagogie n'était pas pour tout de suite.
Mais, de toute façon, l'adolescent n'était pas certain que son camarade eût encore envie de rebattre ce sujet et le Padawan devait bien avouer qu'il ne serait pas celui qui relancerait la conversation sur ce terrain : il avait eu sa dose de grands discours (du moins de sa part, il était en revanche toujours ravi d'écouter) pour quelques jours. Et puis l'air commençait à se faire frais, succédant à la chaleur pesante de la journée, nouveau charme d'Ondéron.
Ulrich avait tourné la tête vers lui. Orme lui adressa un léger sourire, dans l'obscurité grandissante. Les lumières de la capitale d'un côté, celles du Temple de l'autre, les étoiles et Dxun toute proche empêchaient qu'il fît complètement noir cependant. Le Padawan attrapa sans mot dire le tissu que son compagnon lui tendait et essuya délicatement les dernières traces du sang qui marquaient sa peau claire.
Ce ne fut que pour livrer la voie à une nouvelle quinte de toux. S'il était rare de voir un Jedi malade, il était difficile malgré tout, en observant Orme, de se sentir surpris : il y avait quelque chose dans la fragilité de ses traits qui semblait dire que cet assemblage de la nature n'était pas fait pour durer. Le jeune homme ferma les yeux, prit une profonde inspiration et, une fois la douleur passée, les rouvrit. La soirée s'annonçait difficile.
Il glissa le tissu dans une poche de son manteau, se promettant de le rendre à Ulrich quand il serait de nouveau propre.
— 'Vais peut-être rentrer.
La toux avait rendu sa voix légèrement rauque. Il devait être difficile de croire en l'absolue harmonie de la Force quand la Nature imposait à un jeune homme innocent les aléas parfaitement injustes de la maladie. Mais Orme avait beau avoir l'air malade, il n'en demeurait pas moins d'une tranquille sérénité.
Il fallait dire aussi que le jeune homme ne s'était jamais soucié, auparavant, d'exposer sous la forme d'un système — qu'il n'avait pas — ses principes et, ne sachant pas par quel bout prendre les choses, il commençait par des considérations qui lui paraissaient les plus importantes justement parce qu'elles étaient les dernières conséquences de ses raisonnements et en cela la partie la moins propre à initier une explication.
Ulrich était manifestement beaucoup plus agile dans ce domaine que lui et cependant, si le Coruscantien l'écoutait avec une sincère attention, les raisons de son camarade échouaient à le convaincre. Mais Orme n'était pas certain que le but d'Ulrich fût réellement de le convertir (et à quoi, d'ailleurs ?) et cette discussion, il la comprenait plus comme une forme de présentation réciproque que de confrontation. Peut-être était-il un peu naïf.
Cependant, malgré son déficit en dialectique, Orme croyait avoir compris une chose. A ses yeux, une autre de leurs différences fondamentales était qu'Ulrich envisageait les choses sous le rapport de l'histoire tandis qu'Orme, pour sa part, regardait les institutions dans leurs principes et leur architecture. Pour Orme, revenir aux principes, ce n'était pas revenir en arrière, mais repasser à un autre niveau, qui pouvait très bien n'être pas chronologiquement différent de telle ou telle autre partie de la construction d'ensemble.
— Si je marche dans la jungle pour atteindre la ville et qu'au bout de dix minutes, j'ai pris un mauvais chemin, je peux revenir sur mes pas pour continuer à progresser. Revenir en arrière, ce n'est pas nécessairement prôner le conservatisme : ce peut être reculer pour mieux sauter.
Pas étonnant qu'Orme fût un excellent sabreur : il avait l'art des paradoxes qui abondaient dans la pratique du sabre laser, du style de l'immobilité dans le mouvement ou du calme de la fureur. Enfin, il avait l'art de les comprendre, pas exactement celui de les expliquer. Un jour — ce fut une tentative bien inconsidérée — il avait essayé d'exposer les principes de l'Ataru à une Padawan plus jeune que lui en lui affirmant que l'Ataru, c'était le précis dans l'étendu et l'étendu dans le précis. Le regard que la jeune fille avait posé sur lui l'avait convaincu que la pédagogie n'était pas pour tout de suite.
Mais, de toute façon, l'adolescent n'était pas certain que son camarade eût encore envie de rebattre ce sujet et le Padawan devait bien avouer qu'il ne serait pas celui qui relancerait la conversation sur ce terrain : il avait eu sa dose de grands discours (du moins de sa part, il était en revanche toujours ravi d'écouter) pour quelques jours. Et puis l'air commençait à se faire frais, succédant à la chaleur pesante de la journée, nouveau charme d'Ondéron.
Ulrich avait tourné la tête vers lui. Orme lui adressa un léger sourire, dans l'obscurité grandissante. Les lumières de la capitale d'un côté, celles du Temple de l'autre, les étoiles et Dxun toute proche empêchaient qu'il fît complètement noir cependant. Le Padawan attrapa sans mot dire le tissu que son compagnon lui tendait et essuya délicatement les dernières traces du sang qui marquaient sa peau claire.
Ce ne fut que pour livrer la voie à une nouvelle quinte de toux. S'il était rare de voir un Jedi malade, il était difficile malgré tout, en observant Orme, de se sentir surpris : il y avait quelque chose dans la fragilité de ses traits qui semblait dire que cet assemblage de la nature n'était pas fait pour durer. Le jeune homme ferma les yeux, prit une profonde inspiration et, une fois la douleur passée, les rouvrit. La soirée s'annonçait difficile.
Il glissa le tissu dans une poche de son manteau, se promettant de le rendre à Ulrich quand il serait de nouveau propre.
— 'Vais peut-être rentrer.
La toux avait rendu sa voix légèrement rauque. Il devait être difficile de croire en l'absolue harmonie de la Force quand la Nature imposait à un jeune homme innocent les aléas parfaitement injustes de la maladie. Mais Orme avait beau avoir l'air malade, il n'en demeurait pas moins d'une tranquille sérénité.
Invité
# Re: Sur l'onde et sous les cieux [PV : Ulrich] - Mar 6 Mar 2012 - 11:39
"Revenir en arrière, ce n'est pas nécessairement prôner le conservatisme : ce peut être reculer pour mieux sauter."
Cette phrase m'arracha un sourire. Après tout, le garçon ne savait pas à qui il avait affaire.
-Je suis conservateur. Mais à un degré purement politique. Et ça nous mènerait à un autre débat. Quant à l'Ordre Jedi...
Je me tus. Après tout, je ne connaissais pas mon interlocuteur. Pourquoi en dire trop ? Tout en rabattant ce heaume invisible qui dissimulait pourtant si bien mon être, je bus quelques gorgées de l'édénique spiritueux. Cette discussion m'avait lassée. Si le padawan semblait ouvert à une quelconque contradiction de la pensée unique, il ne m'en paraissait pas moins un aimable utopiste. L'échange d'idée avait été stérile. À l'évidence, nous aurions dû nous cantonner à jeter des galets à la surface de l'étang. Le garçon toussa de nouveau, dans une quinte maladive. La décence voulût que je détourne les yeux. Si ses saignements étaient liés à ses apparents problèmes pulmonaires, son problème devait être très sérieux.
Quelque part, il m'avait sauvé la soirée. Embaumé par ce récurrent mal-être, j'étais venu ici en quête de parfaire mon malheur. Je n'avais jamais su combattre la misère. Mais j'étais un expert pour lui donner une dimension plus belle. Plus acceptable. Si la souffrance était égale, la complaisance se faufilait dans le malheur. Au lieu de cela, le jeune homme avait fait voler en éclat ces sentiments malsains. Pourtant, il semblait vouloir s'esquiver. C'est alors que, dans un souffle...
-Tu t'en vas déjà...
Ça ne me ressemblait pas. Je me haïs à l'instant même ou ma question avait fusé dans l'opacité sonore. Non. Je n'avais besoin de personne pour affronter la nuit noire. Un frisson me parcourut. Je croisai les bras pour laisser à penser que la fraîcheur ambiante avait déclenché ce mouvement. En vérité... C'était davantage la perspective de passer seul le reste de la soirée dans les profondeurs obscures de mon âme à la dérive qui en était à l'origine.
Cette phrase m'arracha un sourire. Après tout, le garçon ne savait pas à qui il avait affaire.
-Je suis conservateur. Mais à un degré purement politique. Et ça nous mènerait à un autre débat. Quant à l'Ordre Jedi...
Je me tus. Après tout, je ne connaissais pas mon interlocuteur. Pourquoi en dire trop ? Tout en rabattant ce heaume invisible qui dissimulait pourtant si bien mon être, je bus quelques gorgées de l'édénique spiritueux. Cette discussion m'avait lassée. Si le padawan semblait ouvert à une quelconque contradiction de la pensée unique, il ne m'en paraissait pas moins un aimable utopiste. L'échange d'idée avait été stérile. À l'évidence, nous aurions dû nous cantonner à jeter des galets à la surface de l'étang. Le garçon toussa de nouveau, dans une quinte maladive. La décence voulût que je détourne les yeux. Si ses saignements étaient liés à ses apparents problèmes pulmonaires, son problème devait être très sérieux.
Quelque part, il m'avait sauvé la soirée. Embaumé par ce récurrent mal-être, j'étais venu ici en quête de parfaire mon malheur. Je n'avais jamais su combattre la misère. Mais j'étais un expert pour lui donner une dimension plus belle. Plus acceptable. Si la souffrance était égale, la complaisance se faufilait dans le malheur. Au lieu de cela, le jeune homme avait fait voler en éclat ces sentiments malsains. Pourtant, il semblait vouloir s'esquiver. C'est alors que, dans un souffle...
-Tu t'en vas déjà...
Ça ne me ressemblait pas. Je me haïs à l'instant même ou ma question avait fusé dans l'opacité sonore. Non. Je n'avais besoin de personne pour affronter la nuit noire. Un frisson me parcourut. Je croisai les bras pour laisser à penser que la fraîcheur ambiante avait déclenché ce mouvement. En vérité... C'était davantage la perspective de passer seul le reste de la soirée dans les profondeurs obscures de mon âme à la dérive qui en était à l'origine.
Invité
# Re: Sur l'onde et sous les cieux [PV : Ulrich] - Mar 6 Mar 2012 - 18:38
Que le conservatisme politique d'Ulrich pût mener les deux Padawans à un nouveau débat, rien n'était moins sûr. Orme avait pour la politique un désintérêt à peu près complet, qui était peut-être l'un des plus sérieux motifs de reproches que son Maître pût trouver le concernant. Il était difficile de répondre aux aspirations de l'Ordre lorsque l'on regardait de très loin les péripéties temporelles des Etats et des institutions.
Mais, pour Orme, la Voie du Jedi était une religion beaucoup plus qu'un programme d'entraînement pour la main armée de la République et la République elle-même lui paraissait parfois bien peu susceptible d'incarner les idéaux de l'Ordre — ou, tout du moins, ce qu'il estimait devoir être les idéaux de l'Ordre. Et si la République même qui devait représenter la plus désirable réalisation politique n'était pas susceptible de s'accorder avec l'Ordre, alors où tourner les yeux ?
Il y avait là quelque chose qui tenait à un profond individualisme : si Orme était convaincu que des individus pouvaient trouver des compromis entre eux, s'il était certain que la négociation était bien souvent une excellente manière de résoudre les conflits entre les personnes, il lui semblait que ces méthodes devenaient purement vaines au niveau des institutions et que les Etats, doués d'une sorte de vie propre, étaient en permanence hors de contrôle.
Que ces Etats fussent nécessaires et de loin préférables à la parfaite anarchie où règnerait inévitablement la loi du plus fort, du plus violent ou du plus riche, il en était parfaitement conscient et c'était la raison pour laquelle il n'érigeait pas ses impressions en système, ne transformait pas ses réticences en convictions ; la politique demeurait ainsi un terrain où son esprit n'abordait pas, un horizon inaccessible de sa pensée et comme une perpétuelle leçon d'humilité.
Ainsi le Padawan fut-il soulagé que son camarade écartât ce sujet de la conversation et soulagé encore qu'Ulrich interrompît sa diatribe à l'encontre de l'Ordre. Il était devenu évident que leurs positions, en profondeur, étaient inconciliables et Orme préférait de loin ne pas voir en Ulrich l'ennemi qu'il était peut-être. Continuer cette conversation ne pouvait que les porter à une méfiance réciproque dans laquelle Orme n'avait guère envie de tomber.
De toute façon, une faiblesse grandissante lui murmurait qu'il était temps, sans doute, de prendre un peu de repos. La journée avait été longue et la nuit se faisait fraîche ; s'il n'avait pas envie de continuer à tousser comme un malpropre, Orme avait tout entouré à regagner l'enceinte du Temple. Il venait de se relever lorsqu'Ulrich prononça ses derniers mots.
Le Padawan resta debout sur le rocher, un peu incertain. Il ne voulait pas laisser son complexe d'infériorité galopant brouiller son jugement, mais il lui avait semblé que son camarade préférait de très loin demeurer seul que s'engager dans des conversations qu'il devait juger un peu stériles. Alors, pourquoi, soudainement, lui demander de rester ? Orme doutait que l'exposé de ses vues antagonistes eût beaucoup suscité la sympathie du jeune homme.
— Eh bien...
Orme passa une main dans ses cheveux désordonnés.
— Il fait froid. Et on va dire que j'suis pas forcément très... En forme.
L'art des euphémismes. Mais Orme avait passé bien trop d'heures seul lors de ses premiers mois au Temple pour laisser Ulrich en plan sans rien dire.
— Mais tu peux m'accompagner. On pourrait...
Bon, les distractions n'abondaient certes pas au Temple Jedi. Mais ils trouveraient certainement quelque chose à faire une fois sur place, quand la température aurait atteint des degrés plus acceptables. Il y avait bien les tours d'observation, les simulateurs de vol, les tables de dejarik, la nourriture. Orme n'était pas un maître dans l'art du divertissement — en tout cas, du divertissement d'intérieur — mais toutes ces solutions lui paraissaient préférables à la perspective de rester seul, dans la nuit froide, avec une bouteille d'alcool.
Cela dit, il était loin d'être certain que le caractère de son camarade s'accorderait tout à fait à ces plaisirs bien innocents.
— J'sais pas. Mais on trouverait bien.
Fort heureusement, Orme ne songeait pas à entamer une carrière dans la publicité. Après ce brillant argumentaire commercial, il resta debout sur le rocher, à attendre la décision d'Ulrich.
Mais, pour Orme, la Voie du Jedi était une religion beaucoup plus qu'un programme d'entraînement pour la main armée de la République et la République elle-même lui paraissait parfois bien peu susceptible d'incarner les idéaux de l'Ordre — ou, tout du moins, ce qu'il estimait devoir être les idéaux de l'Ordre. Et si la République même qui devait représenter la plus désirable réalisation politique n'était pas susceptible de s'accorder avec l'Ordre, alors où tourner les yeux ?
Il y avait là quelque chose qui tenait à un profond individualisme : si Orme était convaincu que des individus pouvaient trouver des compromis entre eux, s'il était certain que la négociation était bien souvent une excellente manière de résoudre les conflits entre les personnes, il lui semblait que ces méthodes devenaient purement vaines au niveau des institutions et que les Etats, doués d'une sorte de vie propre, étaient en permanence hors de contrôle.
Que ces Etats fussent nécessaires et de loin préférables à la parfaite anarchie où règnerait inévitablement la loi du plus fort, du plus violent ou du plus riche, il en était parfaitement conscient et c'était la raison pour laquelle il n'érigeait pas ses impressions en système, ne transformait pas ses réticences en convictions ; la politique demeurait ainsi un terrain où son esprit n'abordait pas, un horizon inaccessible de sa pensée et comme une perpétuelle leçon d'humilité.
Ainsi le Padawan fut-il soulagé que son camarade écartât ce sujet de la conversation et soulagé encore qu'Ulrich interrompît sa diatribe à l'encontre de l'Ordre. Il était devenu évident que leurs positions, en profondeur, étaient inconciliables et Orme préférait de loin ne pas voir en Ulrich l'ennemi qu'il était peut-être. Continuer cette conversation ne pouvait que les porter à une méfiance réciproque dans laquelle Orme n'avait guère envie de tomber.
De toute façon, une faiblesse grandissante lui murmurait qu'il était temps, sans doute, de prendre un peu de repos. La journée avait été longue et la nuit se faisait fraîche ; s'il n'avait pas envie de continuer à tousser comme un malpropre, Orme avait tout entouré à regagner l'enceinte du Temple. Il venait de se relever lorsqu'Ulrich prononça ses derniers mots.
Le Padawan resta debout sur le rocher, un peu incertain. Il ne voulait pas laisser son complexe d'infériorité galopant brouiller son jugement, mais il lui avait semblé que son camarade préférait de très loin demeurer seul que s'engager dans des conversations qu'il devait juger un peu stériles. Alors, pourquoi, soudainement, lui demander de rester ? Orme doutait que l'exposé de ses vues antagonistes eût beaucoup suscité la sympathie du jeune homme.
— Eh bien...
Orme passa une main dans ses cheveux désordonnés.
— Il fait froid. Et on va dire que j'suis pas forcément très... En forme.
L'art des euphémismes. Mais Orme avait passé bien trop d'heures seul lors de ses premiers mois au Temple pour laisser Ulrich en plan sans rien dire.
— Mais tu peux m'accompagner. On pourrait...
Bon, les distractions n'abondaient certes pas au Temple Jedi. Mais ils trouveraient certainement quelque chose à faire une fois sur place, quand la température aurait atteint des degrés plus acceptables. Il y avait bien les tours d'observation, les simulateurs de vol, les tables de dejarik, la nourriture. Orme n'était pas un maître dans l'art du divertissement — en tout cas, du divertissement d'intérieur — mais toutes ces solutions lui paraissaient préférables à la perspective de rester seul, dans la nuit froide, avec une bouteille d'alcool.
Cela dit, il était loin d'être certain que le caractère de son camarade s'accorderait tout à fait à ces plaisirs bien innocents.
— J'sais pas. Mais on trouverait bien.
Fort heureusement, Orme ne songeait pas à entamer une carrière dans la publicité. Après ce brillant argumentaire commercial, il resta debout sur le rocher, à attendre la décision d'Ulrich.
Invité
# Re: Sur l'onde et sous les cieux [PV : Ulrich] - Mar 6 Mar 2012 - 22:41
- Spoiler:
Je "pouvais" l'accompagner. Il m'en accordait le droit. Alors, c'était ça ? Est-ce que j'avais l'air si pathétique ? Sur ce rocher, avec pour seule compagnes ma bouteille et mes cigarettes. Ce harem destructeur avait au moins le mérite de ne jamais m'avoir abandonné.
Il fallait croire que le ciel avait décidé de me venir en aide. Quelques gouttes de pluie commencèrent à tomber, comme pour me fournir l'ultime prétexte de ne pas m'adonner à la solitude. Quelques clapotement réguliers apparaissaient à la surface de l'étendue d'eau. Si cette agréable mélodie faisait office de berceuse, elle céda en l'espace de quelques secondes sa place à une averse diluvienne. Si le destin m'avait fourni l'excuse de rallier mon partenaire sans hésiter, je ne lui en demandais pas tant. Toujours assis, j'observais le visage fragile du jeune homme. C'est alors qu'il s'illumina à l'extrême. L'espace d'une fraction de seconde, une lumière blanche intense perça la densité végétale. Le temps reprit son cours, et cet irréel instant prit fin au crépitement tonitruant du tonnerre. Le climat d'Ondéron était décidément aussi hasardeux que déplorablement irrégulier. Je me levai alors, le pouce machinalement hissé sur l'embout du spiritueux, pour que l'eau ne se mélange pas au nectar.
-On dirait que je n'ai pas le choix.
Je lançai un ultime regard à la bouteille. Je la portai alors à mes lèvres, pour ne pas l'avoir en vain dissimulée dans la jungle qui cernait le temple. Le liquide coulait dans ma gorge, comme un doux venin. J'en avais avalé une quantité impressionnante. Partie d'un abrupte mouvement de bras, la bouteille fut projetée dans les airs, pour lourdement finir dans l'étang. Le contenu restant s'y déversa. Je toisais le paysage en contrebas, d'un regard cynique.
-Il fallait bien purifier ces eaux, d'une façon ou d'une autre.
L'ivresse qui allait me frapper quelques minutes plus tard était à présent partagée avec cet écosystème répugnant. Je pris les devants, et entama la marche d'un pas vif et constant. La terre sous mes pieds commençait déjà à se transformer en gadoue glissante. J'en étais à présent convaincu. Revenir sur Ondéron avait définitivement été la pire erreur qu'il soit. Pourtant, ma bouche s'arqua dans sourire étrangement naturel...
Je me sentais vivre.
Invité
# Re: Sur l'onde et sous les cieux [PV : Ulrich] - Mar 6 Mar 2012 - 23:19
Orme leva les yeux vers le ciel. La pluie. Evidemment. Maintenant, ils allaient devoir patauger jusqu'au Temple. Cette planète finirait un jour par avoir raison de lui. Le jeune homme ne pouvait pas se cacher que, de temps à autre, Coruscant lui manquait. Il avait grandi dans une ville infinie et, parfois, la jungle d'Ondéron faisait naître en lui une vague sensation d'étouffement — sensation guère différente, songeait-il alors, de celle qui assaillait les natifs de ces terres végétales quand ils posaient pour la première fois le pied sur sa planète, tout au coeur du Noyau.
En relevant le col de son manteau dans une tentative dérisoire de se protéger contre l'eau à laquelle le vent battant donnait une inclination oblique, Orme plissait les paupières pour tenter d'apercevoir, malgré l'obscurité, le visage de son camarade et de déterminer si, oui ou non, il allait se décider à l'accompagner. Qu'il restât ou qu'il vînt, mais enfin, qu'il prît une décision : Orme détestait la pluie et n'avait désormais plus qu'une hâte — se mettre à l'abri.
Non, pas le choix ! Voilà, très bien. Un petit coup et c'était parti. L'esprit d'Orme s'abstint même de toute pensée désapprobatrice au spectacle de l'ultime gorgée d'Ulrich, beaucoup trop occupé par la pluie, l'orage, la boue et la distance qui les séparait du Temple. Le Padawan bondit au bas du rocher et se réceptionna avec une souplesse féline avant de se mettre en route, en compagnie de son camarade, pour le Temple Jedi.
Et il n'allait pas se plaindre du pas vif d'Ulrich : plus vite ils arriveraient, mieux ce serait. La pluie battait les larges palmes des arbres, le vent soufflait dans la canopée et, de temps à autre, dans le lointain, un éclair déchirait l'horizon. La quiétude murmurante des animaux du soir avait brusquement laissé place au concert assourdissant de la tempête, ce vacarme si courant sur Ondéron et qui intimidait souvent les tout jeunes Padawans, lors de leurs premières semaines.
Orme pour sa part se félicitait de ne s'être pas trop éloigné du Temple, dans sa recherche de distractions, une ou deux heures plus tôt. Marcher dans la boue n'était pas son plus grand plaisir dans la vie. Dans son esprit, une foule de pensées typiquement coruscantiennes naissaient : sur Coruscant, au moins, il y a des passages couverts, sur Coruscant il n'y a pas de tempêtes, sur Coruscant ceci, sur Coruscant cela.
Ces ruminations le tinrent occupé jusqu'à ce qu'ils parvinssent au Temple. L'adolescent gravit au pas de course les marches du majestueux perron qui menait au premier mur d'enceinte et, quelques mètres après lui, à l'immense hall d'entrée. Une fois enfin à l'abri, le jeune homme secoua sa tignasse brune et s'adossa au mur, à côté des portes monumentales, en posant un regard contrarié sur ses chaussures.
— P*** de planète de m***.
C'était le premier aperçu qu'il offrait à Ulrich de son langage plus que fleuri et il contrastait fort avec ce qu'il avait donné à voir de lui plus tôt. Il fallait dire que la conversation s'était ouverte en des termes bien sérieux et bien philosophiques, qui étaient loin, très loin des habitudes d'Orme. La tempête avait balayé son humeur méditative et fait ressortir son tempérament d'éternel râleur, qui balançait heureusement son sérieux monacal dans les situations plus graves.
— Non mais r'garde, on dirait qu'on a été passés dans une lessiveuse de l'armée.
Il faisait référence aux immenses machines à laver qui, sur les croiseurs, assuraient la propreté du linge de l'équipage — car il avait le don des métaphores improbables. Il était cependant aisé de deviner que, malgré ses récriminations météorologiques, il était avant tout heureux d'avoir rejoint l'enceinte protectrice du Temple et un vague sourire de soulagement flottait sur ses élèves.
D'ailleurs, ils n'étaient manifestement pas les seuls à avoir été surpris par la tempête : de temps à autre, de petits groupes de Padawans rentraient précipitamment, soit des jardins, où ils avaient goûté paresseusement aux dernières heures agréables de la journée, soit, comme eux, de la jungle. Et si certains prenaient la chose avec la philosophie froide de parfaits petits Jedis, d'autres paraissaient proches de partager la contrariété d'Orme.
En relevant le col de son manteau dans une tentative dérisoire de se protéger contre l'eau à laquelle le vent battant donnait une inclination oblique, Orme plissait les paupières pour tenter d'apercevoir, malgré l'obscurité, le visage de son camarade et de déterminer si, oui ou non, il allait se décider à l'accompagner. Qu'il restât ou qu'il vînt, mais enfin, qu'il prît une décision : Orme détestait la pluie et n'avait désormais plus qu'une hâte — se mettre à l'abri.
Non, pas le choix ! Voilà, très bien. Un petit coup et c'était parti. L'esprit d'Orme s'abstint même de toute pensée désapprobatrice au spectacle de l'ultime gorgée d'Ulrich, beaucoup trop occupé par la pluie, l'orage, la boue et la distance qui les séparait du Temple. Le Padawan bondit au bas du rocher et se réceptionna avec une souplesse féline avant de se mettre en route, en compagnie de son camarade, pour le Temple Jedi.
Et il n'allait pas se plaindre du pas vif d'Ulrich : plus vite ils arriveraient, mieux ce serait. La pluie battait les larges palmes des arbres, le vent soufflait dans la canopée et, de temps à autre, dans le lointain, un éclair déchirait l'horizon. La quiétude murmurante des animaux du soir avait brusquement laissé place au concert assourdissant de la tempête, ce vacarme si courant sur Ondéron et qui intimidait souvent les tout jeunes Padawans, lors de leurs premières semaines.
Orme pour sa part se félicitait de ne s'être pas trop éloigné du Temple, dans sa recherche de distractions, une ou deux heures plus tôt. Marcher dans la boue n'était pas son plus grand plaisir dans la vie. Dans son esprit, une foule de pensées typiquement coruscantiennes naissaient : sur Coruscant, au moins, il y a des passages couverts, sur Coruscant il n'y a pas de tempêtes, sur Coruscant ceci, sur Coruscant cela.
Ces ruminations le tinrent occupé jusqu'à ce qu'ils parvinssent au Temple. L'adolescent gravit au pas de course les marches du majestueux perron qui menait au premier mur d'enceinte et, quelques mètres après lui, à l'immense hall d'entrée. Une fois enfin à l'abri, le jeune homme secoua sa tignasse brune et s'adossa au mur, à côté des portes monumentales, en posant un regard contrarié sur ses chaussures.
— P*** de planète de m***.
C'était le premier aperçu qu'il offrait à Ulrich de son langage plus que fleuri et il contrastait fort avec ce qu'il avait donné à voir de lui plus tôt. Il fallait dire que la conversation s'était ouverte en des termes bien sérieux et bien philosophiques, qui étaient loin, très loin des habitudes d'Orme. La tempête avait balayé son humeur méditative et fait ressortir son tempérament d'éternel râleur, qui balançait heureusement son sérieux monacal dans les situations plus graves.
— Non mais r'garde, on dirait qu'on a été passés dans une lessiveuse de l'armée.
Il faisait référence aux immenses machines à laver qui, sur les croiseurs, assuraient la propreté du linge de l'équipage — car il avait le don des métaphores improbables. Il était cependant aisé de deviner que, malgré ses récriminations météorologiques, il était avant tout heureux d'avoir rejoint l'enceinte protectrice du Temple et un vague sourire de soulagement flottait sur ses élèves.
D'ailleurs, ils n'étaient manifestement pas les seuls à avoir été surpris par la tempête : de temps à autre, de petits groupes de Padawans rentraient précipitamment, soit des jardins, où ils avaient goûté paresseusement aux dernières heures agréables de la journée, soit, comme eux, de la jungle. Et si certains prenaient la chose avec la philosophie froide de parfaits petits Jedis, d'autres paraissaient proches de partager la contrariété d'Orme.
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum